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qui se sont occupés de la religion des Germains n'ont pas besoin qu'on le leur apprenne. Mais est-ce uniquement à cette catégorie de lecteurs que le livre s'adresse? De même, il est excellent de ne pas réduire toute la religion grecque à la mythologie; mais encore faudrait-il que, dans une étude sur la religion grecque, on trouve au moins l'indication des principaux mythes concernant chaque divinité. Voilà ce qui me paraît être la principale lacune de ce travail à tous les autres égards si remarquable. Et ici encore, la faute première est de ne pas avoir déterminé avec suffisamment de précision à quel public le livre serait destiné.

N'est-ce pas également la raison à laquelle il faut attribuer l'absence d'un index détaillé? En tête du registre que j'appellerais volontiers «< phénoménologique », parce qu'il contient l'indication des pages où sont traités, pour chaque religion, les principaux phénomènes de la vie religieuse et du culte, nous lisons l'avertissement suivant: « Il ne serait guère possible, vu l'abondance des sujets traités, de composer un index complet des noms et des choses. Un pareil index est, d'ailleurs, inutile, parce que ce livre n'est pas destiné à être consulté comme un dictionnaire, mais à donner une vue d'ensemble sur l'état actuel des recherches. » Encore faut-il, pour connaître l'état actuel des recherches sur tel objet de culte ou tel personnage divin, que je sache laquelle des 850 pages je devrai consulter. Je lis, par exemple, à la page 69 : « Un dieu ou un héros combattant et victorieux comme Herakles se retrouve chez les Hindous en Indra, chez les Perses en Thraetona, chez les Germains en Thor-Donar. » Fort bien, mais voici que mes souvenirs relatifs à Thraetona sont vagues. Je serais bien aise de les rafraichir et de contrôler si la science des religions, dans son état actuel, a quelque renseignement intéressant à me fournir à son égard. Or il a été fait mention de Thraetona à la page 28, dans un paragraphe destiné à montrer que la mythologie se retrouve aisément dans l'Avesta. Pour retrouver ce passage, j'ai dû feuilleter les cinquante-six pages consacrées aux Perses et encore ne suis-je pas sur qu'il n'y en ait pas d'autre qui m'ait échappé. Un index m'aurait tiré d'affaire tout de suite. Nous pourrions multiplier à l'infini des exemples de ce genre. L'ouvrage de M. Chantepie ne sera complet que lorsqu'il aura fait faire un bon index, bien détaillé, par un de ses élèves.

Et vraiment il serait fâcheux que ce livre ne soit pas souvent consulté et beaucoup lu. Car, après avoir longuement discuté la méthode qui a présidé à sa composition, il ne faut pas oublier que c'est le premier ouvrage étendu de ce genre qui soit publié. Comme tel il est certainement d'une grande valeur. Il y a des portions entières qui sont de tous points excellentes. L'histoire des travaux sur le Mazdéisme, le chapitre destiné à montrer la persistance des cultes naturistes dans la religion grecque, la plus grande partie des pages consacrées à la religion romaine peuvent rivaliser avec ce qu'il y a de meilleur dans les ouvrages spéciaux sur ces religions. M. Chantepie de la Saussaye a rendu un service éminent à la science dont il est désormais l'un des représentants les

plus autorisés. En lui exprimant notre reconnaissance nous nous acquittons simplement d'un devoir.

JEAN REVILLE.

J.-M.-S. Baljon.

Exegetisch-Kritische verhandeling over den
Leyde, E.-J. Brill. 1889.

Brief van Paulus aan de Galatiers.

Tous les critiques sérieux de nos jours sont d'accord sur la différence qui existe entre les données des Actes des Apôtres et celles des quatre grandes épîtres de Paul. L'accord cesse du moment qu'il s'agit de l'expliquer. L'École de Tubingue l'explique par le désir qu'éprouvait l'auteur des Actes de concilier les partis qui divisaient la primitive Église, le Judéo-christianisme et le Paulinisme, en rapprochant les physionomies de Paul et de Pierre au risque de les modifier. M. Loman, professeur de théologie à Amsterdam, n'admet pas cette solution et a entrepris, en 1882, dans des Quæstiones paulinæ, insérées dans diverses livraisons du Theologisch Tijdschrift, d'en proposer une autre. Selon lui, le Paul des quatre grandes épîtres ne constitue pas une base historique. Ce Paul, venant si peu de temps après Jésus, est une énigme psychologique. Pour l'admettre il faudrait recourir à un miracle physique ou psychologique inadmissible. Pour que la continuité du développement de la pensée chrétienne ne soit pas rompue par les épîtres de Paul, il faut placer celles-ci plus tard, c'est-à-dire en nier l'authenticité. Il s'agit donc de justifier cette négation et M. Loman commence son essai par l'Épitre Gaux alates. C'est ici que nous rencontrons M. Baljon, dont nous annonçons le commentaire exégétique et critique. Notons au préalable que, d'une part, M. Loman a trouvé tout récemment un auxiliaire en la personne de M. R. Steck, professeur à Berne (Der Galaterbrief nach seiner Echtheit untersucht. Berlin 1888), et que, d'autre part, M. Van Manen, professeur à Leyde, a soutenu en 1887 que l'original du texte de l'Épître aux Galates se trouve chez Marcion et que le texte canonique que nous possédons est un remaniement de l'original, dû à un catholique désolé de voir le texte original donner raison, à plusieurs égards, aux ennemis de l'orthodoxie. On ne s'étonnera pas que, pour faire face à tant d'agresseurs, M. Baljon n'ait pas pu se dispenser de donner un volume de plus de quatre cents pages.

La première question à examiner, c'est celle du texte. Aussi l'auteur discutet-il une à une les allégations de M. Van Manen. Il maintient la falsification intentionnelle du texte par Marcion, attestée par Tertullien, Épiphane et Jérôme et conclut que si le texte canonique est parfois corrompu, il mérite presque toujours la préférence; que là où celui de Marcion est meilleur, il n'est past seul, mais que d'autres manuscrits offrent la même leçon; qu'enfin le système de Marcion qui voulait purger le texte de tout levain de l'ancien testament, explique suffisamment ces divergences. Puis M. Baljon donne le texte canonique corrigé dans une douzaine de passages. Je cite comme très importantes

les corrections de quatre au lieu de quatorze (Gal. 11, 1) et la suppression de Gal. m, 20, cette crux interpretum.

Après avoir établi le texte, l'auteur en donne un commentaire en général excellent, clair et équitable. Je n'oserais pas affirmer qu'il remplisse l'office d'un commentarius perpetuus, qui dispense de tous les autres, comme la préface le donne à entendre. Ainsi, par exemple, tò evayrénov est insuffisamment expliqué p. 121; de même que άváleμx, p. 122. Mais il faut surtout rendre hommage à l'indépendance de l'exégète et du critique. Il reconnaît pleinement les différences qui existent entre les Actes et l'Épitre aux Galates (p. 142) et notamment celles qu'on constate entre Actes xv et Gal. 1 (p. 157). Le livre des Actes n'est pas, selon lui, une source historique pure (p. 418); on y découvre la main d'un catholique qui veut pallier les dissensions de l'Église en mettant Paul et Pierre sur la même ligne (p. 275). Les traces de rabbinisme sont patentes chez Paul: il identifie l'Écriture avec Dieu (p. 180, 195), i se trompe sur le sens de la bénédiction de Gen. xi, 2 (p. 132); il raffine sur le mot onέpua, Gal. m, 16, (p. 189). Comme les autres apôtres il pouvait s'oublier de temps en temps et prononcer l'anathème sur ses adversaires dans un langage bien rude (Gal. v, 12 (p. 239). On le voit, nous avons affaire ici à un exégète aussi instruit que modéré et circonspect, qui, tout en combattant les radicaux, est assez libéral pour ne pas se refuser à l'évidence et pour ne pas reculer devant des concessions importantes.

L'auteur aborde enfin la question de l'authenticité de l'Épître aux Galates. Dans son désir de ne rien omettre, il passe en revue tous les adversaires, depuis Bruno Bauer qui, en 1852, publia une critique purement dialectique, négative et subjective, jusqu'aux attaques les plus récentes de MM. Loman et Steck. En étudiant le commentaire de celui-ci, destiné à prouver l'inauthenticité de l'épître, on est confondu de la masse de minuties érigées en preuves. Un des principaux procédés de M. Steck consiste à qualifier de plagiat toute idée et toute expression de l'Épître aux Galates que l'on retrouve dans celles aux Romains et aux Corinthiens, comme s'il n'était pas beaucoup plus naturel de dire que cet accord provient de l'identité de l'auteur des quatre épitres. C'est encore au plagiat que M. Steck en appelle, du moment qu'il y a, comme par exemple Gal. vi, 6, un manque de liaison dans les idées, comme si, dans une lettre, écrite sous l'influence d'une vive agitation, le défaut de liaison n'était pas tout naturel. Nous ne sommes donc pas étonné que M. Baljon affirme que l'authenticité de l'Épitre aux Galates n'a pas été ébranlée par la critique du théologien bernois. M. Loman s'est appliqué à établir son hypothèse en évoquant les témoignages que les trois premiers siècles pouvaient lui fournir et a donné les preuves les plus éclatantes de son vaste savoir et d'un don de combinaison et de divination étonnant. Il a tout fouillé et tout épluché. Ajoutons, pour marquer l'esprit sérieux qui l'anime et dont il a condamné l'absence chez Bruno Bauer, qu'il demande « à préparer à la vie religieuse une nourriture saine pour tous les

hommes de bonne volonté en pénétrant plus avant dans le caractère symbolique du Christ du Nouveau Testament». Grâce à ces ressources puissantes, M. Loman interroge Marcion, Justin Martyr, l'Évangile de Luc, celui de Mathieu, l'Apocalypse, l'Assomption de Moïse, les Clémentines, le Canon Muratori, les Ebionites, les Nazaréens, Clément d'Alexandrie, le Testament des douze Patriarches, les Elkésaïtes, les Sévériens, Fabien et les Encratites. M. Baljon suit son adversaire pas à pas avec une patience imperturbable, consacre à cet examen une centaine de pages et conclut que l'hypothèse n'a pas été vérifiée et que la distinction qu'elle fait entre le Paul de l'histoire et le Paul des quatre grandes épîtres est une pure fiction En effet, il faut convenir que la déposition des témoins produits par M. Loman, n'est rien moins que décisive. Ainsi le silence de Justin Martyr sur les épitres de Paul peut s'expliquer de differentes manières, entre autres, par la considération que Paul ne convenait pas à son système. De même le zupos voрwnоç des Clémentines peut être aussi bien Marcion que Paul. En général à l'époque qui nous occupe le rejet des épîtres de Paul n'était pas l'effet du doute à l'égard de leur authenticité la critique n'existait pas et la pseudepigraphie était universellement pratiquée — mais la conséquence d'une tendance d'esprit individuelle. Souvent aussi M. Loman fend un cheveu en quatre: ainsi le tiç aútŵv doxɛï elva: peilwv de Luc 22, 24 aurait fourni le οἱ δοκοῦντες de Gal. 1, 2, et le σάρξ καὶ αἷμα de Matth., χνι. 17, aurait suggéré la même expression à l'auteur de Gal. 1. 15. L'insuffisance de pareils arguments en égale la subtilité. Que faut-il en conclure? que le travail de M. Loman est sans valeur ? Cela est bien loin de notre pensée. Rendons hommage au savant sérieux et remercions-le d'avoir fourni par ses considérations l'occasion de renouveler l'étude d'un des problèmes historiques les plus importants. Souhaitons enfin à M. Baljon les moyens nécessaires pour continuer, conformément à ses vœux, l'exégèse et la critique d'autres livres du Nouveau Testament. X.

Handbuch der Romischen Alterthümer, t. VI. - Das Sacralwesen, par J. Marquardt, 3e é ., revue par G. Wissowa. Leipzig, Hirzel. - Traduction française par M. Brissaud, dans le t. XII du « Manuel des Antiquités Romaines » de Mommsen et Marquardt, traduit en français, chez Thorin. Paris, 1889.

Des neuf volumes du célèbre manuel des Antiquités romaines de Marquardt et Mommsen, un des plus utiles est celui qui est consacré aux institutions religieuses (Sacralwesen). En effet, tandis que sur les institutions politiques ou sur la vie privée des Romains, nous possédons un bon nombre d'excellents ouvrages, on n'en trouve pas d'équivalent sur le culte. Il faut donc se féli

1) Theol. Tijdschrift, 1882, p. 616.

citer qu'une traduction française en ait été donnée par M. Brissaud. Toutefois, si ce volume est un des plus utiles du grand manuel des Antiquités romaines, il est loin d'être un des meilleurs. On peut regretter que Mommsen, qui était particulièrement désigné pour traiter les institutions religieuses et qui porte à ces questions un intérêt attesté par de remarquables monographies, n'ait pas au moins remanié le travail de J. Marquardt. La troisième édition publiée en 1885, a été revisée par G. Wissowa; le nouvel éditeur n'a pas cru pouvoir introduire de changements notables dans l'ouvrage; il s'est borné à le mettre au courant. Nous le regrettons; car si l'on voulait lui conserver le caractère d'un manuel, il eût été préférable de l'alléger des cent pages de généralités placées en tête. Cet exposé historique est insuffisant pour une histoire de la religion romaine et beaucoup trop développé pour le préambule d'un traité des institutions religieuses de Rome.

La seconde partie consacrée à l'organisation du culte (p. 121 à 234) est, en revanche, excellente; les faits et les théories y sont bien classés et tous ceux qui s'intéressent à l'antiquité les liront avec fruit. La troisième partie est consacrée aux sacerdoces (p. 235 à 481). C'est la plus développée ; elle a tous les avantages d'un vaste magasin de documents; on y trouvera tous les textes relatifs aux sacerdoces individuels ou collectifs, aux prêtres et aux collèges religieux. On peut faire quelques objections, notamment pour la classification des sacerdoces; il n'est pas très naturel de parler des interprètes des livres sibyllins avant les vieux collèges des Féciaux, des Saliens, des Luperques; l'auteur n'a observé aucun ordre, ni l'ordre historique, ni l'ordre méthodique. A ce point de vue, la comparaison avec les pages consacrées à la religion dans le manuel de M. Bouché-Leclercq est frappante; on sent combien l'esprit philosophique de notre compatriote est supérieur à celui de Marquardt.

La quatrième partie (p. 482 à 566) traite des jeux. On sait que ceux-ci étaient rattachés au culte par un lien étroit, formant la partie la plus pompeuse des grandes cérémonies religieuses. A ce titre, il était naturel d'en parler ici. Toutefois, la question est assez spéciale pour qu'on ait jugé utile l'assistance d'un érudit désigné par sa compétence incontestée en ces matières, Friedlænder. Il faut s'en féliciter, car ce chapitre est certainement le meilleur du livre. A. BERTHELOT.

Comment se sont formés les dogmes, conférences sur l'Histoire de l'Église faites dans les loges de France et de Belgique, par V. Courdaveaux, professeur à la Faculté des lettres de Lille. Paris, Fischbacher. 1889.

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M. le professeur Courdaveaux est un libre-penseur militant. Son livre : Comment se sont formés les dogmes, recueil de conférences militantes ellesmêmes, échappe par sa nature même aux critiques et aux discussions que l'on peut consacrer dans cette Revue aux ouvrages traitant d'histoire religieuse.

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