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remarquer que Liége avait beaucoup souffert de l'état de troubles dans lequel se trouvait les Pays-Bas, soit à cause du passage fréquent des troupes espagnoles, soit par le siége que le prince-évêque et le peuple liégeois avaient eu à soutenir contre le prince d'Orange, soit enfin à cause de l'invasion des idées démocratiques et schismatiques que trouvaient des partisans hardis dans quelques nobles bourgeois de la cité. L'Evêque devait donc désirer la pacification des Pays-Bas et y prêter les mains si l'occasion se présentait; le duc d'Alançon servirait en outre de barrière au lutheranisme, cause première de la révolution. D'après cela, nous pouvons croire qu'au moment où elle apparut comme la Déesse de Grâces au milieu du peuple liégeois, la belle reine avait formé un plan d'attaque fort habile et dont certes on ne l'eût pas crue capable, à voir ses séduisantes coquetteries et sa jeune candeur.

CH. FAIDER,

Tribunaux Vhémiques.

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PROCÈS ET CONDAMNATION DE HENRI-LE-RICHE.
DUC DE BAVIÈRE.

1429.

En 1835, le docteur Tiersch, bibliothécaire à Dortmund, petite ville située en Westphalie, à 15 lieues de Cologne, y découvrit, dans le local des Archives, sous une trappe en fer, une liasse de papiers dont l'étiquette portait: Nul homme vivant, hormis un Franc Juge, ne lira ceci.

Parmi ces pièces, relatives à trois grands procès qui eurent lieu de 1420 à 1435, on trouva trente actes ayant pour objet la condamnation, par un tribunal vhémique, de Henri-le-Riche, duc de Bavière. Tous étaient remarquables; non seulement ils présentaient une procédure complète, mais encore ils faisaient connaître mieux que les traités qui ont été écrits sur ce sujet, la constitution et la puissance d'un tribunal contre lequel l'autorité impériale vint se briser plus d'une fois. Outre la plainte, les trois citations et le jugement, ce dossier contenait les lettres pleines d'arrogance et de menaces de l'empereur Sigismond, les réponses pleines de dignité et de force des Francs-Comtes, et les circulaires du tribunal vhémique portant ordre à tous les initiés d'exécuter la sentence.

Les pièces qui ont été envoyées à Dortmund, de la Westphalie, sont en original et munies des sceaux de l'empereur et des princes. Quant à celles qui ont été expédiées de Dortmund, il n'en existe que des copies, et quelquefois des minutes fort difficiles à lire.

Avant de donner l'historique du procès intenté au duc Henri, disons deux mots sur la nature de la juridiction des tribunaux vhémiques. Cette juridiction, en tant qu'elle relevait immédiatement de l'empire, sans aucune dépendance des seigneurs territoriaux, était secrète ou publique. La juridiction secrète avait pour objet en règle générale la répression des crimes, et était exclusivement exercée par les Francs Comtes et les Francs Juges, initiés aux secrets de la Vheme, conformément aux statuts publiés par Charlemagne et confirmés par ses successeurs. La jurisdiction publique s'étendait sur les affaires civiles et les moindres délits, et pouvait être exercée par tout noble ou chevalier investi de ce mandat par l'empereur. Longtemps les séances des tribunaux vhémiques, secrets et publics, se tinrent dans les mêmes lieux, et en plein air, avec cette différence cependant que les initiés seuls pouvaient assister à celles des tribunaux secrets.

Tous les habitans du Saint-Empire étaient justiciables des tribunaux vhémiques secrets, qui siégeaient même, en certains cas, comme tribunaux d'appel, et exerçaient alors le suprême pouvoir. Ainsi, quiconque ne pouvait obtenir justice devant la juridiction dont il ressortait immédiatement, trouvait un appui dans ces tribunaux. Un déni de justice quel qu'il fût suffisait pour donner à la cause un caractère vhémique.

Chaque initié (Franc Juge) était obligé, par son serment, de dénoncer au tribunal secret tout délit vhémique suffisamment établi, et de provoquer la condamnation de l'accusé; d'où il résultait que, dans le système de la procédure vhémique, la plainte emportait présomption de culpabilité, et imposait au prévenu l'obligation de se justifier par tous les moyens de droit.

Dès qu'un tribunal secret avait admis une plainte, il en donnait acte au plaignant, qui, muni de ce titre, pouvait se présenter devant tout autre siége, et y poursuivre la condamnation de son adversaire. La plainte devait être faite par un initié, et c'était aussi à un initié que l'accusé devait confier sa défense.

Les Francs Juges joignaient à la juridiction le pouvoir exécutif, et comme ils étaient répandus sur toute la surface de l'Allemagne, l'exécution de leurs sentences était presqu'inévitable.

Les tribunaux vhémiques ne pouvaient siéger que sur la terre rouge, c'est-à-dire en Westphalie, où devait également se conférer l'initiation. Il en existait un dans les environs de Dortmund, et un autre à Bodelswinck. C'est par ce dernier que fut jugé le duc Henri dont nous allons maintenant relater le procès.

Le Concile de Constance avait mis un terme au grand schisme d'Occident; mais les troubles de l'Empire continuaient, et acqueraient, chaque jour, une gravité nouvelle , par le développement de l'hérésie des Hussites. A la faveur de ces désordres, les différentes branches de la maison de Bavière, qui se prétendaient lésées par l'inégalité de partages faits à une époque antérieure, saisirent l'occasion d'en appeler à la voie des armes, pour

faire redresser les injustices dont elles se plaignaient. Deux maisons puissantes, celles de Landshut et d'Ingolstadt, se signalèrent par l'acharnement de leur lutte.

La maison de Landshut était représentée par Henrile-Riche, Comte Palatin du Rhin. Entraîné par ses passions ardentes dans une carrière de vices et de crimes, ce prince avait de bonne heure dissipé son héritage, et soulevé contre lui, par ses rapines et ses violences, les habitans des pays soumis à sa domination. Pour se soustraire à la haine qui le poursuivait, il avait été obligé de remettre les soins de son gouvernement à un haut dignitaire de l'église, et de se retirer en Prusse, où il était entré au service de l'ordre teutonique. Mais après une absence de quelques années, il revint dans ses états et reprit les rênes du pouvoir, malgré l'opposition qu'il rencontra de la part de quelques grands vassaux. Un changement profond s'était opéré en lui. A ses habitudes de prodigalité et de dissipation avait succédé un esprit d'économie et d'avarice poussé audelà de toutes les bornes. Le besoin d'amasser de l'or le tourmentait au point qu'il avait fait, disait-on, remplir d'argent et de joyaux la tour de Borghausen. Une semblable passion devait naturellement le porter à de nouveaux excès. Pour la satisfaire, il ne tarda point à recommencer le cours de ses brigandages, et à susciter aux princes, ses voisins, des querelles meurtrières.

Au nombre de ces derniers se trouvait le chef de la maison d'Ingolstadt, Louis-le-Barbu, qui, ainsi que Henri, portait les titres de Comte Palatin du Rhin et Duc de Bavière. Le caractère de ce prince était humain et pacifique. Jamais il n'avait fait mettre à mort aucun de ses vassaux, pour quelque crime que ce fût, tant il

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