Imágenes de páginas
PDF
EPUB

femmes reléguées pour se procurer du travail et des moyens d'établissement dans la colonie.

Un règlement d'administration publique fixera les avantages particuliers qui pourront leur être accordés en argent ou en concessions de terre, en avances de premier établissement, en dons ou prêts d'outils, d'instruments et de tous objets nécessaires à une exploitation commerciale, industrielle ou agricole. Ces divers avantages pourront être consentis, tant au profit des conjoints et des enfants à naître, qu'au profit des femmes reléguées.

Art. 30. Les femmes qui ont été envoyées en relégation collective peuvent obtenir les facilités et avantages ci-dessus, lorsqu'elles justifient d'une bonne conduite et d'aptitudes suffi

santes.

[ocr errors]

Art. 31. Il sera organisé sur les territoires affectés à la relégation collective, des dépôts d'arrivée et de préparation où seront reçus et provisoirement maintenus les relégués à titre collectif. Ces dépôts pourront comprendre des ateliers, chantiers et exploitations où seront placés les relégués pour une période d'épreuve et d'instruction. Les relégués y seront formés, soit à la culture, soit à l'exercice d'un métier ou d'une profession, en vue des engagements de travail ou de service à contracter et des concessions de terres à obtenir selon leurs aptitudes et leur conduite.

Art. 32. Les relégués qui n'ont pas été admis à la relégation individuelle, soit avant leur départ de France, soit pendant leur séjour dans les dépôts de préparation, sont envoyés dans des établissements de travail. Ces établissements peuvent consister en ateliers, chantiers de travaux publics, exploitations forestières, agricoles ou minières. Les relégués sont répartis entre ces établissements d'après leurs aptitudes, leurs connaissances, leur âge et leur état de santé. L'administration peut toujours les admettre, sur leur demande, à revenir dans les dépôts de préparation pour une nouvelle période d'épreuve et d'instruction.

[ocr errors]
[ocr errors]

Art. 33. Sur autorisation du gouverneur et sous les conditions fixées par lui, dans des règlements transmis immédiatement au ministre de la marine et des colonies et communiqués aux ministres de la justice et de l'intérieur, des établissements, exploitations et domaines particuliers peuvent être assimilés aux établissements publics que mentionne le précédent article pour fournir du travail et des moyens de subsistance aux condamnés soumis à la relégation collective. Il peut, en conséquence, être envoyé et maintenu dans ces établissements privés des groupes ou détachements de relégués, qui demeurent placés sous la surveillance des agents de

l'État et qui sont soumis au même régime et aux mêmes règles disciplinaires que dans les établissements publics de travail.

[ocr errors]

Art. 34. Les relégués qui, sans avoir perdu le bénéfice de la relégation individuelle, en vertu de l'article 10 du présent décret, se trouvent dans l'impossibilité de pourvoir à leur subsistance, peuvent, sur leur demande, être temporairement employés par les soins de l'administration dans des exploitations, ateliers ou chantiers.

Art. 35. Les relégués qui sont employés dans un des établissements affectés à la relégation collective sont rémunérés en raison de leur travail, sous réserve d'une retenue à opérer pour la dépense occasionnée par chacun d'eux, notamment pour les frais d'entretien. Cette retenue ne peut excéder le tiers du produit de la rémunération.

Art. 36. Les rélégués placés dans un de ces mêmes établissements peuvent recevoir du dehors des offres d'occupation et d'emploi et justifier d'engagements de travail ou de service pour être autorisés à quitter l'établissement. Ils peuvent de même être admis à bénéficier de concessions de terre, à raison de leur conduite et de leurs aptitudes. Les autorisations d'engagement et les concessions n'entraînent pas de plein droit l'admission au bénéfice de la relégation individuelle, qui doit être demandée et obtenue conformément à l'article 9 du présent décret.

Art. 37. Les peines de la réclusion et de l'emprisonnement prononcées contre des relégués pour crimes ou délits, par quelque juridiction que ce soit, doivent être subies sans délai, à défaut de prisons proprement dites, dans des locaux fermés, spécialement destinés à cet effet, sans réunion ou contact des condamnés ni avec la population libre ni avec les relégués non condamnés.

Art. 38.

[ocr errors]

Les châtiments corporels sont et demeurent interdits à l'égard des relégués.

Art. 39. Les commissions de classement, instituées par les articles 7 et 8 du présent décret, sont appelées à donner leur avis avant qu'il soit statué sur la situation des relégués et sur les mesures qui les concernent, spécialement aux cas prévus par les articles 31 à 36. Le conseil de santé de la colonie est consulté sur toutes les questions intéressant le régime et l'hygiène des relégués.

-

Art. 40. Les relégués ont toujours le droit d'adresser leurs demandes et réclamations par plis fermés, soit aux autorités administratives ou judiciaires de la colonie où ils sont internés, soit aux ministres de la marine et des colonies et de la justice.

Ces demandes et réclamations doivent être transmises indistinctement et sans retard à destination par les soins des fonctionnaires et agents chargés des services de la relégation.

[ocr errors]

Art. 41. Les ministres de la justice, de l'intérieur, de la marine et des colonies sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera inséré au Bulletin des lois, au Bulletin officiel de la marine et aux journaux officiels de la métropole et des colonies.

V

LOI DU 16 JUIN 1885, SUR LE SCRUTIN DE LISTE.

Notice et notes par M. Paul ROBIQUET, avocat au Conseil d'État et à la Cour

de cassation.

Il peut paraître inutile de remonter au delà de 1848 pour étudier l'histoire des deux systèmes électoraux qui ont présidé, tour à tour, à la désignation des mandataires du peuple français. Rappelons seulement que la Constitution, non appliquée, du 24 juin 1793, a proclamé, pour la première fois, le principe du suffrage universel. « Le peuple souverain, dit l'article 7 de cette Constitution, est l'universalité des citoyens français », et l'article 21 ajoute: «< la population est la seule base de la représentation nationale». Quant aux Constitutions de 1791 et de l'an III, où certains hommes politiques ont voulu trouver le germe du scrutin de liste, il faut remarquer qu'en 1791, comme en l'an III, les élections étaient faites à deux degrés, avec des conditions de cens. En fait, le principe du suffrage universel et direct ne date que du décret du 5 mars 1848 (1) (art. 5), qui porte également que « tous les électeurs voteront au chef-lieu de leur canton, par scrutin de liste » (art. 9). On retrouve ces prescriptions dans la Constitution du 4 novembre 1848 (art. 24 et 30), et elles furent appliquées par la loi électorale du 15 mars 1849. La Constitution de 1852 conserva le principe du suffrage universel, mais supprima le scrutin de liste en affirmant, dans son préambule, que le scrutin de liste «< fausse l'élection »>.

Après la chute de l'Empire, un décret, en date du 29 janvier 1871,

(1) Le vote direct a été introduit en France par la loi du 5 février 1817 dont l'article 17 était ainsi conçu : « Il n'y a dans chaque département qu'un seul collège électoral; il est composé de tous les électeurs du département dont il nomme les députés à la Chambre.. »

déclara que les élections législatives auraient lieu par département au scrutin de liste, conformément à la loi de 1849. C'est ce système électoral qui donna naissance à l'Assemblée nationale de 1871. Elle abolit de nouveau le scrutin de liste, en adoptant, dans sa séance du 11 novembre, par 357 voix contre 326, l'amendement Lefèvre-Pontalis, lequel consacrait dans toute son étendue le scrutin uninominal par arrondissement. Cet amendement est devenu l'article 14 de la loi organique du 30 novembre 1875 sur l'élection des députés, article ainsi conçu: « Les membres de la Chambre des députés sont élus au scrutin individuel. Chaque arrondisdissement administratif nommera un député. Les arrondissements où la population dépasse cent mille habitants nommeront un député de plus par cent mille ou fraction de cent mille habitants. Les arrondissements, dans ce cas, seront divisés en circonscriptions dont le tableau sera établi par une loi, et ne pourra être modifié que par une loi. » Avant de voter cette rédaction, l'Assemblée nationale avait entendu de nombreux orateurs critiquer ou défendre le scrutin d'arrondissement. On peut rappeler notamment les discours de M. Dufaure, adversaire, et de M. Ricard, partisan du scrutin de liste (séance du 11 novembre 1875). Les arguments, invoqués de part et d'autre, sont trop connus pour qu'il y ait même lieu de les résumer.

Le 11 novembre 1880, M. Bardoux présenta à la Chambre une proposition de loi tendant au rétablissement du scrutin de liste. Elle conférait à chaque département le droit de nommer, au scrutin de liste, un député par 70.000 habitants ou par toute fraction dépassant ce chiffre. Combattue par la commission de la Chambre (rapport de M. Boysset du 16 mai 1881), la proposition Bardoux fut cependant votée à quelques voix de majorité, dans la séance du 19 mai 1881; mais, au Sénat, elle fut repoussée dans la séance du 9 juin, à la suite d'un rapport défavorable, présenté, au nom de la commission, par M. Waddington.

Dans la proposition de revision constitutionnelle que présenta, le 14 janvier 1882, M. Gambetta, chef du cabinet du 14 novembre 1881, se trouvait comprise la substitution du scrutin de liste au scrutin d'arrondissement pour l'élection des députés (1). Mais la Chambre ayant repoussé, dans sa séance du 26 janvier 1882, la formule de revision partielle proposée par le Gouvernement, et voté, par 268 contre 218 le projet de la commission, dont le but essentiel était de soustraire aux délibérations du Congrès le mode d'élections des députés (art. 1, § 2, de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 sur l'organisation des pouvoirs publics), ce vote entraîna la démission du ministère Gambetta, l'ajournement de la revision constitutionnelle et le maintien du statu quo, en ce qui concerne le scrutin d'arrondissement. Dès le 24 mai 1884, M, Jules Ferry, chef du cabinet du 21 février 1883, déposait sur le bureau de la Chambre un nouveau projet de revision; mais, s'il visait le système électoral applicable

(1) V. la notice sur la revision constitutionnelle dans l'Annuaire français de 1884.

au recrutement du Sénat, en ce sens qu'il proposait d'enlever le caractère constitutionnel à la loi sur l'organisation du Sénat, il ne visait pas la loi électorale de la Chambre, qui, d'ailleurs, figurait tout entière dans le cadre de la législation ordinaire, tandis que la législation électorale du Sénat était coupée en deux moitiés, dont l'une avait le caractère constitutionnel et l'autre un caractère purement organique. La loi du 14 août 1884, portant revision partielle des lois constitutionnelles, déclara, dans son article 3, que « les articles 1er à 7 de la loi constitutionnelle du 24 février 1872, relative à l'organisation du Sénat, n'auraient plus le caractère constitutionnel » ; en conséquence, la loi du 9 décembre 1884, sur l'organisation du Sénat et les élections des sénateurs, ne fut investie d'aucun caractère constitutionnel et l'on vit cesser la disparité de situation qui existait naguère entre les lois électorales des deux Chambres.

Le 26 mars 1884, M. Constans soumit de nouveau à la Chambre la question du scratin de liste qui avait précédemment soulevé tant d'orages parlementaires (1). La discussion paraissait d'avance épuisée ; l'opinion de chacun étant faite, il n'y avait plus lieu de rouvrir les grands débats de 1872 et de 1881. Un revirement considérable paraissait d'ailleurs s'être produit dans les régions parlementaires, et c'est à l'unanimité, d'accord avec le Gouvernement, que la commission de la Chambre proposa de rétablir dans la législation le principe du scrutin de liste, dans les termes mêmes où l'avait accepté la Chambre au mois de mai 1881. Les derniers partisans du scrutin d'arrondissement, MM. Achard, Courmeaux et Hémon, se placèrent surtout au point de vue du résultat possible de la modification proposée par M. Constans, et M. Hémon émit, à cet égard, des pronostics que l'événement a, en partie, justifiés (2). La Chambre

(1) Voici le résumé chronologique de la proposition qui est devenue la loi du 16 juin 1885:

Dépôt de la proposition, 26 mars 1884 (J. Off. du 27, déb. parl., p. 922). -Rapport sommaire, 26 mai 1884. — (V. J. Off., doc. parl., octobre, p. 773.-Prise en considération le 22 juillet 1884. Rapport de M. Constans, déposé le 29 déc. 1884. (J. Off., doc. parl., février 1885, p. 1729. — Déclaration d'urgence, le 19 mars 1885. Discussion et adoption par la Chambre, 19, 21, 23,

24 mars 1885. (J. Off., déb. parl., p. 588, 607, 627, 748).

Sénat. Transmission au Sénat; déclaration d'urgence, le 26 mars 1885 (déb. parl.. p. 442). - Rapport de M. Bozérian, 16 mai 1885 (déb. parl., p. 556). Discussion les 19, 21, 23 mai 1885 (déb. parl., p. 561, 575, 596). Adoption avec modifications le 23 mai 1885 (déb. parl., p, 606).

-

Rap

Ch. des Députés. Retour de la loi, 26 mai 1885 (déb. parl., p. 907). port de M. Constans, 6 juin 1885 (déb. parl., p. 1016). — Discussion et a dop tion, 8 juin, déb. parl., p. 1032).

(2) Voici la conclusion de son discours : « Quant à moi, qui ne me pique pas de mettre la perfection dans les lois, mais qui voudrais plutôt mettre la sécurité dans les faits, je résume modestement mon opinion, en disant qu'à mes yeux, dans un temps de transition et de combat comme le nôtre, le meilleur régime électoral sera toujours celui qui préservera le mieux contre les sur prises. Et c'est pour cela que j'ai tenu à dégager ma responsabilité de ce projet de restauration du scrutin départemental qu'en conscience, je ne puis envisager autrement que comme une aventure, et comme la plus grosse, la

« AnteriorContinuar »