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sous les yeux les matériaux sur lesquels elle a été faite (1). Cependant, tout en regrettant que la mort n'ait pas permis à Hégel de mettre la dernière main à cette partie de sa philosophie et de la publier lui-même, on ne peut douter que ce livre, tel qu'il a été rédigé par Boumann, ne contienne, et pour le fond et pour la forme, la véritable pensée de Hégel. C'est là, du reste, une remarque qui ne s'applique pas seulement à ce livre, mais à la Philosophie de la nature, à la Philosophie de la religion, et en général à tous les écrits de Hégel qui ont été publiés par ses disciples après sa mort.

(1) Les matériaux dont a fait usage Boumann pour sa rédaction sont, ainsi qu'il nous l'apprend lui-même, dans l'avant-propos qu'il a mis en tête de son édition (Berlin, 1845): 4° les cahiers (Collegien-Hefte) dont Hégel s'est servi dans ses cours de 1817 et de 1820; 2° ses propres cahiers, au nombre de cinq, rédigés par lui en assistant aux cours de Hégel; 3° deux cahiers rédigés par d'autres disciples, copiés par son ordre, et dont l'un, qu'il prit pour base dans ses cours de 4828 et de 1830, porte de nombreuses annotations marginales écrites de sa main; 4o enfin, un cahier du cours de 1825, rédigé par le major Von Griesheim, et un autre cahier du cours de 1828, rédigé par le docteur Mullach.

INTRODUCTION DU TRADUCTEUR

CHAPITRE PREMIER.

REMARQUES PRÉLIMINAIRES.

La philosophie de l'esprit constitue l'unité et le point culminant de la doctrine hégélienne. Par conséquent, de même que la philosophie de la nature présuppose la logique, de même la philosophie de l'esprit présuppose et la logique et la philosophie de la nature. C'est là un point sur lequel nous ne saurions trop insister, et dont on ne saurait trop se pénétrer (1). Celui qui se flatterait d'entendre l'esprit sans entendre la logique et la nature, tomberait dans une illusion semblable à celle du mathématicien qui prétendrait qu'on peut entendre le solide sans entendre la ligne et le plan, ou l'infini mathématique sans entendre l'arithmétique, ou à celle du physiologiste qui prétendrait entendre le sang sans entendre l'organisme en général. Il n'y a que la pensée éclectique qui se repaît de pareilles illusions. Maintenant, de quelle façon l'esprit présuppose-t-il la logique et la nature, et en fait-il l'unité? C'est ce que nous verrons plus loin. Ici, c'est le caractère, et, en quelque sorte, l'unité historique de la philosophie de l'esprit que nous voulons indiquer.

(1) Cf. Introduction à la Philosophie de la nature, ch. I.

On sait, et nous-même nous l'avons montré dans plusieurs de nos écrits, que la philosophie hégélienne est une philosophie essentiellement historique, c'est-à-dire une philosophie où l'histoire est ramenée à son idée, et l'idée, à son tour, est et se développe dans l'histoire, ou, comme on dit, dans le monde et dans les choses; que c'est, en d'autres termes, une philosophie où l'idée est idée historique, autant et dans les limites où l'idée absolue peut descendre dans l'histoire. C'est là, en effet, l'idée une et systématique, ou l'idée spéculative dans le sens strict du mot. L'idée spéculative, voulons-nous dire, est cette idée hors de laquelle rien ne saurait être ni être entendu, et où viennent se rencontrer, s'ordonner et se fondre tous les moments de la réalité. Par conséquent, la matière, le temps, l'espace, sont, eux aussi, des moments de cette idée, mais ils n'en sont que des moments. Or, de même que dans sa logique, Hégel a réalisé la logique absolue, la logique qui, à l'aide d'une pensée et d'une méthode supérieures, a unifié et systématisé tous les travaux logiques antérieurs, et leur a assigné leur place et leur signification véritables, et de même aussi que dans sa philosophie de la nature il a réalisé cette unité dans la sphère de la nature; ainsi, dans sa philosophie de l'esprit, il a pensé l'esprit dans son unité, et il ramené par là à l'unité tous les travaux des philosophes antérieurs sur cette branche du savoir.

Si nous jetons, en effet, un regard sur ces travaux, nous y rencontrerons, par rapport à l'esprit, ce que nous y avons rencontré par rapport aux autres parties de la connaissance philosophique, c'est-à-dire nous y rencontrerons des recherches partielles et incomplètes, des fragments

du tout, mais nous n'y rencontrerons pas le tout ou bien nous y rencontrerons des tentatives et comme une pensée abstraite et indéterminée de systématisation, mais nous n'y rencontrerons pas une systématisation véritable. Par cela même, la sphère de l'esprit n'y est pas déterminée, mais elle y est confondue avec celle de la logique ou avec celle de la nature. Ainsi, on peut bien retrouver dans les Dialogues de Platon les différents moments de l'esprit, mais on les y retrouve à l'état fragmentaire, sans lien et sans unité, ce qui fait que l'idée platonicienne est, elle aussi, une idée subjective et indéterminée, c'est-à-dire une idée qui ne démontre pas sa nature objective et spécifique, et, partant, sa nécessité (1). Par exemple, Platon admet l'idée de l'âme (Phédon, Timée), comme il admet en général l'idée de toutes choses. Mais qu'est-ce que l'âme? Pourquoi y a-t-il une âme? Quelle est la place que l'âme occupe dans le tout? Ou bien, l'âme est-elle l'intelligence? Et si elle n'est pas l'intelligence, quel rapport y a-t-il entre elle et l'intelligence? Et comment, par quelle nécessité interne l'âme devient-elle intelligence? Ce sont là des questions qui demeurent sans réponse dans la philosophie de Platon, précisément parce que Platon n'a pas pensé l'idée en tant que système. Et ces considérations s'étendent à toutes les parties de sa philosophie. L'idée de l'État est peut-être celle que Platon a exposée de la manière la plus systématique. Mais d'abord, l'État ne constitue qu'une sphère de l'esprit. On dira peut-être que la République ne contient

(1) Voyez sur ce point Hégel, Histoire de la philosophie, et notre Introduction à la Philosophie de Hégel, chap. IV, § 5, et L'Hégélianisme et la Philosophie, chap. vi et vII.

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