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à Bruges; le trouble et la confusion continuaient de régner dans cette ville; enfermés depuis près de trois semaines dans la tour de St-Donat, les assassins du prince Charles ne parlaient point encore de se rendre, et s'y défendaient au contraire avec toute l'énergie du désespoir. Louis-le-Gros dirigea en personne les opérations de ce siége vraiment extraordinaire; il fit saper les fondements de la tour au moyen d'énormes béliers, et ce ne fut qu'au moment où elle allait s'écrouler sur leur tête que les coupables implorèrent merci ; ils sortirent un à un, pâles, livides, défigurés par la faim et des fatigues si nombreuses; ils n'étaient plus que vingt-sept. On a peine à concevoir une résistance aussi opiniâtre, et malgré le crime de ces hommes, dont leur siècle sauvage était peut-être aussi coupable qu'eux-mêmes, on se surprend quelquefois à admirer tant de vaillance. Ils avaient soutenu pendant cinq semaines les efforts d'une multitude nombreuse, aguerrie, et pour les dompter, il avait fallu la présence des plus puissants seigneurs de la Flandre et du roi de France lui-même. Tous les conjurés furent précipités du haut de la maison du comte, et ceux qui eurent le malheur de survivre quelques instants à cette horrible chute, périrent au milieu des plus atroces douleurs.

De la mort de Charles-le-Bon, date le développement de la démocratie en Flandre. Un peu plus tard, Guillaume de Normandie est chassé parce qu'il foule aux pieds les franchises qu'il avait juré de maintenir, et le seigneur français fait place à Thierry d'Alsace, au fondateur des libertés flamandes.

M. L. POLAIN.

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DU CARACTÈRE PARTICULIER DES SOCIÉTÉS ANONYMES. DES BORNES DANS LESQUELLES il convient qu'elles soient RESTREINTES.

Après tout ce qui a été écrit récemment sur les sociétés anonymes, il semblera peut-être téméraire d'aborder un pareil sujet. Que pouvons-nous dire que d'autres n'aient dit beaucoup mieux avant nous? N'y a-t-il pas dans notre fait une sorte de présomption qui, pour se faire pardonner, aurait besoin d'être justifiée, ou par la nouveauté des idées, ou par ce talent d'exécution qui sait rajeunir celles qui ont vieilli ?

Cette objection, nous avons été le premier à nous la faire, et certes, nous eussions reculé devant elle s'il se fût agi de quelque sujet propre seulement à exercer l'imagination de l'écrivain, et à exciter la curiosité du lecteur. Mais il y a ici une question grave, qui intéresse au plus haut point la prospérité du pays, et sur laquelle l'opinion publique cherche à se fixer. Il est donc bon que tous les sentimens individuels se produisent au jour avec leurs nuances diverses, que toutes les voix se fassent entendre et puissent être recueillies. Emettre

hautement son avis, c'est, à nos yeux, faire acte de citoyen. Tout ce qu'on peut exiger de celui qui se décide à prendre part à ce débat, c'est d'exprimer une opinion consciencieuse, réfléchie, impartiale, dictée par le seul amour de ce qui est juste, par le seul sentiment de ce qui est utile. Voilà tout ce que nous voulons; voilà aussi tout ce que nous promettons.

La nature du recueil dans lequel nous écrivons nous permettra d'ailleurs et nous imposera même l'obligation de consacrer entièrement aux questions de principe une attention que les journaux quotidiens doivent porter avant tout sur les faits particuliers. Ce n'est pas à dire cependant que nous voulions écrire uniquement pour les savans ceux-là rencontreront dans notre travail bien des éclaircissemens qui leur sembleront superflus, et qui pour eux le seront en effet. Mais dans une matière qui touche à tous les intérêts, nous ne croyons pas pouvoir nous dispenser de nous rendre intelligibles pour tous, dussions-nous encourir par là les reproches de quelques-uns.

Nous ne nous arrêterons point à faire ressortir la puissance bienfaisante de l'esprit d'association, à montrer tout ce que la civilisation lui doit dans le passé, tout ce qu'elle en attend dans l'avenir. Pourquoi en faire l'éloge, quand personne ne s'avise de le blâmer? pourquoi le défendre, lorsque persoune ne l'attaque? Mais l'association, toujours salutaire, immuable dans son principe, se manifeste sous des formes différentes, qui varient selon les temps, selon les lieux, et qui peuvent ne pas être toutes également heureuses. L'une de ces formes, d'origine assez récente, soulève aujourd'hui des réclamations nombreuses, elle seule est mise

en question dans le débat qui s'agite; elle seule sera l'objet de l'examen que nous allons entreprendre. Quel que soit donc le résultat auquel cet examen puisse nous conduire, on ne saurait sans injustice en inférer que nous soyons opposé en rien au principe de l'association en lui-même : nous protestons d'avance, et de toutes nos forces, contre une pareille accusation.

:

La loi reconnaît trois espèces de sociétés commerciales la société en nom collectif, la société en commandite, la société anonyme (1). Elle consacre aussi l'association en participation, union passagère, sans existence à l'égard du public, et dont nous n'avons pas à nous occuper (2).

Ce n'est point par la nature des opérations qu'elles peuvent avoir pour objet que ces trois espèces de sociétés diffèrent entr'elles. Toutes sont légalement admises à se livrer aux divers genres de spéculations qui n'ont rien d'illicite, bien que la constitution particulière de chacune d'elles la rende plus spécialement propre à certaines entreprises.

Le trait caractéristique qui les distingue, se trouve dans la manière différente dont les associés sont responsables, à l'égard des tiers, des engagemens sociaux.

Dans la société en nom collectif, tous les associés sans exception sont tenus des dettes solidairenient; ils en sont tenus sur tous leurs biens présens et futurs. La garantie des tiers ne se restreint pas ici au fonds social, c'est-à-dire, au total des mises: elle embrasse la fortune. entière de tous les associés. Tout créancier de la société

(1) Code de commerce, art. 19. (2) Code de commerce, art. 47.

est en même temps créancier personnel de tous les associés et de chacun d'eux en particulier. Cette société est la société ordinaire dans le commerce; elle forme le droit commun, elle se suppose aussi longtemps qu'il n'est pas clairement établi que les contractans ont voulu faire et ont fait réellement une société d'une nature différente.

La société en commandite s'offre avec un caractère mixte, sous le rapport de la responsabilité. Le personnel en est complexe. Elle se compose d'un ou de plusieurs associés solidairement et indéfiniment responsables, comme le sont les membres d'une société en nom collectif, et en outre d'un ou de plusieurs associés simples bailleurs de fonds, qui s'engagent seulement à apporter une mise déterminée, et qui sont dégagés de toute responsabilité, lorsqu'ils ont effectué leur apport. Ces associés qui ne sont passibles des pertes et des dettes qu'à concurrence de leur mise, et que l'on appelle commanditaires, restent inconnus au public. La garantie des tiers consiste donc ici, dans la fortune entière des associés responsables à qui l'on donne le nom de complimentaires ou de commandités, et dans le montant des sommes apportées par les simples commanditaires.

La société anonyme enfin ne comprend que des bailleurs de fonds. Personne n'y est responsable solidairement. Chacun y apporte une mise déterminée, et n'est tenu des pertes et des dettes qu'à concurrence de sa mise. La garantie du public est donc ici tout entière dans le fonds social, dans le montant des apports. C'est ce qui a fait dire que la société anonyme n'est pas une association de personnes, mais une association de capitaux.

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