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RÉUNION DE DIVERS PAYS A LA FRANCE.-ÉVACUATION DE LA BELGIQUE.

Les principes proclamés par la Convention nationale, et portés au-delà des frontières par les armées républicaines, avaient donné aux Français et des alliés et des frères. Les vœux librement émis par les peuples, et transmis publiquement par leurs commissaires, étaient toujours la base et la condition des décrets de réunion : les objections relatives à l'agrandissement de territoire et de population, faiblement reproduites, étaient aussitôt combattues par les mêmes argumens que Grégoire avait exposés dans son rapport sur la Savoie. (Voyez plus haut.) La République se trouvait d'ailleurs dans une position telle qu'elle devait s'attacher tous les pays qui secouaient l'esclavage, afin d'opposer sur tous les points des barrières aux efforts de la coalition couronnée. Que si quelques membres se récriaient contre la promptitude avec laquelle la Convention décrétait ces réunions, souvent dans la même séance où elles étaient sollicitées, Danton leur répondait, soutenu d'une immense majorité : Je ne demande rien à votre enthousiasme, mais tout à votre raison, mais tout aux intérêts de la République française. N'avez-vous pas préjugé ces réunions quand vous avez décrété une organisation provisoire pour les pays qui seraient occupés par vos armées ? Vous avez tout consommé par cela seul que vous avez dit aux amis de la liberté : organisez-vous comme nous. C'était leur dire : nous accepterons votre réunion si vous la proposez. Hé bien, ils la proposent aujourd'hui. Les limites de la France sont marquées par la nature; nous les atteindrons dans leurs quatre points, à l'Océan, au Rhin, aux Alpes, aux Pyrénées! On vous menace des rois ! Vous leur avez jeté le gant; ce gant c'est la tête d'un roi; c'est le signal de leur mort prochaine! —D'autres orateurs, remontant à l'origine de la division des pays voisins des frontières, s'appuyant des traités, des partages d'ames et d'arpens de l'ancienne diplomatie, démontraient que ces réunions étaient de légitimes restitutions faites à la France.

Le 4 février 1793 réunion à la République du comté de Nice, sous la dénomination de département des AlpesMaritimes. (Quatre-vingt-cinquième département. ) — Le 14 réunion de la principauté de Monaco, incorporée au département des Alpes-Maritimes.

Le 2 mars 1793 réunion du Hainaut, formant un quatrevingt-sixième département, sous le nom de Jemmapes. Le 23 mars 1793 réunion du pays de Porentrui, sous le nom de département du Mont-Terrible. (Quatre-vingtseptième département.)

Le 30 mars 1793 réunion de la ville de Mayence et communes en dépendant. ( On verra plus tard ce pays former le département du Mont-Tonnerre.)

Dans les mois de février et mars 1793 réunions partielles et successives des villes de Bruxelles, Liége, Gand, Louvain, Mons, etc., etc. (On verra plus tard aussi la réunion générale de la Belgique, et sa division par départemens.

Dans les mêmes mois réunion de la principauté de Salm, du bailliage de Schambourg, des pays et communes qui étaient sous la dépendance du duc de Deux-Ponts, des princes de Nassau, de Wied-Runck, de Hesse-Darmstadt, du seigneur de Gatchkart, etc.; ces pays répartis entre les départemens du Bas-Rhin, de la Moselle, de la Meurthe et des Vosges.

Ces réunions prononcées, la République, jusque là triomphante, fut contrainte d'abandonner aux vengeances de leurs anciens tyrans la plupart des peuples qu'elle avait adoptés. La trahison de Dumourier entraîna la perte de la Belgique, totalement évacuée dans les derniers jours de mars 1793. Alors la coalition contre la France devint générale; la France seule lutta contre toute l'Europe. (Le Danemarck excepté.)

En même temps encore la guerre civile de la Vendée, devenue plus active, déchirait le sein de la République.

Mais au milieu de tant de périls tout bon Français répétait la prière des Carthaginois: O Dieu, nous vous remercions de nous avoir placés entre la victoire ou la mort!

ADRESSE de la Convention nationale aux Français sur la coalition des rois contre la République; rédigée par Isnard. (Adoptée par la Convention dans la séance du 23 février 1793. )

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Français, tel est le malheur d'un peuple qui s'est donné des rois qu'il ne peut en secouer le joug sans entrer en guerre avec les tyrans étrangers!

A peine vous proclamâtes votre souveraineté que l'empereur et le roi de Prusse armèrent contre vous: aujourd'hui, que vous avez proclamé la République, tous les despotes ont résolu votre ruine. Ceux qui ne vous ont pas déjà forcés à la guerre ne temporisent peut-être que pour mieux vous tromper, et il n'est que trop vrai que la France libre va lutter seule contre l'Europe esclave, Hé bien, la France triomphera si sa volonté est ferme et constante! Les peuples sont plus forts que les armées; ceux qui combattirent pour établir leur indépendance furent toujours vainqueurs : rappelez-vous les révolutions de la Suisse, de la Hollande, des Etats-Unis.

» Les nations libres trouvent des ressources dans les plus grandes extrémités : Rome réduite au Capitole ne s'en relève que plus terrible. Voyez ce que vous avez fait vous-mêmes lorsque les Prussiens ont souillé votre territoire! Toujours l'enthousiasme de la liberté triomphe du nombre ; la fortune sourit à l'audace, et la victoire au courage. Nous en appelons à vous, vainqueurs de Marathon, de Salamine et de Jemmapes! République naissante, voilà tes modèles, et le présage de tes succès! Tu étais réservée à donner à l'univers le spectacle le plus étonnant; jamais cause pareille n'agita les hommes et ne fut portée au tribunal de la guerre : il ne s'agit pas de l'intérêt d'un jour, mais de celui des siècles; de la liberté d'un peuple, mais de celle de tous!

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Français, que la grandeur de ces idées enflamme ton courage! Ecrase tous les tyrans plutôt que de redevenir esclave... Esclave! Quoi! des rois nouveaux s'engraisseraient encore de ton or, de tes sueurs et de ton sang! des parlemens impitoyables disposeraient à leur gré de ta fortune et de ta vie!

un clergé fanatique décimerait de nouveau tes moissons! une noblesse insolente te foulerait encore du pied de l'orgueil ! l'égalité sainte, la liberté sacrée, conquises par tant d'efforts, te seraient ravies! ce bel empire, héritage de tes ancêtres, serait démembré! Quoi! plus de patrie! plus de Français ! et la génération présente serait destinée à ce comble d'ignominie ! elle aurait à rougir aux yeux de l'Europe et de la postérité! Non ! nous disparaîtrons de la terre, ou nous y resterons Français indépendans!

» Allons, que tous les vrais républicains s'arment pour la patrie! que le fer et l'airain se changent en foudres de guerre, et nos forêts en vaisseaux! que la France, comme on l'a dit, ne soit qu'un camp, et la nation une armée ! que l'artisan quitte son atelier! que le commerçant suspende ses spéculations! il est plus pressant d'acquérir la liberté que les richesses : que les campagnes ne retiennent que les bras qui leur sont nécessaires! avant d'améliorer nos champs il faut les affranchir : que ceux qui ont quitté leurs drapeaux rougissent de laisser flétrir leurs lauriers! que le jeune homme surtout vole à la défense de la République! il est juste qu'il combatte avant le père de famille.

» Et vous, mères tendres, épouses sensibles, jeunes Françaises, loin de retenir dans vos bras les citoyens qui vous sont chers, excitez-les à voler à la victoire! Ce n'est plus pour un despote qu'ils vont combattre ; c'est pour vous, vos enfans, vos foyers! Au lieu de pleurer sur leur départ, entonnez comme les Spartiates des chants d'allégresse, et en attendant leur retour que vos mains leur préparent des vêtemens et leur tresse des couronnes!

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» Amour de la patrie, de la liberté, de la gloire, passion conservatrice des républiques, source d'héroïsme et de vertus, embrâsez les âmes! Jurons tous sur le tombeau de nos pères et le berceau de nos enfans, jurons par les victimes du 10 août, par les ossemens de nos frères encore épars dans les campagnes, que nous les vengerons ou mourrons comme eux! Quant à vous, hommes opulens, qui, plus égoïstes que républicains, ne soupirez qu'après le repos pour obtenir bientôt la paix, aidez-nous à vaincre! Si, amollis par l'oisiveté,

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vous ne pouvez supporter les fatigues de la guerre, ouvres vos trésors à l'indigence, et présentez des défenseurs qui vous suppléent. Tandis que vos frères triomphaient dans la Belgique et aux Alpes, qu'aux prises avec les frimas, la faim et la mort, ils gravissaient des montagnes, escaladaient des remparts, vous dormiez dans les bras de la mollesse, et vous refuseriez des secours pécuniaires! L'or est-il donc plus précieux que le sang ? Si votre civisme ne vous engage pas à des sacrifices, que votre intérêt du moins Vous y force; songez que vos propriétés et votre sûreté dépendent des succès de la guerre la liberté ne peut périr sans que la fortune publique soit anéantie, et la France bouleversée. Si l'ennemi triomphe, malheur à ceux qui auront des torts envers la patrie! Riches, remplissez vos devoirs envers elle si vous voulez qu'elle soit généreuse envers vous: trop souvent on n'est victime que parce qu'on a refusé d'être juste. Quelles que soient vos opinions, notre cause est commune; nous sommes tous passagers sur le vaisseau de la révolution : il est lancé ; il faut qu'il aborde ou qu'il se brise; nul ne trouvera de planche dans le naufrage. Il n'est qu'un moyen de nous sauver tous; il faut que la masse entière des citoyens forme un colosse puissant, qui, debout devant les nations, saisisse d'un bras exterminateur le glaive national, et, le promenant sur la terre et les mers, renverse les armées et les flottes!

» Sociétés populaires, remparts de la révolution, vous qui enfantâtes la liberté et qui veillez sur son berceau, créez-lui des défenseurs; par vos discours, vos exemples, imprimez un grand mouvement, et élevez les âmes au plus haut degré d'enthousiasme !

» Guerriers qui à la voix de la patrie allez vous rendre dans les camps, nous ne chercherons point à exciter votre courage; Français et républicains, vous êtes pleins d'honneur et de bravoure; mais nous vous recommandons au nom du salut public l'obéissance à vos chefs et l'exacte discipline: sans discipline point d'armée, point de succès; sans elle le courage est inutile et le nombre impuissant; elle supplée à tout, et rien ne la supplée.

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Vous, vainqueurs de Valmy, de Spire et d'Argone, lais

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