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DU MÊME AUTEUR :

L'Idée de Responsabilité. 1 vol. in-8°. Paris, Hachette.

L'Allemagne depuis Leibniz Essai sur le développement de la conscience nationale en Allemagne. 1 vol. Paris, Hachette.

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ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET CIE
FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR

108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108

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1894

Tous droits réservés

193

J163L.

792163

PRÉFACE

La philosophie du sentiment ou de la croyance, que divers symptômes nous montrent aujourd'hui renaissante, avait déjà été fort en faveur au siècle dernier. Nous nous proposons de l'étudier ici sous la forme que Jacobi lui a donnée, et qui semble bien être une des plus précises et des plus parfaites qu'une telle doctrine puisse prendre. Jacobi s'est efforcé de légitimer le principe même de la philosophie du sentiment. Il a prétendu obtenir de la raison l'aveu de son impuissance métaphysique, saisir la vérité absolue dans les données immédiates du cœur, et substituer ainsi à une prétendue science, abstraite et sophistique, la certitude d'une croyance vivante et irréfutable. A-t-il réussi, ou n'est-il arrivé, au contraire, qu'à mieux faire éclater le vice irrémédiable de toute philosophie qui se nie pour ainsi dire ellemême, en enlevant à la raison la fonction suprême de juger du vrai et du faux? Le lecteur en décidera. Toujours est-il que plus d'une fois, depuis Jacobi, des doctrines analogues ont reparu. Toutes ne sont pas, comme la sienne, ouvertement indifférentes à l'intérêt logique de l'esprit; mais toutes, soucieuses de garantir de chères certitudes, se préoccupent de défendre d'abord, en cas de conflit, l'intérêt moral de la conscience. Elles en appellent donc, comme Pascal, comme Jacobi, de l'intelligence à une faculté supérieure, à une faculté intuitive et révélatrice de la vérité absolue qui échappe aux prises de notre science. « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas. »

Un grand nombre de causes ont concouru à engager dans cette voie la philosophie de notre siècle. Ces causes sont de tout ordre, les unes proprement philosophiques, les autres scientifiques, religieuses et sociales. Parmi les premières et au premier rang, il faut placer le développement toujours croissant des théories de la connaissance. Depuis les Méditations de Descartes, jusqu'à la Critique de la Raison pure, de Kant, l'occupation constante, et l'on pourrait dire principale, de la philosophie a été la réflexion de l'esprit sur ses fonctions et sur sa nature. De là sans doute les progrès de l'idéalisme, qui prenait dans l'étude des lois de la pensée une conscience toujours plus nette de lui-même. Mais de là aussi, chez d'autres philosophes, beaucoup plus nombreux, l'idée que la connaissance humaine est relative. Il y a bien des façons d'entendre la relativité de la connaissance. Ce qu'elle implique dans tous les cas, c'est une opposition entre notre connaissance humaine, qui est relative, et une autre connaissance, que nous supposons, mais que nous ne concevons pas, et qui serait la connaissance absolue. La distinction devait donc s'établir peu à peu entre un domaine où l'esprit humain se rend parfaitement maître de son objet (domaine du relatif), et un autre domaine où la nature même des choses lui interdit d'espérer la science (domaine de l'absolu). Elle s'établit d'autant mieux que les sciences de la nature, rompant avec la tradition scolastique, venaient d'adopter définitivement la méthode expérimentale. Elles faisaient dès lors des progrès rapides et décisifs. Leurs découvertes, toujours plus nombreuses, leurs applications toujours plus variées, témoignaient qu'elles tenaient le bon chemin. En s'enfermant dans la région du relatif, elles avaient trouvé le terrain solide qui manque à la spéculation sur l'absolu.

Comment s'est poursuivie, depuis deux siècles, cette marche divergente de la science et de la métaphysique ? Le point de départ s'en trouve déjà chez Descartes, qui fut pourtant un grand dogmatique. Personne n'eut jamais une plus intrépide confiance en sa raison. Il n'hésite pas à faire table

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