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que vient d'exciter dans ce temple national la réunion des Allobroges et des Français, vous devez juger si notre souverain s'empressera d'accepter la proposition du vôtre ! Une si douce espérance fait la plus belle partie du bonheur de cette auguste journée. Il sera donc répété deux fois dans tout l'empire que les deux nations seront unies éternellement! Déjà la nature avait décrété l'unité physique et morale de nos communs territoires nous venons de lui obéir; et ce ne sera pas le dernier hommage que la Convention se glorifiera de rendre aux inspi rations de la nature. Dans cette chute nécessaire et prochaine de tous les rois, ensevelis sous leurs trônes, le seul trône qui restera sera celui de la liberté, assise sur le Mont-Blanc, d'où cette souveraine du monde, faisant l'appel des nations à renaître, étendra ses mains triomphales sur tout l'univers! >>

En vertu du décret de réunion la Convention nomma commissaires dans le Mont-Blanc les représentans du peuple Grégoire, Hérault, Simon, Jagot.

DE LA DÉCLARATION DE GUERre au roi d'anGLETERRE ET AU STAD

HOUDER DES PROVINCES-UNIES.

Il était digne de la France, à peine sortie de l'esclavage, d'offrir aux autres peuples protection et secours contre la tyrannie; il n'appartenait qu'à l'Angleterre, libre depuis longtemps, de s'allier aux despotes pour maintenir l'esclavage des peuples.

Les premiers rapports qui ont été présentés sur la conduite du gouvernement britannique sont du mois de janvier 1793: ce n'est pas qu'antérieurement le cabinet de Saint-James n'eût ajouté à cette longue suite de déceptions dont le souvenir se réveille dans les esprits aux seuls mots de gouvernement anglais (1); en pleine paix il avait maintenu cet état de

(1) Dans les trop justes reproches qui s'élèvent de toutes les contrées du monde contre la Grande-Bretagne il est assez généralement reçu de séparer le peuple anglais de son gouvernement; c'est sans doute un hommage rendu à la nation de l'Europe qui dans les temps d'esclavage jouissait déjà d'une sorte de liberté, liberté grossière il est vrai, et que cependant elle n'a pas eu conserver : mais ce qui n'est pas reçu avec une égale faveur, ce qui même fait mal à entendre c'est l'éloge de ce

guerre sourde qui semble devoir être permanent entre l'Angleterre et la France, et dans lequel on voit incessamment l'égoïsme et la perfidie surprendre la générosité et la franchise : mais jusqu'à cette époque les différentes communications du ministre des affaires étrangères avaient été renvoyées sans discussion à l'examen des comités; ensuite on les réunit dans un Exposé historique que nous imprimons plus loin : c'est là qu'on pourra consulter les documens qui motiveut les discours et les rapports suivans.

Deux vaisseaux chargés de blé, l'un pour Bayonne, l'autre pour Brest, avaient été arrêtés dans la Tamise par ordre du gouvernement anglais. Le comité diplomatique, chargé d'examiner la nature de cet événement, s'était borné à proposer de ne prendre encore aucun parti avant que le ministre des affaires étrangères eût fait les réclamations d'usage, et la

peuple égoïste prononcé par des Français ; et cent fois il a retenti à notre tribune nationale! Par un échange de procédés des Anglais ont célébré la révolution française * et ses illustres auteurs. Apprécions ces témoignages réciproques de fraternité: en France ils étaient inspirés par la plus pure philantropie; le seul esprit d'opposition les dictait en Angleterre. Au surplus, que quelques uns de nos publicistes, de nos orateurs distingués aient cru devoir payer ce tribut à la terre classique de la liberté, oubliant que les autres pays n'ont reçu d'elle que des chaînes et la mort, jamais le peuple français n'a sanctionné ces panégyriques anti-nationaux; jamais il n'a pris le peuple anglais pour modèle; ce qu'il a eu de beau, de sublime dans sa révolution il le tient de lui seul, et toujours il signalera comme un de ses plus grands malheurs les imitations du système anglais qu'il fut contraint de subir... Quant à la séparation du peuple anglais de son gouvernement, jamais non plus le peuple français ne l'admit; il répondait à ses orateurs: oui, si chaque Anglais tenait tour à tour en ses mains l'administration de son pays, chacun d'eux tour à tour s'armerait contre nous de la foi punique!

Les éternelles considérations des publicistes sur la dette de l'Angleterre, sur les partis qui l'agitent, sur son inévitable ruine, etc., toutes ces prédictions ne sont guère mieux accueillies du peuple frangais; il sait que toujours les Anglais seront unis entr'eux pour spolier les autres peuples, et qu'ils subsisteront taut que toutes les nations ne répéteront pas de concert: et que l'Angleterre périsse!

* Voyez, tome 11, l'hommage de la société de la Révolution de Londres.

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Convention avait adopté cet avis. Kersaint, organe du comité diplomatique, demanda ensuite et obtint la parole pour présenter ses réflexions particulières sur la nécessité de se préparer à la guerre de mer si la sûreté et la dignité de la République l'exigeaient.

DISCOURS de Kersaint, député de Seine-et-Oise. (Séance du 1er janvier 1793.)

« Je diviserai le résultat de mes réflexions sur cette importante matière en deux parties : dans la première j'essaierai de pénétrer et de dévoiler les intentions du ministère anglais; dans la seconde j'aborderai hardiment les conséquences de la guerre dont on nous menace.

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» Si le cabinet de Saint-James vous déclare la guerre, vous découvrirez la coalition des puissances maritimes, et vous pouvez d'avance compter que vous aurez à les combattre toutes à la fois mais ce n'est pas de leur nombre ou de leur désir de nous nuire que je doute; c'est de leur pouvoir, Les gouvernemens d'Angleterre, d'Espagne, de Hollande, de Russie et de Portugal sont vos ennemis, car ils sont despotiques. Arrêtonsnous au plus puissant, car il exerce son empire sur un peuple qui naguère jouissait de quelque liberté, et ce seul avantage dans le temps de notre servitude l'avait rendu redoutable : voyons ce que peut le gouvernement anglais; démêlons ses desseins, et découvrons le but qu'il se propose. J'aperçois dans ses mouvemens trois intérêts distincts, également étrangers au peuple anglais la haine du roi contre les Français, et ses craintes pour sa couronne, seul motif de l'intérêt qu'il a manifesté pour Louis XVI; cet intérêt est fortifié par celui des nobles et des épiscopaux, nos ennemis naturels : les inquiétudes du premier ministre Pitt, maître absolu de l'Angleterre depuis huit ans, et que les orages d'une révolution ou ceux d'une guerre menacent également de sa chute, et ce parti tient à l'autre par l'aristocratie de la finance et les nombreux agens du gouvernement; la guerre formera la coalition de ces deux intérêts, et telle est leur force qu'ils entraîneront l'Angleterre : l'ambition et le génie de Fox, et les intrigues de son parti, cherchant à profiter des circonstances pour s'emparer du gou→

vernement, flattant avec adresse les diverses espérances des réformations qu'il croyait propres à agiter le peuple anglais, espérances que la seule idée de révolution a changées en craintes; et ce motif, échappant aux chefs de l'opposition, les a laissés à la merci du gouvernement, juste châtiment et exemple mémorable qui doit avertir les hommes libres du danger de l'intrigue. La cause de cet événement, qui sera peut-être fatal au monde, est dans le caractère de ce célèbre orateur, qui soutient par son génie la réputation d'un parti dernier et frêle appui des défenseurs de la liberté en Angleterre. Ami des droits de l'homme et flatteur du roi, frondeur du gouvernement et superstitieux admirateur de la constitution britannique, aristocrate populaire, royaliste démocrate, Fox n'a qu'un but, celui de s'élever sur les ruines de son rival, et de se venger une fois de tant de défaites parlementaires non moins fatales à ses intérêts qu'à sa gloire.

» Son prudent adversaire a besoin en ce moment de toutes ses forces, car il faut à la fois qu'il défende sa popularité et son parti, évidemment aristocratique, la royauté et son pouvoir, évidemment absolu; et si la guerre éclate peut-il être sûr de conserver, malgré les événemens qui l'accompagneront, cette prépondérance qu'on lui dispute au sein même de la paix?

» Il est un fait connu en Angleterre, et qu'une foule d'exemples a changé en axiome politique, c'est que le ministère qui y déclaré la guerre ne la voit jamais finir. Pitt voit dans la guerre commune le terme de son autorité; Pitt ne veut donc pas la guerre. Mais que veut Pitt? Que veulent les divers intéressés dans ce grand conflit? Georges III veut la guerre par passion; Fox veut entraîner le ministère dans de fausses démarches, et le contraindre à défendre les abus du gouvernement; Pitt espère sortir de ce mauvais pas en offrant sa médiation aux puissances belligérantes: Pitt a pour lui la force du gouvernement, dont toutes les branches sont entre les mains de ses créatures; il a pour lui la théorie de la corruption, son éloquence, et la clef de la trésorerie. Nos transfuges et l'aristocratie qui l'environnent le poussent aux deux partis qu'il paraît avoir embrassés, savoir, de nous arrêter dans le cours rapide de nos victoires sur terre

par la crainte d'une guerre maritime, et de nous amener à des

accommodemens avec nos ennemis à l'aide de sa médiation.

>> Pitt doit être naturellement séduit par ces idées, et les demi-lumières qu'il a sur notre situation lui en font regarder le succès comme certain; car nos agitations intérieures, le désordre apparent de nos délibérations législatives, la masse de nos dépenses, l'acharnement de nos partis, tous ces caractères extérieurs d'une des plus violentes crises qu'ait jamais éprouvées le corps politique d'aucune nation, il ne faut pas le dissimuler, sont très propres à fonder l'espoir auquel ce ministre s'abandonne. Il ignore que l'imminence du danger public nous réunira; il ignore que ces agitations dont on fait tant de bruit expriment l'excès de la force, et n'appartiennent jamais à un corps affaibli; que nos dépenses, quelque fortes qu'elles soient, ne sont rien si nous les comparons à nos ressources; que la France est là tout entière, et qu'il nous reste plusieurs milliards dont nous ne pouvons faire un meilleur usage que de les employer à fonder notre indépendance intérieure et extérieure; il ne sait pas que le nombre de nos ennemis, loin de nous inspirer du découragement, déploiera notre activité, nos ressources, et qu'un peuple qui met en commun ses bras, son courage et sa fortune est invincible, qu'il ne saurait manquer de soldats et d'argent; enfin il ne sait pas que telle est notre position que nous ne devons plus compter nos ennemis, et qu'ils nous ont placés dans cette glorieuse nécessité de les vaincre ou de périr. Si l'Angleterre, sans motif, au mépris du droit des gens, nous déclare la guerre, Français, souvenez-vous de Cortès brûlant ses vaisseaux aux yeux de son armée débarquée sur les plages du Mexique!

» Mais après avoir fixé votre attention sur l'état actuel du gouvernement britannique, permettez-moi de la ramener sur les dispositions du peuple anglais, car ce peuple n'est pas encore réduit à ce point de servitude qu'il faille le compter pour rien dans la supposition d'une rupture prochaine avec son gouvernement. Nous sommes accoutumés à désigner sous le nom générique d'Anglais trois peuples différens, que la nature avait séparés, que la force a réunis, que l'intérêt divise sans cesse, et que les principes de notre révolution ont très diversement affectés.

» Le peuple anglais, comme tous les conquérans, a long

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