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à faire usage de la langue française (1). Art. 3 (2). L'inobservation des disposi

ils devront être faits en flamand pour le prévenu flamand et traduits en français pour les témoins français.

ails devront être faits en flamand, d'après le principe du projet de loi, et en français, d'après la règle générale de l'article 332 du code d'instruction criminelle, article en vertu duquel, toutes les fois qu'un témoin s'exprime dans une langue autre que celle de l'inculpé, on doit recourir à un interprète. Dans ce cas, c'est le président qui, sachant les deux langues, servira lui-même d'interprète.

« Quant aux dépositions, le greffier ne pourra acter que ce que le témoin a dit; si le témoin a parlé flamand, il actera sa déposition en flamand; si le témoin a parlé français, sa dépositiou sera aclée en français.

«En un mot, le greffier ne peut acter que ce qu'il a entendu; mais on traduira pour l'inculpé les dépositions des témoins qu'il ne comprend pas.

Il faudrait une disposition spéciale pour qu'on actât comme déposition autre chose que ce qui est sorti de la bouche du témoin. Ce n'est que faute de pouvoir faire autrement que dans le pays wallon on se voit réduit à consigner en français des dépositions flamandes. Mais cela est contraire aux principes. »

M. DEMEUR: « J'ai soulevé deux questions en disant qu'elles n'étaient pas expressément résolues par le projet de loi. MM. Coremans et Jacobs ont pris la parole pour répondre aux questions que j'ai faites et si leurs déclarations pouvaient tenir lieu de la loi, je me tiendrais pour satisfait, parce que j'admets les solutions qu'ils ont données.

Ils disent que les notes du greffier doivent être tennes dans la langue parlée par chacun des témoins. Il en est autrement aujourd'hui : aucune déposition n'est inscrite en flamand. >>

M. JACOBS: Dans les pays flamands bien. » M DEMEUR: a Vous n'admettez pas que tout doive être inscrit en flamand. A Bruxelles tout est noté en français.

<< La commission de révision du code d'instruction criminelle dit, avec raison, que le procès-verbal doit autant que possible être rédigé dans la langue parlée par le témoin. Mais le projet de loi ne le dit pas, si ce n'est pour la procédure préparatoire. Il ne suffit pas de s'expliquer pour la procédure préparatoire seulement, car le juge d'instruction consigne dans un procès-verbal les dépositions des témoins, tandis que le procès-verbal tenu à l'audience n'est qu'uù résume; il contient seulement les principales déclarations, selon l'expression de l'article 155 du code d'instruction criminelle, et l'on pourrait dire que la règle prescrite pour l'instruction préparatoire n'est pas applicable ici. Si vous voulez, en conformité du principe rationnel recommandé par la commission du code d'instruction criminelle, que les procès-verbaux tenus à l'audience soient rédigés dans le langage parlé par les témoins, il faut une stipulation formelle.

«En ce qui concerne la langue dont devra se servir le président du tribunal correctionnel ou de la cour d'assises quand il interrogera les témoins, je suis d'avis qu'il est tout naturel que ce soit leur propre langue et qu'ensuite l'interprète fasse la traduction au prévenu.

a

Mais d'après le projet, il ne doit pas en être

tions qui précèdent, dans la procédure à l'audience ou dans le jugement, entraî

ainsi. Dans une procédure flamande, tout se fait en flamand et, dans la procédure française, tout se fait en français, sauf les exceptions prévues par le projet; or, le projet ne fait pas exception en ce qui concerne la langue dont le magistrat doit se servir pour interroger un témoin qui parle une autre langue que celle du prévenu.

« Je persiste à croire que ces idées doivent être introduites, sinon dans cet article, du moins dans le projet de loi, et j'appelle sur elles l'attention toute spéciale de la section centrale. (S. du 15 juillet 1873. Ann. parl., p. 1520 et suiv.)

(1) Un amendement portant que les demandes de l'inculpé ou des témoins, d'être entendus en français, fussent actées au plumitif de l'audience, a été écarté sur l'observation de M. LE MINISTRE DE LA JUSTICE qui disait : « L'usage de la langue flamande devant les tribunaux flamands étant prescrit comme règle aux magistrats, il est évident que ceux-ci ne peuvent s'en écarter qu'en faisant dans leurs procès-verbaux une mention quelconque qui justifie l'inobservation de la règle.

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Or, cette mention ne peut être autre que celle de la demande. Il est donc de droit, il va de soi que le juge devra acter au plumitif de l'audience la demande qui lui est faite, parce que, sans cela, l'inobservation de la loi demeurerait sans justification.» (S. du 16 juillet 1873.)

Un membre avait proposé un amendement portant que les dépositions des témoins qui auraient été reçues en français soient traduites en flamand si l'inculpé n'a pas demandé qu'il soit fait usage de la langue française.

Cet amendement a été écarté, également sur l'observation de M. LE MINISTRE DE LA JUSTICE qui disait :

Je pense qu'il est tout à fait inutile d'introduire celte disposition dans la loi. Aux termes de l'article 332 du code d'instruction criminelle, un interprète doit être nommé toutes les fois que des per sonnes parlant des langues ou même des idiomes différents comparaissent devant la justice.

« Il est de jurisprudence certaine que cette disposition du code d'instruction criminelle, bien qu'elle ne soit relative qu'aux cours d'assises, est également applicable aux tribunaux de police et aux tribunaux correctionnels.

« C'est là un élément essentiel de la défense, et le fait que le magistrat aurait refusé la nomination d'un interprète vicierait essentiellement la procédure.

« Il est donc sans utilité de répéter ici une règle inscrite dans le code d'instruction criminelle et qui est appliquée par la jurisprudence sans aucune contestation. » (Même séance.)

(2) D'après un amendement proposé dans le cours de la discussion, l'inobservation des formalités devait, de plein droit, entrainer la nullité de la procédure. Calle proposition fut combattue par M. LE MINISTRE DE LA JUSTICE qui disait : « Je me rallie, à cet égard, à la disposition proposée par la section centrale. Il me semble que si personne ne s'est plaint, si aucune opposition ne s'est produite de la part d'aucune partie, il serait par trop rigoureux de permettre l'annulation de la procédure pour une erreur ou une omission qui n'a lésé aucun intérêt. Le système contraire pourrait engendrer de nombreux abus. (S. du 15 juillet 1873. Ann. parl., p. 1520.)

nera la nullité de cette procédure et du jugement, s'il a été procédé malgré l'opposition de l'une des parties.

Art. 4 (1). En matière criminelle, si la procédure se fait en langue flamande, il

(1) Cet article, dans sa forme actuelle, a été introduit dans le projet, lors du second vote, à la chambre des représentants. Il a soulevé de longues discussions à l'occasion de chaque vote. La disposition qu'il contient avait été, lors du premier vote, ajoutée à l'article 2 par voie d'amendement et en

ces termes :

« § 2. Cette demande sera actée, sous peine de nullité, dans le procès-verbal d'interrogatoire ou de déposition.

«<ll sera joint au dossier une traduction en flamand des dépositions reçues et consignées en français, dans le cas où l'inculpé n'aura pas demandé qu'il soit fait usage de la langue française.»

M. COREMANS (auteur de l'amendement): « Messieurs, à la suite du vote qui a été émis hier, que la procédure préparatoire pourrait être faite en français ou en flamand, suivant la préférence du juge, il est nécessaire de modifier légèrement l'amendement que j'ai eu l'honneur de présenter au projet de la section centrale et de dire comme suit:

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Il est manifeste que, si l'instruction préparatoire a lieu en grande partie en français jusqu'à la première comparution de l'inculpé devant le juge d'instruction, on trouvera dans ce dossier des renseignements, des réquisitoires, des rapports, des procès-verbaux, bref, une foule de pièces constituant un dossier français complet; et quand, plus tard, l'inculpé ne demandant pas qu'il soit fait usage du français, la procédure ultérieure doit se faire en flamand, l'inculpé se trouverait devant un dossier tout français.

Il est naturel que, dans ce cas, toutes les pièces importantes soient traduites en flamand, afin qu'ayant son dossier à examiner, l'inculpé flamand ne se trouve pas en présence de pièces qu'il ne comprend pás, et que la défense en flamand ne soit pas rendue difficile ou impossible.

Telle était d'ailleurs, je pense, l'intention de la section centrale, car elle admet, à l'article suivant, la traduction des rapports des experts. Je crois que c'est par oubli que la section centrale n'a pas formulé en prescription légale cette disposition qui me paraît indispensable.

:

M. BARA Si cette règle doit être admise, il faut aussi l'admettre pour le français, et il est clair que dans les instructions qui sont faites en flamand, et il y en a un grand nombre, contre des prévenus wallons, le dossier doit être aussi traduit en français. Il faut un échange de traduction entre le wallon et le flamand. Je suis convaincu que cela ne servira en rien à la justice. Mais enfin, puisqu'on le veut, si l'on fait un grief de cette affaire alors que la plupart des dépositions dans le pays flamand sont évidemment reçues en flamand; qu'à l'audience, si un témoin ne sait pas parler flamand, il doit déposer en français et qu'un

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sera joint au dossier une traduction des procès-verbaux, des déclarations des témoins et des rapports d'experts rédigés en français.

Si la procédure se fait en langue fran

interprète est là, il faut faire la même chose pour les Wallons.

« Je le répète, messieurs, les inculpés ne lisent pas les dossiers, ce sont les avocats qui les dépouillent. S'il s'agit d'un prévenu qui n'a pas le moyen d'avoir un avocat, soyez convaincus qu'il appartient à une classe de la société qui n'est pas à même de lire et surtout de comprendre un dossier judiciaire. Il va en résulter des frais considérables et des retards dans l'administration de la justice.

« Comment! Voilà un prévenu appelé devant la justice; il y a un énorme dossier qui sera soumis à un traducteur et celui-ci demandera pour faire son travail un ou deux mois, pendant lesquels le prévenu restera en prison, et quand le jugement aura été rendu, on mettra tous les frais de traduction à sa charge! C'est ce qui arrivera.

«Je crois donc qu'il est parfaitement inutile de demander le vote de la proposition de M. Coremans; le mieux est de la rejeter. Néanmoins si elle devait être admise par la chambre, je présenterais à mon tour un amendement pour faire traduire aussi toutes les pièces flamandes en français lorsqu'il y aura un Wallon impliqué dans une affaire. »

M. De Lantsheere, ministre de la justice : « Il y a dans l'amendement de M. Coremans deux dispositions bien distinctes. Il veut d'abord que la demande formée par un inculpé ou par un témoin d'être entendu en français soit, à peine de nullité, actée dans le procès-verbal d'interrogatoire ou de déposition.

Cette première disposition est inutile. L'article fer fait de l'emploi de la langue flamande la règle. Le magistrat instructeur ne peut, en vertu de l'article 2, s'en écarter que si l'inculpé ou le témoin le lui demandent. De là résulte implicitement mais évidemment pour lui l'obligation d'acter la demande. S'il s'abstenait de le faire, en effet, il laisserait sans justification une infraction à la loi. L'obligation que l'honorable membre veut imposer aux magistrats par une disposition légale résulte donc de la force inême des choses. Elle est dès lors inutile.

<< Mais il ne suffit pas à l'honorable auteur de l'amendement que la demande soit actée. Il veut encore que si elle ne l'est point, la procédure entière soit entachée de nullité. C'est pousser la rigueur trop loin. Il faut autant que possible éviter de multiplier les nullités en cette matière plus qu'en toute autre. Ces nullités, en effet, ne profitent pas toujours à l'inculpé, elles peuvent souvent n'avoir d'autre résultat que de prolonger sa détention. Elles aboutissent toujours à lui faire parcourir de nombreux circuits de juridiction sans protit pour personne. »>

M. COREMANS: « Vous admettez que ce sera la règle d'acter la demande faite par un témoin ou par un inculpé? »

M. DE LANTSHEERE, ministre de la justice: « Ce doit être la règle; renoncez-vous à votre amendement? »>

M. COREMANS: « En présence des explications de

M. le ministre de la justice, à savoir que ce sera la règle, j'abandonne cette première partie de l'amendement. >>

M. DE LANTSHEERE, ministre de la justice : « J'abandonne done ce point et j'aborde la seconde partie de l'amendement.

« L'honorable membre veut qu'au dossier il soit joint une traduction en flamand non-seulement des dispositions consignées en français, mais encore, d'après les modifications qu'il vient d'introduire, de toutes les autres pièces en langue française qui feraient partie de la procédure. C'est pousser trop loin l'amour des principes.

I importe de se rendre bien compte de ce qu'est cette procédure préparatoire. En réalité, elle n'a d'autre objet que de mettre la chambre du conseil en mesure de se prononcer sur le point de savoir s'il y a lieu de laisser l'affaire sans suite ou de la renvoyer devant une juridiction répressive.

« Or, l'inculpé demeure étranger à toute cette partie de la procédure. Il n'est pas admis à discuter devant la chambre du conseil. Il n'a donc guère d'intérêt à la connaître et, dans le fait, il n'est pas admis à la consulter avant que la chambre du conseil n'ait statué. Il n'en aura le droit que lorsque l'ordonnance sera rendue. Mais, dans la pratique il n'arrive guère, s'il arrive jamais, que, même après l'ordonnance, l'inculpé en personne aille examiner le dossier.

« Les avocats le font, mais quand le font-ils ? Après que la procédure préparatoire est complétement terminée, lorsque le tribunal est saisi par la citation. Et dans quel but? Ce n'est pas pour changer ce qui est définitivement accompli, c'est pour acquérir, dans l'étude du dossier, une connaissance parfaite de la cause, pour pouvoir apprécier et discuter, dans le débat public de l'audience, les dépositions des témoins, pour trouver des armes contre ceux-ci dans leurs dépositions antérieures.

« Ces considérations éloignent l'idée qu'il serait nécessaire, dans l'intérêt d'une bonne défense de l'inculpé, de joindre au dossier une traduction flamande des dépositions des témoins. Mais à côté des dépositions des témoins se placent une multitude d'autres actes: réquisitoires, correspondances de toute nature que personne n'a intérêt à voir traduire. Ce sont des pièces de forme, comme on les appelle au palais, et elles méritent bien leur nom, car, à part quelques exceptions, elles ne touchent généralement en rien au fond et ne peuvent léser aucun intérêt.

Or, cela étant, à quoi bon imposer ces traductions superflues, à quoi bon grever le trésor de frais qui ne manqueront pas d'être importants? A quoi bon aussi imposer des frais aux inculpés eux-mêmes? Car si l'inculpé est solvable, ce ne sera pas sur le trésor, mais sur lui-même que tombera la dépense. Et si son insolvabilité grève le trésor, elle ne le sauve pas lui-même, car il aura à racheter, par quelques jours de prison, des frais qu'il ne pourra point payer.

« A ces considérations s'en joint une autre. Toutes ces traductions superflues auront le tort de prolonger indéfiniment la durée de la procédure préparatoire. On s'est souvent plaint des abus de la détention préventive; un sûr moyen de les aggraver, c'est de prolonger l'instruction par des traductions dont l'inculpé ne profitera guère et dont d'ordinaire il serait heureux de se passer. >> M. COREMANS: « Pour combattre l'amendement

que j'ai proposé, l'honorable ministre de la justice ne trouve rien de mieux que d'y donner une exagération qu'il ne comporte pas du tout. Je ne veux pas, par exemple, lorsqu'il y aura une ordonnance de non-lieu, que les pièces françaises de la procédure préparatoire soient traduites en flamand. Mais en cas de renvoi devant le tribunal, il me semble indispensable que les pièces qui constituent le dossier, -non pas la correspondance entre les divers juges de diverses localités, ni certains réquisitoires subsidiaires, ni des citations ou des mandats peut-être inutiles, mais le dossier tel qu'il revient du parquet, tel qu'il va être remis au tribunal, tel que l'avocat ou l'inculpé peut le consulter, il convient que toutes les pièces essentielles, si elles ont été faites en français, soient accompagnées d'une traduction flamande. Il y aura des procès-verbaux importants, des dépositions de témoins, des rapports d'experts sur lesquels la défense devra principalement porter. Or, si toutes ces pièces sont exclusivement en français, la défense n'est plus libre et le statu quo, qui soulève tant de réclamations, persistera fatalement. Refuser mon amendement, c'est maintenir, en quelque sorte, les abus existants. »

M. JACOBS: « Il me semble que l'on pourrait donner satisfaction aux idées qui ont été exprimées par divers membres en indiquant comme obligatoire la traduction des dépositions et des principales pièces du dossier. Remarquez que ce sera à la magistrature de déterminer quelles traductions sont utiles; il n'y aura donc aucune nullité en l'absence de traduction de telle ou telle pièce déterminée.

« J'ai assez de confiance dans la magistrature pour m'en rapporter à elle sur le choix des pièces à faire traduire; la traduction ne portera que sur les pièces essentielles. C'est là, me semble-t-il, donner une satisfaction complète ou tout au moins suffisante aux idées qui se sont produites. Je rédigerais donc l'amendement ainsi :

Si la procédure est flamande, il sera joint au dossier une traduction flamande des dépositions reçues et consignées en français et des principales pieces rédigées en français. »

Cet amendement, mis aux voix par appel nominal, est adopté par 43 voix contre 25.

M. BARA: « Il importe de faire les choses loyalement; le principe est le même pour les deux populations. Voici l'article que je propose :

« Les pièces en flamand seront traduites en francais et la traduction jointe au dossier, si l'inculpé déclare vouloir faire usage de la langue francaise. »

--

Cet article est mis aux voix et adopté.

Second vote de l'article 4.

M. PIRMEZ: «Il me paraît que dans l'article voté il y a deux choses qui donnent lieu à critiques et qui n'ont pas disparu dans l'amendement de M. le ministre de la justice.

« La première, c'est qu'il oblige à des traductions alors qu'elles sont complétement inutiles. En effet, il est des affaires où le prévenu connaît parfaitement les deux langues. Je demande pourquoi, dans ce cas, traduire toutes les pièces de la procédure?

« Comme un journal l'a dit, si l'on devait traduire toutes les pièces de la procédure qui est ouverte en ce moment à Anvers, il y aurait une grosse somme à dépenser et cela sans aucun profit pour personne. Je demande pourquoi l'on veut

faire cela; pourquoi l'on veut ajouter à toutes les formalités qui existent déjà cette formalité qui n'aura qu'un seul résultat: celui de prolonger la détention préventive?

« Je crois que les honorables auteurs de la proposition auront rendu un très-mauvais service aux prévenus et aux accusés en proposant cette formalité. Telle est la première chose que je critique.

:

«Il en est une autre qui me paraît tout à fait exorbitante c'est celle qui porte qu'en cas de condamnation, les frais seront toujours à la charge du trésor public. J'avoue que je ne comprends pas la sollicitude que l'on montre pour des gens qui sont reconnus coupables par la justice. Je ne comprends pas pourquoi l'on veut que les frais d'une procédure occasionnée par le délit ou le crime d'un individu soient à la charge du trésor public.

« Mais il y a plus, et vous allez voir l'étrange situation que l'on va créer par cette disposition. Cette disposition ne s'applique qu'aux tribunaux flamands, c'est-à-dire aux tribunaux des deux Flandres, de la province d'Anvers et du Limbourg. Il en résulte done que si, pour une affaire qui est jugée dans une de ces provinces, il y a lieu à traduction, c'est le trésor public qui supportera les frais de la traduction, même lorsque le prévenu est condamné. Si au contraire dans une affaire jugée dans une des provinces wallonnes, il y a des frais de traduction du flamand en français, le prévenu devra supporter ces frais. Voilà ce que vous proposez à la chambre de voter!

« Vous voulez donc créer une situation exceptionnellement favorable pour les coquins qui ont le bonheur de vivre en Flandre... (Interruption.) Ce n'est pas autre chose que vous faites. Vous dites que vous voulez qu'il y ait pour les Flamands condamnés cette situation exceptionnelle, que le trésor public s'impose en leur faveur des frais qu'il ne s'imposera pas pour les autres condamnés.

и

Remarquez bien que je ne demande pas qu'on étende cette disposition aux condamnés wallons. Je ne suis pas ici pour protéger les condamnés aux dépens du trésor public. Je suis ici, au contraire, pour maintenir les principes du droit et vouloir que les coupables subissent les conséquences de leurs fautes. Je ne demande donc pas qu'on étende la disposition aux Wallons; je demande qu'elle disparaisse du projet. Même si l'on veut la maintenir dans le projet, j'aime mieux conserver telle qu'elle est cette disposition choquante que de l'étendre aux provinces wallonnes. Il ne faut pas étendre une semblable violation de tous les principes.

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M. COREMANS : « Les craintes de l'honorable M. Pirmez ne me semblent pas fondées. Dans tous les cas, elles sont énormément exagérées. Jamais il ne se fera une traduction inutile. Dès sa première comparution devant le juge d'instruction, l'inculpé devra déclarer s'il veut qu'il soit fait usage du français. Jusque-là les pièces auront été faites en flamand.

« A partir de l'option du prévenu, la procédure sera faite dans la langue préférée par lui. Mais presque jamais l'inculpé n'optera pour le français et aucune traduction de la procédure préparatoire flamande ne sera nécessaire.

« L'argument puisé par l'honorable M. Pirmez dans l'affaire de la banque de l'Union n'est pas sérieux. On a dit que cette procédure coûterait

|

200,000 francs de traductions. Or, le premier acte qui a eu lieu dans cette affaire a été l'arrestation des inculpés et leur comparution devant le juge d'instruction.

«Dans le système de la loi actuelle, les inculpés auraient. je suppose, requis l'emploi de la langue française. Eh bien, la procédure se serait faite en français; s'ils n'avaient pas opté pour le français, on aurait fait une procédure flamande. Dans l'un ni dans l'autre cas, il n'aurait fallu une traduction. Il en sera ainsi dans la plupart des cas; il ne faudra presque jamais de traductions.

«Savez-vous quand il en sera autrement? Quand l'instruction aura été faite en français avant la comparution de l'inculpé flamand. Mais qu'on fasse de la procédure flamande, comme c'est de droit en pays flamand, et il ne faudra pas de traductions.

« Quant aux frais, nous voulons qu'ils soient à charge du trésor, afin d'empêcher l'abus des procédures préparatoires en français Il faut que l'Etat soit intéressé à éviter au pays flamand la manie des procédures françaises. La chambre s'est ralliée, à une grande majorité, à ces considérations.

« Cette disposition constitue-t-elle, comme le soutient M. Pirmez, un privilège pour les Famands? Pas le moins du monde ! En pays wallon, la procédure se fait en français parce que les habitants y sont Français; chez nous, en pays flamand, contrairement à toutes les règles du bon sens, la procédure se fait en français. Et l'on voudrait, parce que beaucoup de nos magistrats sont imbus des idées françaises et veulent nous imposer ces idées, l'on voudrait nous faire subir les frais de leurs caprices? La chambre ne l'a pas voulu, elle a voté non; je ne doute pas qu'elle ne persiste dans sa première décision.

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Quant à l'amendement de M. le ministre de la justice, il est la reproduction de celui qui a été rejeté par la chambre au premier vote. L'honorable ministre veut limiter aux affaires criminelles l'obligation des traductions gratuites. Or, la chambre a décidé, par un vote formel, que la disposition de la traduction obligatoire et gratuite doit s'appliquer non moins aux affaires correctionnelles. M. De Baets l'a fait remarquer il n'y a plus guère aujourd'hui d'affaires au criminel ; on les correctionnalise presque toutes; il se passe parfois des sessions de cours d'assises sans affaires.

«La chambre persistera dans la décision qu'elle a prise; elle repoussera une seconde fois l'amendement de M. le ministre de la justice. Le point en discussion est très-important: il constitue la seule garantie que nous ayons contre l'abus des dossiers français qui rendent impossible une défense en flamand. Si nous ne maintenons pas notre disposition, notre loi ne sera pas une œuvre sérieuse; les abus se perpétueront où, s'ils disparaissent momentanément, ils renaîtront bientôt après. La chambre ne saurait le vouloir. »

M. DE LANTSHEERE, ministre de la justice : « L'amendement que j'ai eu l'honneur de déposer n'est, en effet, que la reproduction d'un amendement rejeté au premier vote. Je crois devoir y insister parce que je considère que les avantages du système admis par la chambre ne compensent pas les inconvénients et les frais qu'il doit infailliblement entrainer.

Voici le système adopté :

Toujours, en matière répressive, soit qu'il s agisse d'une affaire de police, soit qu'il s'agisse d'une affaire correctionnelle ou d'une affaire cri

minelle, toutes les dépositions des témoins et les principales pièces rédigées en français devront être traduites en langue flamande si la procédure se fait en cette langue, et réciproquement, d'après un amendement de M. Bara, les pièces rédigées en flamand devront être traduites en français si la procédure se fait en français.

«J'ai fait remarquer que, dans la pratique, l'inculpé en matière de police ou en matière correctionnelle ne prend pas communication du dossier; il n'est d'abord jamais admis à en prendre connaissance avant la citation et, après la citation, c'est à son défenseur qu'il confie le soin d'aller l'examiner et l'étudier.

« La disposition que la chambre a adoptée aura des conséquences regrettables pour le prévenu luimême et fort graves pour le trésor public.

«En ce qui concerne le prévenu, il est évident, en effet, que la détention préventive sera prolongée de tout le temps nécessaire pour faire la traduction de ce qu'on appelle les principales pièces. Encore ne spécifie-t-on point, je l'observe en passant, quelles sont ces principales pièces, ni quelle autorité les désignera.

« Je veux bien admettre et, sous ce rapport, je suis d'accord avec les auteurs de la proposition, que cette disposition est parfaitement logique, parfaitement conforme aux principes.

« Il est logique qu'en Flandre un inculpé flamand puisse prendre connaissance de dépositions faites contre lui en français; mais il ne suffit pas ici de faire de la logique. Il ne faut accepter que ce qui est à la fois logique, utile, pratique, nécessaire et ne lèse pas les intérêts du prévenu.

a Or. vous lésez bien plus l'inculpé en lui infligeant une prolongation de détention préventive que vous ne le servez en lui donnant. par un respect exagéré des principes, la faculté de lire en flamand un dossier sur lequel jusqu'à présent aucun inculpé n'a songé à jeter les yeux.

« Quant au trésor public, vous allez obliger le gouvernement à créer tout un corps d'interprètes; il sera nécessaire d'en adjoindre un à tous les tribunaux de police et à tous les tribunaux correctionnels du pays flamand.

« Si vous vouliez donner des emplois, assurer un avenir à quelques Flamands malheureux, il serait difficile d'imaginer un système plus efficace. Mais telle n'est pas votre intention. Les seuls malheureux auxquels vous voulez tendre une main secourable, ce sont les Flamands accusés ou prévenus. Je vous ai montre ce qu'il leur en coûtera.

Mais vous faites-vous une idée bien précise de ce que la traduction obligatoire de tous les dossiers, tant correctionnels que de police, va faire naître de labeurs et accumuler dans les greffes d'inutiles paperasses?

a Rendez-vous compte des frais énormes qu'une si inutile et si fastidieuse besogne va occasionner au trésor, et dites-moi si un vain respect des principes peut compenser de telles charges? J'ai pensé qu'il fallait renfermer cette disposition dans de justes limites.

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L'honorable M. Pirmez la critique encore, même dans l'étroite mesure où je la restreins. Je pense qu'il a tort.

« La disposition que je voudrais substituer à celle qui a été adoptée au premier vote est celle-ci Les traductions ne seront faites qu'en matière criminelle, elles n'auront pour objet que des actes déterminés et importants définis par le texte même.

Ce seront les dépositions des témoins et les procèsverbaux constatant les délits. Je prends ces deux catégories de pièces dans l'article 305 du code d'instruction criminelle, qui en matière criminelle ordonne qu'il en soit gratuitement délivré copie à l'accusé.

J'y ajoute, en dehors des prescriptions de l'article 305, les rapports d'experts, parce qu'il m'a paru entrer dans les intentions de l'assemblée que les rapports d'experts fussent également traduits. Si l'on n'a pas maintenu une disposition expresse à cet égard, c'est par la considération qu'il y était pourvu par une disposition géné rale.

« Tel est l'objet de mon amendement. Encore la charge qui en résultera pour le trésor sera-t-elle considérable. Mais je considère qu'on ne doit pas reculer devant quelques frais pour faire œuvre de justice et d'équité.

« Une objection a été faite dans une précédente séance et elle n'a pas été rencontrée. Elle a encore été renouvelée dans la séance de ce jour.

«On a dit : Les procès au grand criminel sont devenus une rare exception. Les tribunaux usent avec une telle générosité de l'application des circonstances atténuantes, ils correctionnalisent un si grand nombre de crimes, que c'est en réalité aux tribunaux correctionnels qu'est déférée la connaissance de la majeure partie des causes criminelles.

Or, m'objecte-t-on, dans tous ces cas-là, vous n'aurez pas de traduction. Messieurs, c'est là une erreur, le texte que je propose ordonne la traduction en matière criminelle.

«Or, voici comment, à mon sens, on devra procéder si on ne veut pas retomber dans l'inconvénient de prolonger indéfiniment l'instruction et la détention préventive.

Lorsque la prévention est qualifiée, lorsqu'un réquisitoire a été lancé, le fait est caractérisé, du moins au point de vue de l'instruction; c'est un crime ou c'est un délit.

« Si l'instruction porte sur un fait qualifié crime par la loi, je considère l'instruction comme se faisant en matière criminelle, jusqu'au moment où une ordonnance de la chambre du conseil ou un arrêt de la chambre des mises en accusation sera venu modifier le caractère légal du fait incriminé. Mais du moment où l'ordonnance ou l'arrêt sont rendus, l'instruction préparatoire sera terminée.

« Dans ce système, la traduction devrait se faire au fur et à mesure que se produisent les dépositions, dans le cours même de l'instruction.

"

Vous voyez que d'après le texte que je propose, même les individus poursuivis devant les tribunaux correctionnels pour des crimes correctionnalisés, comme on les appelle, trouveront la garantie que vous voulez leur assurer par la traduction des pièces principales du dossier.

M. CRUYT: Lorsque la question qui est soulevée en ce moment a été soumise au premier vote, il y a huit jours, j'ai été de ceux qui ont voté avec la minorité. Je l'ai fait, déterminé précisément par les considérations si justes que vient de développer l'honorable ministre de la justice.

«En matière correctionnelle et de police, la tra duction des pièces m'a paru et me paraît encore aujourd'hui complétement inutile.

« Il faut, comme vient de le dire M. le ministre, se préoccuper non pas d'être logique quand même, mais d'être avant tout pratique. C'est à cette con

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