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né seront pas trompées à cet égard, « qu'elles seront à l'abri » de tout acte de violence, qui ne manquerait pas d'exciter un » sentiment d'indignation universelle dans tous les pays de

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Il est difficile de concevoir comment la suspension du chef du pouvoir exécutif en France a pu démontrer la nécessité du rappel du comte de Gower, ni comment cet ambassadeur a pu communiquer au conseil exécutif provisoire une lettre de rappel motivée sur ce qu'il n'y avait pas de pouvoir exécutif. La communication même de la lettre prouvait la fausseté du motif, ou bien la détermination du cabinet britannique de ne reconnaître en France que le pouvoir exécutif qui lui convenait; en d'autres termes c'était renoncer à la neutralité dont M. Dundas affecte de décorer les sentimens de son maître.

Cependant cette démarche lui paraissait la plus conforme aux principes de neutralité que sa majesté britannique avait adoptés. Certes elle donnait une grande preuve de neutralité en rappelant son ambassadeur! mesure que l'usage constant des nations a fait considérer comme presque équivalente à une déclaration de guerre, mesure d'autant plus nuisible alors à la France qu'à l'imitation de l'Angleterre plusieurs autres puissances de l'Europe ont cru devoir rappeler également leurs ambassadeurs.

Pour mettre le comble à cette inconséquence M. Dundas se fonde sur la sollicitude de son maître pour la situation personnelle de leurs majestés très chrétiennes, et c'est pour cela même qu'il rappelle la seule personne qui pouvait être en France l'organe de sa tendre commisération, et que son ministre refuse d'avoir aucune communication officielle avec le représentant de la France en Angleterre! D'après cette lettre la neutralité du roi Georges était au moins aussi sincère que sa sensibilité.

A ces détours de la diplomatie anglaise le conseil exécutif de France opposa le langage franc et loyal qui a toujours caractérisé les agens de la République; il répondit à lord Gower par

la note suivante :

Note en réponse à la communication qui a été faite par M. le comte de Gower, ambassadeur d'Angleterre.

« Le soussigné, ministre des affaires étrangères, s'est empressé de communiquer au conseil exécutif provisoire la lettre dont son excellence le comte de Gower, ambassadeur de sa majesté britannique, lui a fait part.

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» Le conseil a vu avec regret que le cabinet britannique se décidât à rappeler un ministre « dont la présence attestait les dispositions favorables d'une nation libre et généreuse, et » qui n'avait jamais été l'organe que de paroles amicales et de » sentimens de bienveillance. » S'il est quelque chose qui puisse diminuer ce regret c'est le renouvellement de l'assurance de neutralité donnée par l'Angleterre à la nation française.

» Cette assurance paraît être le résultat de l'intention sagement réfléchie et formellement exprimée par sa majesté britannique « de ne point se mêler de l'arrangement intérieur des >> affaires de France. » Uue pareille déclaration ne peut surprendre de la part d'un peuple éclairé et fier, qui le premier a reconnu et établi le principe de la souveraineté nationale; qui, substituant l'empire de la loi, expression de la volonté de tous, aux caprices arbitraires des volontés particulières, a donné l'exemple de soumettre les rois eux-mêmes à ce joug salutaire;

qui enfin n'a pas cru acheter trop cher par de longues convulsions et de violens orages la liberté, à laquelle il a dû tant de gloire et de prospérité.

» Ce principe de la souveraineté inaliénable du peuple va se manifester d'une manière éclatante dans la Convention nationale, dont le corps législatif a décrété la convocation, qui fixera sans doute tous les partis et tous les intérêts. La nation française a lieu d'espérer que le cabinet britannique ne se départira point en ce moment décisif de la justice, de la modération, de l'impartialité qu'il a montrées jusqu'à présent.

» Dans cette confiance intime, fondée sur les faits, le soussigné renouvelle à son excellence le comte de Gower, au nom du conseil exécutif provisoire, l'assurance qu'il a eu l'honneur de lui donner de vive voix que « les relations de commerce et » toutes les affaires en général seront suivies de la part du gou» vernement français avec la même exactitude et la même » loyauté. Le conseil se flatte que réciprocité sera entière de » la part du gouvernement britannique, et qu'ainsi rien n'al»térera la bonne intelligence qui règne entre les deux peu» ples.

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Signé le ministre des affaires étrangères, LEBRUN. >>

Les sentimens d'amitié et de bonne intelligence manifestés dans cette réponse furent confirmés depuis par toutes les instructions adressées successivement au citoyen Chauvelin à Londres. Ce ministre s'y conduisit avec une circonspection qui jus tifia complètement la confiance du conseil exécutif : il n'a cessé de témoigner le désir d'entretenir la bonne intelligence entre les deux nations sans compromettre la dignité d'un peuple

puissant et généreux, qui chérit la paix, mais qui ne sait pas la recevoir à des conditions humiliantes.

Les mois de septembre et d'octobre se passèrent sans que la cour de Londres parût disposée à violer, du moins ouvertement, la neutralité qu'elle avait professée : se reposant tranquillement sur les succès que se promettaient les puissances coalisées, elle comptait profiter de leurs victoires, et recueillir sans aucun sacrifice le fruit de ses intrigues. Les ministres anglais se contentèrent donc alors d'éviter soigneusement le ministre de France, d'écouter les relations de Calonne, arrivant des armées coalisées, et d'embrasser toutes ses espérances sur notre destruction prochaine, et tous les faux bruits qu'il répandait.

Ce n'est qu'en novembre que la conduite de cette cour commença à être moins mesurée : les avantages brillans remportés par nos armées firent éclater successivement toute sa jalousie, qui, pour s'être abusée par de vaines espérances, n'en devint que plus implacable. Le ministre Chauvelin s'efforça en vain de se rapprocher du ministère anglais : on affecta de ne pas le reconnaître; on affecta de considérer le gouvernement provisoire de la République comme le gouvernement de Paris, et le représentant de la nation comme l'agent d'une seule ville. Un faux bruit répandu à Londres que les armées victorieuses de la France avaient entamé la Hollande produisit plus d'effet que toutes les démarches conciliantes de Chauvelin: lord Grenville, qui n'avait répondu que d'une manière évasive à une lettre par laquelle Chauvelin lui demandait un entretien particulier, le pria dix jours après de se rendre chez lui. Nous soumettons au public les détails de cette conférence, dont le rapport se trouve dans la dépêche de Chauvelin du 29 novembre: on y verra d'un côté la loyauté, la franchise et la fermeté du ministre de la République ; de l'autre la politique astucieuse du cabinet anglais, les anciens détours de sa diplomatie, et l'étiquette vétilleuse dont il fait tant de cas.

Copie d'une lettre du citoyen Chauvelin, ministre plénipotentiaire de la République française auprès de sa majesté britannique (1).

Londres, 29 novembre 1792, l'an 1er de la République. «En entrant dans le cabinet du ministre une chaise m'a semblé m'être préparée; j'ai dérangé cette chaise, qui m'a paru une

(1) En envoyant au ministre des affaires étrangères la copie du billet par lequel lord Grenville lui demandait à le voir, le citoyen Chauvelin s'exprime ainsi :

« Je vous engagerai à faire une remarque que je regarderais comme » de très peu de valeur si la connaissance que j'ai acquise de la minu

petite déchéance intentionnelle, et je me suis emparé d'un grand fauteuil. Ce mouvement très marqué a frappé lord Grenville, qui m'a dit avec embarras : « Vous n'avez pas voulu être plus » près du feu? Il fait pourtant grand froid aujourd'hui. »

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Après un moment de silence, que j'étais bien résolu à ne pas rompre, afin de rappeler à lord Grenville que c'était lui qui avait voulu me voir aujourd'hui, il m'a dit : « Vous avez bien » voulu me proposer il y a plusieurs jours de me voir. La » crainte que la forme de notre conversation n'entraînât des » suites embarrassantes m'avait engagé à vous en demander l'objet. J'ai regretté depuis que cette question m'eût privé de l'avantage de vous voir, et je suis autorisé aujourd'hui à vous » demander de me dire ce que vous auriez bien voulu me dire >> alors.

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Avant de vous répondre, lui ai-je dit, milord, je dois vous rappeler qu'il y a aujourd'hui dix jours que je vous ai » fait proposer de causer avec vous, et que, dans la disposition » dans laquelle se trouve le monde en général, et la France en particulier, dix jours peuvent amener de bien grands changemens dans les circonstances. Par exemple, à l'époque où je vou>>> lais vous voir le général Dumouriez était dans Bruxelles ; des >> bruits odieux à la France se répandaient ici avec affectation; on y disait que sans égard pour la neutralité de la Hollande nous allions attaquer son territoire et y porter nos armées » victorieuses; on disait que ces bruits étaient accrédités auprès du ministère britannique, et que le ministre de Hol» lande le pressait vivement de préparer des secours pour son » allié. C'est alors que j'ai jugé utile aux deux pays, digne de » la franchise et de la dignité de la nation française, de vous >> voir pour vous dire ce que je savais des intentions du conseil exé» cutif de France, et vous déclarer que de tels bruits étaient » faux. A peine vous avais-je fait la proposition de vous voir, » avant que j'eusse reçu votre réponse, la déclaration du roi d'Angleterre aux états-généraux a été publiée ici : alors j'ai pensé que je n'avais plus rien à dire ; j'ai pensé que l'empres» sement de l'Angleterre à déclarer ses intentions, et à nous >> en supposer à nous que rien ne devait indiquer, devait influer sur ma conduite; que ce qui n'aurait été la veille qu'une

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» tieuse importance que les ministres anglais attachent aux moindres » formes ne me la faisait pas juger comme une indication sûre. Il est » d'usage ici qu'au lieu de mettre sur une adresse les titres et qualités » d'une personne en place on ajoute seulement trois etc. à son nom; » c'est ainsi que lord Grenville m'avait toujours qualifié avant le >>10 août. Depuis cette époque il m'avait toujours retranché les etc.; » ils m'ont été rendus hier au soir. »

explication franche, amicale et bienveillante, eût été le len» demain une satisfaction humiliante, indigne de la nation que » je représente, et que la déclaration du roi d'Angleterre ren» dait au moins inutile de ma part. Je ne vous cacherai donc » pas que j'ai profité avec empressement de la difficulté de » forme que vous m'aviez faite entretien que je éviter un ne voulais plus avoir.

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pour

» Je vous ai déjà dit, m'a répondu lord Grenville, que » j'avais regretté qu'une sorte de malentendu nous éloignât. » La langue française n'est pas la mienne : j'ai fait un mauvais >> choix d'expression en vous demandant de m'indiquer l'objet » de l'entretien ; je voulais uniquement savoir s'il ne serait que particulier. D'ailleurs je suis bien aise d'avoir à vous dire que quelques difficultés que je doive prévoir dans les circons»iances actuelles, relativement aux formes des relations que l'on pourrait avoir, ce ne seront jamais des formes qui arréteront sa majesté britannique lorsqu'il s'agira » d'obtenir des déclarations rassurantes et profitables pour · » les deux pays.

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>> Je n'en doute nullement, milord; mais vous avez pu voir » aussi que le gouvernement français s'était plus occupé depuis quelque temps des choses que des formes; qu'il avait attaché » peu d'importance à la reconnaissance des puissances neutres, » et qu'il s'était plus occupé d'abord de celle des puissances > ennemies : la France sait bien qu'elle existe, et elle est bien

sûre que les reconnaissances étrangères, dans l'acception » ancienne, suivront de près les arrangemens qu'elle jugera » convenable de faire avec les différentes puissances.

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Après un moment de silence : Je suis fâché, m'a-t-il dit, que la marche des événemens vous détermine à ne me parler qu'au passé des intentions du gouvernement actuelle»ment établi à Paris.

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Un moment, milord, je vais répondre à votre demande; » mais avant veuillez me parler du gouvernement de la >> France: c'est la France entière qui le veut, c'est la France » entière qui l'a établi, c'est elle tout entière qui le main» tiendra; jamais la majorité des Français en faveur de la révo» lution n'a été aussi marquée qu'aujourd'hui. La République » est déjà ancienne : des triomphes valent bien des années pour > reculer les époques. Ces triomphes c'est par les sacrifices de » tous qu'ils ont été achetés; chacun de nous pourrait-il jamais >> consentir à en perdre le fruit? En un mot la République fran»çaise est aujourd'hui l'institution la plus solide de l'Europe. » Ce n'est pas pour elle, ce n'est pas pour remplir un devoir que je vous dis cette vérité; c'est pour vous, milord : c'est je crois

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