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LIVRE II

LA VIE DE JEANNE D'ARC

CHAPITRE I

L'Ame de l'Héroïne.

§ 1. Le « facteur personnel ». Le désintéressement, la douceur aux petits et aux souffrants, l'ethnisme, l'humanisme caractérisent l'individualité de l'âme de Jeanne d'Arc; absence du sens individualiste dans cette ȧme, épanouissement exclusif du sens altruiste, d'où possibilité de caractère, de génie, pour les causes altruistes. § 2. L'hérédité et le milieu. L'imagination et le caractère chez Jeanne d'Arc sont formations de l'hérédité et du milieu. Le facteur personnel, la personnalité de Jeanne étant également, construction exclusive de l'hérédité et du milieu, il y a unité dans la composition de son âme; d'où coordination parfaite, stabilité, puissance de sa volonté. — § 3. Les explications de Jeanne d'Arc. Elle est un phénomène de coordination volontaire parfaite. L'idée fixe et les hommes d'action. Le scepticisme et ses négations.

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Nous avons dit des âmes humaines qu'elles sont des combinaisons individuelles des éléments spéci

fiques et nous avons vu présider à ces combinaisons, d'après la psychophysiologie, « le facteur personnel »>, l'hérédité et le milieu. Nous posant ces questions: d'où? comment Jeanne d'Arc? nous allons demander, d'abord, à l'âme de l'enfant ce qu'elle tint du facteur personnel, de l'individualité native, puis ce qu'elle dût à l'hérédité et au milieu.

Le facteur personnel, c'est l'équilibre tout particulier qu'affectent, dans l'individu et par l'individu, les apports de l'hérédité et du milieu. Le facteur personnel «< impose sa marque à la volonté », nous a-t-on dit et ainsi, il donne à nos actes leur originalité et leur puissance.

Aussi est-ce à ces signes que nous le reconnaîtrons les tendances, les mobiles habituels de la conduite dénonçant ceux qui l'emportent parmi <«<les sentiments qui nous mènent » l'énergie, la fixité de la volonté par lesquelles s'accuse l'intensité des sentiments moteurs.

Les mobiles habituels de notre activité nous montrent-ils sensibles aux intérêts pratiques plus qu'aux intérêts idéaux, l'homme double en nous est de plus de matière, d'animalité que d'esprit. Mais les intérêts pratiques qui nous sollicitent sont-ils plus égoïstes qu'altruistes, c'est que l'individualisme prévaut en nous sur ce que nous avons appelé le solidarisme, le sens synergique, voix des similitudes héréditaires et des besoins de progrès.

De même, les intérêts idéaux qui nous inspirent nous inclinent-ils aux réalisations plastiques plutôt qu'aux réalisations psychiques, c'est que nous som

mes plus aptes à l'invention artistique, industrielle, qu'à l'invention morale; à la recherche du beau, du bien à goûter par les individus, qu'à celle du bien, du beau à l'usage de la collectivité, de l'humanité.

Ce sont là constatations faciles, voire d'énonciation naïve; c'est bien pourquoi les différences individuelles psychiques, et bien que psychiques, sautent aux yeux tout autant que les différences physiques. Notre individualité d'âme, notre « tempérament >>> ne sauraient faire que des dupes bénévoles.

L'individualité d'âme de Jeanne d'Arc est, entre toutes, une individualité, sur laquelle on ne peut se méprendre. Les légendes les plus hostiles, les invectives intéressées de l'adversaire, les imputations ou insinuations du procès de Rouen, ne donnent pas le change pour tous les contemporains, comme pour les docteurs de Poitiers qui durent se prononcer à l'origine, l'individualité de l'enfant est «< toute de simplesse et d'honnêteté ». Elle est celle d'une âme en qui les sentiments égoïstes manquent, manqueront toujours. Cette âme ne vibre que de sentiments altruistes : l'amour des petits, des faibles, des souffrants; la passion du droit, du juste, du bien.

Certes! c'est l'idéalisme qui domine dans l'âme candide et c'est l'idéalisme de la race, réalisateur, qui veut vivre et faire vivre autour de soi, par tous, l'idéal perçu.

Cet idéal est aux âmes de tous, mais combien méconnu, outragé! Jeanne s'efforcera d'y haus

ser vraiment la vie pratique, le pratiquera pour l'exemple.

Son altruisme est large, et il témoigne qu'il procède non de généralisations vagues, échos d'aspirations plus ou moins trahies par leur expression, mais directement, du sens profond des conditions de la vie, de cette raison intuitive qui n'entend la loi de l'accord que sur ses bases primordiales et implicites le respect, la protection du droit d'être, tout d'abord, des individus, des variétés de l'espèce, facteurs de l'évolution générique.

Aussi est-ce bien le droit d'être de la variété, de la race dont elle tient sa chair et son âme, qui sollicite le plus vivement la sensibilité de l'enfant. C'est au nom de la «< pitié qui est au royaume de France » qu'elle commence son exode et elle ne verra jamais couler « le sang de France que les cheveux ne lui lèvent ». C'est bien l'émoi tout spécifique, solidariste, qu'éprouve tout être aux coups qui, dans l'un de ses proches, frappent sa souche.

Mais la passion de la vie des siens, de l'intégrité du milieu, du patrimoine qui les a pétris, qui leur est indispensable, n'est pas pour nuire à l'amour que la douce fille porte à l'espèce tout entière, à son besoin générique de hâter l'évolution de cette espèce à plus de paix et de justice, à une coopération plus fraternelle, plus sainement inspirée des vraies bases de l'accord, aussi bien entre les peuples qu'entre les individus. Et les conditions de ces progrès ne lui échappent pas.

Son intuition, la suggestion biologique les lui montrent dans la plus grande dignité des esprits

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