Imágenes de páginas
PDF
EPUB

on ne lui avait rien écrit de Rome; enfin, le 10 novembre, le secrétaire Ardinghelli lui envoyait son rappel, en lui ordonnant de prendre congé du roi, et de revenir comme il pourrait, ou de se réfugier en Savoie 1. Le nonce obtint sans peine un sauf-conduit, et put rentrer en Italie peu après la mort de Léon X, arrivée le 1er décembre 2. La papauté n'avait pas de représentant en France, lorsque Adrien VI y envoya l'archevêque de Bari, Stefano-Gabriele Merino, dans le courant de l'année 1522.

Léon X avait fait faire un grand pas à la nonciature de France, par cette succession de trois agents, qui, en l'espace de huit années, s'étaient remplacés si régulièrement que le sortant devait attendre son successeur et le mettre au courant des affaires en cours de négociation. A son avènement, l'institution revêtait déjà la forme d'ambassade ordinaire, à poste fixe, pour la généralité des affaires, comme nous l'avons établi dans une étude précédente. Cette succession y ajoutait ce qu'on pourrait appeler la permanence, c'est-à-dire la continuation ininterrompue, d'un nonce par un autre, des relations entre la France et Rome, en entendant par ces relations quelque chose de plus que les débats d'intérêts réciproques ou communs ; je veux dire mettre le pape chaque jour au courant de tout ce qui se passait en France, surtout des combinaisons de la politique royale, de ses préparatifs, de la vie de cour, de la marche du gouvernement, en un mot un vrai système d'espionnage, comme les petits potentats italiens l'avaient déjà organisé depuis assez longtemps, donnant ainsi l'exemple et le branle aux grandes puissances.

Ce rapprochement entre les diplomaties pontificale et séculière n'était pas à l'avantage de la première, on venait de le voir précisément dans la rupture qui s'était enfin dessinée entre Léon X et la France. En donnant à ses relations extérieures et à leurs instruments un caractère trop laïque, Léon X les exposait à toutes les vicissitudes, à tous les hasards de la politique. Il en

Badia, ibid., f 72. A Rome on n'avait plus de nouvelles de Rucellai que par son correspondant à Lyon, Giuliano Ridolfi, ibid., fo 129, 131.

Dans la harangue latine qu'il prononça devant Adrien VI en avril 1523, comme orateur de l'ambassade solennelle des Florentins, Rucellai dit qu'il était en route pour l'Italie, quand il apprit l'élection du pontife (24 janvier 1522. Mazzoni, ibid., p. 234.

résultait que les nonciatures n'avaient pas plus de stabilité que les ambassades séculières. Avant même la mort de Léon X, celle de France s'en était allée à vau-l'eau, et il avait fallu tout le respect qu'on devait à la dignité pontificale, pour que son représentant n'eût pas été chassé quelques mois plus tôt, Pour s'être mêlé à la politique de la chrétienté dans un autre but que la conciliation et l'apaisement, le pape risquait ainsi d'abaisser son prestige et de compromettre sa situation, en même temps que l'avenir de l'Église et des institutions qui en dépendaient.

Mais ce n'était là qu'une défaillance momentanée. La nonciature de France pouvait avoir un but plus haut, une organisation plus large et plus stable que celle d'une simple ambassade. Si elle avait joué un rôle de diplomatie séculière, des hommes comme Canossa et Bibbiena n'en avaient pas moins acclimaté en France l'action permanente des représentants apostoliques. La grande lutte qui venait de s'ouvrir entre les maisons de France et d'Autriche réservait aux papes et à leurs agents un rôle plus élevé, celui de médiateurs et d'arbitres. Telle est la tâche qui va remplir l'histoire de la nonciature de France sous les pontificals suivants, en attendant qu'elle soit réellement le porteparole de la réforme catholique, de la politique vraiment chrétienne organisée et dirigée par l'Église, pour la défense, la tranquillité, le maintien et le progrès de l'Europe civilisée. Ce fut le rôle des papes, au xvie et au XVIe siècle, comme en tous autres temps.

P. RICHARD.

UNE

AMBASSADE AU MAROC EN 1767

DOCUMENTS INÉDITS

APERÇU HISTORIQUE

Le Maroc, pays fermé, plein de mystère encore pour la vieille Europe, bien qu'il surveille, pour ainsi dire, une de ses portes, le Maroc, ou Rorb, ou Maghreb-el-Aksa, était tout récemment à l'ordre du jour. Il mérite vraiment de notre part quelque sollicitude. Dès le moyen âge, Marseille avait avec lui d'excellentes relations commerciales. En 1577, Henri III y envoya un consul et un explorateur. En 1629 et 1630, Richelieu y dirigea deux expéditions maritimes, sous le commandement de M. de Razilli, chevalier de Malte, qui signa un traité de commerce avec la ville de Salé. En 1666, le Marseillais Roland Fréjus sut gagner l'amitié du sultan Mouley-Archid et l'amena à une alliance avec Louis XIV.

Dès lors, les ambassades se succèdent entre la France et le Maroc et les relations deviennent d'une telle cordialité qu'un sultan, Mouley-Ismaël, ose demander en mariage la princesse de Conti, fille de Louis XIV et de Me de La Vallière, dont la main lui est d'ailleurs poliment refusée.

Il y eut ensuite quelques alternatives, plus ou moins favorables, dans les relations des deux nations, au cours du XVIe siècle.

Le 7 avril 1767, partit du port de Brest le vaisseau du roi l'Union, commandé par le comte Haudeneau de Breugnon, capitaine, de vaisseau, envoyé par le roi de France en ambassade

extraordinaire vers l'empereur du Maroc. C'est le récit de cette campagne que nous offrons aujourd'hui à nos lecteurs. Nous le trouvons dans le manuscrit inédit du Journal de bord de l'Union, rédigé par Michel-Joachim du Bouexic de Guichen, garde de la marine, fils de l'illustre amiral comte de Guichen 1.

[ocr errors]

A cet intéressant document nous avons la bonne fortune de pouvoir joindre une pièce officielle le Précis du traité conclu au nom du Roi avec l'empereur du Maroc, et signé par M. le comte de Breugnon, capitaine de vaisseau et ambassadeur de Sa Majesté, le 28 mai 1767 2. Ce document historique présente en ce moment un intérêt tout particulier.

Les clauses de ce traité furent fidèlement observées de part et d'autre et, en 1795, le consulat francais fut transféré de Salé à Tanger. Puis vinrent les difficultés de 1844, le concours donné par le Maroc à Abd-el-Kader et la bataille d'Isly, suivie du traité de 1844 et de la convention de 1845. Ce que, peut-être, le succès de nos armes nous eût permis de faire alors, nous ne le pouvons plus aujourd'hui.

A l'heure présente, quatre nations ont les yeux fixés sur le Maroc la France et l'Espagne, l'Angleterre et l'Allemagne. Cet empire qui s'effondre, cette civilisation qui meurt,» selon l'expression d'un écrivain 3, ce Maroc, dont l'histoire est vieille de plus de dix-neuf cents ans, deviendra-t-il la proie mutilée de toutes ces nations rivales? Sera-t-il seulement divisé entre la France et l'Espagne ? Ou bien, dans cette lutte de convoitise entre les deux nations les plus intéressées à la possession, ou tout au moins à la tutelle du Maroc, surviendra-t-il un troisième larron?

Si les traditions de l'Espagne, depuis Charles-Quint, la poussent a diriger souvent ses regards de ce côté, l'intérêt supérieur

1 Nous devons la bienveillante communication de ce manuscrit à l'amabilité de M. le comte de Lauzanne, descendant de l'amiral comte de Guichen, par la fille de celui-ci, Françoise-Félicité du Bouexic de Guichen, qui épousa, le 20 mai 1780, Toussaint-Joseph de Lauzanne, capitaine au régiment de Royal-Cavalerie.

Archives de la Chambre de commerce de Nantes. C. 686 (Carton 22, cotes 1, 2).

3 M. Arthur de Ganniers Le Maroc d'aujourd'hui, d'hier et de de

de nos frontières algériennes nous commande impérieusement de ne pas le perdre de vue.

C'est ainsi que la France pourra espérer la réalisation de son rève l'unité de l'Afrique du nord, qui, entre ses mains, consacrerait la belle œuvre coloniale déjà accomplie en Algérie et en Tunisie.

EXTRAIT DU JOURNAL DE BORD DE LA CAMPAGNE DU VAISSEAU DU ROY « L'UNION, COMMANDÉ PAR M. de Brugnon 1, CAPITAINE DES VAISSEAUX DU ROY, ALLANT AMBASSADEUR EXTRAORDINAIRE AUPRÈS DE L'EMPEREUR DU MAROC. AVRIL-JUILLET 1767.

L'Union est de 64 canons et 450 hommes d'équipage. L'escadre comprend en outre la Sincère, commandée par M. le comte de Durfort, capitaine de frégate; la Lunette, chaloupe canonnière, commandée par M. de Kersaint 2, enseigne des vaisseaux du Roy.

1 M. de Brugnon. Le personnage ici désigné est Pierre-Claude Handeneau, comte de Breugnon, fils de Charles-Joseph et de Marie-Pauline Oriot, dame de Coatamour. Pierre-Claude Handeneau, de Breugnon, alors chef d'escadre, devint en 1779 lieutenant général des armées navales, et grand-croix de Saint-Louis en 1784. Il avait épousé Mule de Saint-Sauveur dont il n'eut pas d'enfants. Ils habitaient Morlaix, mais le comte mourut à Paris.

2 M. de Kersaint. Armand-Guy-Simon de Coëtnempren, comte de Kersaint, fils du vaillant chef d'escadre de ce nom, naquit à Paris, le 20 juillet 1742, au cours d'un voyage que son père et sa mère firent dans cette ville, et débuta fort jeune dans la marine, à côté de son père, à bord de l'Intrépide. Garde de la marine à l'âge de quinze ans, il devint, deux ans plus tard, enseigne de vaisseau.

Il venait de passer quelques années aux Antilles. quand il reçut le commandement de la Lunette dans l'escadre de M. de Breugnon, envoyé pour faire la paix avec le Maroc. Le comte de Kersaint retourna ensuite aux Antilles, comme lieutenant de vaisseau (1770), et y épousa demoiselle Claire Dalesso d'Esragny (1771), dont il eut une fille unique, née à Brest (1777), plus lard mariée au duc de Duras. Devenu, en 1782, capitaine de vaisseau, il pénétra avec une division navale dans la rivière de Surinam et s'empara des établissements anglais.

[ocr errors]

En 1789, il se jeta avec ardeur dans le mouvement révolutionnaire et présenta à l'Assemblée constituante un projet de réforme de la marine, où il proposait la substitution du système de la presse à celui des classes. Élu député de Paris à la Législative, il siégea sur les bancs de la Gironde et fut envoyé, après le 10 août, en mission à l'armée des Ardennes. Arrêté à Sedan, et bientôt remis en liberté, il devint ensuite député de Seine-et-Oise à la Convention et y combattit vigoureusement la Montagne, tout en se spécialisant dans les questions maritimes et de défense nationale.

Kersaint fut promu vice-amiral en 1793 (1er janvier), et démissionna avec

« AnteriorContinuar »