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J'ai dit un mot de la restauration à Liége. Quelques détails à ce sujet deviennent nécessaires, mais il convient au préalable de résumer, en peu de lignes, les faits qui donnèrent naissance à l'insurrection.

Un point par lui-même insignifiant en fut la cause première. A propos de l'établissement d'une maison de jeu à Spa, s'était élevée la question de savoir si le prince pouvait, dans une semblable matière, disposer sans le concours des Etats. De part et d'autre on faisait arme des paix liégeoises, et surtout de la Paix de Fexhe, cette charte remarquable qui, dès le commencement du XIVe siècle, avait stipulé en faveur des libertés populaires les garanties les plus puissantes. Les esprits s'aigrirent par des voies de fait, tout au moins impolitiques de la part du pouvoir, et que dictait évidemment la crainte de perdre les profits d'un monopole immoral. De nouveaux motifs de plainte ne tardèrent pas à surgir, et l'évêque Hoensbroeck, ou plutôt son

Conseil dont il suivait aveuglément les inspirations, n'ayant pas montré la condescendance que les circonstances semblaient exiger, une explosion devint inévitable.

Le 18 août 1789, les Liégeois insurgés réclamèrent le rétablissement de leurs antiques Paix si souvent enfreintes, par le pouvoir, et particulièrement l'abrogation de certain réglement imposé, en 1684, par Maximilien de Bavière, réglement arbitraire qui avait faussé complètement le système représentatif du pays. Le prince céda, et le peuple, fort de cet assentiment, procéda sans retard au redressement de ses griefs, et au renouvellement d'une magistrature obséquieuse qui avait été choisie conformément au réglement dont l'abrogation venait d'être décrétée. Les Etats étaient convoqués par l'évêque pour délibérer sur les modifications à apporter aux institutions constitutionnelles, lorsque le 27 août, on apprit qu'il avait, pendant la nuit précédente, quitté furtivement son palais de Seraing. Il partit, prétextant que son repos et sa santé pouvaient être compromis par les discussions qui allaient s'ouvrir; c'était, assurait-il, l'unique cause de son absence momentanée, et son intention n'était aucunement de porter plainte à la Chambre impériale de Wetzlaer dont ressortissait, comme partie intégrante de l'empire germanique, la principauté de Liége.

Ce tribunal suprême n'avait pas attendu la dénonciation de la partie lésée ; le jour même ou Liége apprenait avec surprise le départ de son souverain, un décret rendu d'office, du moins on le disait ainsi, déléguait les princes du cercle du Bas-Rhin et de Westphalie pour mettre les rebelles à la raison et rétablir les

choses en l'état où elles se trouvaient avant l'insurrection. Le roi de Prusse, en qualité de duc de Clèves, se vit donc investi, avec le prince-évêque de Munster et le duc de Juliers, de cette mission délicate. Le motif qui l'avait porté à encourager la révolution belge le guida dans cette nouvelle circonstance, et il envoya sur les lieux, prétenduement pour obtenir une juste appréciation des faits, M. De Dohm son représentant au cercle du Bas-Rhin.

L'évêque Hoensbroeck s'était retiré dans l'électorat de Trèves. Les Etats firent auprès de lui des démarches pour l'engager à revenir; il s'y refusa. La situation de Liége lui en rendait, disait-il, le séjour impossible, et sa santé d'ailleurs continuait à exiger du repos ; il se réservait d'approuver, s'il le jugeait nécessaire, ce qu'il appelait des changemens à la constitution, et ce qui n'en était en réalité que le rétablissement.

Tout en cherchant à obtenir la révocation de la sentence prononcée contre eux, les Etats décrétèrent, le 12 octobre, le redressement définitif des griefs de la nation. Des troubles intérieurs avaient éclaté ; le prince s'en servit pour refuser sa sanction et pour solliciter l'exécution immédiate du décret rendu en sa faveur. Le cabinet de Berlin ne consentit à s'en charger qu'à certaines conditions. Il promit aux Liégeois de s'employer pour obtenir du prince les changemens demandés, et exigea d'eux à son tour que les magistrats récemment nommés fussent remplacés par des intérimaires, jusqu'à ce que l'on procédât à de nouvelles élections, conformément aux dispositions en vigueur avant le réglement de 1684; ces dispositions n'avaient pu, vu l'urgence, être observées ni même déterminées lors des

élections du mois d'août, et l'on avait dû réunir des espèces d'assemblées primaires. Les Liégeois agréèrent les dispositions de Fréderic-Guillaume, aux yeux duquel l'abrogation du réglement devenait un fait consommé par l'assentiment de l'évêque lui-même et l'armée prussienne, avec celle du duc de Juliers, prit d'une manière amicale possession du territoire insurgé ; le représentant du prince-évêque de Munster n'avait pas voulu se prêter à cette voie conciliatrice.

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Le souverain exilé déclara alors que ces concessions avaient été extorquées par la violence, et s'obstina à réclamer l'exécution rigoureuse de la sentence de Wetzlaer; le 4 décembre intervint un nouveau décret confirmatif du premier. La Prusse refusa de l'exécuter; c'eût été manquer à ses engagemens et aux conditions qui lui avaient facilité l'entrée du territoire liégeois.

Il s'agissait donc de savoir si, comme le demandaient les insurgés, l'arrangement à intervenir précéderait le retour du prince, ou bien si, aux termes de la décision de la chambre impériale, sa réintégration s'effectuerait préalablement, sauf à lui à décider ensuite dans sa sagesse s'il y avait lieu d'accéder aux réclamations de ses sujets.

Fréderic-Guillaume lui-même écrivit plusieurs lettres à l'évêque Hoensbroeck pour l'engager à accepter un accommodement qu'il s'offrait de lui faire obtenir. Sollicitations inutiles! Le faible prélat, entraîné par des conseillers vindicatifs, rejeta sa médiation avec dédain et persista dans sa détermination première. Ce refus, et l'exemple de ce qui se passait en France, achevèrent d'exaspérer les esprits. On commença à projeter une assemblée nationale, à parler d'une séparation des pou

voirs spirituel et temporel du souverain, à distinguer la principauté de l'évêché.

Les autres provinces de la Belgique, affranchies de la domination autrichienne, avaient entretemps envoyé des députés à Liége, pour concerter les bases d'une alliance entre les deux révolutions. Le roi de Prusse n'ayant pu ni fléchir le courroux du prince-évêque, ni obtenir la révocation des sentences de Wetzlaer, regardant d'ailleurs comme dangereuse une exécution qui pouvait, disait-il, compromettre sa propre dignité et les intérêts bien entendu de celui au profit duquel on la prescrivait, donna à son armée l'ordre d'évacuer Liége, ce qu'elle effectua le 16 avril 1790. Trois jours après, un nouveau décret de la chambre impériale chargea quatre autres cercles d'exécuter sans délai ses décisions.

L'opiniâtreté de l'évêque Hoensbroeck eut pour résultat de faire entièrement méconnaître ce qui lui restait d'autorité; on détruisit ses armoiries partout où il s'en trouva, on décréta la saisie de ses revenus pour subvenir aux frais qu'avait occasionnés le séjour des troupes exécutrices, on mit sur pied une force militaire pour s'opposer à l'invasion, et le prince de Rohan fut proclamé régent du pays avec un conseil composé de membres des trois ordres des Etats.

Un corps d'armée s'était réuni pour mettre à exécution les décrets de Wetzlaer. Les Liégeois résistèrent. Après plusieurs mois passés en escarmouches et en négociations, il intervint à Francfort une convention entre les membres composant le collége électoral réuni pour le choix d'un empereur. Cette convention en quinze articles, qu'on appela les quinze articles de pénitence,

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