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» près d'Orléans un assez grand dommage. Mais comme elle partit de Vaucouleurs le matin même de la bataille 1, la chose ne put se passer ainsi. Il paraît au contraire que Robert de Baudricourt céda plus à la voix publique qu'à sa propre conscience.

Dès que les gens de Vaucouleurs surent qu'on allait envoyer Jeanne vers le roi, ils lui fournirent avec grand empressement tout ce qu'il fallait pour l'équiper. Les voix lui avaient ordonné depuis long-temps de prendre un vêtement d'homme pour s'en aller parmi les gens de guerre; on lui en fit faire un avec le chaperon; elle chaussa des houzeaux, et attacha des éperons. On lui acheta un cheval; sire Robert lui donna une épée, puis reçut le serment que Jean de Novelompont et Bertrand de Poulengi firent entre ses mains, de la conduire fidèlement au roi. Tandis que toute la ville en grande émotion s'assemblait pour la voir partir: «< Va, lui dit-il, et advienne que pourra 2

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15 février 1429-1428 (v. s.)

Dépositions de Novelompont et de Poulengi. Interrogatoires de la Pucelle.

Outre les deux gentilshommes qui avaient cru en ses paroles, et qui emmenaient chacun un de leurs serviteurs, elle voyageait encore avec un archer et un messager attaché au service du roi. C'était une entreprise difficile que de traverser un si grand espace de pays parmi les compagnies de Bourguignons, d'Anglais et de brigands qui se répandaient de tout côté. Il fallait s'écarter des chemins fréquentés, prendre gîte dans les hameaux, chercher route à travers les forêts, passer les rivières à gué, durant l'hiver. Jeanne aurait eu peu de souci de telles précautions; elle ne craignait rien; rassurée par ses visions, elle ne doutait pas d'arriver jusqu'au Dauphin. Son seul déplaisir, c'est que ses conducteurs ne lui permettaient point d'entendre chaque jour la messe. Eux, au contraire, ne partageaient guère sa confiance. Souvent ils hésitaient dans la croyance qu'ils devaient ajouter à ses discours. Parfois ils la prenaient pour folle. L'idée leur venait aussi que ce pourrait bien être une sorcière, et alors ils pensaient à la jeter dans quelque carrière. Cependant elle faisait paraître tant de dévotion, tant de modestie, tant de fermeté, que plus ils

avançaient dans le voyage, plus ils prenaient de respect pour elle, plus ils la croyaient envoyée de Dieu 1.

Arrivée à Gien, elle se trouva sur terre française; là elle apprit plus en détail les malheurs et les dangers de la ville d'Orléans. Elle dit hautement qu'elle était envoyée de Dieu pour la délivrer, puis faire sacrer le Dauphin. Le bruit de ces paroles se répandit, et vint jeter quelque bonne espérance au cœur des pauvres assiégés.

Les voyageurs ne voulurent point arriver droit auprès du roi à Chinon. Ils s'arrêtèrent au village de Sainte-Catherine-de-Fierbois. Là, Jeanne fit écrire au roi une lettre pour lui dire qu'elle venait de loin à son secours, et qu'elle savait beaucoup de bonnes choses pour lui. L'église de Sainte-Catherine était un saint lieu de pèlerinage; Jeanne s'y rendit, et y passa un long temps de la journée, entendant trois messes l'une après l'autre 2. Bientôt elle reçut la permission de venir à Chinon. Elle y prit gîte en une hôtellerie, et parut peu

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Déposition de Marguerite de la Touroulde.

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Interrogatoires de la Pucelle.

après devant des conseillers du roi pour être interrogée; elle refusa d'abord de répondre à tout autre qu'au roi; cependant elle finit par dire les choses qu'elle venait accomplir par l'ordre du roi des cieux 1.

Rien ne fut décidé; beaucoup de conseillers croyaient qu'il ne fallait pas écouter une fille insensée, d'autres disaient que le roi devait pour le moins l'entendre, et envoyer en Lorraine pour avoir des informations. En attendant, elle fut logée au château du Coudray, sous la garde du sire de Gaucourt, grandmaître de la maison du roi.

Là, conime à Vaucouleurs, elle commença à étonner tous ceux qui la voyaient, par ses paroles, par la sainteté de sa vie, par la ferveur de ses prières, durant lesquelles on la voyait souvent verser des larmes. Elle communiait fréquemment, elle jeûnait avec sévérité. Ses discours étaient toujours les mêmes, répétant avec assurance les promesses de ses voix; au reste simple, douce, modeste et raisonna

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Déposition de Simon Charles, président de la chambre des comptes.

ble. Les plus grands seigneurs étaient curieux de venir voir cette merveilleuse fille, et de la faire parler.

Après trois jours de consultation, le roi consentit enfin à la voir. Il en avait peu d'envie ; mais on lui représenta que Dieu protégeait sûrement cette fille, puisqu'elle avait pu venir jusqu'à lui par un si long chemin, à travers tant de périls. Ce motif le toucha. D'ailleurs le bâ⚫ tard d'Orléans et les assiégés avaient déjà envoyé à Chinon pour éclaircir les bruits qui couraient touchant cette pucelle, d'où leur devait venir du secours.

. Le roi, pour l'éprouver, ne se montra point d'abord, et se tint un peu à l'écart 1. Le comte de Vendôme amena Jeanne, qui se présenta bien humblement, comme une pauvre petite bergerette. Cependant elle ne se troubla point; bien que le roi ne fût pas si richement vêtu que beaucoup d'autres qui étaient là, ce fut à lui qu'elle vint. Elle s'agenouilla devant lui, embrassa ses genoux. « Ce n'est pas moi

et,

Dépositions du sire de Gaucourt et de Simon

Charles.

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