dant le XIe siècle Dom Gasquet n'écrit pas dans un but apologėtique, mais, en veritable historien, il cherche à étudier sans parti pris toutes les faces d'une situation. C'est ainsi que dans cette période des relations entre l'Angleterre et l'Église de Rome, il ne manque pas de signaler les abus et les désordres qui auraient demandé un prompt remède. Il fait remarquer à l'occasion que la plupart des historiens de cette époque sont tombés dans un excès ou dans un autre, les uns voyant l'ennemi héréditaire dans l'Église de Rome, les autres s'efforçant de pallier en toute occurrence les torts des nonces ou des envoyés du pape, leurs exigences au point de vue financier. Son livre est une étude sérieuse et solide, un bon chapitre de l'histoire ecclésiastique de l'Angleterre au XIIIe siècle. Quelquesuns de ses jugements, notamment ceux sur saint Edmond de Canterbury, qu'on a trouvés sévères, ont déjà suscité certaines polémiques en Angleterre, mais, en général, ils sont fondés sur l'étude attentive et complète des sources, et il n'est pas facile de les réfuter. Du même auteur nous avons la nouvelle édition d'un autre de ses livres qui a eu une grande vogue, La Veille de la réformation 1. Un protestant, un des historiens qui connaissent le mieux cette période, le docteur James Gairdner, a dit de ce livre, dans la New Era, qu'il réfutait de vieilles erreurs, et que si aujourd'hui quelques-unes des vues de l'auteur rencontrent des contradicteurs, les chercheurs sérieux seront avec lui, car, ajoute-t-il, il est impossible d'étudier la littérature et les documents de cette période sans arriver aux mêmes conclusions que l'auteur. Ce livre est plutôt une série d'études détachées sur la même époque qu'une histoire continue. En voici les principaux sujets : La renaissance des lettres en Angleterre, Les deux juridictions, L'Angleterre et le Pape, Clercs et laïques, Érasme, L'invasion luthérienne, La Bible anglaise, La vie de paroisse en Angleterre, Pèlerinages et reliques, Testaments et obits au moyen âge. On admirera dans ces études l'érudition de l'auteur et la sûreté de ses informations. - Nous annoncions dans notre dernier courrier le tome Ier de l'Histoire des martyrs anglais. Le tome II de cet ouvrage vient de paraître. Nous avons dit comment il était dû à la collaboration de plusieurs écrivains dont les travaux ont été enfin réunis et complétés par le bénédictin dom B. Camm. Ce volume est consacré aux martyrs de la persécution d'Élisabeth. Il comprend une introduc 1 The Eve of the Reformation, by the abbot Gasquet. 'London, G. Boll, 1905, un vol. in-12. Vol. II, Martyrs under queen Elizabeth, London, Burns and Oates, 1905, un vol. in-12. tion historique sur ce règne, avec l'histoire de la persécution. Le corps même du volume est consacré aux récits de la vie de chacun des martyrs. Parmi les principaux, nous trouvons ici Felton, Storey, Campion, Thomas Ford, etc. Cette publication, faite avec grand soin et établie en partie sur des documents nouveaux, sera reçue avec faveur. Et l'article favorable de J. Gairdner, un des auteurs les plus versés dans ces études, a dû être pour les éditeurs un encouragement (English hist. Review, oct. 1905, p. 792). L'Angleterre sous les Tudors fait partie d'une histoire d'Angleterre en six volumes publiée sous la direction de M. C. Oman. Il est le quatrième de la série 1. Cette période de l'histoire anglaise va de 1485 à 1603; elle comprend donc une des époques les plus importantes dans l'histoire religieuse et politique de ce pays; Henri VII, Henri VIII, Édouard VI, Marie, Elizabeth. L'auteur l'a bien nommée une ère de révolutions, car c'est durant ces règnes que se sont accomplis les grands changements dans la direction politique, religieuse, on peut même dire économique et sociale de l'Angleterre. L'auteur juge les événements au point de vue protestant; c'est dire que sur plus d'un point nous serions en désaccord avec lui. Mais on ne saurait lui dénier une grande compétence, une étude sérieuse des événements, et un talent d'exposition qui sait grouper les événements et faire ressortir les grandes leçons de l'histoire. Le directeur de cette collection a voulu s'adresser au grand public; l'appareil d'érudition est par suite dissimulé; l'histoire en est plus lisible, mais ceux qui voudraient appuyer leur jugement sur la discussion des textes sont obligés, sur plus d'un point, de s'en rapporter à l'auteur. Le Conclave de Clément X, 1670, a fait l'objet d'un travail du baron de Bildt, ministre de Suède et Norwège, publié par les soins de l'Académie. On peut se rendre compte par cette lecture des intrigues politiques qui entouraient la nomination d'un pape, et qui aujourd'hui, comme le remarque l'auteur, paraissent devenues impossibles. Le récit est agréable et appuyé sur les documents historiques les plus solides. - La jeune Université de Harvard s'est déjà distinguée dans l'étude de la philologie classique. Les leçons de John Edwin Sandys appartiennent à la série des Harvard Lectures et ont pour objet l'étude de la Renaissance classique 3. L'auteur, qui est bien connu en Angleterre pour sa compétence en ces matières, a donné sept chapitres fort intéressants sur Pétrarque et Boccace, sur l'Age des découvertes (des England under the Tudors, by Arthur Junes. London, Methuen, 1905, un fort vol. in-8 de xvm-482 p., avec cartes. From the Proceedings of the British Academy, vol. 1. Oxford, University Press; Frowde, London. - 3 Cambridge, University Press, 1905, un vol. in-12, 1905. on ouvrages classiques dans les manuscrits), sur La théorie et la pratique de l'éducation (Vergerio, Bruni, Vegio, Æneas Sylvius s'étonne qu'il ne soit rien dit de Sadolet et de son livre sur l'éducation); sur les Academies de Florence, de Venise, de Naples et de Rome; sur les Foyers de l'humanisme, sur l'Histoire du « Cicéronianisme,» sur l'Etude du grec. The old colonial System est un livre publié sous les auspices de l'Université de Manchester, par G. Berteley Hertz 1. L'auteur, professeur de droit constitutionnel dans cette Université, a étudié son sujet surtout au point de vue économique, mais il a donné une grande place à l'histoire, et son livre sera lu avec profit pour l'histoire de cette période, qui comprend la guerre de Sept ans, les ministères de Pitt, la lutte avec l'Amérique. Les théories coloniales, telles qu'elles se font jour dans les correspondances et les écrits du temps, sont étudiées avec soin. C'est un bon chapitre d'histoire coloniale. Le Manuel de l'art grec est dû à la plume d'un archéologue de mérite, Percy Gardner, professeur à Oxford. C'est un excellent résumé qui rendra grand service à ceux qui veulent s'initier à cette étude et qui recherchent des notions techniques et précises. Les figures sont bonnes et généralement choisies avec goût. - The old service-Books of the English Church, par Christopher Wordsworth et Henry Littlehales, est presque un livre de luxe avec de belles reproductions et photographies tirées d'anciens manuscrits. Le texte est consacré à l'histoire des livres liturgiques au moyen âge, surtout en Angleterre, bréviaires, missels, processionnaux, pontificaux, psautiers, etc. Il rendra service non seulement aux liturgistes, mais encore aux archéologues et aux historiens de l'art au moyen âge. Autre ouvrage sur la liturgie le Rituale Armenorum édité par F.-C. Conybeare et A.-S. Maclean. Ce dernier est d'une haute valeur scientifique, et un érudit, très entendu en ces matières, disait récemment que ce livre devrait prendre place désormais à côté de l'édition des livres liturgiques orientaux de Brightman. Il contient les rites de l'Église arménienne pour l'administration des sacrements, puis les rites grecs du baptême et de l'Epiphanie; cette partie est due au premier éditeur, tandis que le Rev. Maclean a donné et traduit les rites syriens de l'Épiphanie. Le nom des deux auteurs est une garantie pour l'exactitude de la traduction; l'édition est faite, d'après les meilleurs manuscrits, avec tout l'appareil critique. 1 Un vol. in-8, Manchester, at the University Press, 1905. A Grammar of Greek art, by Percy Gardner. Londres, Macmillan, un vol in-12, 1905. 3 Un fort vol. in-8, Lonures, Methuen, 1904. Oxford, Clarendon Press, 1905, in-8. Les lectures de Richard A. Armstrong, sur l'Agnosticisme et le theisme au XIXe siècle, ont leur place dans ce courrier, parce que l'auteur s'est placé surtout au point de vue historique pour étudier cette question 1. Il passe en revue tour à tour les opinions de Shelley, Wordsworth, John Stuart Mill, Carlyle, Darwin, Spencer, Hux. ley, Matthew Arnold, Tyndall, Bradlaugh, Newman, Parker, James Martineau. Il y a sur la pensée anglaise contemporaine des considérations qu'on lira avec intérêt, même si l'on ne partage pas toutes les vues de l'auteur. On ne peut nier qu'il ne soit bien au courant de son sujet. Signalons, en terminant ce courrier, une collection d'adresses présentées au cardinal Newman, avec ses réponses. Tous ceux, et ils deviennent de plus en plus nombreux aujourd'hui, qui s'intéressent à l'histoire et à la pensée du célèbre cardinal d'Oxford, voudront lire ce livre, dans lequel l'Angleterre catholique tout entière salua son nouveau cardinal. Nous pouvons annoncer dès maintenant aux lecteurs de la Revue la publication d'une Bibliothèque, la Westminster library, sous la direction de Mgr Ward et du P. Thurston, qui contiendra une série d'ouvrages sur des sujets dont quelques-uns touchent à l'histoire, par exemple: l'Etude des Pères, le Calendrier catholique. Un vol. in-18, Londres, Philipp Green, 1905. 1905. . mans, F. CABROL. Un vol., chez Long CHRONIQUE Nous relèverons à l'Académie des inscriptions et belles-lettres les communications suivantes faites pendant le trimestre écoulé. La collection des moulages de sceaux formée aux Archives nationales vient de s'enrichir d'une série de sceaux bourguignons empruntée aux archives de la Côte-d'Or. M. Auguste Coulon a présenté le 2 mars à l'Académie les plus remarquables spécimens de cette série, dont quelques-uns ajoutent l'intérêt artistique à l'intérêt historique sceaux d'Othon IV, comte de Bourgogne (1286), de Jean de Chalon, évêque de Langres (1331), de la sœur de Joinville (1269), etc. Le chanoine de Dijon, Jean d'Argilly, dont un manuscrit inédit, récemment entré à la Bibliothèque nationale, a fait l'objet d'une communication de M. H. Omont, est un écrivain jusqu'ici demeuré inconnu et qui vient grossir la liste de l'histoire littéraire de la France au XIIe siècle. Une inscription latine, trouvée à Choueifat, sur la route de Beyrouth à Saïda, par le P. Jalabert, et communiquée en son nom par M. Héron de Villefosse, offre les noms réunis des d vinités qui forment la triade héliopolitaine Jupiter (Hadad), Vénus (Atargatis), et Mercure, que l'on n'a pas encore réussi à identifier. Une autre inscription, présentée par M. Héron de Villefosse au nom. du P. Delattre, qui l'a recueillie dans l'amphithéâtre de Carthage, est une dédicace à Bacchus (Deo Libero) par les marchands de vin (oenopolae) et les cabaretiers ou peut-être les buveurs de vin pur (merariis omnibus). Une inscription néopunique trouvée dans les ruines de Ziaxa (Tunisie), et qui s'ajoute à une dédicace latine à Caelestis récemment découverte, a été soumise à l'Académie, le 9 mars, par M. Ph. Berger, qui pense que l'on a rencontré l'emplacement d'un temple antique. Le 15 mars, le même érudit a présenté, de la part du docteur Carton, un chaton de bague tunisienne en or, représentant Athéné casquée et accostée de lettres puniques, dans lesquelles il pense qu'on pourrait retrouver les initiales des mots: mère Tanit; la bague nous offrirait ainsi un nouvel exemple de l'identification de la déesse punique avec la déesse grecque. M. Naville a exploré dans le Deir |