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sur laquelle l'opinion de l'Angleterre et peut-être même celle de a Hollande sont assez connues pour qu'il soit difficile d'en faire sérieusement l'unique sujet d'une guerre. Si pourtant le ministère britannique saisissait ce dernier motif pour faire déclarer la guerre à la Frauce, ne serait-il pas probable alors que son intention secrète aurait été d'amener une rupture à tout prix, et qu'il profiterait aujourd'hui du plus vain de tous les prétextes pour colorer une agression injuste et méditée depuis longtemps.

» Dans cette funeste supposition, que rejette le pouvoir exécutif, le soussigné serait autorisé à soutenir énergiquement la dignité du peuple français, et à déclarer avec fermeté que ce peuple libre et puissant accepterait la guerre, et repousserait avec indignation une agression aussi manifestement inique, et aussi peu provoquée de sa part. Lorsque toutes les explications propres à démontrer la pureté des intentions de la France, lorsque tous les moyens paisibles et conciliatoires auraient été épuisés par elle, il est évident que tout le poids, toute la responsabilité de la guerre retomberait tôt ou tard sur ceux qui l'auraient provoquée. Ce ne serait réellement qu'une guerre du seul ministère contre la République française, et si cette vérité pouvait paraître un moment douteuse il ne serait peut-être pas impossible à la France d'en convaincre bientôt une nation qui, en donnant sa confiance, n'a jamais renoncé à l'exercice de sa raison, à son respect pour la vérité et pour la justice.

» Telles sont les instructions que le soussigné a reçu ordre de communiquer officiellement à lord Grenville, en l'invitant, ainsi que le conseil de sa majesté britannique, à peser avec la plus sérieuse attention les déclarations et les demandes qu'elles renferment. Il est évident que la nation française désire de conserver la paix avec l'Angleterre; elle le prouve en se prêtant avec franchise ei loyauté à dissiper tous les soupçons que tant de passions et de préjugés divers travaillent sans cesse à élever contre elle; mais plus elle aura fait pour convaincre l'Europe entière de la pureté de ses vues, de la droiture de ses intentions, plus elle aura droit de prétendre à n'être pas plus longtemps

méconnue.

» Le soussigné a ordre de demander une réponse par écrit à la note présente; il espère que les ministres de sa majesté britannique seront ramenés par les explications qu'elle renferme à des idées plus favorables, au rapprochement des deux pays, et n'auront pas besoin pour y revenir d'envisager la responsabilité terrible d'une déclaration de guerre qui serait incontestab.ement leur ouvrage, dont les suites ne seraient que funestes aux deux pays et à l'humanité tout entière, et dans laquelle un

peuple généreux et libre ne pourrait consentir longtemps à trahir ses propres intérêts en servant d'auxiliaire et de renfort à une coalition tyrannique. »

Cette note conciliante, qui répondait à tous les grief, que le ministère britannique avait mis en avant pour cacher sa malveillance, aurait produit dans toute autre circonstance les effets les plus salutaires; mais le parti qu'il avait pris de rendre toutes les négociations illusoires en refusant de reconnaître le caractère représentatif du citoyen Chauvelin lui servit encore pour repousser avec dédain les ouvertures que ce ministre avait faites au nom de la République. La réponse de lord Grenville met dans le jour le plus odieux la mauvaise foi et l'obstination de

sa cour.

Copie de la réponse de lord Grenville à la note du citoyen Chauvelin du 27 décembre.

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A Whitehall, le 31 décembre 1792.

J'ai reçu, monsieur, de votre part une note dans laquelle, en vous qualifiant ministre plénipotentiaire de France, vous me faites part, comme secrétaire d'état du roi, des instructions que vous me dites avoir reçues du conseil exécutif de la République française. Vous n'ignorez pas, monsieur, que depuis les malheureux événemens du 10 août «< sa majesté a jugé à propos de suspendre toute communication officielle avec la France. » Vous n'êtes vous-même accrédité auprès du roi que de la part de sa majesté très chrétienne. La proposition de recevoir un ministre accrédité de la part de quelque autre autorité ou pouvoir en France serait une question nouvelle, laquelle, au moment où elle se présenterait, sa majesté aurait le droit de décider d'après les intérêts de ses sujets, sa propre dignité, et les égards qu' qu'elle doit à ses alliés ainsi qu'au système général de l'Europe. Je dois donc vous informer, monsieur, dans des termes précis e! formels, que je ne vous reconnais d'autre caractère public qe celui de ministre de sa majesté très chrétienne, et que par cséquent vous ne pouvez pas être reçu à traiter avec le ministère du roi dans la qualité et sous la forme dont il est question dans votre note.

» Mais ayant vu que vous êtes entré dans des explications sur quelques-unes des circonstances qui ont donné à l'Ang eterre des motifs si bien fondés d'inquiétude et de jalousie, et que vous annoncez ces explications comme étant de nature à rapprocher nos deux pays, je n'ai pas voulu vous faire la notification ci-dessus sans m'expliquer en même temps d'une manière

claire et directe au sujet de ce que vous m'avez communiqué, quoique sous une forme qui n'est ni régulière ni officielle. » Vos explications se réduisent à trois points.

» Le premier est celui du décret de la Convention nationale du 19 novembre, dans les expressions duquel toute l'Angleterre a vu la déclaration formelle d'un dessein de propager partout les nouveaux principes de gouvernement adoptés en France, et d'encourager le trouble et la révolte dans tous les pays, même neutres. Si cette interprétation, que vous représentez comme injurieuse à la Convention, pouvait paraître douteuse, la conduite de la Convention elle-même ne l'a que trop justifiée, et l'application de ces principes aux états du roi a été démontrée d'une manière non équivoque par la réception publique accordée aux séditieux de ce pays, aussi bien que par les discours qu'on leur a tenus précisément dans le temps de ce décret, et depuis à plusieurs reprises.

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Cependant malgré toutes ces preuves, appuyées par d'autres circonstances qui ne sont que trop notoires, on aurait vu ici avec plaisir des explications et une conduite propres à satisfaire à la dignité et à l'honneur de l'Angleterre sur ce qui s'est déjà passé, et aussi à offrir pour l'avenir une sûreté suffisante pour le maintien de ce respect envers les droits, les gouvernemens et la tranquillité des puissances neutres, auquel elles ont à tous égards le droit de s'attendre.

» Ni cette satisfaction ni cette sûreté ne se trouvent dans les termes d'une explication qui annonce encore aux séditieux de toutes les nations quels sont les cas dans lesquels ils peuvent compter d'avance sur l'appui et le secours de la France, et qui réserve à la France le droit de s'ingérer dans nos affaires intérieures au moment où elle le jugera à propos, et d'après des principes incompatibles avec les institutions politiques de tous les pays de l'Europe. Personne ne peut se dissimuler combien une pareille déclaration est propre à encourager partout le désordre et la révolte; personne n'ignore combien elle est contraire au respect que les nations indépendantes se doivent réciproquement, ni combien elle répugne aux principes que le roi a suivis de son côté en s'abstenant toujours de se mêler, de quelque manière que ce fût, de l'intérieur de la France; et ce contraste doit seul suffire pour démontrer non seulement que l'Angleterre ne peut considérer comme satisfaisante une pareille explication, mais qu'elle a tout lieu de la regarder comme un nouvel aveu de ces dispositions qu'elle voit avec une si juste inquiétude et jalousie.

» Je passe aux deux autres points de votre explication, qui concernent les dispositions générales de la France à l'égard des

alliés de la Grande-Bretagne, et la conduite de la Convention et de ses officiers relativement à l'Escaut. La déclaration que vous y faites « que la France n'attaquera point la Hollande tant que cette puissance observera une exacte neutralité » est conçue

à peu près dans les mêmes termes que celle dont vous avez été chargé de la part de sa majesté très chrétienne au mois de juin dernier. Depuis cette dernière déclaration un officier se disant employé au service de France a violé ouvertement le territoire et la neutralité de la république en remontant l'Escaut pour attaquer la citadelle d'Anvers, nonobstant la détermination du gouvernement de ne pas accorder ce passage, et la protestation formelle par laquelle il s'y est opposé. Depuis la même déclaration la Convention s'est crue autorisée d'annuller les droits de la république, qu'elle exerce dans les limites de son propre territoire, et dont elle jouit en vertu des mêmes traités qui lui assurent son indépendance; et au moment où, sous le nom d'une explication amicale, vous me renouvelez dans les mêmes termes l'engagement de respecter l'indépendance et les droits de l'Angleterre et de ses alliés, vous m'annoncez que ceux au nom desquels vous parlez sont dans l'intention de soutenir ces agressions ouvertes et injurieuses.

» Ce n'est pas certainement sur une pareille déclaration que l'on pourra compter pour la continuation de la tranquillité publique.

» Mais je ne veux pas laisser sans une réplique plus particulière ce que vous me dites au sujet de l'Escaut. S'il était vrai que cette question fût en elle-même de peu d'importance, il n'en serait que plus évident qu'elle n'aurait été mise en avant qu'avec le dessein d'outrager les alliés de l'Angleterre par l'infraction de leur neutralité et par la violation de leurs droits, que la foi des traités nous oblige de leur maintenir; mais vous ne pouvez pas ignorer qu'on attache ici la plus grande importance aux principes que la France veut établir par cette démarche, et aux conséquences qui en résulteraient nécessairement, et que non seulement ces principes et ces conséquences ne seront jamais consentis par l'Angleterre, mais qu'elle est et sera toujours prête à s'y opposer de toutes ses forces.

» La France ne peut avoir aucun droit d'annuler les stipulations relativement à l'Escaut, à moins que d'avoir aussi le droit de mettre pareillement de côté tous les autres traités entre toutes les puissances de l'Europe, et tous les autres droits de l'Angleterre ou de ses alliés; elle ne peut même avoir aucun titre de se mêler de la question de l'ouverture de l'Escaut, à moins que d'être souveraine des Pays-Bas, ou d'avoir le droit de dicter des lois à toute l'Europe.

>> L'Angleterre ne consentira jamais que la France puisse s'arroger le droit d'annuler à sa volonté, et sous le prétexte d'un droit prétendu naturel dont elle se fait le seul arbitre, le système politique de l'Europe, établi par des traités solennels, et garanti par le concours de toutes les puissances. Le gouvernement, fidèle aux maximes qu'il a suivies pour plus d'un siècle, ne verra jamais non plus d'un œil indifférent la France s'ériger directement ou indirectement en souverain des Pays-Bas ou en arbitre général des droits et des libertés de l'Europe. Si la France désire réellement de conserver l'amitié et la paix avec l'Angleterre, il faut qu'elle se montre disposée à renoncer à ses vues d'agression et d'agrandissement, et à se tenir à son propre territoire sans outrager les autres gouvernemens, sans troubler leur repos, sans violer leurs droits.

>> Pour ce qui est du caractère de malveillance que l'on s'efforce de trouver dans la conduite de l'Angleterre avec la France, il m'est impossible de le discuter puisque vous n'en parlez que dans des termes généraux, sans alléguer un seul fait. Toute l'Europe a vu la justice et la générosité qui out caractérisé la conduite du roi : sa majesté a toujours désiré la paix; elle la désire encore, mais réelle et solide, et telle qu'elle soit compatible avec les intérêts et la dignité de ses états, et avec la sûreté générale de l'Europe.

» Je ne vous dis rien sur le reste de votre papier. Quant à ce qui me regarde, moi et mes collègues, c'est à sa majesté que ses ministres doivent le compte de leur conduite, et je n'ai point de réponse à vous donner là-dessus, non plus qu'au sujet de l'appel que vous vous proposez de faire à la nation anglaise. Cette nation, depuis la constitution qui lui assure sa liberté et sa prospérité, et qu'elle saura maintenir contre toute attaque directe et indirecte, n'aura jamais avec les puissances étrangères ni relation ni correspondance que par l'organe de son roi, d'un roi qu'elle chérit et qu'elle respecte, et qui n'a jamais séparé un instant ses droits, ses intérêts et son bonheur, des droits, des intérêts et du bonheur de son peuple.

» J'ai l'honneur d'être avec la plus grande considération, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

» GRENVILLE. »

Peu content de donner à la nation française ces preuves publiques de sa malveillance, en lui supposant des intentions qu'elle avait formellement désavouées, et des vues qui étaient évidemment contraires aux intérêts mêmes de la France, le ministère britannique s'occupa des moyens de vexer les citoyens français que le commerce ou d'autres affaires personnelles pour

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