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FRANCE

NOTICE GÉNÉRALE SUR LES TRAVAUX DU PARLEMENT FRANÇAIS PENDANT L'ANNÉE 1885

Par M. Jules CHALLAMEL, docteur en droit, avocat à la Cour d'appel de Paris.

Tout a pâli, cette année, devant les questions électorales (1). Aussi le nombre des documents dont nous avons à rendre compte, est-il assez restreint (2); les discussions mêmes de la loi de finances, malgré la persistance des déficits budgétaires, n'ont présenté qu'un intérêt amoindri.

L'expédition du Tonkin, par l'influence grandissante qu'elle a exercée sur la politique générale, est venue à son tour apporter un autre aliment aux luttes des partis : le 30 mars, à la nouvelle d'un échec regrettable, qu'une émotion trop vive transformait en un désastre irréparable, la Chambre renversait le cabinet Jules Ferry (3).

Le ministère Brisson le remplaça, non sans quelque hésitation, le 6 avril (4). Ce fut lui qui présida aux élections générales du 4 et du

18 octobre.

Devant la nouvelle Chambre, convoquée en session extraordinaire, il soutint la discussion de la politique coloniale; mis en échec par une coa

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(1) Les élections du 25 janvier faites en conformité de la loi du 9 décembre 1884, ont renouvelé le tiers du Sénat. Les élections générales pour la Chambre des députés ont eu lieu, au scrutin de liste, les 4 et 18 octobre, par application de la loi du 16 juin 1885.

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(2) La session ordinaire a duré du 13 janvier au 6 août; elle compte 81 séances au Sénat, 96 séances à la Chambre des députés. La Chambre nouvellement élue, convoquée en session extraordinaire du 10 novembre au 29 décembre, a tenu 25 séances, principalement occupées par les vérifications de pouvoirs et par la discussion des crédits du Tonkin; le Sénat, pendant cette session, a tenu 20 séances.

(3) Chambre débats, J. Off. du 1er avril. L'émotion de cette séance a porté la droite et l'extrême gauche jusqu'à proposer la mise en accusation des ministres. Chambre projets de résolution, annexes 1885, p. 444; rapport sommaire, p. 678.

(4) J. Off. du 7 avril 1885.— V. Bulletin de la Société de législation comparée, 1885, p. 343.

lition de la droite et de l'extrême-gauche, il ne put rallier qu'une majorité de quatre voix (1).

Le 28 décembre, le Congrès renouvela pour sept ans les pouvoirs de M. Jules Grévy, président de la République. — M. de Freycinet fut alors chargé de former un nouveau ministère.

La loi du 16 juin 1885, sur le scrutin de liste, se mêle de la façon la plus intime, aux questions politiques qui viennent d'être indiquées (2).

La loi du 27 mai, sur les récidivistes, et la loi Bérenger, du 14 août 1885, sur les moyens de prévenir la récidive, répondent, au contraire, à des préoccupations d'un ordre plus général. A ce titre, elles seront particulièrement remarquées (3). Cette dernière peut être regardée comme l'honneur de la législature qui l'a votée.

DROIT CONSTITUTIONNEL.

L'expiration des pouvoirs de la Chambre des députés ramène périodiquement l'examen de ce point de droit parlementaire: de la caducité des propositions de lois votées par l'ancienne Chambre et transmises au Sénat. En 1881, le Sénat a déclaré qu'il conserverait désormais à son ordre du jour les propositions qui seraient devant lui à l'état de rapport avant la fin de la législature (4). Pour étendre cette jurisprudence à toutes les propositions transmises, un certain nombre de députés ont demandé qu'un texte formel vint les assimiler aux projets de loi de l'initiative gouvernementale. Leur proposition a été votée d'urgence par la Chambre le 20 juin; mais le temps a manqué pour qu'elle fût examinée par le Sénat (5).

La proposition de loi déposée l'année dernière, dans le but de prévenir le conflit des deux Chambres en matière budgétaire, a été prise en considération par le Sénat (6).

Elections.

LOIS POLITIQUES ET ADMINISTRATIVES.

La loi de 16 juin 1885 a substitué le scrutin de liste au vote uninominal d'arrondissement pour les élections à la Chambre des

(1) Séances des 21, 22 et 23 décembre. V. Bulletin, 1886, p. 213.

(2) V. infrà, p. 73.

(3) V. infrà, p. 50 et 110.

(4) V. Annuaire 1882, p. 2.

(5) Chambre exposé des motifs, annexes 1885, p. 440; rapport, p. 773; discussion, J. Off. du 21 juin 1885. Sénat texte transmis, annexes 1885, p. 266. La proposition votée par la Chambre était ainsi conçue : « Nonobstant l'expiration du mandat de la Chambre des députés, le Sénat restera saisi des propositions de l'initiative parlementaire votées par elle et transmises par le président de cette Chambre au président du Sénat, comme il reste saisi des projets de loi de l'initiative gouvernementale. »

(6) Sénat J. Off. du 20 février 1885.

députés. L'historique de cette loi, dont l'origine prochaine remonte à l'année 1880, fait l'objet d'une notice particulière dans le cours de cet Annuaire (1).

La commission qui a été saisie en 1883 d'une proposition tendant à codifier les prescriptions légales en matière d'élections, a demandé le renvoi de la proposition devant le Conseil d'État pour inviter le gouvernement à présenter à la prochaine législature un projet de loi sur ce sujet (2). La même commission, par un même rapport, a conclu à l'adoption d'une proposition tendant à la revision des listes électorales (3).

Enfin, de nouvelles propositions ont été déposées ayant pour objet : de rendre le vote obligatoire (4); de substituer le renouvellement partiel au renouvellement intégral dans les élections à la Chambre des députés (5).

Une proposition de loi, tendant à modifier la loi électorale des sénateurs du 9 décembre 1884, a été prise en considération par le Sénat (6). Pouvoir législatif. A la veille de se dissoudre, la Chambre a voulu consacrer de nouveau le projet de loi qu'elle avait déjà voté en 1883 sur les incompatibilités parlementaires et que le Sénat lui avait renvoyé modifié l'année dernière. Le texte adopté par le Sénat, ayant subi de nouveaux amendements, le projet tout entier est demeuré en suspens (7).

Organisation départementale et communale. — Le Sénat a pris en considération une proposition tendant à créer, pour le département de la Seine, un conseil général, dégagé des liens qui l'unissent actuellement au conseil municipal de Paris, et soumis aux dispositions de la loi du 10 août 1871 (8).

Objets divers. — Après un commencement de discussion, la Chambre a voté la prise en considération d'une proposition de loi relative au cadre des auditeurs au Conseil d'État et l'a renvoyée aux bureaux (9). Une

(1) V. infrà, p. 73. A la loi du 16 juin se rattache comme disposition transitoire, celle du 2 avril, qui a suspendu toute élection de député jusqu'aux élections générales de novembre 1885,

(2) V. Annuaire 1884, p. 2, texte et note 6; rapport, annexes 1885, p. 1273. (3) Chambre exposé des motifs, annexes 1885, p. 437; rapport sommaire, p. 689; rapport, p. 1273. V. Annuaire 1884. p. 2, texte et note 9; rapport, annexes 1885, p. 1236. V. aussi Annuaire 1885, p. 2, texte et note 4. (4) Chambre exposé des motifs. annexes 1885, p. 433; rapport sommaire, p. 1218.

(5) Chambre exposés des motifs, ibid., p. 434 et 435; rapport sommaire, p. 689.

(6) Sénat prise en considération, J. Off. du 12 juillet 1885. (7) V. Annuaire, 1885, p. 3, texte et note 1. Chambre rapport, annexes 1885, p. 95; rapport supplémentaire, p. 138; adoption, J. Off. du 6 août 1885. Sénat, texte transmis, annexes 1886, p. 43.

(8) Sénat exposé des motifs, annexes 1885, p. 214; rapport sommaire, p. 277; prise en considération, J. Off. du 10 juillet 1885. (9) V. Annuaire 1884, p. 9, texte et note 5. des 22 et 24 juillet 1885.

Chambre discussion, J. Off.

autre proposition sur l'organisation de l'auditorat a été déposée (1). Au Sénat, nous avons à mentionner une proposition de loi relative aux conditions d'admission et d'avancement dans les fonctions publiques (2). Le Sénat est également saisi d'un projet de loi ayant pour objet d'interdire aux étrangers la pêche dans les eaux territoriales de France et d'Algérie (3).

Un décret du 19 juin 1885, portant règlement d'administration publique pour l'organisation centrale du ministère des finances, a été promulgué (4).

Un arrêté du ministre des travaux publics, du 15 novembre 1885, institue un code uniforme des signaux échangés entre les agents des trains et les agents de la voie ou des gares (5).

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Les traités que la France a conclus en 1884 avec le royaume d'Annam et le royaume de Cambodge, devaient lui garantir la possession paisible du Tonkin et le libre exercice de son protectorat sur toute la presqu'ile indo-chinoise.

Mais les difficultés de la tâche qu'elle avait assumée, se sont accrues de jour en jour; les sacrifices d'hommes et d'argent qu'il a fallu faire ont ému si profondément l'opinion publique, que l'idée d'une évacuation totale du Tonkin s'est présentée à l'esprit d'un certain nombre d'hommes politiques qui se sont efforcés de la faire prévaloir devant la Chambre et de l'imposer au gouvernement.

Malgré leurs efforts, la Chambre parut tout d'abord vouloir persévérer dans la politique d'expansion coloniale qu'elle avait maintes fois consacrée; tel fut le sens de l'ordre du jour de confiance qu'elle vota le 14 janvier, puis le 28 mars, à la suite d'une double interpellation adressée au ministère J. Ferry.

L'échec de Lang-Son, subitement porté à la tribune (30 mars), vint děterminer une sorte de panique parlementaire. Le cabinet fut renversé, Le lendemain, la Chambre votait un crédit provisoire de 50 millions, sur es 200 millions qui lui avaient été demandés par le gouvernement (6); puis, le 7 avril, elle accordait au cabinet Brisson, qui venait de se constituer, les 150 millions complémentaires (7).

(1) Chambre; exposé des motifs, annexes 1885, p. 250; rapport sommaire, p. 1357. (2) Sénat

exposé des motifs, annexes 1885, p. 323; discussion, J. Off.

du 17 juillet 1885.

(3) Sénat exposé des motifs, annexes 1885, p. 213; rapport, p. 475. (4) J. Off. du 14 février 1885.

(5) J. Off. du 16 novembre 1885.

(6) J. Off. du 2 avril 1885. Chambre discussion, J. Off. du for avril. Sénat J. Off. du même jour.

(7) J. Off. du 9 avril 1885. Sénat J. Off. du 9 avril.

Chambre discussion, J. Off. du 8 avril.

Cependant, la situation de nos troupes au Tonkin n'était pas telle que les dépêches de la première heure l'avaient fait craindre. Les négociations entamées avec la Chine ne subissaient de ce chef aucun retard, et dès le 9 juin, le traité de Tien-Tsin était définitivement conclu.

Les partisans de l'évacuation n'en continuèrent pas moins leur campagne, et les manifestations électorales parurent assez favorables à leur opinion.

La nouvelle Chambre, sur la demande d'un report de crédit de 70 millions, nomma dans ses bureaux une commission de 33 membres qui, dès le premier jour, se montra décidée à condamner la politique suivie par l'ancienne Chambre et à proposer l'abandon définitif du Tonkin.

Le rapport de cette commission concluait ainsi, sous une forme négative ni occupation, ni protectorat.

Mais la Chambre, après de longs débats, vota les crédits réclamés par le gouvernement (1).

Le détail des incidents parlementaires qui ont marqué cette discussion, ne sont pas de notre domaine. Nous croyons utile, au contraire, de reproduire dans un chapitre spécial (2) le texte des documents diplomatiques qui ont fixé la situation de la France à l'égard de la Chine, de l'Annam et du Cambodge, et qui forment pour l'avenir la base de son action politique dans l'Extrême-Orient.

1 résulte de ces traités que la Chine a renoncé à toute suzeraineté sur l'Annam; que ce royaume, comme celui du Cambodge, a accepté le protectorat de la France, et que le Tonkin, soumis d'une manière plus étroite encore à l'influence française, doit être considéré comme une sorte de colonie.

L'expédition de Madagascar a fait aussi l'objet de discussions assez vives la première, au mois de juillet, pour le vote d'un crédit de 12.190.000 francs; la seconde, en décembre, sur le rapport de la commission chargée d'étudier l'ensemble de la question coloniale. L'une et l'autre délibération se sont terminées au profit de la politique d'intervention soutenue par le gouvernement (3).

D'ailleurs, à la séance du 22 décembre, le ministre des affaires étrangères fit connaître à la Chambre qu'un traité venait d'être signé avec les Hovas un résident français sera installé à Tananarive; ses conseils règleront la politique extérieure du gouvernement de la reine (4).

(1) Chambre

discussion, J. Off. des 22, 23, 24 et 25 décembre 1885.
Loi du 27 décembre 1885, J. Off. du

Sénat J. Off. du 27 décembre.

28 décembre.

V. Bulletin, 1886, p. 213.

(2) V. infrà, p. 183.

(3) Loi du 5 août 1885 (J. Off. du 7 août).

Chambre exposé des motifs, annexes 1885, p. 418; rapport, p. 1022; discussion, J. Off. des 26, 28, 29 et 31 juillet 1885. Sénat rapport, J. Off. du 2 août; discussion, J. Off. du 5 août. Loi du 27 décembre 1885.

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(4) Chambre : J. Off. du 23 décembre 1885.

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