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et très-grave question, pour d'autres, de décider si toutes les affections de la seconde classe sont héréditaires ou ne le sont pas. La nature, l'espèce, le nombre de celles qu'ils rangent dans chaque catégorie varient selon les auteurs. Aux yeux de quelquesuns, l'hérédité, d'ailleurs si puissante qu'ils la fassent, n'agirait en substance que sur un ordre plus ou moins restreint d'affections, ou même sur une seule et unique espèce, comme la syphilis; aux yeux de quelques autres, ces espèces morbides sont précisément celles où elle n'intervient pas. Les deux opinions contraires trouvent, à leur tour, de communs adversaires, et ces adversaires se divisent entre eux sur une foule d'autres points. La plupart n'accordent à l'hérédité qu'une influence de simple prédisposition sur la maladie; plusieurs lui reconnaissent une action effective et absolue sur elle; ceux-ci ne consentent à voir d'hérédité morbide que dans la ligne directe; ceux-là la reconnaissent dans la ligne indirecte; pour les uns elle n'existe qu'à la condition de rester fidèle aux formes antérieures du mal chez les générateurs ; pour les autres elle jouit, dans sa succession, d'une variabilité vraiment illimitée de métamorphoses;

Enfin, dans le pêle-mêle de ces opinions, s'en trouvent, et c'est le grand nombre, d'indécises entre toutes, qui, bien qu'en acceptant confusément le fait de l'hérédité morbide, également incertaines au fond sur son action, ses limites, sa forme, sur le nombre

et l'espèce des affections aiguës ou chroniques qu'elle transmet, ne connaissent de voie, pour sortir de leurs doutes, que celle de l'analyse, ni d'autre procédé de solution que celui d'adresser de nouveau, pour chaque maladie, à la science clinique, à la statistique, à l'histoire médicale, la question générale : est-elle héréditaire, ou ne l'est-elle pas ?

Cette méthode, non-seulement bonne en soi, mais l'unique que, dans l'incertitude née du point de vue étroit et purement empirique où l'on s'était placé, il fût rationnel et possible de suivre, est celle à qui l'on doit les recherches les plus remarquables, et les progrès réels de ces derniers temps vers l'éclaircissement du point de fait du problème.

Mais ce progrès est relatif, il n'est que pour l'époque au lieu d'être un effort ou une découverte due au génie moderne, il n'est tout simplement dans ses meilleures tendances qu'un mouvement de retour à l'idée des anciens; car quelque part qu'on se tourne, après tant de siècles, on ne peut dire qu'on ait, sur la question de fait, avancé d'un seul pas; et à beaucoup d'égards, nous sommes même encore en arrière du degré où l'on en était, sur ce point, en médecine, au temps d'Hippocrate; en physiologie, au temps d'Aristote; en philosophie, au temps de Platon, et nous dirions presque au temps de la rédaction du Code de Manou; époques, où nous verrons que l'hérédité était reconnue comme une

source générale des caractères physiques et moraux de la vie, et des états de santé et de maladie de l'individu.

II. La théorie a-t-elle suivi une autre marche ?

Le point de départ général de l'Antiquité a été constamment l'assimilation la plus absolue de la génération à l'hérédité. Il devait résulter d'une semblable doctrine que les théories de l'hérédité n'étaient et ne pouvaient être que les théories de la génération; mais les théories de la génération admises par les anciens étaient, comme les nôtres, incompatibles entre elles. On retrouve même en vigueur et en concurrence, non point seulement chez les physiologistes et philosophes grecs, mais parmi les docteurs de la loi Hindoue, dans le Manava-Dharma-Sastra, les systèmes qui ont eu cours jusque dans ces derniers temps, et qui de nos jours encore divisent les esprits. Or, d'une part, la science manquait complétement des premières conditions pour prononcer entre eux; les découvertes qui viennent à peine d'éclairer sur cette énigme obscure appartiennent à l'histoire de ces dernières années. D'autre part, nous verrons qu'il n'était au pouvoir d'aucun de ces systèmes de la génération de donner la théorie de l'hérédité : cette théorie s'est donc entièrement dérobée aux investigations avides des anciens.

Les efforts des modernes ont-ils mieux réussi à en soulever les voiles?

Les anciens n'avaient guère employé dans ce but que deux ordres de moyens : l'observation et l'induction déduite des hypothèses admises sur la génération; les modernes y ont joint l'expérimentation directe sur les espèces et les individus.

Les deux premiers moyens n'ont pas eu dans leurs mains plus de succès que dans celles de leurs devanciers ils sont restés frappés d'impuissance radicale devant les mêmes obstacles :

:

L'induction, devant sa propre insuffisance, par l'erreur de la voie qu'elle suivait, en puisant ses spéculations dans les seuls systèmes de la génération, et devant le chaos devenu effrayant de ces théories dont le nombre s'élevait, dès le dix-septième siècle, au chiffre de trois cents;

L'observation, par le vice général des points de vue exclusifs, et par la faute de la subordination de tous les aperçus aux idées préconçues de celle des théories de la procréation dominant dans l'esprit du temps ou dans l'esprit de l'observateur, longtemps avant qu'il fût possible de pressentir, entre tant de systèmes, le système réel, celui qui devait seul rester debout sur les ruines universelles des autres.

Le troisième ordre de moyens, l'expérimentation par l'hybridation, par le métissage, ou par l'accouplement, dans un but marqué, d'individus, de races, ou d'espèces choisies, a été de beaucoup plus riche en résultats. Il a mis en relief des vérités latentes;

il a donné naissance aux faits les plus curieux, les plus instructifs; enfin, il a conduit à la vigoureuse systématisation tentée par un esprit d'une rare sagacité et doué au plus haut point de l'art d'expérimenter, Girou de Buzareingue.

L'ouvrage publié en 1825 par ce savant auteur, corps d'expériences d'un très-grand intérêt et de doctrines arrêtées, est resté la plus haute et la plus remarquable expression du système.

Mais cette tentative, si féconde qu'elle soit en aperçus nouveaux et en matériaux de solution du problème, n'en est pas moins restée loin de cette solution; elle exige qu'on fasse deux parts distinctes des faits et de la doctrine.

Les faits ont, à nos yeux, toute la valeur d'expérimentations rationnellement conçues et habilement conduites;

La doctrine basée uniquement sur elles a deux vices capitaux :

Le premier, inhérent à la méthode même d'investigation dont elle est déduite, voie toujours si restreinte et si limitée pour l'observateur, dès qu'elle reste personnelle, est le caractère forcément exclusif, et partant incomplet de ses propositions : un grand nombre d'entre elles ne sortent pas du cercle d'expérimentation parcouru par l'auteur, et ne comportent pas l'extension qu'il leur donne.

Le second vice, qui embrasse tout son corps de

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