Imágenes de páginas
PDF
EPUB

:

Qu'on se rassure donc il ne s'agit, en réhabilitant l'étranger, ni de sacrifier les droits des citoyens, ni de froisser les exigences de l'honneur national. L'entraînement du devoir est ici d'accord avec les exigences de l'intérêt. Croyons-en le témoignage d'une voix grave et impartiale. « Ce n'est pas, disait Mr. de Serre >>en présentant à la chambre des pairs le projet de loi >>relatif à la suppression du droit d'aubaine, ce n'est >>point par un mouvement de générosité que nous vou>>lons effacer les différences relatives aux successions >>et aux transmissions de biens, c'est par calcul. »

Avant lui, et en 1789 déjà, au moment où il s'agissait de réduire au paiement du 10e le droit d'aubaine, le comte de Vergennes écrivait les lignes suivantes: «<l'objet de la loi proposée est d'appeler les étrangers en >>France et de les déterminer à y former des établis>>semens permanens. Nous n'avons aucun intérêt à >>>désirer que notre exemple soit suivi par les puis>>sances étrangères; bien au contraire, si nous avions >>quelque vœu à former à cet égard, ce serait qu'elles >> voulussent bien multiplier les gênes que les sujets du »roi éprouvent en fixant leur demeure dans leurs états, >>et qu'au lieu de les attirer chez elles par des faveurs, >>elles les repoussassent par des vexations. C'est ici l'un >>des cas où le défaut de réciprocité de la part des >>autres doit tourner essentiellement à notre avantage. »

Necker aussi avait dit en 1789. « Ce n'est pas sur la >>demande du ministère anglais qu'il faut se presser >>d'abolir le droit d'aubaine, c'est plutôt malgré lui »>qu'il faut le faire. Cette suppression ne doit pas être >> considérée comme un acte de condescendance mais >>comme un acte de politique. La réciprocité n'est

>>jamais raisonnable quand elle ne peut exister qu'à >>son propre dommage, et le droit d'aubaine est encore >>>plus nuisible aux nations qui l'exercent, qu'aux étran»gers dont on usurpe ainsi la fortune. >>

C'en est assez, ce nous semble; finissons-en donc car c'est prostituer le raisonnement que de s'en servir pour démontrer des vérités, dont l'évidence doit frapper tous les esprits et dominer toutes les consciences. Le libéralisme de 1837 ne sera pas moins généreux que l'absolutisme de 1787, et la Belgique affranchie ne se laissera pas surpasser par la France de la restauration. Il y va pour elle d'une question d'honneur, d'intérêt et d'avenir. Cette illustration, qui s'attachait jadis aux trophées de la guerre et aux lauriers de la victoire, elle peut la conquérir aujourd'hui par la sagesse de ses lois, la tolérance de ses mœurs, la dignité de ses institutions. Déjà ses lois politiques l'ont placée à la tête de la civilisation européenne, et elle ne quittera pas ce noble poste pour se remettre à la queue de la féodalité et perpétuer le legs de la barbarie. Elle a d'autres inspirations à suivre et d'autres exemples à donner: opposer au fait le droit, à la force brutale l'intelligence, répudier à jamais les préjugés de l'erreur et les exactions de la violence, laisser aux derniers représentants de l'absolutisme le triste privilége de fouler aux pieds les droits des individus et des nations, les pousser par l'excitation de l'exemple, dans les voies de la réforme appeler à elle les sympathies des peuples et placer le nouveau code du droit des gens sous la sanction des principes de la morale universelle, tels sont les devoirs qu'imposent à notre nationalité son origine démocratique, la foi des promesses et les espé

rances d'avenir. Ces devoirs, la Belgique saura les remplir, et elle sera fière de prouver au monde, en effaçant de ses lois une monstrueuse in quité, qu'il n'y a de moralité que dans la liberté, et que les peuples les plus libres sont aussi les plus justes (1).

ADELSON CASTIAU.

(1) M. le ministre de la justice vient de présenter à la chambre des représentans (séance du 5 avril), un projet de loi relatif à la réciprocité internationale en matière de succession. Espérons que la chambre s'occupera encore, dans la session actuelle, de l'examen de cet important projet, dont l'adoption ne saurait rencontrer la moindre difficulté, s'il est conforme, comme nous l'espérons, aux principes de morale et d'éternelle justice que nous avons exposés et développés.

[blocks in formation]

Don Juan d'Autriche, fils naturel de Charles-Quint, précédé de l'immense renommée qu'il avait acquise du

rant les guerres contre les Turcs, battus par lui cinq

années auparavant (2), mais entouré de toutes les défiances que jetait sur un fondé de pouvoirs un commet

(1) Il s'agit ici de la fille de Catherine de Médicis, épouse de Henri, roi de Navarre (le Béarnais), et sœur du roi de France Henri III. On sait que cette princesse était aussi célèbre par sa beauté que par la dissolution de ses mœurs et par son esprit : elle a laissé des Mémoires délicieusement écrits.

(2) Le baron de Jomini, dans l'Aperçu des principales expéditions d'outre mer, fait remarquer que la fameuse bataille de Lépante, dans laquelle les Turcs perdirent 30,000 hommes et 200 vaisseaux, arrêta Mustapha-le-Cruel dans une invasion qui eût enseveli le monde : il est permis de dire que Don Juan sauva la civilisation. C'est dans ce sens que l'on peut rappeler ces paroles de l'abbé de Choisy, dans l'Histoire de l'Eglise : « Don Juan, >> comme vengeur de la chrétienté, est le héros de toutes les »> nations. »

tant de Philippe II, était arrivé à Luxembourg le 4 novembre 1576.

Par une coïncidence singulière, les troupes espagnoles, privées de solde et livrées à l'indiscipline la plus effrayante, avaient, précisément le même jour, fait irruption dans l'opulente ville d'Anvers qu'ils avaient livrée au massacre et au pillage (1).

Bien des gens, et surtout les patriotes belges, avaient tiré de cet évènement un horoscope sinistre ; ils avaient hautement déclaré que le sang qui venait de couler, que

le

les richesses qui venaient d'être anéanties dans la première cité des Pays-Bas, annonçaient assez que ciel n'était pas pour le gouvernement nouveau qui allait s'établir (2) Don Juan lui-même frémit d'épouvante et d'indignation à la nouvelle du sac d'Anvers, la première ville maritime du monde à cette époque.

D'ailleurs, une longue expérience des maux qu'avait causés à notre malheureuse patrie l'administration de l'Espagne, portait tous les esprits à la défiance : le duc d'Albe avait trempé le sol belge d'un sang qui semblait ne pas vouloir y pénétrer, et qui restait à la surface pour crier vengeance.

Vainement, depuis six années, vingt mille têtes étaient tombées sous la hache du Conseil des Troubles (3); vainement la terreur avait été opposée à l'insurrection; vainement une nouvelle législation criminelle avait semblé offrir des facilités à la répression (4);

(1) Strada et tous les historiens.
(2) Vandervinck, l'abbé Pagi.
(3) Muller, Histoire universelle.

(4) Les édits du 9 juillet 1570.

« AnteriorContinuar »