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TRAITÉ

DE COMMERCE ET DE NAVIGATION

CONCLU

entre la France et le Danemark

LE 23 AOUT 1742.

ART. 1er. Il y aura désormais entre Sa Majesté Très-Chrétienne le roi de France et de Navarre, ses hoirs et successeurs, ses royaumes, États, pays et sujets, d'une part, et Sa Majesté le Roi de Danemark et de Norwége, ses hoirs et successeurs, ses royaumes, États, pays et sujets, de l'autre, une parfaite et perpétuelle amitié et une alliance inviolable sur terre et sur mer, au dedans et au dehors de l'Europe. Les deux rois agiront sincèrement entre eux, et l'un ne fera rien au préjudice de l'autre, ni par lui-même, ni par autrui, mais au contraire en procurera tant qu'il pourra le bien et l'avantage.

ART. 2. Les habitants et les sujets des deux royaumes, quels qu'ils soient, étrangers ou naturels, pourront aller librement de l'un en l'autre et entrer dans les royaumes, États, havres, ports et rivières les uns des autres, situés en Europe, y demeurer et y trafiquer par euxmêmes ou par autrui, en payant les droits accoutumés, et en se conformant dûment aux lois, ordonnances et coutumes du pays et des endroits où ils se trouvent, pourvu que ces lois, ordonnances et coutumes ne soient pas contraires à ce qui aura été convenu par le présent Traité.

ART. 3. Les sujets et les navires des deux couronnes entrant dans un port de l'une ou de l'autre, y seront bien reçus, et auront la liberté d'y exposer leurs marchandises en vente sans que, sous le prétexte de police ou autre, il soit imposé de prix limité à ces marchandises; d'en acheter d'autres, et d'y trafiquer comme bon leur semblera, sauf les lois et ordonnances de chaque lieu.

ART. 4. Les navires de France, soit qu'ils appartiennent aux Français, soit que ceux-ci aient frété ou chargé des navires anglais, suédois

ou hollandais, en quelque lieu qu'ils aillent et de quelque lieu qu'ils viennent, et quelque marchandise qu'ils portent, sans aucune exception, en passant les détroits du Sund et du Belt, ne pourront pas être tenus de payer de plus grands droits que ceux compris dans le tarif de l'année 1645, annexée au traité fait entre les deux rois en 1663, pour les marchandises spécifiées dans ce tarif; et pour celles qui n'y sont pas spécifiées, ils paieront, suivant l'usage, comme les autres nations. Et si depuis ce temps-là, en considération de quelque autre nation, il a été fait quelque diminution des droits compris audit tarif, ou s'il s'en fait à l'avenir, les sujets du Roi Très-Chrétien en jouiront également 1. ART. 5. Les marchandises appartenant aux sujets du Roi TrèsChrétien, qui seront portées sur des navires anglais, suédois ou hollandais, ne paieront, en passant les mêmes détroits, que les droits qu'elles paieraient si elles étaient chargées dans des navires français; pourvu néanmoins qu'il paraisse par de bons certificats, soit des villes du Roi Très-Chrétien, soit des villes de la mer Baltique, que ces marchandises n'appartiennent qu'aux sujets du même roi.

ART. 6. Les biens et les marchandises que l'on fera voir par de bons certificats, appartenir aux sujets du Sérénissime Roi Très-Chrétien, ne seront tenus de payer dans les royaumes et États du Sérénissime Roi de Danemark, soit en entrant ou en sortant, un plus grand droit que celui que les sujets du Roi de Danemark lui paient, et réciproquement les biens et les marchandises que l'on justifiera par de bons certificats, appartenir aux sujets du Sérénissime roi de Danemarck, ne seront tenus de payer dans les royaumes et États du Sérénissime Roi Très-Chrétien, soit à l'entrée ou à la sortie, un plus grand droit que celui que les sujets du Roi Très-Chrétien lui paient. Jouiront aussi les sujets du Roi de Danemark, de l'exemption du droit de fret de cinquante sous par tonneau, dans tous les cas, excepté (comme il a été réglé pour les Hollandais et les villes Anséatiques) dans celui où ils prendraient des marchandises dans un port de France, pour les transporter et décharger dans un autre port du même royaume 2.

ART. 7. Les sujets du Sérénissime Roi Très-Chrétien allant ou demeurant dans les royaumes, États ou domaines du Roi de Danemark, et y faisant trafic, ne seront obligés de payer d'autre droit que celui que paient les sujets du Sérénissime Roi de Danemark; et pareillement les sujets du Sérénissime Roi de Danemark, allant ou demeurant en France et y trafiquant, ne paieront pas d'autre droit que celui que paient les sujets du Roi Très-Chrétien.

ART. 8. Les droits ne peuvent être augmentés de part ni d'autre, Les droits du passage du Sund sont abolis maintenant.

2 Ce droit, établi par Colbert, n'est plus levé depuis longtemps.

sous quelque prétexte que ce soit, pendant le temps de la durée du présent Traité, qui sera de quinze années qui finiront le 23 août 1757, et, un an avant l'expiration de ce terme, les deux rois conviendront de le proroger.

ART. 9. Durant les quinze mêmes années, on ne pourra point visiter les navires et les marchandises qui appartiendront aux sujets du Roi Très-Chrétien, et qui passeront le détroit du Sund, et l'on sera tenu d'ajouter absolument foi aux maîtres des navires, en montrant les lettres en bonne forme qu'ils auront pour leur servir de passe-port, et pour donner à connaître quel droit ils devront payer; lequel payé, ils auront la liberté de partir, sans qu'on puisse les retenir davantage, et ils ne seront pas même obligés d'arrêter proche de Copenhague, au lieu appelé des Drooghen; que si l'on découvre à l'avenir qu'au paiement de ce droit on fasse quelque fraude ou quelque tort au Sérénissime Roi de Danemark, le Sérénissime Roi Très-Chrétien, en ayant avis, et étant prié d'y remédier, cherchera les meilleurs moyens de le faire, et empêchera de tout son pouvoir qu'il ne soit rien fait au Sérénissime Roi de Danemark qui ne soit dans la justice et dans l'équité.

ART. 10. Les navires et marchands français passant le détroit du Sund pourront différer jusqu'à leur retour le paiement du droit allégué en l'article précédent, à condition, toutefois, qu'étant munis de certificats scellés du sceau de Sa Majesté Très-Chrétienne, ou de l'amiral de France, selon la coutume, ils auront de quoi justifier que ces navires appartiennent aux sujets du Sérénissime Roi Très-Chrétien, et qu'avant leur passage ils donneront, à Elseneur, une caution suffisante pour le même paiement, qui devra se faire au lieu ordinaire, entre les mains des receveurs des droits du Sérénissime Roi de Danemark, au retour des mêmes navires, ou dans trois mois au plus tard, s'ils n'étaient pas encore de retour.

ART. 11. L'état ou acquit du paiement des susdits droits, qui sera délivré aux capitaines de navires, contiendra en détail les droits perçus sur chaque espèce de marchandise en particulier, pour qu'ils puissent vérifier si l'on aura pas exigé au delà de ce qui sera dû; à moins que lesdits capitaines, pour accélérer leur expédition, ne se contentent d'un acquit qui comprenne dans un seul et même article les droits payés sur toutes les marchandises de leur cargaison.

ART. 12. Les navires français étant arrivés à Elseneur ou dans les autres ports du Roi de Danemark, leurs passe-ports seront incontinent expédiés, et les navires d'aucune autre nation, ni même des propres sujets du Sérénissime Roi de Danemark, ne pourront lui être préférés; il en sera usé de même dans les ports de France à l'égard des navires danois, dont l'expédition ne pourra être retardée ni moins prompte

que celle des navires des sujets mêmes de Sa Majesté Très-Chrétienne. ART. 13. Les navires français qui auront une fois payé le droit de Sund, et qui toucheraient ou relâcheraient à la côte de Scanie, au Cattegat, aux iles d'Anhont et de Lessoc, ou aux environs, ou même qui, étant entrés dans la mer Baltique, seraient obligés, par tempête, vents contraires, ou autrement, de revenir au Sund, ne seront point tenus de payer une seconde fois le droit du Sund ni aucun autres frais.

ART. 14. Lesdits navires destinés pour Copenhague seront traités, pour le détroit du Sund, de même que les sujets du Sérénissime Roi de Danemark.

ART. 15. Lesdits navires qui passeront avec leurs marchandises et denrées devant la forteresse de Gluckstadt et les autres lieux et places que le Sérénissime Roi de Danemark possède sur la rivière d'Elbe, seront exempts, en allant et en venant, des droits de l'entrée des ports, et généralement de tous autres droits, et ne seront point visités ni retenus ou inquiétés, excepté seulement dans le cas où le Sérénissime Roi de Danemark, étant en guerre avec quelque autre roi ou État, il y aurait quelque soupçon apparent que lesdits navires porteraient à ses ennemis quelques-unes des marchandises mentionnées en l'article 26, et réputées de contrebande.

ART. 16. Les sujets des deux couronnes trafiquant sur mer, et se trouvant près des côtes de l'un ou de l'autre royaume, ne pourront être obligés d'entrer dans aucun port qui ne serait point sur leur route, mais auront toujours la liberté de suivre leur chemin sans retardement et sans obstacle; et au cas qu'ils entrent dans un port et trouvent bon de s'y arrêter, ils ne pourront être contraints d'y décharger leurs marchandises, ni de les échanger ou de les vendre, mais auront pouvoir d'en disposer à leur volonté, et de faire au même lieu ce qu'ils jugeront avantageux pour le bien de leurs affaires.

ART. 17. Pour ce qui regarde les bois de construction, de charpente et autres, que les sujets de Sa Majesté Très-Chrétienne voudront tirer de Norwége, ils en paieront les droits à raison de un et un huitième rixdales en espèces par last de la contenance en port de chaque navire, et il ne sera fait à cet égard aucune différence, soit que les bois soient de la meilleure, de la moindre ou de la moyenne qualité; mais si les navires qui auraient chargé des bois, chargeaient en outre d'autres marchandises, telles que de la poix, du goudron ou brai, du suif ou autres, les droits desdites marchandises seront payés au poids et à la pièce, conformément au tarif d'usage pour les propres sujets de Sa Majesté Danoise, et de la même manière qu'ils les paient; et en ce cas, il sera déduit, sur la somme que le navire devrait payer proportionnément à sa contenance, le nombre de lasts qui ne seront pas employés,

ou qui seront occupés par les autres marchandises qui seraient chargées; en sorte que si un navire de deux cents lasts, dont les droits montent à deux cent vingt-cinq rixdales, ne chargeait que cent lasts de bois, il ne paierait que cent douze rixdales et demi pour cette espèce de marchandise, devant payer pour les autres au poids ou à la pièce, comme il est dit ci-dessus, et ainsi des autres vaisseaux, à proportion de leur port ou contenance. Pourront aussi les sujets du Sérénissime Roi Très-Chrétien aborder en Norwége et autres pays de la domination du Sérénissime Roi de Danemark, pour y fondre la graisse des baleines ou autres poissons provenant de leur pêche, et y prendre les bois et ustensiles dont ils auront besoin, en payant ce dont ils seront convenus avec les habitants du lieu; et afin que cela s'exécute plus sûrement, le Sérénissime roi de Danemark donnera des vivres à ses officiers, tant de guerre que de police, qu'ils aient soin que les marchands français qui aborderont aux côtes de Norwége ou autres pays de sa domination, y soient reçus amiablement et civilement, et qu'il leur soit permis d'y vaquer à leurs affaires, en la manière ci-dessus spécifiée, à condition qu'ils ne fassent rien au préjudice des habitants du pays, et qu'ils n'abordent, pour cet effet, que dans les ports marchands et permis à cette même fin aux propres sujets de Sa Majesté Danoise, si ce n'est pour se mettre à l'abri de tempête, et pour de là gagner lesdits ports marchands. De ces pays seront néanmoins exceptés les plus septentrionaux, tels que l'Islande-Ferroé, les colonies de Sa Majesté Danoise dans le Groënland et le Finmarken (dont l'abord est généralement défendu à toutes les nations), à moins que, par tempête ou quelque danger évident, les sujets de Sa Majesté Très-Chrétienne ne soient forcés d'entrer dans les ports desdits pays, auquel cas il leur sera donné tous les secours dont ils pourront avoir besoin pour continuer leur route.

ART. 18. Pour accroître le commerce, chacun des deux rois aidera les sujets de l'autre et les protégera en toutes les choses qui concerneront leur utilité, de sorte que le Sérénissime Roi de Danemark accordera aux habitants et sujets du Roi Très-Chrétien, tout ce qui pourra faciliter leur commerce dans ses royaumes et domaines; et pareillement le Sérénissime Roi Très-Chrétien favorisera les habitants et sujets du Roi de Danemark en tout ce que pourra augmenter leur commerce: bien entendu que les lois et usages de chaque lieu dans les États respectifs, seront observés par rapport au négoce en détail.

ART. 19. Les navires de France, soit marchands ou de guerre, donneront secours autant qu'ils pourront aux navires de Danemark; et pareillement les navires de Danemark à ceux de France, sur quelque mer qu'ils se rencontrent, même au delà de la ligne équinoxiale, les

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