Imágenes de páginas
PDF
EPUB

le sacrilège et jamais croyant n'offensa Dieu avec tant de zèle. N'en frissonnez pas. Ce grand blasphémaleur sera sauvé. Il garda dans son audace impie de tambourmajor et de romantique une divine innocence, une sainte candeur qui lui feront trouver grâce devant la sagesse éternelle. Saint Pierrre dira en le voyant : << Voici M. Barbey d'Aurévilly. Il voulut avoir tous les vices, mais il n'a pas pu, parce que c'est très difficile et qu'il y faut des dispositions particulières; il eût aimé à se couvrir de crimes, parce que le crime est pittoresque; mais il resta le plus galant homme du monde, et sa vie fut quasi monastique. Il a dit parfois de vilaines choses, il est vrai; mais, comme il ne les croyait pas et qu'il ne les faisait croire à personne, ce ne fut jamais. que de la littérature, et la faute est pardonnable. Chateaubriand qui, lui aussi, était de notre parti, se moqua de nous dans sa vie beaucoup plus sérieusement. »

PAUL ARÈNE 1

« Je vins au monde au pied d'un figuier, un jour que les cigales chantaient. C'est ce que rapporte de sa naissance, Jean des Figues, dont M. Paul Arène a conté l'histoire ingénue. Un jour, quand M. Paul Arène aura sa légende, on dira que c'est ainsi qu'il naquit lui-même, au chant des cigales, tandis que les figues-fleurs, s'ouvrant au soleil, égouttaient leur miel sur ses lèvres. On ajoutera, pour être vrai, qu'il avait comme Jean des Figues, la main fine et l'âme fière, et l'on gravera une cigale sur son tombeau, de goût presque antique, afin d'exprimer qu'il était naturellement poète et qu'il aimait le soleil.

Il aime le soleil et tout ce que baigne le soleil. Son style clair et chaud a, dans son élégante sécheresse, celte saveur de pierre à fusil que le soleil donne aux

1. La Chèvre d'or, 1 volume (Bibliothèque de l'Illustré moderne).

vins qu'il mûrit avec amour. Il faut placer M. Paul Arène à côté de M. Guy de Maupassant et ces deux princes des conteurs auront pour emblème le premier l'olive, le second la pomme. Ainsi, le sol de notre adorable patrie nous offre ici les lignes pures des horizons bleus; là de grasses prairies sous un doux ciel humide, et l'art reproduit, par les nuances de la langue et du style, cette diversité charmante. Et la montagne, la côte, la forêt, la lande ont aussi leurs peintres, leurs poètes, leurs conteurs. On pourrait faire une bien belle étude sur la géographie littéraire de la France 1.

La Provence a ses félibres qui chantent en provençal. Je ne leur en fais pas un reproche il ne faut pas demander à tous les oiseaux de chanter de la même manière. J'admire infiniment Mistral et s'il m'arrive de regretter que le doux poème de Mireille ne soit pas écrit dans le dialecte de l'Ile de France, c'est parce que je le comprendrais mieux et le goûterais plus naturellement. Il n'y a là que de l'égoïsme. La patriotisme n'est pas l'ennemi des dialectes et l'unité de la France n'est point menacée par les chansons des félibres.

Mais, puisque M. Paul Arène parle le français, et le meilleur, j'en profite pour l'entendre et le goûter. D'ailleurs, M. Arène est un Provençal très parisien. On le rencontre plus souvent sous les platanes du jardin du Luxembourg que dans les plaines de la Camargue, où passaient les chevaux sarrasins. Il a des tendresses infi

1. Mais n'avons-nous pas déjà un bien agréable livre de M. Charles Fuster, les Poètes du Clocher.

nies pour les vieux pavés de la place de l'Odéon, et si on lui en faisait un reproche, il répondrait sans doute qu'il ne voit jamais si bien les maigres feuilles des amandiers se découper dans l'azur de son ciel natal que l'hiver, à Paris, dans les brumes du soir et à travers la fumée de sa pipe. Ce serait bien vrai. On ne sait parler de ce qu'on aime que lorsqu'on ne l'a plus, et tout l'art du poète n'est que d'assembler des souvenirs et de convier des fantômes. Aussi y a-t-il une tristesse attachée à tout ce que nous écrivons. Je ne parle, bien entendu, que de ce qui est senti. Le reste n'est qu'un vain son.

«

Voilà pourquoi M. Paul Arène, qui parle si bien de sa belle province, la gueuse parfumée », fréquente dans le quartier Latin, où tout le monde le connaît de vue. Il va tout d'une pièce, à tout petits pas, l'œil vif sur un visage immobile, et l'on ne peut s'empêcher de songer que ce petit homme raide et tranquille, devait avoir l'air assez crâne, en 1870, dans sa vareuse de capitaine de mobiles. C'est un Méridional contenu, dont l'abord étonne.

On n'a jamais vu bouger un muscle de son visage. Même quand il parle, sa face au front large, à la barbe pointue, reste silencieuse. Il a l'air de sa propre image modelée et peinte par un maître. Avec cela un tour de conversation vif, rapide, exquis, el cet art souverain, qu'il montre aussi dans ses livres, de s'arrêter à point et de ne pas trop achever. Enfin, une figure tout à fait originale.

La dernière fois que j'ai rencontré M. Paul Arène, il s'en allait en pèlerinage au tombeau de Florian et prenait le chemin de fer, tout seul de sa bande, moins pour se conformer aux usages des félibres exilés parmi nous que pour se contenter par un brin de campagne. Il faisait du soleil; le ciel se montrait gai, spirituel, comme il n'est que sur les coteaux des environs de Paris; et les bois de Sceaux, ce jour-là, devaient être bien jolis. Florian est un saint qu'on ne chôme qu'au printemps, en fredondonnant Plaisirs d'amour. M. Paul Arène lui est dévot. Il l'aime parce que le chevalier de Florian rappelle beaucoup de coquels souvenirs d'antan. Sa mémoire est transparente, et l'on voit au travers voltiger des couples de tourterelles, et des bergères nouer des guirlandes de fleurs autour de leurs houlettes. Que les dames d'autrefois, si charmantes sous la poudre et dans leur robe à ramages, aient aimé dans des bosquets et puis qu'elles soient mortes, cela est naturel et pourtant cela donne à songer aux poètes et c'est un sujet qui a inspiré à l'auteur de Jean des Figues quelques pages dont je goûte plus que tout la grâce mélancolique et la tristesse voluptueuse. Un des caractères singuliers de ce conteur est de s'attacher au passé et de garder aux morts une amitié douce. Il les mêle aux vivants et c'est un des charmes de ses récits.

Dans la Chèvre d'or, par exemple, les ombres des aïeux flottent comme des nuées sur les acteurs du drame. Je viens de lire ce livre ravissant, ces pages agrestes et fines, ces scènes simples, d'un style pur,

« AnteriorContinuar »