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auront intérêt à les soumettre à l'assurance. Les matelots, de leur côté, pourront faire assurer leurs salaires même pour le temps postérieur à la perte ou à la prise du navire (1).

Sur ce dernier point, la réforme introduite par la loi nouvelle paraît critiquable (2) en effet, l'assurance permise aux gens de mer les placera, en cas de sinistre, dans une situation meilleure qu'en cas d'heureuse arrivée. Du reste c'est là une observation surtout théorique. En fait, cette assurance ne sera pas contractée par les marins, car ils n'ont pas les moyens de payer de fortes primes et ne trouveraient pas d'assureurs. (De Courcy, brochure, p. 13).

Le prêt à la grosse aventure ressemble à l'assurance. Puisque le fret et le profit espéré du chargement devenaient choses assurables, la loi nouvelle, dans un but de symétrie, a décidé que le fret et le profit espéré pourraient aussi être le gage d'un emprunt à la grosse (art. 315). En conséquence, l'article 318 qui défendait le prêt à la grosse sur ces deux objets est abrogé.

Art. 1. Les articles 216, 258, 262, 263, 265, 315, 334 et 347 du Code de commerce sont modifiés ainsi qu'il suit :

Art. 216. Tout propriétaire de navire est civilement responsable des faits du capitaine et tenu des engagements contractés par ce dernier pour ce qui est relatif au navire et à l'expédition.

Il peut dans tous les cas s'affranchir des obligations ci-dessus par l'abandon du navire et du fret.

Toutefois, la faculté de faire abandon n'est point accordée à celui qui est en même temps capitaine et propriétaire ou co-propriétaire du navire. Lorsque le capitaine ne sera que co-propriétaire, il ne sera responsable des engagements contractés par lui, pour ce qui est relatif au navire et à l'expédition, que dans la proportion de son intérêt.

En cas de naufrage du navire dans un port de mer ou havre, dans un port maritime (3) ou dans les eaux qui leur servent d'accès, comme aussi en cas d'avaries causées par le navire aux ouvrages d'un port, le propriétaire du navire peut se libérer, même envers

(1) Le rapport de M. Grivart au Sénat dit formellement que les gens de mer peuvent faire assurer « la totalité des salaires du voyage pour lequel ils sont engagés. »

(2) Il s'en faut que l'assurance des loyers des gens de mer soit permise dans tous les pays étrangers. Elle est autorisée par la loi belge de 1879 (art. 168). Mais le Code allemand (art. 784) et le Code italien (art. 607, 1o) défendent expressément cette assurance. En Angleterre et aux États-Unis d'Amérique, on ne l'admet qu'au profit du capitaine.

(3) La commission de la Chambre des députés avait ajouté « ou port fluvial ». Cette disposition a été écartée par le Sénat comme sortant du cadre du livre II spécialement consacré au commerce maritime. (Sénat, rapports de M. Roger-Marvaise).

l'État, de toute dépense d'extraction ou de réparation, ainsi que de tous dommages-intérêts, par l'abandon du navire et du fret des marchandises à bord.

La même faculté appartient au capitaine qui est propriétaire ou co-propriétaire du navire, à moins qu'il ne soit prouvé que l'accident a été occasionné par sa faute.

Art. 258. En cas de prise, naufrage ou déclaration d'innavigabilité, les matelots engagés au voyage ou au mois sont payés de leurs loyers jusqu'au jour de la cessation de leurs services, à moins qu'il ne soit prouvé, soit que la perte du navire est le résultat de leur faute ou de leur négligence, soit qu'ils n'ont pas fait tout ce qui était en leur pouvoir pour sauver le navire, les passagers et les marchandises, ou pour recueillir les débris.

Dans ce cas, il appartient aux tribunaux de statuer sur la suppression ou la réduction du loyer qu'ils ont encourue.

Ils ne sont jamais tenus de rembourser ce qui leur a été avancé sur leurs loyers.

En cas de perte sans nouvelles, les héritiers ou représentants des matelots engagés au mois auront droit aux loyers échus jusqu'aux dernières nouvelles et à un mois en sus. Dans le cas d'engagement au voyage, il sera dû à la succession des matelots moitié des loyers du voyage.

Si l'engagement avait pour objet un voyage d'aller et retour, il sera payé un quart de l'engagement total si le navire a péri en allant, trois quarts s'il a péri dans le retour; le tout sans préjudice des conventions contraires (1).

Dans tous les cas (2), le rapatriement des gens de l'équipage est à la charge de l'armement (3), mais seulement jusqu'à concurrence de la valeur du navire ou de ses débris, et du montant du fret des

(1) En cas d'absence de nouvelles, les gens de mer auront désormais droit à leurs loyers jusqu'au jour de la cessation de leurs services. Mais ce jour étant inconnu, la loi a dû établir une sorte de forfait applicable à défaut de conventions contraires qui seront toujours permises (rapport de M. Grivart).

(2) Les mots dans tous les cas, dit le rapport de M. Grivart, ont été introduits dans la rédaction pour marquer que l'obligation du rapatriement existe quel que soit le mode d'engagement contracté par les matelots, qu'ils naviguent au mois, au voyage ou à la part.

(3) La législation anglaise affranchit, il est vrai, en général, l'armateur de toute obligation relative au rapatriement des marins naufragés. Mais cet exemple ne parut pas décisif au Conseil d'État « parce qu'à raison soit du développement de la marine anglaise, soit du nombre et de l'étendue des possessions de la Grande-Bretagne, le législateur anglais avait pu se préoccuper beaucoup moins du rapatriement des matelots. » (Rapport de M. Griolet, p. 17).

marchandises sauvées, sans préjudice du droit de préférence qui appartient à l'équipage pour le payement de ses loyers (1).

Art. 262. Le matelot est payé de ses loyers, traité et pansé aux frais du navire, s'il tombe malade pendant le voyage, ou s'il est blessé au service du navire (2).

Si le matelot a dû être laissé à terre, il est rapatrié aux dépens du navire; toutefois le capitaine peut se libérer de tous frais de traitement ou de rapatriement en versant entre les mains de l'autorité française une somme à déterminer d'après un tarif qui sera arrêté par un règlement d'administration publique, lequel devra être revisé tous les trois ans.

Les loyers du matelot laissé à terre lui sont payés jusqu'à ce qu'il ait contracté un engagement nouveau ou qu'il ait été rapatrié. S'il a été rapatrié avant son rétablissement, il est payé de ses loyers jusqu'à ce qu'il soit rétabli. Toutefois, la période durant laquelle les loyers du matelot lui sont alloués ne pourra dépasser, en aucun cas, quatre mois (3) à dater du jour où il a été laissé à terre.

Art. 263. Le matelot est traité, pansé et rapatrié (4) de la manière indiquée en l'article précédent, aux dépens du navire et du

(1) Ce dernier membre de phrase, qui n'existait pas dans la rédaction primitive, a été ajouté par la Chambre des députés. « Il faut savoir à quoi s'en tenir, dit, à la séance du 18 mai 1885, M. Peulevey, rapporteur. C'est une question de privilège. Oui, l'État aura pour le rapatriement un privilège sur les débris du navire; mais il y a le loyer des matelots qui doit avoir un rang préférable, et il faut le dire. Voilà pourquoi nous avons proposé l'addition que vous trouvez au dernier paragraphe de l'article: « ... sans préjudice du « droit de préférence qui appartient à l'équipage pour le payement de ses «<loyers. »

La rédaction de l'article 258, § 6, a soulevé deux questions :

Aux termes de l'ancien article 259 (aujourd'hui abrogé), les matelots engagés au voyage ou au mois étaient les seuls qui eussent un privilège sur les débris du navire. Il doit en être encore de même sous l'empire de la loi du 12 août 1885 qui ne confère aucun nouveau droit de préférence aux matelots engagés soit au fret soit à la part.

L'article 258, § 6, confirme le droit de préférence des matelots engagés au voyage ou au mois sur le fret des marchandises sauvées, sans reproduire le mot « subsidiairement » qui figurait dans le second alinéa de l'ancien article 259. D'autre part, l'article 260 donne sur ce même fret un droit de préférence aux matelots engagés au fret. Comment régler les droits respectifs des uns et des autres? M. A. Desjardins (op. cit., t. V, no 1279) admet que tous les gens de mer, quel que soit leur mode d'engagement, doivent venir en concurrence sur le fret.

(2) Ce premier alinéa est la reproduction pure et simple du texte entier de l'ancien article 262.

(3) Le ministre de la marine voulait porter le délai à six mois. Il accepta devant la commission sénatoriale de 1876 la réduction à quatre mois; mais en faisant cette concession, il obtint que les loyers continueraient à courir jusqu'à l'expiration de ce délai, au profit du matelot rapatrié, non rétabli. (4) L'ancien article 263 ne visait pas l'hypothèse du rapatriement.

chargement, s'il est blessé en combattant contre les ennemis et les pirates.

Art. 265. En cas de mort d'un matelot pendant le voyage, si le matelot est engagé au mois, ses loyers sont dus à sa succession jusqu'au jour de son décès.

Si le matelot est engagé au voyage, au profit ou au fret et pour un voyage d'aller seulement, le total de ses loyers ou de sa part est dû, s'il meurt après le voyage commencé; si l'engagement avait pour objet un voyage d'aller et retour, la moitié des loyers et de la part du matelot est due s'il meurt en allant ou au port d'arrivée; la totalité est due s'il meurt en revenant.

Pour les opérations de la grande pêche, la moitié de ses loyers ou de sa part est due s'il meurt pendant la première moitié de la campagne; la totalité est due s'il meurt pendant la seconde moitié.

Les loyers du matelot tué en défendant le navire sont dus en entier pour tout le voyage si le navire arrive à bon port, et, en cas de prise, naufrage ou déclaration d'innavigabilité jusqu'au jour de la cessation des services de l'équipage (1).

Art. 315. Les emprunts à la grosse peuvent être affectés : sur le navire et ses accessoires, sur l'armement et ses victuailles, sur le fret, sur le chargement, sur le profit espéré du chargement, sur la totalité de ces objets conjointement ou sur une partie déterminée de chacun d'eux (2).

Art. 334. Toute personne intéressée (3) peut faire assurer le navire et ses accessoires, les frais d'armement, les victuailles, les loyers des gens de mer, le fret net, les sommes prêtées à la grosse et le profit maritime, les marchandises chargées à bord et le profit espéré de ces marchandises, le coût de l'assurance et généralement toutes choses estimables à prix d'argent sujettes aux risques de la navigation (4).

(1) Ce paragraphe final est l'œuvre de la commission sénatoriale de 1876. Il se justifie par cette idée que l'on a voulu faire au matelot tué en défendant le navire, la même condition, quant aux loyers, que celle faite aux survivants.

(2) On ne conçoit guère l'hypothèse d'un emprunt spécial sur le fret ou sur le profit espéré séparés du navire ou du chargement. Aussi les changements introduits à cet égard dans l'article 315 du Code de commerce auront sans doute un faible intérêt pratique. Cfr. A. Desjardins, t. V, no 1160.

(3) Notamment les créanciers à hypothèque maritime sur le navire auront intérêt à le faire assurer.

(4) Parmi les choses qui peuvent être assurées, la Chambre des députés aurait voulu mentionner les sommes prétées sur hypothèque maritime. Le Sénat a objecté que ces sommes, à la différence des sommes prétées à la

Toute assurance cumulative est interdite (1).

Dans tous les cas d'assurances cumulatives, s'il y a eu dol ou fraude de la part de l'assuré, l'assurance est nulle à l'égard de l'assuré seulement; s'il n'y a eu ni dol ni fraude, l'assurance sera réduite de toute la valeur de l'objet deux fois assuré. S'il y a eu deux ou plusieurs assurances successives, la réduction portera sur la plus récente.

Art. 347. Le contrat d'assurance est nul s'il a pour objet les sommes empruntées à la grosse (2).

Art. 2. - Les articles 259, 318 et 386 du Code de commerce sont abrogés.

VIII

LOI DU 14 AOUT 1885, RELATIVE AUX MOYENS DE PRÉVENIR LA RÉCIDIVE (LIBÉRATION CONDITIONNELLE, PATRONAGE, RÉHABILITATION) (3).

Notice et notes par M. J. DRIOUx, docteur en droit, juge d'instruction à Pithiviers.

Cette loi, dont la promulgation a précédé la mise en vigueur de la loi sur les récidivistes, sans être opposée à celle-ci, procède toutefois d'une école absolument différente. Citer le nom de son promoteur, M. le sénateur Bérenger, c'est indiquer suffisament l'esprit de réforme pénitentiaire et l'idéal d'amélioration progressive des détenus dont elle est l'expression.

grosse, ne sont pas exclusivement liées aux risques de la navigation, le créancier hypothécaire ayant une action personnelle contre les propriétaires du navire (premier rapport de M. Roger-Marvaise).

(1) L'assurance, étant essentiellement un contrat d'indemnité, ne doit pas devenir pour l'assuré une source de bénéfice. « De là les stipulations formelles qui interdisent l'assurance des dépenses de l'expédition, cumulée avec l'assurance de l'entier montant du fret; l'assurance de l'entier profit espéré cumulée avec celle des dépenses accessoires du chargement; enfin l'assurance des profits maritimes venant s'ajouter à celle des frais accessoires du prêt. » (Exposé des motifs).

(2) L'emprunteur à la grosse, qui est libéré en cas de sinistre, réaliserait, grâce à l'assurance du capital prêté, un bénéfice illicite. La loi a voulu empêcher cette fraude; mais sa prohibition était inutile, la nullité du contrat d'assurance en pareil cas résultant déjà des principes généraux.

(3) Documents et travaux parlementaires. — Sénat. Proposition de M. Bérenger, J. Off., 28 décembre 1882; exposé des motifs, Annexes, avril 1883, p. 251. Rapport sommaire de M. Le Giem, Anneres, avril 1883, p. 559. Prise en considération, 20 avril 1883, J. Off. du 21,-Rapport par M. Bérenger, 22 décembre 1883, Annexes, janvier 1881, p. 1187; rapport supplémentaire,

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