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ritable. Car la liberté, de quelque façon qu'on se la représente, et dans quelque sphère qu'on la prenne, n'est la liberté qu'en tant que moment déterminé de l'idée.

Ainsi, si l'esprit est l'unité, il est l'unité en tant qu'idée, ou, ce qui revient au même, il est l'idée qui existe en tant qu'idée et dans son unité. Ce qui nous donne déjà une notion plus déterminée, plus concrète et plus réelle de l'esprit. Car elle ne nous dit pas seulement que l'esprit est l'unité et l'idée, ou une certaine idée en général, mais que c'est l'idée qui existe dans son unité, et partant en tant qu'idée, ou, suivant le langage hégélien, que c'est l'idée qui n'est plus extérieure à elle-même, qui n'est plus pour un autre qu'elle-même, ainsi que cela a lieu dans la nature, mais qui est pour elle-même, et qui est à elle-même, et en elle-même son propre objet. Et ainsi l'esprit est la sphère de l'idéalité proprement dite, en ce sens que toutes choses, ou, si l'on veut, la nature et la logique y sont idéalisées, c'est-à-dire y sont ramenées à l'idée et à l'unité de l'idée. Et c'est en ce sens aussi que l'esprit est la négativité absolue. Car en idéalisant les choses il nie leur être, et il le nie en l'absorbant dans son unité.

Mais l'idée, disons-nous encore et surtout, est un système. Et c'est là le difficile, car le difficile n'est pas d'entendre d'une façon vague et indéterminée que Dieu est un, mais qu'il est un d'une unité concrète, c'est-à-dire qu'il est un et plusieurs, ou une trinité. Ou bien, le difficile n'est pas d'entendre qu'il y a un être fini et un être infini, mais c'est d'entendre leur unité, ou, comme on dit, leur rapport. Dire que le sang est un composé d'albumine, de fer, d'eau, etc., c'est dire, sans doute, quelque chose; mais

ce qu'il faut dire et montrer avant tout, c'est comment, par quelles transformations et en vertu de quelle nécessité ces choses se trouvent réunies dans le sang, et sont devenues sang. Entendre le système solaire, c'est chose difficile. Mais entendre comment le système solaire, le cristal, la plante, etc., sont tous engendrés par un seul et même principe, et appartiennent à un seul et même système c'est chose plus difficile encore. C'est là, disons-nous, le difficile, et ce qu'il y a de plus difficile, parce que c'est là que résident le réel et le vrai. Car le vrai et le réel ne sont pas dans l'abstraction, ou, si l'on veut, dans l'être abstrait, mais dans l'être concret, lequel est essentiellement un système. Ce qui s'applique au tout comme aux parties; car le système est la forme du tout, parce qu'elle est la forme des parties, et réciproquement elle est la forme des parties, parce qu'elle est la forme du tout; ce qui revient à dire que la forme systématique est la forme une et absolue qui pénètre, façonne et organise toutes choses. Si, en effet, cette forme n'était pas à la fois la forme du commencement et de la fin ainsi que des moments intermédiaires, ni le commencement ne serait le commencement de la fin, ni la fin ne serait la fin du commencement, ni les moments intermédiaires ne seraient non plus les moments du commencement et de la fin, et, par suite, l'univers ressemblerait, pour nous servir de la comparaison d'Aristote, à un mauvais drame où les personnages et les événements paraissent on ne sait trop pourquoi et comme au hasard. Ainsi le sang n'est un être réel qu'en tant que système; mais il n'est un système que parce qu'il est le moment d'un autre système, de l'organisme animal, lequel à son tour n'est un système que parce

qu'il est dans un autre système, et ainsi de suite. Ou bien la cause n'est cause réelle que parce qu'elle forme un système avec l'effet; et ce système que forment la cause ct l'effet n'est tel que parce qu'il se rattache à d'autres systèmes qu'il présuppose, ou par lesquels il est présupposé. Et il en est de même de toutes choses; de telle façon que la réalité d'un être est inséparable du système, et que hors du système cet être n'est, comme nous venons de le faire observer, qu'une abstraction. Mais l'abstraction cst, au fond, le caprice, l'indétermination et l'accident. En abstrayant, c'est-à-dire en brisant le système, en isolant et en prenant d'une façon arbitraire et accidentelle ses parties, on peut tout penser de toute chose, on peut unir ou séparer, et même supprimer toute chose à volonté. Dans le système, le soleil et les planètes, l'être inorganique et l'être organique occupent une sphère, et remplissent des fonctions déterminées, déterminées par leur nature spéciale et par les conditions qu'ils présupposent, et qu'ils enveloppent dans leur unité. Hors du système ces mêmes êtres ne sont plus que des abstractions indéterminées, des possibilités indéfinies à l'égard desquelles l'imagination peut se donner libre carrière, et se forger toute espèce de fantômes. Ainsi nous voyons bien que l'animal est constitué de telle façon, et qu'il se produit dans telle sphère déterminée. Mais en l'isolant du tout on pourra très-bien le placer ailleurs, dans les étoiles ou dans les nébuleuses, soit en lui attribuant les mêmes formes et les mêmes habitudes, soit en lui en attribuant d'autres tout aussi arbitraires que la nouvelle demeure où on l'aura transplanté. C'est par ce même procédé qu'on transporte l'homme dans la lune, comme c'est à

l'aide de ce procédé qu'on pourra supposer le système planétaire, et dans le système planétaire la terre, et dans la terre l'homme et son histoire, toutes choses, en un mot, autres qu'elles ne sont, et qu'on pourra en changer la nature et les rapports. Or dès qu'une chose peut être autrement qu'elle n'est, la raison et la nécessité de son existence disparaissent par cela même. Quelle nécessité y a-t-il, en effet, que la terre, la lumière, l'espace, le nombre, la matière, etc., soient, s'ils peuvent être autrement qu'ils ne sont? Ainsi en brisant le système non-seulement on fausse et l'on bouleverse la nature et les rapports des êtres, mais on les supprime, et on ne laisse en réalité que l'accident (1).

S'il en est ainsi, si la réalité des choses, voulons-nous dire, et leur constitution systématique sont inséparables, ou, ce qui revient au même, si le système constitue la réa

(4) Il n'est pas difficile de voir que c'est cette absence d'une vue et d'une investigation systématiques qui est la source de toute erreur et de toute fausse théorie. Des conceptions telles que la paix perpétuelle, l'égalité sociale, la suppression de la douleur et du mal, la science devenue le patrimoine de tous les hommes, l'individu, le bonheur et l'intérêt de l'individu érigés en principe et en fin suprême de la vie politique n'ont pas d'autre origine. Car elles viennent de ce qu'au lieu de considérer la nature humaine, c'est-à-dire l'esprit en tant que système et dans sa réalité concrète, on en prend d'une façon arbitraire et extérieure une détermination, une partie qu'on substitue, pour ainsi dire, violemment au tout, et dont on fait le principe le plus essentiel, tandis qu'on en exclut d'autres parties qui sont tout aussi essentielles, et plus essentielles peut-être qu'elle. Dans d'autres sphères de la science, celui qui dit que la pensée c'est le cerveau, ou qui veut ramener l'organisme à la chimie, ou la chaleur au mouvement, n'est conduit à ces fausses conceptions où l'on confond des choses différentes que parce qu'il ne pense pas systématiquement ces choses. Car c'est seulement en pensant systématiquement les êtres qu'on peut entendre leur nature, ainsi que leur identité et leur différence.

lité et la nécessité des choses, il est évident qu'en brisant le système on annulera par cela même leur connexion, et non-seulement leur connexion, mais leur nature propre et spécifique. Par connexion nous entendons ici ce rapport qui fait le passage d'une détermination à l'autre, d'une sphère à l'autre (1). On pourrait croire au premier coup d'eil qu'il n'y a pas entre cette connexion ou ce passage et la nature des êtres un rapport déterminé et nécessaire. Mais c'est précisément lorsqu'on ne pense pas les êtres systématiquement que la chose apparaît ainsi. Car dans le système et dans la réalité ce passage est déterminé par la nature même des termes qui passent les uns dans les autres. Comme nous venons de le remarquer, l'être ne passe pas dans l'objet, ou dans le système planétaire, ou dans l'esprit, etc., mais dans le terme qui lui est limitrophe (2), c'est-à-dire le non-être. Le système planétaire,

(4) Le vrai et absolu rapport des êtres est, en effet, engendré par le passage d'une détermination à une autre qui est identique avec la première et qui en diffère tout à la fois, ou, si l'on veut, par une détermination qui se différencie elle-même, et devient autre qu'elle-même (voy. plus haut, ch. II, et plus loin, ch. vi). — Ainsi le non-être n'est pas le non-être d'un terme quelconque, du système solaire, par exemple, mais c'est le non-être de l'être, et, par conséquent, c'est l'être lui-même qui en se posant passe dans le non-être. L'objet n'est pas non plus l'objet d'un terme quelconque, mais c'est l'objet du sujet. Par conséquent encore, l'objet se développe du sujet lui-même, ou, ce qui revient au même, le sujet passe en se développant dans l'objet. Et il en est de même des autres choses.

(2) Nous appelons limitrophe la détermination ou la sphère qui est opposée à une autre détermination ou à une autre sphère, et qui par cela même soutient un rapport d'identité avec elle. C'est là la connexion dialectique et vraiment rationnelle des êtres. Un terme ne passe ni dans un autre terme quelconque, ni dans un terme qui lui est identique, ou qui en diffère de tous points, mais il passe dans son contraire, c'est

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