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L'organisation de l'armée a été soumise, en 1870, à une épreuve qui a permis de constater les lacunes et les imperfections qu'elle présente.

Cette épreuve impose au gouvernement et aux chambres le devoir de mettre notre établissement militaire à l'abri des dangers qu'il est en leur pouvoir de conjurer, en adoptant de sages réformes

courir de graves dangers, restreindre notre état militaire n'est pas encore venu, et tout porte à croire qu'il n'arrivera pas de sitôt. Il se peut que la situation actuelle de l'Europe, et les armements extraordinaires qui en sont là conséquence, marquent une époque de transition, après laquelle il sera permis de réduire notablement les charges militaires. Dans ce cas, nous ne serions pas les derniers à suivre l'exemple du désarmement que donneraient les nations militantes, mais ce n'est certes pas à nous d'en prendre l'initiative. On a dit souvent que la prévoyance n'est pas une vertu des petits Etats; il vous appartient de prouver que reproche ne peut être adressé à l'indépendante, libre et riche Belgique.

ce

Je crois devoir rencontrer ici une objection que l'on a déjà faite et qui sera certainement reproduite à l'occasion du projet de loi que j'ai l'honneur de soumettre à la chambre.

Depuis 1840, l'armée a été organisée trois fois, en 1845, en 1833 et en 1868; une nouvelle propo

et en imposant au pays des sacrifices indispensa-sition de réorganisation partielle vous est soumise bles, que son patriotisme acceptera.

Je m'attacherai à indiquer et à justifier succinctement les mesures que je crois nécessaire de proposer à la législature pour améliorer la composition et l'organisation actuelles de l'armée.

L'accroissement de dépense qui résultera de l'adoption de ces mesures ne sera pas immédiat ; il faudra même plusieurs années pour y arriver, la nouvelle organisation de l'artillerie et du génie exigeant la création d'un grand nombre d'emplois d'officiers. Les moyens exceptionnels auxquels on a eu recours en 1868 pour augmenter les cadres de ces armes ne pourraient être employés de nouveau sans qu'il en résultât un grave préjudice. Pour former de bons officiers d'artillerie et du génie, il faut en effet un degré de préparation qu'on trouve rarement chez les jeunes gens qui ont fait des études particulières ou suivi les cours des écoles civiles. Afin de ne pas abaisser le niveau scientifique de nos armes spéciales, il sera donc nécessaire d'organiser les nouvelles batteries et les nouvelles compagnies au fur et à mesure que des candidats sortis de l'école d'application ou de la classe des sous-officiers auront acquis des titres suffisants pour être nommés sous-lieutenants.

en ce moment et, de méme que les précédentes, elle aboutit à une aggravation de charges et de dépenses. Ce fait et les déclarations plusieurs fois renouvelées par les ministres de la guerre, que le pays pouvait compter sur son armée, ont fait nai tre dans quelques esprits un sentiment de doute ou de défiance au sujet des réformes proposées par les généraux et les commissions militaires. On prétend découvrir dans chaque loi organique le germe d'une organisation plus onéreuse et, par suite, on craint qu'il n'y ait pas de fin à ce perpétuel enfantement toujours accompagné de nouvelles charges et de nouvelles dépenses.

Le fait en lui-même n'a rien d'extraordinaire ; il s'est produit dans tous les pays et il devait se produire.

L'invention des armes rayées, l'emploi des chemins de fer pour le transport des troupes et du matériel des armées, les progrès de la métallurgie et des arts mécaniques ont exercé une influence considérable sur la mobilisation des armées, sur l'armement des troupes, sur les méthodes de combat et sur les moyens de défense. Il a fallu en conséquence modifier les forteresses, l'armement, la composition et l'organisation des armées, pour les mettre en rapport avec les nécessités nouvelles.

Après la guerre de 1866, tous les Etats qui avaient conservé partiellement l'artillerie lisse ont dù la supprimer; ceux qui n'avaient pas de fusils se chargeant par la culasse ont dù s'en procurer, et plusieurs ont jugé nécessaire d'adopter l'organisation du bataillon prussien, qui est très

En proposant une organisation d'armée qui portera le budget normal à plus de 40 millions, je n'ai pas perdu de vue le désir des chambres et du pays de restreindre les dépenses militaires dans les limites les plus étroites; mais, d'un autre côté, j'ai dû tenir compte de l'impérieuse nécessité à laquelle toutes les nations sont soumises et dont la neutralité ne nous affranchit point de défendre, au besoin par les armes, l'indépen-favorable à l'emploi de la compagnie comme unité dance du pays, son honneur et ses libertés. Or, cette défense ne serait ni efficace ni digne du passé de la Belgique, si nous reculions devant les sacrifices d'argent ou les charges personnelles que d'autres nations, moins exposées que nous et moins riches, ont résolument imposées à leur trésor et à leurs concitoyens.

J'espère, messieurs, que, vous inspirant du désir de mettre l'organisation de l'armée au niveau des derniers progrès accomplis dans l'art de la guerre, et reconnaissant la nécessité où se trouvent tous les gouvernements européens de prendre des mesures en vue de certaines éventualités, vous voudrez bien accueillir mes propositions, qui n'ont rien d'exagéré. Le moment où l'on pourra, sans

de combat.

Après la guerre de 1870, de nouvelles modifications s'imposèrent. Il fallut dans toutes les armées augmenter l'artillerie, rendre la cavalerie plus mobile, organiser avec plus de soin le train, l'intendance et les autres services accessoires.

Nous ne pouvons pas nous soustraire à cette nécessité. Lorsque tout progresse et se transforme autour de nous, il y aurait danger pour nous à rester immobiles ou indifférents. Le progrès a ses lois et ses exigences auxquelles il faut se conformer. Ce que l'on qualifie de versatilité ou d'inconséquence n'est, dans le cas dont il s'agit, qu'une intelligente soumission à des nécessités de premier ordre. L'art de la guerre traverse une époque de

crise ou plutôt de transformation qui laissera son cachet sur les institutions militaires et les éléments permanents de la défense des Etats. Il y a trente ans que cette transformation a commencé; dans les six dernières années, elle a pris une allure très-vive, et l'on peut sans témérité prédire qu'elle touche à sa fin. C'est seulement quand ce moment sera venu qu'on aura quelque chance d'entrer dans une époque de stabilité, dont la durée, comme celle de toutes les époques qui l'ont précédée, se prolongera jusqu'à ce qu'il surgisse de nouveau une découverte de nature à exercer une profonde influence sur les progrès de l'art militaire. Or, les faits de ce genre ne se présentent que de loin en loin on en cite à peine quatre ou cinq depuis l'invention de la poudre, c'est-à-dire dans l'espace

de six siècles.

La chambre peut donc voter l'organisation proposée, avec l'espoir que d'ici à longtemps elle n'aura plus à revenir sur cet objet; toutefois je méconnaîtrais la loi du progrès et les dures necessités qu'elle impose, si je lui donnais l'assurance que les mesures qu'il s'agit de sanctionner auront pour résultat de donner à l'armée une organisation définitive. Ne pouvant répondre que du présent, je ne veux point engager l'avenir. C'est surtout en matière d'organisation d'armées et de moyens de défense qu'il est prudent de dire: A chaque jour suffit sa tâche.

INFANTERIE.-L'organisation actuelle de l'infanterie présente deux défauts :

10 Au moment de la mobilisation, les commandants des régiments sont obligés, pour compléter les cadres des 4es et 5es bataillons, d'emprunter des officiers et des sous-officiers aux cadres, à peine suffisants, des bataillons actifs, de sorte que ceux ci s'affaiblissent quand il faudrait, au contraire, les renforcer ;

20 L'effectif du pied de paix des compagnies d'infanterie ne suffit pas pour assurer l'instruction et pour entretenir l'activité des cadres. D'un autre côté, l'effectif du pied de guerre est trop faible pour qu'on puisse exécuter, dans de bonnes conditions, les manoeuvres par colonne de compagnie, dont l'importance s'est accrue notablement depuis que la compagnie est devenue en quelque sorte J'unité tactique de l'infanterie.

Pour corriger ces défauts, je propose de modifier comme suit l'organisation existante.

Les régiments de ligne, au lieu d'avoir sur le pied de paix trois bataillons actifs avec troupes, un cadre de bataillon actif et un cadre de bataillon de réserve sans troupes, seront composés de trois bataillons actifs et d'un cadre de bataillon non actif. Les cadres des bataillons non actifs seront employes, en temps de paix, à combler les vides que produisent dans les bataillons actifs les officiers et les sous-officiers en congé pour un long terme, les officiers élèves à l'école de guerre et les sous-officiers élèves à l'école spéciale de sous-ofliciers, les officiers et les sous-officiers détachés au ministère de la guerre, à l'école de guerre, à l'école militaire, à l'école spéciale de sous-officiers, à l'école des enfants de troupe et à la brigade topographique du génie.

Comme la suppression des 5es bataillons des 15 régiments de ligne aurait pour résultat d'affaiblir d'un cinquieme la force organique de l'infanterie, il sera nécessaire d'augmenter de trois le nombre des régiments et de donner au régiment des carabiniers deux bataillons non actifs au lieu d'un.

En conséquence l'infanterie comprendra : 14 régiments de ligne à 3 bataillons actifs et 1 bataillon non actif.

3 régiments de chasseurs à 3 bataillons actifs et 1 bataillon non actif.

1 régiment de grenadiers à 3 bataillons actifs et 1 bataillon non actif.

1 régiment de carabiniers à 4 bataillons actifs et 2 bataillons non actifs.

Total: 19 régiments ou 58 bataillons actifs et 20 bataillons non actifs.

Les 12 premiers régiments de ligne formeront les fre, 2e et 3e divisions d'infanterie, composées chacune de deux brigades.

La 4 division se composera d'une brigade de ligne, d'une brigade de chasseurs et d'une brigade formée du 3e régiment de chasseurs et du régiment des grenadiers.

A chaque division sera annexé un bataillon de carabiniers non embrigade.

Cette composition des divisions ne diffère pas de celle qui existe aujourd'hui et qu'ont adoptée la plupart des puissances militaires de l'Europe, notamment la Prusse, la Saxe, la Bavière, l'Autriche, la France et la Russie.

Les vingt bataillons non actifs seront, au moment de la mobilisation, employés à la garde des places.

Lorsque la garde civique sera mobilisée, on pourra retirer des places les bataillons non actifs des six premiers régiments d'infanterie et en former une brigade active. Cette brigade et la 3e brigade de la 4o division constitueront la 5a division d'infanterie, à laquelle on assignera comme bataillon non embrigadé le 1er bataillon non actif du régiment des carabiniers.

Avec les treize autres bataillons non actifs, on formera, au besoin, une 6e division d'infanterie, mais qui ne pourra être employée en campagne que si la garde civique est fortement constituée.

Pour remédier aux inconvénients qui résultent de l'effectif insuffisant des compagnies actuelles de l'infanterie, je propose de réduire de quatre le nombre de compagnies par bataillon et de porter l'effectif moyen des compagnies à 104 hommes dans les régiments des grenadiers et des carabiniers et à 89 hommes dans les autres régiments.

L'organisation à quatre compagnies existe déjà pour les bataillons de réserve et les bataillons des carabiniers. En l'appliquant à tous les bataillons d'infanterie, je ne ferai que suivre l'exemple de la Bavière, de l'Autriche et de l'Italie qui, après la guerre de 1866, ont emprunté à la Prusse l'organisation à quatre compagnies comme étant plus favorable à l'instruction des cadres et surtout à l'emploi des colonnes de compagnie, dont l'utilité est aujourd'hui unanimement reconnue. Déjà antérieurement le fractionnement du bataillon en quatre unités de combat avait été admis dans le Wurtemberg, en Suède, en Norvége et en Danemark.

Une conséquence inévitable de l'accroissement de l'effectif des compagnies est le renforcement

des cadres.

Tenant compte de cette nécessité, j'ai porté le nombre des officiers par compagnie de trois à quatre, celui des sous-officiers, de six à huit et celui des caporaux, de huit à dix.

Les bataillons non actifs seront organisés de la même manière que les autres bataillons; toutefois, comme sur le pied de paix ils n'ont d'effectif

en soldats que pendant les mois consacrés à l'instruction du contingent de réserve, j'ai cru pouvoir diminuer de deux par compagnie le nombre des sergents et de quatre par compagnie le nombre des caporaux. En donnant à ces bataillons des cadres complets en officiers et à peu près complets en sous-officiers, on fera disparaître les inconvénients que présentent dans l'organisation actuelle les cinquièmes bataillons ou bataillons de réserve, dont les cadres exigent, pour être complétés, la nomination d'un chef de bataillon, d'un lieutenant ou sous-lieutenant adjudant-major, de quatre sous-lieutenants, de huit sergents et de vingt-quatre caporaux (a).

Dans l'organisation actuelle de l'infanterie, il existe un écart considérable entre les cadres du pied de paix et les cadres du pied de guerre. Cet écart provient non-seulement de l'insuffisance des cadres des bataillons de réserve, mais encore de ce que les régiments doivent fournir les officiers nécessaires pour commander les compagnies de correction, pour remplir les fonctions d'aides de camp des généraux d'infanterie et d'aides de camp provinciaux, celles d'officiers attachés à la maison militaire du roi et au département de la guerre.

Ces emplois ne pouvant être supprimés en temps de guerre, j'ai compris dans les cadres de l'infanterie vingt capitaines et vingt lieutenants, qui sont placés à la suite des régiments, comme cela existe dans plusieurs armées.

J'ai, en outre, donné un cadre spécial aux compagnies de correction et de discipline.

Il résulte de cet exposé que la nouvelle organisation de l'infanterie ne présentera aucun des défauts que l'on a reprochés à l'organisation actuelle.

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CAVALERIE. - Si nous adoptions pour la cavalerie les proportions admises par les grandes armées continentales et dans celles des petits Etats obligés de fournir des contingents à ces grandes armées, par exemple la Bavière et la Saxe, le nombre des régiments, fixé à 7 dans l'organisation de 1868, devrait être porté à 12 ou à 15, mais comme l'armée belge n'est pas appelée à agir offensivement au delà des frontières, et qu'elle n'aura pas à subir les pertes considérables qui résultent de longues marches exécutées en pays ennemi, je suis d'avis qu'on pourra se conteuter de 8 régiments: 4 formeront la cavalerie divisionnaire, et les 4 autres, la cavalerie de réserve. Les premiers seront armés de mousquetons et les derniers de lances.

Pour organiser le 8e régiment, on créera deux escadrons, auxquels on adjoindra le 6o escadron du régiment des guides et les 2 escadrons de l'école de cavalerie.

Tous les régiments seront à 5 escadrons. Au moment de la mobilisation, les chevaux les moins vigoureux ou les moins bien dressés des quatre premiers escadrons seront versés dans le 5o, qui leur cédera en échange ses chevaux propres à la guerre. Cet escadron remplira dès lors le rôle que l'organisation actuelle assigne à l'escadron de dépôt, lequel pourra être supprimé.

(a) Ce défaut est d'autant plus grave que les cadres organiques du pied de guerre des bataillons de réserve sont insuffisants; en effet l'effectif des compagnies de ces bataillons s'élevant, sur le pied de guerre, à 345 sous-officiers et soldats, exige évidemment plus de 3 officiers, 6 sergents et 42 caporaux.

Cette modification, empruntée à la cavalerie allemande et recommandée par les membres militaires de la commission mixte de 1871, aura pour résultat de faciliter la mobilisation de la cavalerie.

Dans le même but, j'ai diminué l'écart qui existe entre le pied de paix et le pied de guerre, en aug. mentant l'effectif de 10 hommes et de 5 chevaux par escadron.

Je propose de supprimer les capitaines instructeurs. On a reconnu dans la plupart des armées que, pour entretenir les cadres dans une activité constante et leur donner la part de responsabilité qui leur revient, il est utile que les recrues et les chevaux de remonte soient formés et dressés dans les escadrons auxquels ils appartiennent. Toutefois, pour ménager la transition, on conservera quelque temps encore les emplois de capitaine instructeur.

L'instruction des recrues par les cadres des compagnies se fait depuis 1868 dans l'infanterie, où elle a produit de très-bons résultats. Le même principe est appliqué dans les troupes du génie et dans l'artillerie de siége. Il ne peut l'être dans l'artillerie de campagne, parce que les miliciens que reçoivent chaque année les batteries sont si peu nombreux, qu'on est obligé de réunir ceux de plusieurs batteries, pour leur enseigner le service du conducteur et du canonnier à cheval, l'école de section, l'école de batterie et les exercices attelés.

C'est pour ce motif qu'en Allemagne les régiments d'artillerie de campagne ont des instructeurs spéciaux bien que ceux des autres armes n'en aient point.

ARTILLERIE. La comparaison entre les effets des canons rayés et ceux des canons lisses explique et justifie l'empressement avec lequel tous les Etats ont augmenté la force numérique de leur artillerie. L'importance de cette arme a grandi après chaque guerre. La Prusse qui, au lendemain de Sadowa, avait créé un grand nombre de batteries, a jugé nécessaire d'augmenter encore ce nombre après la campagne de 1870.

En Belgique, la proportion d'artillerie n'a pas varié depuis l'époque où l'effectif de l'armée a été porté de 80,000 à 100,000 hommes. On s'est borné, en 1868, à organiser d'une manière permanente la 20 batterie montée qui, d'après l'organisation de 1853, ne devait être organisée qu'au moment de la guerre.

Cette création, du reste, n'a pas augmenté le nombre des bouches à feu attelées, puisque 4 batteries à cheval ont été réduites à 6 pièces.

Depuis la dernière guerre, la Prusse a porté à 17 le nombre des batteries par corps d'armée, à savoir: 8 batteries divisionnaires, 8 batteries de corps et 1 batterie à cheval (détachée au moment de la mobilisation pour appuyer la cavalerie de réserve).

Si les bases proposées par le ministre de la guerre de France sont admises, la proportion d'artillerie sera plus forte encore dans l'armée française.

On peut donc considérer le chiffre de 8 batteries, ou de 48 pièces par division mixte, comme un minimum qu'il est indispensable d'atteindre.

Notre armée se composant de 5 divisions mixtes et d'une division de cavalerie de réserve, je ne m'écarterai guère des bases admises en France et dans les divers Etats de l'Allemagne en portant le

nombre des batteries actives à 34 et celui des batteries de réserve à 6.

Les unes et les autres seront à 6 pièces. Cette modification à l'organisation actuelle des batteries est nécessitée par l'emploi des bouches à feu rayées. Elle avait déjà fixé l'attention du comité nommé par la commission mixte de 1866. On lit en effet dans son rapport du 18 mars 1867 : « L'introduction des pièces rayées a modifié profondément la tactique de l'artillerie. L'extrême mobilité dont elle est aujourd'hui douée, l'indépendance qu'elle a acquise par suite de ses grandes portées, la surveillance plus grande que le chef doit exercer sur les sections pour diriger leur feu et en apprécier les effets, les espacements plus considérables entre les pièces ont rendu le rôle de commandant de batterie plus délicat et plus difficile. La Prusse et, après elle, l'Allemagne ont imité ce que la France avait déjà fait avant cette époque : elles ont porté à 6 pièces seulement la force des batteries de campagne. En Angleterre, en Italie, en Suisse, en Espagne et en Portugal, les batteries n'ont également que 6 pièces. »

La nécessité de cette transformation a paru si évidente à la sous-commission de 1872, qu'elle l'a admise sans discussion.

Les 34 batteries actives et les 6 batteries de réserve seront réparties dans 4 régiments de la manière suivante :

fer régiment, 8 batteries montées actives et

20

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id.

id.

2 batteries montées de réserve; 7 batteries montées actives, 2 batteries à cheval actives et 1 batterie montée de réserve;

8 batteries montées actives et 2 batteries montées de réserve; 7 batteries montées actives, 2 batteries à cheval actives et 1 batterie montée de réserve.

Cette répartition exige la création d'un 4o régiment d'artillerie de campagne, mesure justifiéc par l'impossibilité de confier à un seul chef plus de 10 batteries, sans préjudice pour la prompte mobilisation de l'armée, l'instruction de la troupe et la conservation du matériel. On se rendra compte de cette impossibilité si l'on considère qu'un régiment d'artillerie de corps, composé de 2 batteries à cheval, de 7 batteries montées et d'une batterie de réserve, comprend 839 hommes, 592 chevaux, 160 voitures et un nombre considérable de projectiles, de charges et de menus objets, dont la garde et l'entretien exigent une surveillance de tous les instants.

Le commandement et l'administration de ce personnel et de ce matériel dépassent de beaucoup en importance le commandement et l'administration d'un régiment de cavalerie à cinq escadrons, dont l'effectif sur le pied de paix ne comporte que 710 hommes et 605 chevaux.

Il existe encore une autre raison non moins importante pour diviser l'artillerie de campagne en quatre régiments.

Notre armée active aura, sur le champ de bataille, quatre divisions en ligne et une e division formant avec la division de lanciers la réserve générale de l'armée.

Les quatre divisions en ligne formeront deux corps d'armée. Le 1er régiment d'artillerie de campagne comprendra l'artillerie divisionnaire du 1er corps, et le 3e régiment, l'artillerie divisionnaire du 2e corps.

Le 2e régiment d'artillerie comprendra l'artillerie de corps du 1er corps, et le 4e régiment, l'artil lerie de corps du 2e corps.

On perdrait tout le bénéfice de cette répartition simple et logique et l'on rendrait la mobilisation de l'artillerie plus difficile si les trente-quatre batteries actives et les six batteries de réserve étaient réparties dans trois régiments; chaque régiment devrait alors, au moment de la guerre, fournir des batteries à l'artillerie divisionnaire et à l'artillerie de corps, ce qui donnerait lieu à plusieurs inconvénients.

L'augmentation de dépense provenant de la réorganisation de l'artillerie s'élèvera à une somme assez forte; mais il ne faut pas perdre de vue que notre armée en campagne, composée d'environ 60,000 hommes d'infanterie et de cavalerie, ne pourrait aujourd'hui présenter en ligne que 152 bouches à feu, ou 2 1/2 bouches à feu par mille hommes, tandis que la proportion admise en Allemagne, en France et dans la plupart des pays est de 3 1/2 à 4 bouches à feu par mille hommes. Eu portant l'effectif de nos canons de campagne de 152 à 240 (dont 204 seulement seront attelés en temps de paix), nous ne ferons done que nous conformer à une nécessité de la tactique moderne, qui s'impose surtout aux petits Etats, obligés de rester sur la défensive et dont les troupes sont généralement moins bien préparées ou moins aguerries que celles des grandes puis

sances.

TRAIN. Il a été constaté en 1870 que le train d'artillerie n'est pas en état d'assurer les divers services qui lui incombent. Notre équipage de campagne se composait à cette époque de 1,079 voitures, dont 424 au moins devaient être attelées par le train. Or, pour organiser et diriger ces équipages, qui exigeaient au moins 1,800 chevaux, on ne disposait que de 8 officiers, 36 sous-officiers et 240 conducteurs.

Afin de pouvoir atteler les voitures de l'équipage de ponts, les voitures du génie et les voitures des télégraphistes, les parcs et une partie des voitures à munitions, le train doit comprendre au minimum trois compagnies.

Ces compagnies, jointes à celles du train d'administration, formeront le bataillon du train, dont l'effectif total s'élèvera à 23 officiers, 377 hommes de troupe, 62 chevaux de selle et 218 chevaux de trait. L'état-major du bataillon comprendra 6 officiers et 8 hommes de troupe.

Au moment de la mobilisation, la force des compagnies du train devra être considérablement augmentée. On rappellera à cet effet les hommes du train renvoyés en congé et les cavaliers des quatre dernières classes qui, n'étant plus nécessaires pour mobiliser les escadrons, seront rayés des contrôles de la cavalerie et assignés au train dès qu'ils entreront dans ces classes.

GENIE.-Pendant la mobilisation de 1870, le nombre de compagnies du genie s'est trouvé au-dessous du chiffre qu'il aurait dù atteindre pour que le service fût bien organisé.

Je propose, pour remédier à cette insuffisance, de créer deux compagnies de sapeurs-mineurs, de compléter l'organisation des télégraphistes de campagne, de former une compagnie de télégraphistes de place et d'artificiers et une compagnie de chemin de fer. Cette dernière et la compagnie des télégraphistes pourront, en temps de paix, être employées partiellement par l'administration des chemins de fer et télégraphes, ce qui permet

tra de leur donner une expérience qui leur sera fort utile en temps de guerre, et de venir en aide à l'administration, dans les cas urgents ou dans des circonstances difficiles.

Par suite de l'augmentation proposée, le régiment du génie sera composé de trois bataillons de sapeurs-mineurs à quatre compagnies, d'un dépôt et de cinq compagnies spéciales, à savoir: deux compagnies de télégraphistes, la compagnie de chemin de fer, la compagnie de pontonniers et la compagnie d'ouvriers.

Pour commander les nouvelles unités, il faudra créer un emploi de major et dix-sept emplois de capitaine, de lieutenant et de sous-lieutenant.

On ne pourrait pas tirer ce cadre de l'état-major particulier de l'arme, qui suffit à peine à sa tâche, et dont le service recevra prochainement une nouvelle extension par suite de la reprise du casernement.

En vue de cet accroissement de travail et de responsabilité, j'ai augmenté de cinq le nombre des gardes du génie.

INTENDANCE.-Le corps de l'intendance comprend aujourd'hui vingt-deux fonctionnaires; ce nombre est resté tel qu'il avait été fixé par la loi d'organisation du 19 mai 1845.

Depuis cette époque l'accroissement de l'armée (a) et l'établissement des régies pour la fourniture du pain, de la viande et des fourrages ont considérablement étendu les travaux de l'administration et augmenté sa responsabilité.

Il en résulte que l'effectif de l'intendance ne répond plus aux exigences du service.

La commission mixte de 1867 avait déjà appelé l'attention du gouvernement sur cette situation. Voici l'opinion qu'exprima son rapporteur, M. le général Renard :

Dans l'état actuel des choses, le personnel du corps ne suffit plus depuis longtemps à la tâche qui lui est imposée; il a fallu de la part des intendants militaires un zèle et une abnégation à toute épreuve, pour surveiller le travail incessant de l'exécution des régies, et de la vérification de la comptabilité des corps de troupe et des établissements d'administration. >>

Cette insuffisance numérique du personnel cause les plus grands embarras au moment où l'armée doit être mise sur le pied de guerre.

Il est impossible en effet que l'intendance mobilise promptement ses divers services quand, pour obtenir ce résultat, elle doit doubler son effectif. Aucune arme ne peut suffire à une pareille extension de cadres.

Si des raisons d'économie ne permettent pas d'entretenir sur le pied de paix tous les fonctionnaires nécessaires pour le pied de guerre, il faut du moins que l'effectif normal soit tel qu'il n'y ait pas un écart trop considérable entre les deux si

tuations.

Le vice de l'organisation de l'intendance ne réside pas seulement dans l'insuffisance numérique du personnel, il tient aussi à la multiplicité et à la diversité des attributions.

Ces attributions comprennent le service de l'ordonnancement, le contrôle de la comptabilité des corps de troupe, la surveillance des hôpitaux, le service des vivres et des subsistances.

Par suite de l'insuffisance numérique du person

(a) En 1853, l'effectif du pied de guerre de l'armée, qui jusque-là n'était que de 80,000 hommes, a été porté

à 400,000.

nel, tous ces services, à l'exception de l'ordonnancement, doivent être assurés aujourd'hui par les sous-intendants militaires. Ces fonctionnaires sont donc chargés à la fois d'un travail sédentaire (vérification des comptabilités) qui les retient dans leurs bureaux, et d'un service actif (vivres, subsistances, hôpitaux) qui exige un contrôle extérieur. Ne pouvant satisfaire à ces exigences multiples, ils sont dans l'alternative ou de n'exercer qu'une surveillance imparfaite, ou de sacrifier une des deux branches de leur service à la bonne exécution de l'autre.

La vérification de la comptabilité des corps embrasse tant d'objets divers, qu'elle représente à elle seule le maximum de travail qu'on peut raisonnablement imposer à un administrateur. En la réunissant à d'autres fonctions, on doit nécessairement diminuer les garanties qu'on est en droit d'exiger de ceux qui ont à remplir l'importante et délicate mission de présider au bon emploi des deniers publics et de veiller à l'observation des lois et des règlements.

La fusion des services, telle qu'elle existe aujourd'hui, produit au moment de la guerre les plus grands désordres, puisqu'il faut, pour satisfaire aux exigences de la mobilisation, employer tous les sous-intendants à l'armée en campagne et les remplacer dans leur important service par des administrateurs improvisés ou inexpérimentés.

La surveillance administrative des corps de troupe et des établissements d'administration s'affaiblit donc au moment même où il serait utile de la renforcer.

L'organisation que je propose fera disparaître ces défauts. Elle donnera à l'intendance un personnel suffisant pour assurer ses services du temps de paix et pour lui permettre de passer sans secousse brusque à l'effectif du pied de guerre.

Grâce à cette organisation, le service de l'intendance pourra être divisé en deux parties, l'une, sédentaire, comprenant l'ordonnancement des dépenses et la vérification de la comptabilité des corps de troupe; l'autre, active, comprenant les subsistances, les hôpitaux et les ambulances. L'armée se composera désormais de :

19 régiments d'infanterie,

8

id.

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de cavalerie,

d'artillerie,

du génie,

1 id.

de gendarmerie,

1 bataillon id.

d'administration) s'administrant du train comme corps de troupe.

1 école militaire

Si les 4 intendants ordonnateurs qui existent actuellement devaient contrôler ces 39 corps de troupe, ils seraient dans l'impossibilité de le faire, quels que fussent leur aptitude, leur zèle et leur dévouement.

En effet cette tâche comprendrait, pour chaque intendant-directeur, la vérification de la comptabilité de 9 et 10 régiments et représenterait une somme de travail triple de celle qui est fournie à grand'peine aujourd'hui par les sous-intendants de fre classe.

J'ai donc été amené à répartir le service de la comptabilité entre huit intendants de 1re et de 2e classe, lesquels, outre leurs fonctions d'ordonnateurs, auront à exercer le contrôle administratif de 4 et 5 régiments.

BATAILLON D'ADMINISTRATION. Le bataillon d'administration a été créé par l'arrêté royal du

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