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L'administration financière du sanctuaire pythique au IVe siècle avant JésusChrist, par E. BOURGUET (Bibliothèque des Écoles françaises d'Athènes et de Rome. fasc. 95). Paris, Fontemoing, 1905, in-8 de 186 P

Le livre de M. Bourguet, comme celui de M. Colin sur le Culte d'Apollon Pythien à Athènes, a pour objet l'étude systématique d'une catégorie particulière d'inscriptions de Delphes. L'auteur doit aux fouilles récentes de l'Ecole française d'Athènes tous les éléments de son travail; il a pris personnellement une part très active à l'exploration du sanctuaire d'Apollon; c'est lui qui a déchiffré sur place les textes épigraphiques relatifs à l'administration financière du temple et qui les a publiés, de 1896 à 1903, dans le Bulletin de correspondance hellénique. Ici même, en appendice, il ajoute un nouveau document à ceux qu'il avait déjà fait connaitre le compte de l'archontat de Palaios (339-338 avant JésusChrist), dont la lecture et la restitution présentaient les plus grandes difficultés.

Les pièces de la comptabilité delphique étaient gravées sur des plaques de marbre qui formaient le revêtement de quelques-uns des murs du sanctuaire. On n'en a retrouvé qu'une partie, et les fragments qui nous ont été conservés sont presque tous en très mauvais état; dans l'ensemble des séries que l'on peut distinguer, les lacunes paraissent nombreuses et graves. Les inscriptions qu'utilise M. Bourguet appartiennent toutes au Ive siècle avant notre ère, de 364 à 305. Il avait été nécessaire à cette époque d'organiser une administration financière nouvelle pour faire face à des dépenses imprévues et en

caisser des recettes anormales. En 373, le temple d'Apollon fut détruit par un tremblement de terre ou par un incendie il fallut le rebâtir à l'aide des contributions volontaires de toute la Grèce. Pendant la guerre sacrée, les Phocidiens pillèrent Delphes l'amende qu'ils durent payer facilita la reconstitution des édifices et des richesses du dieu. La question que traite M. Bourguet, avec une minutieuse précision, a donc, comme il le dit, un caractère tout à fait local et spécial: il ne s'agit pas de dégager certaines règles générales qui éclaireraient le mécanisme d'institutions communes à toutes les cités grecques, mais d'écrire un chapitre de l'histoire des finances sacrées de Delphes à un moment donné et dans des circonstances exceptionnelles.

M. Bourguet suit les destinées de l'argent delphique depuis son entrée dans les caisses d'Apollon jusqu'à son versement aux mains des entrepreneurs et des architectes. Tout d'abord il énumère les différentes monnaies alors en usage à Delphes et les ressources qui alimentaient le trésor sacré (locations et fermages, souscriptions des fidèles et amende des Phocidiens). Il définit ensuite le rôle des différents corps qui intervenaient dans la gestion financière : le conseil delphique, dont une commission, celle des prytanes, surveillait l'entrée et la sortie des fonds; les deux collèges internationaux des naopes et des trésoriers, qui s'interposaient entre le conseil et les entrepreneurs (le conseil des trésoriers créé en 339, après l'affaire des Phocidiens, et chargé de centraliser les dépenses, disparut en même temps que les versements de la recette extraordinaire qui avait été cause de son institution); enfin l'assemblée

panhellénique des Amphictyons, réunie deux fois par an, qui dominait et dirigeait tout le reste et exerçait une autorité souveraine. Ce système était très simple et témoignait des qualités pratiques de l'esprit grec : goût de la clarté, besoin de contrôle, habileté d'adaptation aux faits. MAURICE BESNIER.

Le culte d'Apollon Pythien à Athènes, par G COLIN (Bibliothèque des Écoles françaises d'Athènes et de Rome, fasc. 93). Paris, Fontemoing, 1905, in-8 de 178 p., 39 grav. et 2 pl. hors texte.

:

Le vrai titre de ce travail devrait être la Pythaïde. Celui que M. Colin a préféré est plus clair; il peut d'ailleurs se justifier aisément : la Pythaïde, c'est-à-dire la procession officielle qui se rendait à certaines époques d'Athènes à Delphes, était la manifestation principale du culte d'Apollon Pythien en Attique. Jusqu'à ces dernières années, nous étions fort mal renseignés sur la nature et l'organisation de ce cortège; Töppfer Jui avait consacré un article dans l'Hermès en 1888 douze pages suffisaient alors pour traiter à fond la question. Depuis, soixante inscriptions nouvelles, découvertes au cours des fouilles que l'Ecole française d'Athènes a si heureusement exécutées à Delphes, sont venues enrichir nos connaissances. M. Colin a participé aux travaux de Delphes; il a pu déchiffrer sur place les textes du Trésor des Athéniens relatifs à la Pythaïde; quelques-uns d'entre eux ont été publiés par lui en ces dernières années dans le Bulletin de correspondance hellénique; il donne ici un recueil général de ces documents, méthodiquement classés et commentés.

La plupart des inscriptions datent de la même époque, postérieure à la conquête romaine fin du 1° siècle avant Jésus-Christ. Nous ne pouvons juger que par comparaison, « sur la simple garantie de la persistance ordinaire des rites religieux dans l'antiquité, de ce qu'était la Pythaïde aux v et ive siècles, lors de la période la plus brillante de la civilisation athénienne. En revanche, une dizaine de textes ont été rédigés au ir siècle avant l'ère chrétienne et sous l'Empire ils montrent combien les Atheniens étaient attachés à cette vieille cérémonie traditionnelle. Pour bien connaître toute l'histoire de la Pythaïde, il serait nécessaire de compléter les fouilles de Delphes par le déblaiement du temple d'Athènes d'où partait la procession, le Pythion, situé au sud de l'Acropole, sur le bord de l'llissus. M. Colin décrit en détail la théorie du siècle : ses chefs, magistrats et prêtres, membres, théores et pythaïstes, recrutés de préférence parmi les plus grandes familles de l'Attique et dans la Tétrapole marathonienne, qui avait pour l'Apollon de Delphes une dévotion particulière, l'escorte d'éphèbes et de cavaliers qui l'accompagnait, les femmes qui figuraient dans le cortège (canéphores, pyrphoros, prêtresse d'Athéna), les jeux célébrés et les décrets rendus par la ville de Delphes à cette occasion. Toutes les inscriptions sont reproduites in extenso; celles qui étaient encore inédites sont données en facsimilé, dans le texte ou hors texte, d'après les copies des estampages.

MAURICE BESNIER.

ses

Rome et la Grèce, de 200 à 146 avant Jésus-Christ, par G. COLIN (Bibliothèque des Écoles françaises d'Athènes et de Rome, fasc. 94). Paris, Fontemoing, 1905, in-8 de 683 p.

M Colin s'est proposé d'étudier les relations de Rome et de la Grèce à une époque décisive de leur histoire, entre la seconde guerre de Macédoine, qui aboutit à la proclamation de la liberté des cités helléniques par Flamininus, et l'établissement définitif de l'hégémonie romaine lors de la destruction de Corinthe par Mummius. Pendant ces cinquante-quatre années, Romains et Grecs, qui jusqu'alors avaient à peine pris contact et se connaissaient mal, sont en rapports constants. Par intervalles, des expéditions militaires les mettent aux prises seconde guerre de Macédoine contre Philippe V (bataille de Cynocéphales), guerre étolo-syrienne contre Antiochus (bataille des Thermopyles), troisième guerre de Macédoine contre Persée (bataille de Pydna), dernier soulèvement de la Macédoine en 149 et guerre d'Achaie en 146. Sans cesse des négociations diplomatiques s'engagent et s'entre-croisent les grands royaumes issus de l'empire d'Alexandre, Égypte, Syrie, Macédoine, les ligues étolienne et achéenne, les cités rivales de la Grèce continentale et des îles briguent l'alliance de Rome ou s'efforcent de résister au progrès de son influence; le Sénat romain multiplie les ambassades, conclut des traités, fomente partout des discordes intestines. En même temps les negotiatores italiens, riches banquiers groupés en puissantes compagnies qui ont leur siège à Rome ou petits commerçants fixés à l'étranger, entreprennent l'exploitation économique

T. LXXX. 1er JUILLET 1906.

de la Grèce; Délos, qu'ils font ériger en port franc, devient le centre de leurs opérations, le grand marché romain de la Méditerranée orientale, tandis que, pour leur complaire, toute concurrence est brisée par l'affaiblissement systématique de Rhodes et la ruine irrémédiable de Corinthe. La pénétration des produits et des idées de la Grèce en Italie entraîne une véritable révolution dans les mœurs; le luxe se répand; les habitations, le mobilier, la toilette, se transforment; la philosophie grecque enseigne aux Romains la doctrine du plaisir et le scepticisme; l'armée elle-même s'amollit, la famille se désagrège, la vieille religion nationale est battue en brèche. Mais, d'autre part, les esclaves grecs, qui sont désormais à Rome les maitres de l'éducation privée et publique, introduisent la littérature dans l'enseignement; les premiers écrivains latins se forment à l'école de la Grèce. C'est par la Grèce encore que l'Italie est initiée au culte des arts; dans les triomphes des généraux vainqueurs figurent en nombre considérable les statues et les objets précieux enlevés aux villes vaincues; on les admire, on fait venir d'outre-mer des artistes pour les imiter ainsi se prépare l'épanouissement de la civilisation gréco-romaine qui brillera d'un si vif éclat à la fin de la République et au début de l'Empire.

Il était intéressant d'examiner de près l'attitude des Romains à l'égard des Grecs au moment de cette grande crise. M. Colin s'en est acquitté avec le soin le plus méritoire. Son livre, si long qu'il soit, se lit avec aisance; grâce à la netteté des vues générales, à l'équilibre des parties, à l'abondance des divisions (grâce aussi, ajoutons-le, à l'emploi commode de 21

sous-titres en petits caractères dans les marges); on n'est jamais écrasé par la masse des documents mis en œuvre et des faits exposés. L'auteur s'appuie constamment sur le témoignage direct des écrivains anciens et des inscriptions, qu'il tient à citer. in extenso. Peut-être était-il inutile, bien souvent, de transcrire dans les notes les passages d'auteurs grecs et latins traduits dans le texte; la référence aurait suffi et l'on eût ainsi allégé le volume. Dans l'usage qu'il fait des inscriptions, et des plus récentes, M. Colin montre ses qualités d'épigraphiste très compétent et parfaitement informé (par mégarde, aucune référence n'est donnée pour l'inscription d'Itanos reproduite à la page 47, note 2). Il est au courant aussi des travaux modernes sur la question; mais il traite un peu trop dédaigneusement dans son avantpropos (p. 11) les ouvrages de seconde main i les connaît, il les utilise, i les indique quelquefois ; il aurait pu, semble-t-il, y renvoyer plus fréquemment et surtout donner, au début ou à la fin, une bibliographie détaillée et méthodique; une page rapide sur les sources » et • les livres ne suffit pas. Enfin la table, étant très développée, est destinée à tenir lieu d'index (p. 675). Il est question de tant de choses dans ces quelque sept cents pages, villes et gens, événements et institutions, œuvres littéraires et œuvres d'art, qu'un index analytique très développé n'aurait pas été superflu; un pareil ouvrage est appelé à être constamment consulté; tel qu'il est, et malgré ses neuf pages de table, il ne sera pas toujours facile d'y retrouver un détail.

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Ce livre est une thèse, et l'auteur y soutient une façon personnelle de

concevoir et d'expliquer les rapports de Rome avec la Grèce au 11° siècle avant l'ère chrétienne. Contrairement à Mommsen, il ne croit pas que les Romains aient été sans relâche, systématiquement et de parti pris, sympathiques à la Grèce jusqu'à faire preuve envers elle d'une complaisance et d'une faiblesse nuisibles à leurs propres intérêts. En revanche, contrairement à Duruy et à C. Peter, il se refuse à incriminer la sincérité des sentiments philhellènes dont ils ont fait montre à maintes reprises et à les accuser d'hypocrisie et de machiavélisme. Suivant l'exemple d'Hertzberg, il adopte une solution intermédiaire et plus nuancée ; il estime qu'il faut se garder de juger en bloc la politique romaine de ce temps et qu'on doit distinguer selon les circonstances et les personnages. Pendant une première phase, au début du second siècle, le Sénat déclare la guerre à la Macédoine, la vainc, et, sans faire d'acquisitions territoriales, prétend se substituer à elle dans le rôle de protecteur des Grecs proclamés libres; le philhellénisme domine alors à Rome; l'aristocratie est sous le charme de la civilisation brillante qui vient de lui être révélée le Sénat use avec la Grèce de ménagements inusités et lui accorde un véritable traitement de faveur; nul ne représente mieux que Flamininus cette politique généreuse. De la seconde à la troisième guerre de Macédoine, l'hellénisme est en baisse; pendant sa lutte contre Antiochus, Rome s'étonne qu'une partie des Grecs fasse défection; à les voir de près, leurs défauts la choquent; le vieux parti romain, avec Caton, rend la Grèce responsable de la décadence des mœurs nationales; si la Macédoine

et l'Illyrie ne sont pas annexées au lendemain de Pydna, ce n'est nullement par philhellénisme, mais bien par crainte des conséquences funestes qu'aurait eues la conquête pour Rome elle-même. Pendant la troisième phase, qui se termine à la prise de Corinthe, s'opère une heureuse conciliation des tendances les plus opposées; le Sénat se relàche peu à peu de la sévérité qu'il a montrée après la défaite de Persée; les der niers soulèvements de 149 et de 146 ne peuvent le décider à s'emparer de la Grèce propre, qui reste independante sous le simple protectorat de Rome; seule la Macédoine est réduite en province. C'est que l'hellénisme a décidément repris le dessus, mais avec certaines atténuations et sous certaines réserves : le peuple reste réfractaire; les classes éclairées n'éprouvent plus le même enthousiasme irréfléchi qu'au temps de Flamininus et affectent de mépriser la race vaincue; il n'en est pas moins vrai, comme le prouvent la conduite et les sentiments de Scipion Emilien et de son entourage, de Métellus et même de Mummius, que la culture grecque s'impose par sa supériorité incontestable et que Rome, à partir de 146, en subira de plus en plus le prestige dominateur. MAURICE BESNIER.

La conjuration de Catilina, par Gaston BOISSIER. Paris, Hachette, 1905, in-12 de 259 p.

Ce livre a les qualités qui distinguent tous ceux de M. Boissier : une grande clarté, une aisance élégante, une bonhomie spirituelle. Comme on a, en le lisant, la sensation de ne pas lire un livre allemand! M. Boissier nous épargne tous les détails du la

boratoire ou de la cuisine philologique. Il est aussi bien renseigné que qui que ce soit mais il ne fait pas à tout propos montre de sa science. Ce n'est pas un maigre squelette historique qu'il nous présente : c'est la pleine et substantielle histoire. Lecture bien reposante pour ceux qui sont fatigués du pédantisme trop souvent stérile de l'érudition contemporaine.

Cinq chapitres nous donnent le récit du célèbre complot, et montrent en scène de la manière la plus vivante les personnages qui y jouèrent un rôle. Ils apportent, chemin faisant, des renseignements très précis sur les institutions de Rome à la fin de la République. Un historien moins discret mettrait peut-être sur les visages romains plus d'un masque moderne. M. Boissier a trop de goût pour s'amuser à des comparaisons faciles, qu'il vaut mieux laisser faire au lecteur. S'il demande parfois à l'expérience de nos révolutions un moyen de mieux comprendre celles de l'antiquité, il le fait d'une touche légère et rapide, qui grave d'autant mieux qu'elle appuie à peine. Lisez, par exemple, la page 161, à propos des projets d'incendie de Rome que les écrivains antiques prêtaient à Catilina, et que des historiens modernes, vivant à une époque antérieure à la nôtre, n'ayant connu ni la Commune ni les anarchistes, déclaraient incroyables!

Parmi les pages les plus piquantes du livre sont celles (127-132) que M. Boissier à consacrées à Sempronia et aux Romaines du grand monde qui s'affilièrent à la conjuration de Catilina. Pour en corriger l'impression pessimiste, on fera bien de revoir le beau chapitre que, dans son livre sur la Religion romaine,

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