Imágenes de páginas
PDF
EPUB

L'évêque de Clermont avait la couronne de saint Louis. Voici comment, à son très grand regret, il a été réduit à la rendre au roi. La demoiselle lui dépêcha un messager avec une lettre par laquelle elle le priait de vouloir rendre la couronne. L'évêque répondit qu'elle avait fait un mauvais rêve; la demoiselle lui envoya une seconde fois le même message qui reçut la même réponse. Elle écrivit aux habitants de Clermont que si la couronne n'était pas rendue, Dieu y pourvoirait: cela étant resté sans effet, il tomba soudainement une si grande quantité de grêle, que cela sembla un grand miracle. Ayant écrit une troisième fois aux susdits, la demoiselle décrivait la forme et la contexture de la couronne que l'évêque tenait cachée, et elle ajoutait que si elle n'était pas rendue, il y aurait un châtiment bien pire que ceux ressentis précédemment. L'évêque, entendant décrire la forme et la façon de la couronne qu'il croyait être absolument inconnues de tous, très attristé et très repentant de ce qu'il avait fait, envoya la couronne au roi et à la demoiselle.

VIII

[Le manuscrit donné par la Scintilla rend intelligible le commencement de cet article, qui ne l'est pas dans Morosini.]

CHAPITRE TIRÉ D'UNE AUTRE LETTRE. De France est venu un notable personnage qui se trouvait de sa personne aux premiers événements d'Orléans à la suite de la Pucelle. Il a reçu une lettre du roi lui-même qu'a présentement en mains le seigneur marquis. On y trouve énoncées les victoires mentionnées dans la copie qui vient d'être rapportée et plusieurs autres choses sur les conquêtes d'autres lieux et les pertes en hommes des Anglais. La lettre se termine en disant qu'on se dispose à aller avec la Pucelle au-devant du duc de Bourgogne, à en venir aux mains avec lui, et qu'on a espérance d'une bonne victoire. Le marquis termine la sienne en disant que tout récemment, passant par le couvent d'un abbé, personnage très digne de foi, il l'a entendu confirmer de luimême l'importante nouvelle de la défaite du duc de Bourgogne, et d'un immense carnage d'Anglais, de Bourguignons, de Savoyards. L'on ne dit pas que le duc soit prisonnier. Le marquis affirme qu'attendu la lettre du roi à ladite personne toutes ces choses sont vraies.

[ocr errors]

IX

Passage de la lettre de Gênes, en date du 1er août 1429:

Je prête l'oreille à ce qui se passe en France; les événements ne sont

III.

38

pas agréables à entendre'. La Pucelle prospère toujours; elle a remporté de nouveau une grandissime victoire. Le bruit court que le Dauphin est à Paris, que le régent a été tué dans la bataille, que le duc de Bourgogne est prisonnier. Il semble que tout cela se sait à Milan par un capitaine à la solde du Dauphin. Il a nom Georges de Valpergue et il aurait écrit toutes ces nouvelles. J'entends dire que le duc de Savoie l'a écrit de la même manière au duc de Milan.

Ce qui est rapporté dans ces deux chapitres n'a été en rien confirmé.

OBSERVATIONS. [La remarque de Morosini est tout ce qu'il y a à retenir de ces dernières lettres. Pas une goutte de sang ne fut versée à Auxerre. Les chroniqueurs nous l'ont dit à l'envie. On aura peut-être placé à Auxerre, en le dénaturant sans limites, le massacre des prisonniers que la Pucelle fut impuissante à empêcher après la prise de Jargeau. Le lecteur a pu voir voir qu'un bruit semblable avait couru en France, s'il a lu la lettre de Jacques de Bourbon La Marche à l'évêque de Laon, ou qui lui est du moins attribuée.

Ce qui est dit de La Hire est une altération du rôle glorieux qu'il joua à Patay.

L'on ne s'explique pas le conte à propos de la couronne de saint Louis. L'accusée de Rouen, pressée de dire le signe qu'elle avait donné au roi, répondit par l'allégorie de la couronne qu'un ange aurait apportée au roi ; et elle donna à ce propos des réponses qui, sans trahir le secret qu'elle avait juré de ne pas révéler, étaient cependant pleines de justesse. Peutêtre que, pressée aussi par l'importunité de curieux indiscrets, alors qu'elle entrait en scène, elle aurait fait une réponse de ce genre. L'imagination populaire aura ajouté le reste.

Le duc de Bar ne rejoignit son beau-frère que quinze jours après le sacre. En juillet, comme le remarque la Chronique dite des Cordeliers, il était avec son beau-père au siège de Metz. C'est seulement à Compiègne que la Libératrice s'est trouvée les armes à la main en face du duc de Bourgogne.

Qu'on remarque comment dans toutes ces lettres on parle de la soumission, de la conquête de Paris, beaucoup plus que du sacre à Reims. C'est qu'en effet la Pucelle se donnait comme devant introduire le roi à Paris, non moins que comme devant le faire sacrer à Reims.

Ceux qui s'étonneraient de ce que la renommée mêlait de faussetés un récit d'événements que l'histoire n'a enregistrés qu'une fois, n'ont qu'à se rappeler les contes que l'on faisait circuler l'année de nos grands

1. L'auteur de la lettre devait écrire à un partisan des Anglais.

désastres. C'est encore plus étonnant que ceux que l'on vient de lire, car c'étaient des contre-vérités.]

CHAPITRE III

DU SACRE JUSQU'A LA RETRAITE SUR LA LOIRE.

SOMMAIRE: Dixième lettre. - Arrivée à Calais du cardinal d'Angleterre et d'une armée anglaise. Bruits divers sur les intentions du duc de Bourgogne, sur la marche du Dauphin vers Reims et ses projets ultérieurs. - Tout se fait par le conseil de la demoiselle.

Remarques.

[ocr errors]

Onzième lettre. Le sacre et la campagne qui l'a précédé. Dévouement de Tournay à la France. Le duc de Bourgogne revenu de Paris est à Arras; le régent attendant le Cardinal à Pontoise. Grande levée de troupes par le duc de Bourgogne. - La garde de Paris. Fausses nouvelles sur les conquêtes du duc d'Alençon en Normandie. Grands miracles accomplis. Fausse nouvelle sur le comte de Nevers. Charles VII en marche sur Paris. — Jonction de Bedford et du Cardinal. - Remarques.

[merged small][ocr errors]

Douzième lettre.
Treizième lettre.
Quatorzième lettre.
mandie.

[blocks in formation]

Le duc de Bourgogne sur le point de se mettre en campagne. Trèves INEXPLICABLES.

Remarques.

X

Dans une lettre en date de Bruges, et du 16 juillet, sire Pancrace Justiniani écrit de nouveau à Messire Marc son père: Ce que je vous avais annoncé comme devant arriver s'est réalisé. Le cardinal d'Angleterre, qui était à la tête de quatre mille hommes levés pour aller combattre les hussites, est parti hier de Calais pour se trouver à Paris. L'on dit qu'un égal nombre d'Anglais doit prochainement débarquer. C'est tout ce que j'ai à dire à ce sujet.

Depuis que Monseigneur de Bourgogne est parti, les uns disent qu 'il s'est rendu à Paris, les autres le nient et affirment qu'il n'a pas voulu s'y rendre, qu'il se trouve à Senlis... qu'il cherche à engager des pourparlers avec ses beaux-frères et le Dauphin. Ces beaux-frères sont Charles de Bourbon et le comte de Vendôme. Il voudrait, dit-on, en venir à un accord; mais on ne croit rien de ce que je viens d'écrire.

On écrit encore que le Dauphin avec la Pucelle, à la tête de vingtcinq mille hommes, est passé par Troyes en Champagne, et par beaucoup d'autres lieux. Il veut arriver à Reims, et pour le moment il ne se met pas en peine d'occuper d'autres pays. Aussitôt après son arrivée à

Reims, il sera couronné et recevra le serment d'obéissance de ses fidèles. D'autres disent le contraire, et chacun parle selon ses inclinations. L'on pense cependant qu'il sera couronné, ou même qu'il l'est déjà. Parti de Reims, il se dirigera vers son pays (probablement l'llede-France?). Il paraît encore, au dire de plusieurs, que si Dieu n'y met la main, les deux armées venant à se rencontrer, on sera forcé des deux côtés à en venir aux prises. On a dit que Bourgogne veut se trouver en personne à cette journée. Il a fait un grand mandement dans tous ses États. Que Dieu qui le peut y pourvoie!

Mais retenez que le Dauphin ne fait rien que par le conseil de la demoiselle, qui affirme qu'elle chassera entièrement les Anglais de la France.

REMARQUES.

[Il faut observer ici la discrétion du correspondant, qui ne donne comme certain que le débarquement du Cardinal, la convocation des troupes féodales dans les terres du duc de Bourgogne, et présente le reste comme des bruits qui trouvent des contradicteurs. Le duc Philippe s'était bien rendu à Paris, où il entra le 10 juillet; mais en même temps qu'il resserrait son alliance avec les Anglais, il faisait des propositions de paix à Charles VII, et envoyait des ambassadeurs à Reims. Double jeu qui ne devait que trop lui réussir.

En conjecturant que Charles VII allait se faire sacrer, s'il ne l'était pas déjà, Pancrace voyait juste. En disant qu'aussitôt après le sacre, il se rendrait dans son pays, il semble bien, d'après ce qui suit, qu'il faut entendre l'lle-de-France.

Remarquer encore comment la Pucelle disait qu'elle devait absolument et entièrement chasser les Anglais du royaume.]

XI

Lettre de sire Pancrace Justiniani, venue de Bruges, en date du 27 juillet Je vais vous rapporter tout ce que j'ai appris des nouvelles de France jusqu'au 27 juillet. On sait avec certitude par de nombreuses voies que vers le 12 de ce mois le Dauphin est entré en possession de Troyes en Champag ne. Avant de lui donner entrée, les habitants le firent attendre trois jours, et après ils se soumirent très paisiblement à lui comme à leur souverain. Il pardonna à tous très bénignement, et les reçut avec bonté. Tout se fit par la disposition de la Pucelle, qui, à ce qu'on dit, a le commandement, la direction et gouvernement de tout. Elle suit, dit-on, constamment le Dauphin, elle a une armée de vingt

cinq mille combattants, sans compter ceux qui se trouvent sur la frontière de la Normandie sous les ordres du duc d'Alençon, comme nous

le dirons plus loin.

Partis de Troyes, ils sont venus à Reims, où l'usage demande que soient couronnés tous les rois de France. Ils y arrivèrent le samedi 16 de ce mois de juillet, les portes leur en furent ouvertes sans condition aucune; le sacre eut lieu le dimanche 17 avec toutes les cérémonies ordinaires. Il dura depuis tierce jusqu'à vêpres environ. Tout cela est su avec certitude par plusieurs voies. Auparavant, de nombreuses contrées de la Champagne, telles que Châlons, Laon, Saint-Quentin, tous les autres pays qui sont avant ces villes, lui ont rendu obéissance. Ce n'est pas que ces contrées eussent été de son parti; elles avaient toujours été du parti du duc de Bourgogne, encore qu'elles se soient toujours refusées à prêter serment aux Anglais. Elles se gouvernaient par elles-mêmes en suivant le parti de Bourgogne.

Tournay, cité distante d'ici d'une journée (environ 40 milles), qui fu toujours très fidèle à son seigneur le Dauphin, a fait sur son territoire des fêtes, des processions, des feux de joie pour célébrer les victoires du roi nouvellement sacré. C'est le sentiment de beaucoup que les habitants l'aideront de leurs deniers; et il en est qui disent qu'ils équiperont jusqu'à quatre mille hommes pour soutenir sa cause.

Le duc de Bourgogne est de retour de Paris; il est arrivé à Arras le 10 (vers le 19) de ce mois. Il a amené avec lui la duchesse sa sœur, femme du duc de Bedford, qui se proclame régent de France. Ledit régent était parti de Paris pour se trouver à Pontoise qui est la clef de la Normandie. Il y attend le Cardinal avec tous les Anglais qui ont débarqué. On les dit au nombre de six mille, dont trois mille payés des deniers de l'Église pour marcher contre les hussites. Que Dieu qui est juste

juge...

Le seigneur duc a fait en Picardie et dans ses autres États grand mandement pour lever des hommes d'armes; et selon son vouloir on affirme qu'il sera bientôt prêt à aller avec les Anglais combattre Jeannette et le Dauphin. Que le Christ dispose tout selon le droit !

Paris, à la grande frayeur du peuple, est gardé par trente-deux seigneurs; seize sont Bourguignons et seize sont Anglais. Ils ont sous leurs ordres, à ce qu'on raconte, environ trois mille hommes. Ils ont défendu à qui que soit du peuple de sortir de la ville...

Des personnes dignes de foi donnent comme certain, et je le crois ainsi autant qu'on peut le conjecturer, que le roi de France a mandé à ce seigneur duc de Bourgogne de faire des préparatifs pour vouloir bien se trouver à Saint-Denis le jour de la Magdeleine. Saint-Denis

« AnteriorContinuar »