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a transmettre l'âme; car il n'est pas facile de compren<«<dre comment la pensée, comment une substance pen<< sante, peuvent être engendrées comme le sont des branches, ou de quelque autre manière qui se rapporte « à celle-là, ni qu'on puisse se servir de cette expression, « même dans le sens métaphorique. Il faudrait nous dire, « si cette génération vient d'un des parents ou de tous les deux ensemble. Si c'est d'un seul, duquel est-ce? si «< c'est de tous les deux, il s'ensuit qu'une seule branche « sera toujours produite par deux troncs différents, con« cours qu'il est, je pense, impossible de trouver ailleurs, et dont il n'y a aucun exemple dans toute la nature, quoiqu'il soit bien plus naturel de faire cette supposi<< tion des vignes et des plantes, que non pas des êtres in<< tellectuels qui sont des substances simples et sans « aucune composition (1). » Mais trouvant devant lui le terrible argument de la ressemblance, ou de la conformité de la capacité naturelle des parents et de celle de leurs enfants, il en montre d'abord ce qu'il en considère, en toute bonne foi, comme la conséquence; c'est la même ́qui avait tant effrayé les Pères ; « on est porté, dit-il fran«< chement, par ces raisons, à conclure qu'il n'y a point d'autre substance que la matière, et que l'àme provenant seulement de la disposition ou de quelque partie

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du corps, ou bien n'étant qu'un accessoire matériel, « doit accompagner le corps, et naître avec lui du père, « ou de la mère, ou de tous les deux ensemble, et que la

génération de l'un est une suite de la génération de « l'autre (2). » Dans l'appréhension de cette conclusion,

(1) Wollaston, Ebauche de la religion naturelle, p. 148.

(2) Wollaston, ouv. cité, p. 149.

il attaque le rapport de la génération à la ressemblance, et présente, comme autant d'objections décisives contre cet argument, le développemeut spontané de la diversité dans le sein de la famille (1), les infidélités de la ressem blance, son transport de la mère ou du père à l'enfant (2) et, comme raison dernière, une obscure théorie de la préexistence originelle des âmes, et la négation de la génération naturelle des corps (3).

Helvétius, Weikart, Jacotot, etc., ont de même, plus récemment, soulevé contre le principe de l'hérédité mentale, celui de la prétendue égalité première des intelligences; et, dans ces derniers temps, le docteur Virey, distinguant entre l'instinct et l'intelligence, se prononce en ces termes, contre la transmission de la dernière :

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L'instinct est infus, invariable, irréfléchi, machinal, mais nécessaire à l'existence; il se transmet aux descendants, avec la structure, comme type de l'espèce; l'in

telligence, étant une acquisition personnelle, ne trans« porte pas ses connaissances du père au fils (4).

(1) Idem, p. 149, 150.

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(2) «L'enfant ressemblant quelquefois au père, et quelquefois à la « mère, et la génération se faisant toujours par le père ou toujours par «<< la mère, il suit qu'il y a quelquefois dans l'enfant une ressemblance à << celui qui n'est pas l'auteur de la génération et si un enfant peut res<< sembler à un de ses parents, pourquoi un autre enfant ne pourrait-il « pas en faire de même? etc. >> P. 152.

(3) « Ceux qui fondent la génération sur la supposition qu'elle est << matérielle, et qu'elle est dans le corps, ou comme une de ses parties, << ou comme sa modification, me paraissent encore se tromper grossière«ment, parce que le corps n'est pas lui-même engendré par les pa«rents: il passe à la vérité dans eux; ils lui prêtent, pour ainsi dire, <<< une demeure et une subsistance passagères, mais il ne peut être formé << par eux ni croître d'aucune de leurs parties. » P. 153.

(4) Virey, ouv. cité.

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Critique des objections dirigées contre cette forme de l'hérédité.

Mais toutes ces négations, fondées sur des idées, nous ne dirons pas seulement de pure métaphysique, mais de fausse psychologie, sont toutes arbitraires, et radicalement renversées par les faits.

L'objection de Virey n'a pas le moindre fondement; la distinction de l'instinct et de l'intelligence ne saurait consacrer la dualité de principe de l'activité mentale; l'intelligence n'est ni plus individuelle, ni nécessairement plus acquise que l'instinct: ils ont, l'un comme l'autre, leur racine dans l'espèce et dans l'individu, dans l'organisation et dans l'éducation; ils sont, en d'autres termes, soumis aux influences de la nature seconde et de la nature première du type spécifique et de l'individuel; et nous verrons, plus loin, que les caractères, même acquis, des deux types, obéissent à la loi de transmission séminale.

L'objection absurde de l'égalité première des intelligences tombe devant la fausseté de son propre principe. L'argumentation de Wollaston ne prouve que sa complète ignorance des lois de l'hérédité, et de la génération.

Les distinctions de Venette, de Pierre Bailly, de Vanini, et des scolastiques, entre l'âme sensitive et l'àme raisonnable, entre l'entendement, l'âme, et les esprits, sous le double rapport de l'origine et de la transmissibilité, ne soutiennent même pas l'épreuve de la logique :

Si c'est, en effet, sur la ressemblance, ou sur le caractère de conformité des inclinations, qualités, et passions naturelles des enfants'à celles de leurs parents, que l'hérédité de l'âme sensitive se fonde, et si, d'une autre part, l'âme raisonnable demeure indépendante de l'acte de la

génération, et découle de Dieu, d'où vient qu'elle nous présente, originellement, dans les individus, les mêmes caractères de ressemblance intime et de conformité, qui paraissent aux esprits, une preuve irréfutable de la transmission héréditaire de l'autre?

Il est trop évident que ces subtilités tenaient aux causes qui ont amassé tant de nuages sur les questions, qui, de près ou de loin, touchent au problème de l'âme : elles sont nées du besoin où l'on s'est cru longtemps, et où se croient encore tant de psychologistes, de faire dériver les facultés mentales d'une force particulière. Mais, comme le dit très-bien, à ce sujet, Bischoff, «< il a fallu l'habitude de considérer les fonctions du cerveau, sous un point de vue étroit, habitude provenant de leur complication et de leur importance dans l'humanité, pour faire naître ici des difficultés qui ne se trouvent point ailleurs. On a craint de proclamer une analogie complète, parce qu'on avait la vue assez courte pour croire qu'elle conduirait au matérialisme (1). :

Cette appréhension n'est certainement pas demeurée étrangère à l'opinion de l'auteur, d'ailleurs si éminent, du système de l'insenescence du sens intime, et à son parti pris de la négation de l'hérédité mentale; mais elle n'est pas l'unique considération qui l'ait déterminé. Cette négation était une nécessité logique de sa doctrine, et le vice de son point de vue nous rend parfaitement compte de son illusion.

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Répétons-le, tant qu'on voudra, dit-il, les générations, dans l'espèce humaine, héritent naturellement

(1) T. L. G. Bischoff, Traité du développement de l'homme et des mammifères, traduit de l'allemand par Jourdan. Paris, 1843, 3e partie, ch. I, p. 466.

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« de leurs parents les formes corporelles, les traits physionomiques, le teint, la constitution chimique, la crase vitale, des diathèses, des dispositions, des maladies futures, le tempérament, les idiosyncrasies, soit vulgaires, << soit excentriques, et les parties du caractère qui tiennent aux modes saillants de l'instinct; mais elles n'héritent pas des modes radicaux du sens intime, le génie, la supériorité distinctive (1). Oui, dans l'espèce humaine, l'auteur, en tant qu'intelligent, ne transmet aux « descendants que la substance sur laquelle résident les

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attributs essentiels du sens intime. Il leur donne sa spě«cialité, son humanité, et les met dans la continuité DE « LA CHAINE DES ENFANTS D'ADAM (2). » Le professeur Lordat applique, comme on le voit, à l'intelligence, le principe que Bonnet, poussé, lui aussi, par les nécessités logiques d'un autre système, entendait appliquer à la totalité de la forme physique et morale de la vie : Il ne peut reconnaître l'hérédité de la force intellectuelle de l'homme que sous le type spécifique, et nie explicitement l'hérédité de cette force, sous le type individuel.

On peut rapporter à trois principaux chefs les objections qu'il croit décisives contre elle : 1o le premier est le fait de la différence mentale entre les enfants et leurs pères et mères, entre les enfants et leurs frères et sœurs.

2o Le second, la négation de l'origine séminale de la ressemblance intellectuelle transmise;

3o Le dernier, la négation de la ressemblance intellectuelle elle-même.

En preuve de la première objection, il invoque les pro

(1) Lordat, Les lois de l'hérédité physiologique sont-elles les mêmes chez les bêtes et chez l'homme? p. 19.

(2) Id., ib., p. 23.

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