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TOM DULAC.
HÉLÈNE.

Vous êtes sévère pour vos relations !... Mais non !... je reconnais qu'il y a parmi ces relations des gens charmants, et qui paraîtraient tels à ceux qui auraient leurs goûts... ces goûts, je ne les ai pas, voilà tout !...

TOM DULAC. Jusqu'à quand... si vous ne vous mariez pas tout de suite... continuerez-vous à mener cette vie (gouailleur) qui vous pèse ?...

HÉLÈNE. -- Jusqu'à ce que je puisse... sans trop faire crier, vivre seule dans un petit coin... Oh! je vois bien que vous blaguez !...que vous ne me croyez pas sincère ?...(un temps) mais si vous saviez comme ça m'est égal !... (Silence.)

TOM DULAC (à lui-même). --- Elle est décidément très forte ! ... plus forte que la mère... beaucoup plus forte... mais je suis tout de même emballé... emballé à fond... et puis, je ne trouverai pas mieux !... jolie, à m'empêcher de dormir !... vieille famille, alliances superbes...une mère qui n'a pas nocé... du moins ostensiblement... un frère qui ne tape personne et qui vit proprement... ma foi, tant pis !... je pique la tête !...

HÉLÈNE (le regardant). - Vous ne parlez pas beaucoup pendant votre... visite ?... vous interrogez tout le temps !...ditesmoi ?... puis-je rentrer ?...

TOM DULAC.

- Pas encore !... je vous prie de m'accorder un instant d'entretien... d'entretien sérieux...

HÉLÈNE (incrédule). —- Sérieux ?...

TOM DULAC; Sérieux !... oui, mademoiselle !... ça vous étonne ?... mais c'est comme ça !... je sais être sérieux quand il s'agit de mon avenir... et c'est de lui qu'il s'agit pour l'instant... HÉLÈNE (étonnée et inquiète). Ah! bah!...

TOM DULAC. Mademoiselle, vous me plaisez !... vous me plaisez infiniment... et j'ai l'honneur de vous demander votre main ?...

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TOM DULAC. A vous-même !... car je trouve que vous êtes tout-à-fait la femme qu'il me faut... en dépit de vos assertions de tout à l'heure... assertions auxquelles, d'ailleurs, je me permets de ne pas croire..... (A lui-même) Je tiens à lui placer ça dans la main... je ne veux pas qu'elle s'imagine m'avoir roulé !... HÉLÈNE (riant). - - C'est pas très poli, ce que vous me ditęs:

là !... pas très malin non plus !... ça prouve que vous manquez de flair!... mais je ne veux répondre qu'à ce que vous m'avez dit de gentil... car c'est très gentil de m'avoir demandé de vous épouser...

TOM DULAC. Alors, vous répondez oui ?...

HÉLÈNE. Ah! mais non !... (mouvement de Tom Dulac) mais je vous remercie... et je vous suis très reconnaissante d'avoir pensé à moi !...

TOM DULAC (protestant).

Oh! reconnaissante ?...

HÉLÈNE. Oui... très !... c'est chic comme tout, qu'un garçon tel que vous, songe à épouser une fille sans le sou... comparativement à lui... surtout quand on lui a jeté cette fille à la tête... (haussant les épaules) comme a fait maman..... TOM DULAC (étonné). Vous ne voulez pas ?... HÉLÈNE. Vous épouser ?... jamais de la vie !...

TOM DULAC (Suppliant). Vous me rendriez si heureux ?... HÉLÈNE (riant). Ne croyez pas ça !... non, je crois que je vous rendrais très malheureux... et, je suis sûre, que je serais très malheureuse avec vous...

TOM DULAC. —Mais pourquoi, sapristi !... pourquoi ?...
HÉLÈNE. Parce que je veux, avant tout,

- aimer mon mari...

si je me marie

TOM DULAC. Eh! mon Dieu!...qui sait ?...vous m'aimeriez, peut-être ?... on a vu des choses plus extraordinaires que ça !... je suis un bon garçon, moi, vous savez?...

HÉLÈNE.

Je le crois !... seulement, pour que j'aime quelqu'un, il ne suffira pas que ce soit un bon garçon... il faudra

encore que je puisse le

un peu...

TOM DULAC.

HÉLÈNE.

TOM DULAC.

comment dirais-je ?... le "gober"

Et vous ne me gobez pas du tout ?...
Pas du tout !...

Et vous ne croyez pas que, à (il hésite)... je

ne sais pas non plus comment dire ?... à... l'usage... vous arri

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HÉLÈNE.- Pourquoi ?... eh! pour mille et une raisons !... d'abord, vous ne me faites pas l'effet d'être un homme.., TOM DULAC (protestant). --- Mais, cependant,.,

HÉLÈNE. Non!...vous avez l'air d'un gosse!...et, vous ou les autres, je ne peux pas sentir les petits jeunes gens !... (mouvement de Tom Dulac) Oui, je sais bien !... vous avez vingt-cinq ans... vous vous croyez mûr ?... moi, je vous trouverais beaucoup mieux si vous aviez dix ans de plus !...

TOM DULAC. Mais c'est fou !... dites tout de suite que vous voulez épouser un vieux!...

HÉLÈNE. Un vieux ?... on est un vieux à trente-cinq ans à cette heure?... dans dix ans, vous penserez différemment... TOM DULAC. Mais aujourd'hui, je pense comme je pense! ... et je voudrais bien savoir ce qu'ils ont de si agréable, les vieux ?...

HÉLÈNE (riant).- Encore!... vous y tenez!... eh bien, ils sont plus aimables, plus polis, plus intéressants, plus gentils, plus variés que vous... ils ont une expérience de la vie qui les rend plus indulgents, plus tendres, enfin meilleurs que ceux de votre petite génération égoïste et nulle... qui ne s'occupe que d'elle-même, de la bicyclette, et des sports plus ou moins compliqués qui sont aujourd'hui le but de son existence... de sa pauvre existence... inutile toujours, et malfaisante parfois...

TOM DULAC (pointu). - Bigre !... vous êtes dure pour ceux de la classe !...

HÉLÈNE. Non... mais c'est que, voyez-vous... j'en ai pardessus la tête, moi, de tous ces jeunes imbéciles qui ne savent parler que d'eux ou de leurs "records "... et qui s'endorment dans les coins parce qu'ils veulent faire plus qu'ils ne peuvent... TOM DULAC.Mais... les Anglais...

HÉLÈNE. Les Anglais sont les Anglais !... c'est-à-dire de superbes animaux... bâtis en force et sportifs avant la lettre... et puis, ils sont quand même plus intellectuels que vous autres, les Anglais !... ils lisent, ils se préoccupent de questions qui ne vous intéressent guère...

TOM DULAC. Quelles questions?...

HÉLÈNE. Des questions sérieuses... ça ne vous amuserait pas !...

TOM DULAC.-Vous épouseriez un Anglais ?... HÉLÈNE. - Non, certes !... je les admire, mais je ne les aime pas !... je n'épouserais pas un étranger... j'épouserai si j'é

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pouse un Français comme moi,.. du même monde que moi,..

ayant les mêmes goûts, les mêmes croyances, les mêmes sympathies que moi...

TOM DULAC. Et vous espérez rencontrer un homme pourvu de toutes ces qualités et très riche ?...

HÉLÈNE. Très riche ?... pourquoi très riche ?...

TOM DULAC. Mais, parce que... parce que je croyais... HÉLÈNE. --Que je ne le Que je ne le suis pas, moi, riche ?... c'est vrai !... mais je ne meurs pas de faim non plus !... (Mouvement de Tom Dulac) Oui, je sais bien, nous passons pour des pauvres... alors que nous sommes tout bonnement des gens qui veulent -- pas moi vivre plus brillamment que leurs revenus ne le

permettent...

TOM DULAC (surpris). - - Alors, vous avez...

HÉLÈNE. J'ai quatre cents mille francs !... c'est rien pour vous... c'est beaucoup pour moi... et pour pas mal d'autres... (Elle rit.)

TOM DULAC. Mais... je n'avais pas l'intention de...

HÉLÈNE.

Que si!...au revoir!...vous m'avez fait une longue, très longue visite...

TOM DULAC (encore hésitant; à lui-même). — Je me demande si elle ne me monte pas un bateau ?... (Haut) C'est vrai, tout ce que vous venez de me dire ?... c'est pas pour m'allumer ?...

HÉLÈNE (narquoise). —- Oh, non !... c'est vrai de vrai !... TOM DULAC. Eh bien, ça me fait de la peine...et beaucoup ! ... vous êtes tout-à-fait mon type !... vous avez un calme, une tranquillité, une sérénité d'âme...

HÉLÈNE. Possible, ça !... mais je ne suis pas pour deux sous dans le train... je suis rococo... je suis vieux jeu, je suis romance ...et ce qu'il vous faut, à vous, c'est une femme bien moderne, bien dernier cri !... au revoir !... (Elle lui serre la main et s'éloigne en courant.)

TOM DULAC (la regardant courir). Dommage!... enfin, je n'irai pas pour ça me noyer !...(Rageur) C'est égal !...être refusé quand on a trente millions, par une fille qui n'a pas un radis, c'est tout de même raide !...

GYP

LETTRE SUR L'ARBITRAGE.

MONSIEUR,

Vous faites une revue cosmopolite pour contribuer à répandre les idées de paix et de concorde. J'en conclus que vous voulez, comme nous, non pas supprimer la guerre,-car on ne la supprimera jamais,-mais l'éloigner le plus possible, en donnant toutes les chances contre elle à la raison et à l'humanité. L'histoire de ces dernières années prouve que les divers Etats comprennent de plus en plus l'utilité des congrès, leur nécessité, je dirai presque leur sainteté, car toute institution ayant pour but d'empécher les hommes de s'entre'égorger est une institution sainte.

Jamais à aucune époque de l'histoire, la guerre n'a été à la fois aussi vraisemblable et aussi impossible qu'en ce moment : vraisemblable parce que les casus belli s'accumulent de tous les côtés, dans les Balkans, en Bulgarie, en Turquie, au Transvaal, en Chine, et tout récemment par le Message de Cleveland et par celui de l'empereur d'Allemagne; impossible, par l'énormité de ses résultats immédiats et de ses conséquences. En effet, il ne s'agit plus d'amener les hommes par centaines de mille à l'endroit où on se tue. Ce n'est pas assez de dire qu'on les y amènera par millions. Grâce au service militaire obligatoire et universel, gràce aussi au perfectionnement des voies ferrées, des télégraphes, du téléphone et des armes à longue portée, on les y amènera tous. Le résultat sera aussi fatal au vainqueur qu'aux vaincus, et aux neutres qu'aux belligérants. Les hommes manqueront, les capacités s'éteindront, l'humanité reculera de plusieurs siècles. Elle mourra pour renaître ; mais elle mourra.

Qui ne le sait, parmi les hommes sérieux, et qui, le sachant,

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