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dente et utile en soumettant d'abord la proposition à l'examen du gouvernement. Ce n'est pas que le principe du projet puisse faire difficulté; son adoption est certainement désirable, mais ce principe doit être organisé, il doit être mis en harmonie avec les lois existantes, et c'est précisément ce que le gouvernement a tâché de faire dans la proposition qui nous a été communiquée et sur laquelle j'ai l'honneur de vous faire rapport.

Les auteurs du projet primitif embrassaient dans une seule et même formule la matière disciplinaire et la matière fiscale; MM. les ministres des finances et de la justice les séparent et consacrent des dispositions distinctes à l'une et à l'autre.

Matière dite disciplinaire. — Les mots « matière disciplinaire » à cette place rappellent naturellement l'une des plus grandes incohérences qui déparent notre législation. Tandis qu'après dix ans et tout au plus en cas d'interruption après vingt ans pour les crimes les plus graves, toute poursuite est éteinte, les simples manquements à la discipline peuvent toujours être poursuivis, peuvent toujours être punis ou du moins peuvent l'être pendant le long espace de trente années. C'est là une anomalie que la Hollande a fait disparaître par la loi du 9 juillet 1842 en ce qui concerne le notariat, et qu'il serait désirable de voir disparaître aussi en Belgique, et cependant il ne serait pas logique de le faire à l'occasion du projet actuel; car, comme on l'a fait observer très-justement, il ne s'agit pas ici de peines disciplinaires, mais d'amendes prononcées par la juridiction civile, ce qui est tout différent. On ne saurait donc, sans commettre une confusion qu'il importe d'éviter, élargir le projet et y faire rentrer toutes les peines disciplinaires.

Il y a dans nos codes et dans nos lois particulières une foule de dispositions spéciales qui confèrent aux tribunaux civils la mission de prononcer des peines pécuniaires; ce sont ces amendes qui revêtent dans certains cas un caractère de correction professionnelle, mais qui ne sont jamais des peines disciplinaires proprement dites, que MM. Lelièvre et De Baets on teues en vue en écrivant leur projet et auxquelles s'appliquent avec précision et clarté les deux premiers articles de la proposition gouvernementale.

Lajurisprudence, tant en France qu'en Belgique, décide que les amendes prononcées par les tribunaux civils ne sont pas de véritables peines et que par conséquent les règles de la prescription pénale ne leur sont point applicables.

A notre avis, ce système est erroné. Certes, toute amende n'est pas une peine proprement dite, ainsi l'ancienne amende d'appel et celle qui aujourd'hui est prononcée en cas de demande en règlement de juges; mais l'amende qui sert de sanction à un ordre ou à une prohibition de la loi est une véritable peine quelle que soit la juridiction chargée de la prononcer, car l'amende figure dans l'échelle établie par l'art. 7 du code pénal, et c'est là ce qui constitue l'essence de la pénalité.

D'ailleurs si le législateur a par exception et dans certains cas chargé les tribunaux civils de prononcer des amendes, il l'a fait, comme le remarquent MM. Dalloz et Haus, par ég rd pour certaines personnes revêtues d'un caractère public ou bien pour faciliter ou accélérer la procédure et non pour ôter à l'amende son caractère répressif. Nous pourrions nous étendre sur ce sujei et montrer encore les inconséquences auxquelles aboutit le système contraire, mais ce n'est

pas ici l'endroit, car la jurisprudence est là una-
nime et constante et le projet actuel a précisément
pour but de remédier à ses effets.

C'est assez dire que la commission approuve
pleinement les deux premiers articles de la pro-
position du gouvernement qui ont pour objet de
consacrer cette réforme. Ces dispositions ne font
qu'appliquer à la matière spéciale qui nous oc-
cupe, les règles du code d'instruction criminelle
et du code pénal sur la prescription des délits de
nature à être punis correctionnellement; l'art. 2
même est la reproduction littérale du S 1er de
l'art 92 du code pénal.

C'est en se plaçant à ce point de vue qu'un membre avait proposé de dire tout simplement dans la loi que les articles 638 du code d'instruction criminelle et 92 du code pénal seraient applicables aux amendes prononcées par les tribunaux civils. Cet amendement qui à certains égards pouvait présenter des avantages n'a pas été accueilli par votre commission; elle s'est prononcée en faveur de la rédaction du gouvernement et voici le motif sur lequel elle a fondé cette préférence :

D'après le code d'instruction criminelle, l'action civile et l'action publique résultant d'une infraction sont liées d'une façon indivisible et inséparable en ce qui concerne la prescription, l'extinction de l'une entraîne l'extinction de l'autre ; dire donc dans un texte de loi que l'article 638 du code d'instruction criminelle serait appliqué aux infractions punies d'amendes par les tribunaux civils, c'était décider législativement que l'action civile dérivant d'un fait punissable par la juridiction civile serait prescriptible par le court espace de trois années. Ce système pouvait présenter des inconvénients graves et sérieux et votre commission n'a pas voulu l'admettre.

Matière fiscale. Parmi les amendes qui ont pour objet d'assurer la perception des droits fiscaux, les unes (celles établies par les lois sur les contributions directes, les douanes et les accises) doivent être prononcées par les tribunaux correctionnels et n'existent qu'en vertu d'un jugement; les autres (celles relatives aux impôts dont la perception est dévolue à l'administration de l'enregistrement) existent indépendamment de toute décision judiciaire et se poursuivent par la voie de la contrainte.

Cette distinction est fondamentale au point de vue du projet de loi actuel.

On peut dire que la première classe d'amendes fiscales est régie par les principes du droit commun. L'action publique se prescrit d'après les règles du code d'instruction criminelle en vertu de l'article 247 de la loi générale du 26 août 1822 et de l'article 13 de la loi du 6 avril 1823 qui renvoient purement et simplement à ce code; seul l'article 117 de la loi du 28 juin 1822 établit pour la contribution personnelle la prescription annale. Et quant à la prescription de la peine ellemême, si jamais il y a eu un doute, il est levé aujourd'hui par l'article 100 du code pénal: elle se fait conformément aux principes généraux (a)..

Tout est donc prévu et réglé en ce qui concerne les amendes; mais le gouvernement signale une lacune sous un autre rapport et l'article 3 de son projet a pour but de la combler. Cette disposition ne distingue plus entre les marchandises d'accise et celles qui ne sont pas sujettes à ce droit, et elle donne la même durée de trois ans à l'action du

(a) Haus, Principes généraux, p. 452, no 604.

crite qu'après trois années, à compter du [ dernier acte (1).

déclarant et à celle de l'administration ou de son subrogé.

La commission propose ici un changement qui ne porte que sur la forme; l'article 3 serait rédigé comme suit: « Par modification à l'article 124 de la loi de perception du 26 août 1822, l'action en recouvrement d'un supplément de droits dû par suite d'une perception insuffisante pour des marchandises de toute nature, régulièrement déclarées, est prescrite après trois années à partir de la date de la déclaration. La faculté de réclamer la restitution des sommes payées en trop pour droits est soumise à la même prescription. »

Les amendes dont le recouvrement se poursuit par voie de contrainte se trouvent par leur nature même en dehors des règles ordinaires : ici le législateur ne doit organiser qu'une seule prescription, car l'action et l'exécution de la peine se confondent; mais cette prescription, d'après la remarque très-juste du gouvernement, demande à être mise en harmonie avec celle des droits euxmêmes à laquelle elle se rattache de la façon la plus étroite et la plus intime, et nous ajouterons qu'elle doit être mise en rapport aussi avec la prescription de la demande en restitution émanant de particuliers. Il est juste et rationnel qu'après un même délai les contribuables n'aient plus aucune poursuite à craindre et que le trésor n'ait plus à se préoccuper de réclamations tardives.

Le projet amendé s'inspire de ces principes et forme ainsi un système d'une unité parfaite.

Il n'introduit aucun changement dans la matière des droits de succession et de mutation par décès où la législation actuel'e répond à toutes les exigences; mais il n'en fait pas de même pour la matière des droits d'enregistrement, de timbre, de greffe et d'hypothèque. L'article 61 de la loi du 22 frimaire an vii, la loi des 24 mars-3 avril 1806 et l'article 6 du décret du 12 juillet 1808 sont abrogés et remplacés par les dispositions des articles 4, 5, 6 et 7 du projet amendé.

Ces articles établissent le système nouveau que nous appréciions tout à l'heure et d'après lequel tous les droits sans distinction, toutes les amendes sans distinction aussi et toutes les demandes en restitution dans les quatre branches d'impôts se prescrivent après le délai de deux ans. Il n'y aura donc plus, comme sous l'ancienne législation, à se demander à quels cas s'applique la confiscation biennale et il ne se présentera plus de lacune comme il en existe aujourd'hui pour la matière du timbre.

L'article 5 détermine le point de départ de la prescription. C'est ici que se révèle l'un des dangers de ces formules législatives générales comme celle adoptée par MM. Lelièvre et De Baets dans leur proposition. Ces honorables membres fixaient pour point de départ le jour où les contraventions ont été commises; or, comme le font observer MM. les ministres dans l'Exposé des motifs du projet amende, l'application de cette règle à la matière de l'enregistrement et du timbre était tout bonnement impossible.

Le gouvernement, qui avec raison a préféré la voie d'énumération à la formule générale, a établi ici un point de départ spécial: il s'est rallié sous ce rapport au principe de la loi française du 16 juin 1824, et l'article 5 ne fait que reproduire l'article 14 de cette loi tel qu'il est défini au

Art. 2. Toute amende prononcée par les tribunaux civils est prescrite par cinq

jourd'hui par la doctrine et la jurisprudence. L'article 7 reproduit le dernier alinéa de l'article 61 de la loi du 22 frimaire an vi et l'étend à la matière du timbre.

A cet article, nous vous proposons deux légères modifications.

La première consiste à rédiger l'article 7 de la manière suivante :

Les prescriptions établies par les articles 3. et 4 ci-dessus, etc. »

Les cas auxquels s'applique l'article sont ainsi déterminés avec plus de précision.

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La seconde consiste à remplacer le mot « susinterrompues ». La suspendues » par le mot «< pension, en effet, comme l'observe M. Rutgeerts dans son Manuel de droit fiscal, n'efface pas le temps qui s'est écoulé antérieurement et c'est cependant ce qui se fait ici.

L'article 8 réserve les droits existant en faveur des particuliers. M. Lelièvre a déclaré se rallier à la proposition du gouvernement.

Le rapporteur,

L. DRUBBEL.

Le président,

DE LEHAYE.

RAPPORT fait, au nom de la commission de la justice du senat, par M. le baron D'ANETHAN.

Messieurs,

Le projet qui est soumis au sénat a pour but de combler, d'un côté, une lacune dans notre législation, de l'autre, d'y apporter quelques modifications utiles.

Les lois pénales tracent les règles et la durée des prescriptions pour la poursuite des crimes et des délits et pour les peines, tandis que les lois civiles n'en établissent ni quant aux poursuites à intenter devant les tribunaux civils chargés dans certains cas de prononcer des amendes, ni quant aux peines d'amendes prononcées.

Il est utile de remédier à cet état de choses et de rétablir sous ce rapport l'harmonie dans les lois.

Le projet ne se borne pas à combler des lacunes; il fixe, en outre, pour certaines lois fiscales, les règles à suivre par les prescriptions établies ou à établir en ces matières.

Cette simple analyse justifie suffisamment le principe du projet de loi, et aucun membre de la commission n'ayant fait d'observation à cet égard, nous avons abordé immédiatement la discussion des articles.

La suite du rapport est une analyse du projet, article par article; on la trouvera dans les notes sur les articles.

(1) Le second alinéa de l'article fer a été ajouté lors de la discussion à la chambre, à la suite de l'observation suivante :

M. THONISSEN: « Messieurs, il me semble que, pour rendre complétement la pensée de la com mission, la rédaction de l'article 1er devrait subir un changement.

« Il est évident que la pensée de la commission consiste à appliquer le droit commun aux amendes prononcées par les tribunaux civils L'article 1er proclame, en effet, cette règle en principe. Il ajoute ensuite qu'il pourra y avoir une interrup

années, à compter de la date de l'arrêt ou du jugement rendu en dernier ressort, ou

tion de la prescription. Mais ici, on s'éloigne, du moins en apparence, du droit commun.

Il est très-vrai que le code d'instruction criminelle admet l'interruption de la prescription, mais à la condition que l'acte interruptif soit posé dans le délai fixé pour la prescription. Ainsi, quand ce délai est de trois ans, il faut que l'acte interruptif ait lieu dans les trois ans. Si ce délai était de six ans, il faut que l'acte interruptif ait lieu dans les six ans. Or, il n'est pas dit que la même règle devra recevoir son application dans l'espèce qui nous occupe. En prenant le texte à la lettre, on pourrait soutenir qu'il est permis d'interrompre la prescription à l'infini, ce qui est évidemment contraire au droit commun et ce que la commission ne veut assurément pas.

Il y a une autre modification de texte qui est nécessaire pour arriver complétement à l'application du droit commun; je veux parler des actes pour lesquels l'interruption de la prescription peut avoir lieu.

Le projet de loi parle seulement des actes de poursuites. Or, suivant le code d'instruction criminelle, l'interruption de la prescription peut également avoir lieu pour des actes d'instruction, et des instructions, dans la matière actuelle, sont assez fréquentes, notamment en ce qui concerne les amendes encourues pour infractions aux dispositions concernant la rédaction des actes de l'état civil.

« Je pense donc que pour rendre exactement la pensée de la commission, il faudrait que l'article fut rédigé de la manière suivante:

« Toute action aux fins de condamnation à l'amende par les tribunaux eivils est prescrite par trois années, à compter du jour où l'infracation a été commise.

«S'il a été fait, dans cet intervalle, des actes a d'instruction ou de poursuite non suivies de jugement, l'action ne sera prescrite qu'après trois années, à compter du dernier acte. »

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Cet amendement est appuyé par cinq membres; en conséquence il fait partie de la discussion.

M. DRUBBEL, rapporteur: « J'appuie l'amendement proposé par M. Thonissen; il est, en effet, tout au moins utile d'insérer dans le texte même de la loi ce qui bien certainement est dans la pensée qui a présidé à la rédaction de cet article.

a Je dirai même que ce point avait fixé l'attention de la commission spéciale, mais avait été ensuite perdu de vue.

a Voici ce qui était arrivé. Dans un premier rapport fait à la commission elle-même, je proposais de rédiger les articles 1 et 2 de la manière sui

vante :

Art. 1er. Les articles 658 et 640 du code d'instruction criminelle sont applicables à l'action ayant pour objet la condamnation à l'amende par les tribunaux civils.

Art. 2. Les articles 92 et 93 du code pénal « sont applicables aux amendes prononcées par « les tribunaux civils. »

Je motivais cette proposition dans les termes suivants :

« Cette rédaction, outre qu'elle est plus con«cise, présente plusieurs avantages: d'abord elle reconnaît et sanctionne en quelque sorte la

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à compter du jour où le jugement rendu en première instance ne pourra plus

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juges civils est une véritable peine; ensuite elle s'harmonise mieux avec l'ensemble de nos lois répressives, elle se base sur la division tripar«tite des infractions; d'après le projet du gou« vernement, une amende inférieure au taux de « l'amende correctionnelle ne se prescrirait qu'après cinq ans et l'action ayant pour objet l'application de cette amende qu'après trois ans ; d'après la formule nouvelle, l'une et l'autre se prescriraient comme en matière de simple poalice; enfin la rédaction proposée détermine « plus exactement le point de départ de la prescription.

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La finale de l'article 1er du projet du gouver«nement est ainsi conçue: ou à partir du dernier acte de poursuite. Je suis convaincu que, dans a la pensée du gouvernement, ce dernier acte de poursuite doit être posé dans l'intervalle des trois années à partir du jour où l'infraction est « commise, de manière qu'on ne puisse jamais « arriver qu'au double du terme de la prescripation; mais cependant son texte ne le dit point, a et l'on pourrait dès lors soutenir avec raison a que l'acte de poursuite est toujours interruptif « de la prescription; en se référant purement et simplement au code d'instruction criminelle, on « évite cet inconvénient. »

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Le gouvernement n'avait eu d'autre but que de fixer, pour la prescription dont s'occupe le projet de loi, un délai de prescription en rapport avec la nature des infractions. Nous n'avions pas pensé qu'il fût nécessaire de rappeler, à cette occasion, les règles du code d'instruction criminelle en matière d'interruption de la prescription. Notre intention était de nous y référer.

« Nous pensions avoir atteint ce but par la rédaction proposée.

"

Cependant, puisqu'un doute s'élève à cet égard et que l'amendement de l'honorable M. Thonissen formule d'une manière plus complète les principes que nous entendons consacrer, je ne fais aucune difficulté de préférer sa rédaction à celle du projet. »

-L'article fer, amendé, est mis aux voix et adopté. (S. du 3 juin 1873. Ann. parl., p. 1253.)

Art. 1er. Cet article applique aux poursuites intenter devant les tribunaux civils aux fins de condamnation à des amendes les délais et les règles établis par les articles 657 et 658 du code d'instruction criminelle pour la prescription des poursuites du chef de délits.

Ces amendes, quoique prononcées par les tribunaux civils, n'en sont pas moins de véritables

doctrine que je considère comme seule juri-peines La juridiction qui les prononce n'en change

dique, à savoir que l'amende prononcée par des

pas le caractère; il est donc logique de donner, dans

être attaqué par la voie de l'appel (1). Art. 3. Par modification à l'article 124 de la loi générale de perception du 26 août 1822, l'action en recouvrement d'un supplément de droits dû par suite d'une perception insuffisante pour des marchandises de toute nature, régulièrement déclarées, est prescrite après trois années, à partir de la date de la déclaration.

La faculté de réclamer la restitution des

tous les cas, la même durée à l'action publique et, par suite, la même sécurité, après le même laps de temps, à ceux contre lesquels des poursuites peuvent être dirigées. (Rapp. de la comm. du sénat.)

(1) M. LELIEVRE « Je suppose qu'il est bien en tendu que quand le jugement rendu n'a pas été signifié, l'article 2 n'est pas applicable. En effet, alors il s'agit de la prescription de l'action et par conséquent il ne peut s'agir de la prescription de la peine. Il n'y a prescription de la peine que quand le jugement est définitif. Par conséquent, un jugement non signifié laisse subsister la prescription de l'action et il y a lieu à l'application de l'article 1er. »

M. DE LANTSHEERE, ministre de la justice : « Nous n'avons pas à nous expliquer sur les effets de la signification ou de la non-signification d'un jugement. Ces effets seront en matière de prescription ce qu'ils sont en toute autre matière; le texte est complet la prescription commence à courir du jour de l'arrêt ou du jugement rendu en dernier ressort, ou à compter du jour où le jugement rendu en première instance ne pourra plus être attaqué par la voie de l'appel.

Quel est, à cet égard, l'effet de la non-signification du jugement? C'est une question que les principes généraux permettent de résoudre aisément et sur laquelle nous n'avons pas à nous expliquer spécialement ici.

L'article 2 est adopté. (S. du 5 juin 1873. Ann. parl., p. 1256.)

Art. 2. C'est la reproduction textuelle de l'article 92 du nouveau code pénal. Cet article se justifie par les motifs donnés à l'appui de l'article précédent.

On a demandé à la chambre quel serait l'effet d'un jugement non signifié et, dans ce cas, quelle prescription il faudrait appliquer : celle de l'action ou celle de la peine.

Cette question nous paraît résolue par les termes mêmes de l'article en discussion.

La prescription court de la date de l'arrêt ou du jugement. Le défaut de signification ne change pas cette situation; il ne peut pas dépendre du ministère public ou de l'administration de prolonger indéfiniment le terme de la prescription en retardant la signification de l'arrêt ou du jugement. I suffit que la décision soit en dernier ressort pour qu'elle serve de point de départ à la prescription.

Si, au contraire, l'arrêt où le jugement n'a pas un caractère définitif et si, par suite d'opposition, l'action est encore pendante, il est évident que c'est la prescription de l'action qui sera applicable. Ces solutions ne nous paraissent pouvoir soulever de doute sérieux. (Rapp. de la comm, du sénat.)

sommes payées en trop pour droits est soumise à la même prescription (2).

Art. 4. Toute demande de droits ou d'amendes d'enregistrement, de timbre, de greffe ou d'hypothèque est prescrite après un délai de deux ans (3).

Art. 5. Le point de départ de ce délai est fixé au jour de la présentation à la formalité d'un acte ou autre document qui révèle à l'administration la cause de

Discussion au sénat.

M. LE BARON D'ANETHAN, rapporteur : « Une discussion s'est élevée à la chambre relativement à la manière d'appliquer cet article. Votre commission a donné la solution de cette difficulté qui, d'après moi, n'en est pas une. Je désirerais savoir si M. le ministre de la justice adopte la solution donnée par la commission de la justice.

a

M. DE LANTSHEERE, ministre de la justice: « La difficulté résolue par la commission a, en effet, été soulevée à la chambre par l'honorable M. Lelièvre. Je n'ai pas cru pouvoir répondre à la question qui m'était posée, parce qu'il est toujours dangereux de trancher par improvisation les questions relatives à quelque cas particulier que l'on peut soulever dans le cours de la discussion d'une loi.

« Je pense que la théorie juridique exposée par la commission ne pourra donner lieu à la critique. »>

L'article 2 est adopté. (S. du 4 août 1873. Ann. parl., p. 287.)

(2) Art. 5. Cet article modifie en trois points l'article 124 de la loi du 26 août 1822.

L'article 124 de cette loi ne concernait que les marchandises exemptes d'accises; il sera désormais applicable aux marchandises de toute nature. Il n'y a aucun motif pour conserver la différence précédemment établie.

Bien que la légitimité du recours à raison d'une perception insuffisante ne soit pas contestable, aucune prescription n'était fixée pour l'exercice de ce recours; le projet propose le délai de trois ans, conformément à l'article 1er.

D'après l'article 124 de la loi de 1822, le déclarant n'avait pour réclamer la restitution de ce qu'il prétendait avoir payé en trop qu'un délai d'une année; le projet lui en accorde trois, le mettant ainsi, pour la demande en restitution, dans la même position que l'administration pour sa réclamation du chef d'un supplément de droits.

Ces différentes modifications ont paru équitables à votre commission, qui les a adoptées. (Rapp. de la comm. du sénat.)

(3) Art. 4. Cet article ne touche pas aux dispositions concernant la perception des droits de succession, pour la prescription desquels existent des règles spéciales qui n'ont donné lieu à aucune réclamation. L'article n'est relatif qu'aux droits et amendes d'enregistrement, de timbre, de greffe et d'hypothèque, et il établit pour toutes les hypothèses la prescription de deux ans, conformément au S 1er de l'article 61 de la loi du 22 frimaire

an vil.

Cette simplification présente des avantages incontestables et reçoit l'approbation de votre commission. (Rapp. de la comm. du sénat.)

REGNE DE LEOPOLD II.

l'exigibilité du droit ou de l'amende d'une manière suffisante pour exclure la nécessité de toute recherche ultérieure (1).

(1) M. LE PRÉSIDENT : « La chambre s'est réservé la faculté de statuer au second vote sur la rédaction de l'article 5. >>

M. DE LANTSHEERE, ministre de la justice : « L'honorable M. Pirmez, sans proposer une modification à l'article 5, a exprimé le désir que le gouvernement s'expliquât sur la durée de la prescription dans le cas où une déclaration de valeur insuffisante aurait été faite dans un acte soumis à l'enregistrement.

« J'ai satisfait hier à la demande de l'honorable membre en ce qui concerne le droit principal.

En ce qui concerne le supplément de droit, j'ai fait observer que la question pouvait paraître plus douteuse.

« J'ai émis l'avis cependant que, même à l'égard de l'amende, le moment où la cause de l'exigibilité est révélée à la régie n'est pas différent de celui où elle connaît la cause de l'exigibilité du droit lui-même.

« Je crois pouvoir persister dans la déclara tion que j'ai faite hier.

« L'article 17 de la loi du 22 frimaire an vi prévoit le cas dont vous a entretenus l'honorable M. Pirmez. Il dispose que si le prix mentionné dans l'acte parait inférieur à la valeur vénale, la régie pourra requérir une expertise, pourvu qu'elle en fasse la demande dans l'année à COMPTER DU JOUR DE L'ENREGISTREMENT DU CONTRAT.

« La loi du 22 frimaire an vi a été modifiée par une loi de 1824, mais non en ce qui concerne le point de départ du délai assigné à la demande d'expertise.

« Ce point de départ, c'est le jour même de l'enregistrement du contrat. Dans le cas qui a été cité par l'honorable membre, le fait que, pour déterminer l'insuffisance de la valeur mentionnée et partant le droit à payer, il faudra recourir à une expertise, ce fait n'est pas de nature à modifier le point initial de la prescription; ce point initial demeurera toujours le jour de l'enregistrement du contrat dans lequel la dissimulation ou la déclaration insuffisante a été faite. Le supplément de droit et l'amende peuvent être considérés comme un accessoire du droit principal.

Je pense que, moyennant cette explication, la disposition de l'article 5 ne peut plus donner lieu à critique. ».

M. PIRMEZ: « Je suis heureux d'avoir soulevé la question dont vient de s'occuper M. le ministre de la justice. Ce débat aura eu pour résultat d'atténuer la portée du texte que nous allons voler. Si je comprends bien la portée que le gouvernement entend donner à ce texte, il est la reproduction, en d'autres termes et d'une manière plus complète, des dispositions de la législation en vigueur.

a

Aujourd'hui la prescription court lorsque le fisc a été mis à portée de percevoir le droit d'enregistrement; il en sera ainsi dorénavant, il n'y aura donc rien de changé; seulement on a voulu que si les indices qu'on donne sont des indices qui doivent échapper à une prévision commune, prescription ne puisse pas courir. Mais dès l'instant où, par la nature de l'acte enregistré, par les énonciations qu'il contient, le fisc est raisonnable

la

Art. 6. Toute demande en restitution de droits ou d'amendes d'enregistrement, de timbre, de greffe ou d'hypothèque est

ment mis même de percevoir le droit, la pres-
cription commence à courir.

Je crois que telle est bien l'intention de la sec-
tion centrale et de M. le ministre de la justice,
je n'ai donc rien à ajouter à ce que j'ai dit à cet
égard. »

-

L'article 3 est maintenu tel qu'il a été adopté. (S. du 4 juin 1873. Ann. parl., p. 1257.)

Art. 5. Quand commencera le délai de la prescription? L'article 5, qui résout cette question, exige quelques explications.

La présentation de l'acte à la formalité fait courir le délai de la prescription, mais à la condition que cet acte révèle à l'administration la cause de l'exigibilité du droit ou de l'amende d'une manière suffisante pour exclure la nécessité de toute recherche ultérieure.

La loi française du 16 juin 1824, à laquelle cet article est en partie emprunté, se bornait à dire : « La prescription commence du jour où les préposés auront été mis à portée de constater les contraventions en vue de chaque acte soumis à l'enregistrement ou du jour de la présentation des répertoires à leur visa. »

L'addition des mots d'une manière suffisante pour exclure la nécessité de toute recherche ultérieure, comme condition exigée pour faire courir le délai de la prescription, a fait naître la question de savoir si, notamment en cas de vente d'immeuble, la prescription courait à dater du dépôt de l'acte, malgré les recherches que le receveur pourrait être obligé de faire pour constater si le prix déclaré est inférieur à la valeur réelle de l'immeuble vendu, ce qui pourrait prolonger arbitrairement et indéfiniment le délai de la prescrip

tion.

Le texte de l'article pouvait évidemment faire naître ce doute, que l'honorable M. Pirmez a soumis à la chambre avec infiniment de raison.

Les explications échangées ont fixé le véritable sens de l'article et l'honorable M. Pirmez a résumé le débat dans les termes suivants :

"

Aujourd'hui la prescription court lorsque le fisc a été mis à portée de percevoir le droit d'enregistrement; il en sera ainsi dorénavant, il n'y aura done rien de changé; seulement on a voulu que si les indices qu'on donne sont des indices qui doivent échapper à une prévision commune, la prescription ne puisse pas courir. Mais dès l'instant où, par la nature de l'acte enregistré, par les énonciations qu'il contient, le fisc est raisonnablement mis à même de percevoir le droit, la prescription commence à courir. »

Des explications, des déclarations données aux chambres ne peuvent, sans doute, ni changer, ni compléter le texte d'une loi; mais quand elles ne sont pas contraires au texte, elles peuvent jeter du jour sur la pensée du législateur dans le cas où celle-ci pourrait présenter quelque obscurité et, à ce point de vue, les paroles prononcées par M. le ministre de la justice et par M. Pirmez ont une grande importance.

Or, que dit le texte? « Il faut, dit-il, que l'acte révèle à l'administration la cause de l'exigibilité du droit ou de l'amende. En cas de vente, cette cause, c'est la mutation même quant au droit, l'infériorité de valeur quant à l'amende. L'acte lui-même révèle

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