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RELATIONS AVEC LES COURS D'ITALIE.

Ferdinand III, frère de l'empereur d'Autriche, et grand duc de Toscane, est le seul prince d'Italie qui resta fidèle à la France: il reconnut le premier la République, et entretint avec elle des relations franches et amicales; il accueillit et protégea les citoyens français échappés aux trahisons de la cour de Rome; entraîné quelque temps et malgré lui dans la coalition générale, il s'empressa de rétablir la paix et l'harmonie entre ses états et la République aussitôt que la coalition fut contrainte d'abandonner l'Italie aux armées françaises. La conduite de Ferdinand le rendait digne de succéder à Léopold, dont la mémoire sera toujours vénérée en Toscane, mais qui, arbitre de l'Europe, eut le malheur de compromettre en quelques jours vingt-cinq années de sagesse (1).

Un autre Ferdinand, roi de Naples, gouverné par sa femme, avait laissé faire en son nom des démarches outrageantes à la République : le conseil exécutif en demanda satisfaction, et l'obtint. Ferdinand promit à la vue d'une escadre française; bientôt après il se dégagea sous l'influence de l'Angleterre : la coalition compta un roi de plus, et la République un faux ami de moins. Mais consignons ici les détails de la mission qui eut pour objet d'obtenir une première satisfaction du roi de Naples; mission remplie avec toute la fierté républicaine, au résultat de laquelle la France entière applaudit, et qui ouvrit la carrière politique à un simple grenadier de la garde nationale parisienne (2).

(1) Léopold, si célèbre par son administration en Toscane, parvint au trône impérial après la mort de Joseph II, en 1790; l'année suivante il signa la déclaration de Pilnitz ; il mourut au commencement de 1792.

(2) Belleville devint successivement commissaire général, intendant, préfet, maître des requêtes, commandant de la Légion-d'Honneur,.etc.

RAPPORT fait à la Convention nationale par le grenadier Belleville sur une satisfaction demandée à Ferdinand IV, roi de Naples, au nom de la République française. (Séance du 6 janvier 1793.)

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Citoyens représentans, il n'y a point de Français qui ne conserve dans son cœur le souvenir des insultes que les petits despotes d'Italie se permirent contre nous dans les premiers jours de notre révolution. Entre ceux dont les vexations furent le plus injurieuses, le roi de Naples devait se distinguer comme Bourbon et comme mari d'une Autrichienne; aussi il ne se borna pas à renvoyer de ses états plusieurs Français, à faire des préparatifs pour s'allier avec cette foule d'autres tyrans qui craignaient pour leur injuste autorité; il fit de plus intriguer par son ministre à la Porte Ottomane, et répandre des calomnies atroces contre l'ambassadeur de France nommé pour remplacer le traître Choiseul.

» Louis Capet et ses dignes ministres, loin de punir d'aussi coupables attentats, avaient dévoré ces outrages; peut-être les avaient-ils provoqués : mais le jour de la vengeance est arrivé. Pendant que nos braves bataillons repoussaient les hordes des barbares auxquels on avait ouvert le territoire français, tandis que les rois de Sardaigne, de Prusse et de Hongrie étaient humiliés et vaincus par les troupes de la République, le conseil exécutif a donné l'ordre au contre-amiral Latouche de prendre une division de dix vaisseaux dans l'armée navale de la Méditerranée, de se présenter devant Naples, et de demander au roi des Deux-Siciles des réparations pour ses démarches passées et des explications sur sa conduite future.

» Les instructions, rédigées par le citoyen Monge, et dictées par la fierté républicaine, ont été remises en de dignes mains. Le citoyen Latouche, dans le mois le plus redouté des marins, a bravé les orages ; il est arrivé devant Naples le 16 décembre à midi: l'escadre, dans le plus bel ordre, a déployé aux yeux des Napolitains étonnés le spectacle à la fois le plus imposant et le plus formidable.

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» On avait fait à Naples des préparatifs immenses; la rade

était bordée de quatre cents canons tous autres que des Français auraient hésité à s'enfoncer dans un golfe dangereux, et à venir affronter les accidens de la mer et les efforts de l'art; mais la patrie avait parlé ; les ordres étaient précis ; le général, les officiers, les citoyens de l'escadre n'ont rien vu de plus.

» A l'ouverture du golfe un capitaine du port vint de la part du roi de Naples offrir l'entrée à l'escadre au nombre seulement de six vaisseaux, en observant qu'on ne pourrait se dispenser de regarder comme un acte d'hostilité l'arrivée devant Naples d'un plus grand nombre de bâtimens de guerre.

» Le contre - amiral répondit qu'il ne diviserait point son escadre, qu'il allait jeter l'ancre sous les fenêtres du palais du roi ; qu'un seul citoyen descendrait à terre pour lui porter une lettre, et lui faire connaître les intentions de la République ; mais que si l'on osait tirer un seul coup de canon il en rendrait mille pour un, et ne sortirait de devant Naples qu'après l'avoir détruite.

» Le capitaine du port vit le vaisseau du contre- amiral Latouche : le branle-bas général de combat était fait; chacun était à son poste; les mèches étaient allumées; tous les autres vaisseaux étaient également prêts à lancer la destruction et la mort. Le général fit observer que quoiqu'il vînt avec des sentimens de paix pour le peuple de Naples, il était cependant déterminé, sur le moindre refus du roi, à venger l'honneur national, et à faire un usage terrible des forces qui lui étaient confiées.

» Je fus chargé de porter au roi de Naples la lettre du contreamiral : dans les termes les plus énergiques il demandait au ro1 que le ministre de la République fût reconnu, que la neutralité fût promise, que la note proclamée à Constantinople fût désavouée, que le ministre insolent qui avait osé la répandre fût puni et rappelé, qu'il fût envoyé auprès de la République un ambassadeur qui renouvelât ce désaveu, entretînt la bonne harmonie entre les deux puissances, et préparât un nouveau traité qui pût être également utile au commerce des deux peuples. Le contre-amiral m'ordonna de faire observer que le refus d'une seule de ces demandes serait regardé comme une déclaration de guerre ; qu'un moment après son feu s'ouvrirait

que dans une heure les batteries ennemies seraient démontées, et que dans un jour Naples ne serait plus qu'un monceau de ruines.

>> Dans les instructions qui me furent données le citoyen Latouche m'avait imposé l'ordre le plus absolu de ne souffrir de la part du roi de Naples aucun mot, aucun mouvement même dont pût avoir à s'offenser la majesté du peuple souverain dont j'allais manifester les volontés.

» Le citoyen Mackau, ministre de France à Naples, et qui dans cette circonstance a montré toute l'énergie d'un républi→ cain, m'accompagna au palais. La lettre fut remise au roi, qui dans l'instant consentit à toutes les demandes du contreamiral français : il accueillit au milieu de toute sa cour le soldat de la République avec beaucoup d'égards; il fit inviter le commandant et les officiers de l'escadre à descendre à terre, et fit offrir pour les équipages tous les rafraîchissemens dont ils auraient besoin.

» Dans sa réponse le roi de Naples, en accédant à tout, avait inséré l'offre de sa médiation : j'observai que je ne pouvais accepter une pareille offre sans qu'auparavant elle eût été soumise à mon général, et que je ne pouvais lui porter que le projet de la lettre proposée.

» Le citoyen Latouche rejeta cet offre, en mettant en marge que la République n'attendait la paix que du courage de ses braves soldats et de l'abaissement de ses ennemis.

» Il me donna l'ordre d'aller prendre congé du roi, de lui dire que les citoyens commandant les vaisseaux de la République étaient appelés à la délivrance de la Sardaigne, et que, satisfaits d'avoir trouvé un ami dans le roi des Deux-Siciles, ils allaient profiter du vent favorable pour mettre à la voile. Personne n'est descendu à terre, et personne n'a désiré y descendre: le général, les officiers, les citoyens de l'escadre, en vrais républicains, ont dédaigné les amorces insidieuses des cours, et ils sont partis après n'être resté que vingt heures devant Naples.

» Le contre-amiral Latouche m'a envoyé porter au ministre de la marine les détails officiels de cette expédition, ainsi que la lettre écrite au nom du roi de Naples en réponse à celle que je lui avais portée.

» Je me trouve heureux d'avoir à annoncer plus qu'une vic

toire, puisqu'on a épargné le sang du peuple napolitain, et les peuples sont frères; puisque l'honneur de la République a été vengé, et puisque surtout le sang français, si précieux pour la gloire et la prospérité de la patrie, n'a point été répandu.

» Cette nouvelle porte dans le moment un très grand intérêt, non parce qu'un roi de plus a été humilié, déjà la République y est accoutumée, mais parce que si la jalousie et l'intrigue obligent la France à combattre sur mer de nouveaux ennemis, elle peut aussi compter sur de nouveaux triomphes. L'union des chefs, le zèle des équipages, le patriotisme ardent et infatigable des braves marins vaincront tous les obstacles, et braveront toutes les puissances qui oseraient nous attaquer.

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Qu'ils sont lâches et perfides ces officiers de la marine ci-devant royale qui, après avoir indignement abandonné leur patrie, ont osé calomnier chez l'étranger les généreux citoyens qui commandent aujourd'hui les vaisseaux de la République! Plus braves, plus instruits, les intrépides marins sont aimés des équipages; tous brûlent d'avoir à venger l'honneur de la patrie, et leur injure personnelle. La discipline, le bon ordre, le courage des armées navales promettent donc à la République de nouvelles victoires, et tous les élémens seront les témoins et le théâtre de sa gloire.

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Lettre du contre-amiral Latouche au roi de Naples Ferdinand IV. A bord du vaisseau de la République le Languedoc, le 17 décembre 1792, an premier de la République.

« Roi de Naples, je viens au nom de la République française demander à votre majesté une réparation éclatante de l'insulte faite à ma nation par son ministre le général Ludolf, qui dans une note dont je joins ici copie s'est permis d'outrager le citoyen français Sémonville, investi de la confiance nationale, et son ambassadeur à la Porte-Ottomane. Je suis chargé de demander à votre majesté si elle avoue cette note, où sa développe la mauvaise foi la plus insigne ; je lui demande de me faire connaître dans une heure l'aveu ou le désaveu d'un procédé qu'un peuple fier, libre et républicain ne peut pas supporter. Si, comme je n'en puis douter, votre majesté désavoue la conduite de son ministre à la Porte, elle me le fera connaître; elle le punira en lui retirant sa confiance, et elle enverra auprès de la République un ambassadeur qui renouvellera ce désaveu. Si, contre toute attente, sa majesté refusait la juste satisfaction que je lui demande, j'ai ordre de regarder son refus

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