Imágenes de páginas
PDF
EPUB

à tenir tête à l'assaut qui leur était donné. Les étendards flottaient toujours sur les bords du fossé; plusieurs fois des gens de guerre avec leurs bannières descendaient dans le fossé, montaient jusqu'aux Anglais, combattaient main à main, et étaient ensuite rejetés au fossé par les Anglais.

Jeanne disait toujours que chacun devait avoir bon cœur et bonne espérance en Dieu, et que l'heure approchait où les Anglais seraient pris. En cet assaut, Jeanne, un peu après midi, fut blessée à l'épaule d'un coup de vireton, et, ce nonobstant, elle ne voulut jamais se retirer ni s'éloigner des bords du fossé. Environ le soleil couchant, tout en un instant, les Français entrèrent de toutes parts dans le fossé, grimpèrent le long des parois du boulevard et le prirent d'assaut. Trouvèrent la mort les seigneurs de Molins, de Pomins, Glacidas et plusieurs autres, jusques au nombre de quatre cents environ; le reste fut fait prisonnier. Cette nuit logèrent du côté de la Sologne la Pucelle et les autres seigneurs déjà mentionnés, ainsi que leurs gens, parce que, les ponts étant rompus', l'on ne pouvait rentrer dans la ville qu'en bateau. Le boulevard et la bastille emportés, toutes les cloches de la ville se mirent à sonner, et les habitants à louer et remercier Dieu.

Les Anglais qui étaient en une bastille appelée Saint-Laurent, du côté de la Beauce, pouvaient bien voir la prise de celle du pont. Ceux qui étaient en la grande bastille nommée Londres, le sire de Talbot, le comte de Suffolk, les sires de Scales, Fastolf, et plusieurs autres, prirent par suite de cette défaite le conseil de se retirer et de lever le siège.

V

Ils partirent, eux et leurs troupes, le dimanche au matin, lendemain du jour où avaient été pris les boulevard et bastille du pont, conquis le samedi soir. Ils délogèrent en très grand désarroi, si bien qu'une poignée de gens qui saillirent de la ville leur firent laisser la plus grande partie de leurs charrois, de leur artillerie, et d'autres biens encore. Cependant la partie des vainqueurs qui étaient du côté de la Sologne ne pouvait pas passer la rivière assez promptement pour inquiéter les Anglais, forts de quatre mille combattants ou environ. Ces derniers se réunirent et s'en allèrent à Meung-sur-Loire, qui était en leur pouvoir.

1. Le pont avait été assez rajusté pour que la Pucelle rentrât le soir en ville, ainsi qu'elle l'avait annoncé. Il suffit de comparer ce récit avec les précédents pour se convaincre qu'il est loin d'être des plus circonstanciés.

2. Il semble que la grande bastille de la rive droite était Saint-Pouair, ou Paris.

Ils furent chevauchés et escarmouchés durant deux ou trois lieues par Étienne de Vignoles, dit La Hire, et par messire de Loré avec cent ou six-vingts lances composées d'hommes qui étaient repassés dans la ville le soir après la dernière victoire.

Jean Chartier narre ici l'aventure du Bourg de Bar, contraignant le religieux augustin, son gardien, à le porter dans la ville, bien que partout là entour estoient François et Anglois qui escarmouchoient, et néanmoins à la veue des François et Anglois se fit ainsi porter, comme dit est.

CHAPITRE III

CAMPAGNE DE LA LOIRE.

-

SOMMAIRE : 1. Le duc d'Alençon libéré de sa prison et de la rançon exigée. Il se met à la suite de la Pucelle avec une foule d'hommes d'armes, tous attirés par le désir de combattre sous la direction de Jeanne. Siège de Jargeau. · La ville emportée. Les trois frères La Poule. Morts et prisonniers. Prise du pont de Meung. Siège de Baugency. - La reddition de la ville. - Arrivée de Richemont. - Secours qu'il amène. Accroissement de l'armée. Confiance dans la Pucelle.

--

- Abattement des Anglais. Conditions accordées aux Anglais de Baugency. II. Nouvelle que Talbot est en Beauce avec une armée. Les éclaireurs font connaître sa marche. - L'armée se met à sa poursuite. Victoire de Patay. Morts

et prisonniers.Fuite de Fastolf.

I

Le XVI (raconte) comment les François mirent le siège devant la ville de Gergueau près d'Orléans de laquelle estoit cappitaine le comte de Suffolk, et d'une destrousse faicte sur les Anglois où furent prins Talbot, le sire de Scales, et plusieurs aultres Anglois.

Le duc d'Alençon, qui avait été pris à la journée de Verneuil, venait, en acquittant sa rançon, de délivrer ses otages et ses répondants. Le roi Charles, sur les instances de la Pucelle, leva une grande armée, et le duc d'Alençon manda de toutes parts des gens au service du roi, plus pour les mettre à la suite de Jeanne la Pucelle que pour tout autre motif; dans l'espérance qu'elle était divinement envoyée, beaucoup plus que pour la paye et profits à attendre du roi. Grande compagnie de gens d'armes et d'archers vinrent pareillement joindre le duc d'Alençon et la Pucelle, dans laquelle on mettait grande espérance. On y voyait réunis le bâtard d'Orléans, le sire de Boussac, maréchal de France, de Culan,

amiral de France, messire Ambroise de Loré, La Hire, Gaultier de Boussac. Tous allèrent ensemble devant Jargeau, et y mirent le siège; et après plusieurs grands engagements ils firent dresser les bombardes, confectionner plusieurs machines d'approche, afin de conquérir cette ville, occupée par les Anglais. Le comte de Suffolk, qui avait en sa compagnie de six à sept cents Anglais, y commandait pour le roi d'Angleterre. Après environ huit jours de siège', la ville fut assaillie de toutes parts et finalement emportée d'assaut. Le comte de Suffolk fut fait prisonnier par un écuyer nommé Guillaume Regnault, que ledit comte fit chevalier (avant de se rendre); fut pris comme lui son frère le sire de La Poule; son autre frère Alexandre de La Poule fut tué avec d'autres Anglais au nombre de trois à quatre cents; les autres furent faits prisonniers; la plupart de ces derniers furent tués par suite de débats survenus parmi les Français entre Jargeau et Orléans. L'armée rentra dans cette ville.

Le roi de France ayant eu connaissance de la prise de Jargeau manda de toutes parts des gens d'armes pour qu'ils s'adjoignissent au duc d'Alençon, à la Pucelle, et aux autres chefs de guerre.

Bientôt après le duc d'Alençon et ceux qui étaient à sa suite partirent d'Orléans et se mirent aux champs devant la ville de Meung-sur-Loire; ils gagnèrent sur les Anglais le pont qui est près de la ville, y établirent une garnison pour résister à leurs entreprises et les abattre, en continuant à conquérir sur eux ce que depuis longtemps ils occupaient sans raison au royaume de France.

Le lendemain matin, l'armée se remit en marche, et vint camper devant Baugency-sur-Loire occupé par les Anglais. Les Anglais se retirèrent aussitôt au château qui est à l'entrée du pont, et abandonnèrent la ville dont s'emparèrent le duc d'Alençon, Jeanne la Pucelle, le bâtard d'Orléans et les autres ci-dessus nommés. Ils s'y logèrent, et incontinent ils firent dresser leurs bombardes contre ledit château, où étaient renfermés de sept à huit cents Anglais.

Pendant qu'on assortissait les bombardes et les canons, les Lombards qui étaient dans l'armée se faisaient un grand devoir de tirer contre le château; les Anglais, à mesure qu'on les entourait de toutes parts, ne faisaient que peu de résistance, voyant bien que leurs affaires allaient en déclin. Presque aussitôt après ils demandèrent à entrer en composition et à se rendre.

A ce siège arriva Arthur, connétable de France et comte de Richemont: le seigneur de Beaumanoir était en sa compagnie; on disait qu'ils ame

1. Inexactitude, ce fut après deux jours. Chartier reproduit l'erreur de la Chronique de la Pucelle.

naient de mille à douze cents combattants, ce qui était un grand secours. En outre, chaque jour l'armée grossissait de gens accourus de tous côtés, pleins de courage et de hardiesse, à cause de la présence de Jeanne la Pucelle que plusieurs tenaient être venue du ciel, comme ses œuvres et son gouvernement le montraient assez.

Les Anglais, au contraire, étaient fort épouvantés d'en entendre parler; ils demandaient à parlementer pour la reddition du pont et du château. Finalement on leur accorda permission de se retirer et d'emporter leurs biens; ils partirent le lendemain au matin en rendant le pont et le château de Baugency; par ordonnance des seigneurs, messire Ambroise de Loré présida à leur départ et à leur sortie.

II

Environ une heure après que les Anglais étaient partis munis de saufsconduits, se répandirent dans l'armée des bruits que le sire de Talbot, le sire de Scalles, messire Jean Fastolf, plusieurs autres seigneurs et capitaines, à la tête de quatre à cinq mille combattants, étaient passés par Janville-en-Beauce, venant droit à Meung-sur-Loire. Incontinent des chevaucheurs furent mis aux champs pour en savoir la vérité. En attendant, le duc d'Alençon, le comte de Richemont, connétable de France, le comte de Vendôme et Jeanne la Pucelle faisaient déployer leur armée dans les campagnes de Baugency, et la mettaient en ordre de bataille.

Les chevaucheurs ne tardèrent pas à revenir; ils rapportaient avoir réellement vu les Anglais près de Meung-sur-Loire. Ceux qui occupaient Meung étaient partis, avaient abandonné la ville, s'étaient joints aux autres, et tous se dirigeaient vers Janville-en-Beauce.

Ceci venu à la connaissance du duc d'Alençon, du Connétable, du comte de Vendôme, du bâtard d'Orléans, de Jeanne la Pucelle et des autres seigneurs et capitaines, il fut convenu qu'on marcherait en toute hâte vers le lieu où l'on disait qu'étaient les Anglais, et qu'on les combattrait en quelque lieu qu'ils fussent rencontrés. Aussitôt ils se mirent en marche et chevauchèrent diligemment, droit vers une église fortifiée, nommée Patay-en-Beauce. Là arrivèrent les Anglais, les uns à pied, les autres à cheval; ils marchaient toujours leur chemin, quand ils furent aperçus par les coureurs et par l'avant-garde française. Le gros de l'armée elle-même, où se trouvaient le duc d'Alençon, le Connétable, le comte de Vendôme, le bâtard d'Orléans, Jeanne la Pucelle, approcha de très près, au point d'avoir les Anglais en vue. Les Anglais arrêtèrent leur marche pour prendre place sur la lisière d'un bois, près d'un village.

[ocr errors]
[ocr errors]

En ce moment même, les coureurs et l'avant-garde des Français fondirent sur eux avec tant d'impétuosité que ceux qui étaient à cheval, la plupart du moins, prirent la fuite; et ceux qui étaient à pied ils étaient en grand nombre se jetèrent dans le bois et dans le village. En ce moment arriva l'armée française elle-même. Finalement il y eut de deux à trois mille Anglais morts, et beaucoup de prisonniers, parmi lesquels le sire de Talbot, le sire de Scales, messire Gauttier de Hungerfort, et plusieurs grands seigneurs anglais. La chasse dura jusqu'à Janville. Cette ville était alors au pouvoir des Anglais; elle fut rendue à l'obéissance du roi ainsi que plusieurs autres forteresses du pays de Beauce.

Messire Jean Fastolf et plusieurs autres qui purent échapper de la bataille se retirèrent à Corbeil; et les Français couchèrent audit lieu de Patay.

CHAPITRE IV

LA CAMPAGNE AVANT ET APRÈS LE SACRE.

SOMMAIRE: I. Le roi mis par la Pucelle sur le chemin de Reims, malgré son conseil. — La foi à la divinité de la mission de la Pucelle attire une foule de guerriers. — Magnifique portrait de la guerrière et de la sainte. Toute-puissance et néfaste influence de La Trémoille. Il renvoie Richemont et bien d'autres.

II. — Insignifiante paye aux hommes d'armes. La Pucelle précède le roi. Guerre aux femmes de mauvaise vie, et épée brisée. Composition d'Auxerre et mécontentement de la Pucelle. Chartier ne fait dans la suite qu'abréger la Chronique de la Pucelle. Omission à signaler.

III.

[ocr errors]

Entrée du roi à Compiègne, à Senlis. - Bedford en Normandie. - Le roi à SaintDenis. Jeanne à La Chapelle. — Attaque contre Paris. Jeanne presse l'assaut, elle est blessée. - Jeanne suspend ses armes devant le corps de saint Denis.

I

Le XVII parle comment le roy, par l'admonestation de Jehanne la Pucelle, fist une grande armée à Gien-sur-Loire pour aller à Rains, et avoit en sa compagnie le duc d'Alençon, le duc de Bourbon, le comte de Vendosme et plusieurs seigneurs et cappitaines.

L'an mil quatre cent vingt-neuf, au commencement de juin, le roi Charles de France fit une grande armée sur les instances de Jeanne la

1. L'imprimé de 1477 a heureusement substitué le mot chasse au mot chose du manuscrit. C'est un des deux mots différents que la collation nous a fait découvrir.

« AnteriorContinuar »