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- sang, et vêtu de ses houzeaulx et de son pourpoint, les gens du Dauphin attaquèrent le châ– teau où s'étaient renfermés plusieurs serviteurs du Duc, sans munitions et sans artillerie. Après quelques coups de canon, ils furent sommés de se rendre; le sire Jean de la Tremoille et le sire de Neufchâtel ne savaient point ce qui était advenu à leur maître; ils le croyaient seulement prisonnier du Dauphin. Ils répondirent que ce château leur avait été confié par le duc de Bourgogne, et qu'ils ne le rendraient que sur son ordre. Pour lors, on amena, devant la porte, Antoine de Vergy, pris la veille sur le pont : « Frères, leur dit-il, mon>> seigneur le Dauphin m'ordonne de vous dire » que vous lui rendiez cette forteresse. Si vous » ne le faites, et qu'il vous prenne par force, » il vous fera trancher la tête. Si, au contraire, » vous la lui rendez, et que vous suiviez son >> parti, il vous fera du bien, et vous donnera

large part dans les offices du royaume. » Savez-vous des nouvelles de monseigneur? »> répondirent-ils. Il montra la terre de son doigt, et ajouta : « Je vous conseille de rendre le châ>>teau.» Ils refusèrent encore. Les chevaliers

du Dauphin leur dirent: « Proposez vos con»ditions. » Ils revinrent un moment après,

apportant par écrit les articles qu'ils démandaient c'étaient la liberté de leur Duc et de ses serviteurs, la garantie des biens et meubles qui se trouvaient au château, un délai de quinze jours, afin de faire venir leurs chevaux, et un sauf-conduit pour s'en aller où bon leur semblerait 1.

Il leur fut répondu qu'ils n'eussent plus à parler du duc de Bourgogne qui ne pouvait leur être rendu : que ses serviteurs étaient prisonniers de monseigneur le Dauphin, qui les traiterait bien, et leur donnerait des offices dans le royaume que ce qui appartenait au Duc dans le château serait remis par inventaire aux gens du Dauphin, qui en signeraient quit, tance, et que, quant à eux, on allait les conduire à Bray. Ils acceptèrent, et s'y rendirent. sur-le-champ. La dame de Giac et Jossequin, qui étaient dans le château, restèrent avec le Dauphin et passèrent dans son parti.

1 Monstrelet.

Lefebvre de Saint-Remy.

moires de France et de Bourgogne. Heuterus.

-

Mé.

Dès que le sire de Neufchâtel fut à Bray, il écrivit au roi, à la duchesse de Bourgogne, au comte de Charolais, à la ville de Paris, et aux 'autres bonnes villes, pour leur rendre compte du crime commis sur la personne du duc de Bourgogne.

1

Lorsque la nouvelle fut connue à Troyes, la reine et le conseil du roi envoyèrent aussitôt Jean Mercier à la duchesse de Bourgogne, en lui écrivant qu'elle mandát le plus tôt possible auprès du roi et pour sa défense les chevaliers, les vassaux, les hommes d'armes de son duché. Comme on craignait de lui porter un trop rude coup, le roi et la reine lui disaient seulement que son mari avait été blessé et retenu prisonnier. Jean Mercier était chargé de la préparer doucement à recevoir la triste nouvelle.

La Duchesse obéit à l'ordre qu'elle recevait; et en même temps elle envoya une ambassade solennelle au roi, pour demander justice et vengeance de la trahison consommée sur la personne de son seigneur et mari. Elle fit partir

Lettres du roi et de la reine, 15 septembre.

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aussi messire Gauthier de Rupes, et quelques autres serviteurs, pour aller trouver son fils en Flandre; enfin elle informa par lettres et ambassades, le pape et les princes de la chrétienté, de ce déplorable événement.

Le comte de Charolais était à Gand lorsque le message du sire de Neufchâtel lui arriva. Sa douleur fut grande: ses gouverneurs et son conseil ne pouvaient le calmer, ni sécher ses larmes ; il ne voulait voir personne. <«< Michelle, » dit-il à sa femme, votre frère a assassiné mon » père. » La pauvre princesse ressentit vivement ces paroles; outre qu'elle était d'un excellent naturel, elle craignait que ce malheur lui ôtât à jamais le cœur de son mari qu'elle aimait tant. Cependant lui-même la consola, et lui montra plus d'affection que jamais.

Le nouveau Duc avait vingt-trois ans ; malgré sa jeunesse, il se montra tout aussitôt animé du ferme désir de yenger son père et de se maintenir dans une puissance que sûrement le parti du Dauphin allait s'efforcer de détruire. Après avoir consulté son conseil et les gens de Gand, d'Ypres et de Bruges, il prit, comme unique héritier du duc Jean, les titres de tou

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tes ses seigneuries; puis il se rendit à Malines, où il eut une conférence avec le duc de Brabant son cousin, Jean de Bavière son oncle, le duc de Clèves son beau-frère, et la comtesse de Hainault. Dans cette assemblée de famille, il sembla qu'il fallait avant tout traiter avec le roi d'Angleterre et s'assurer son alliance; des ambassadeurs lui furent aussitôt envoyés1.

Le Duc vint ensuite à Lille; ce fut là qu'il reçut les députés de Paris. La nouvelle de la mort de son père avait produit une indignation générale dans cette ville, qui se voyait par-là livrée à des malheurs terribles et inévitables. Dès le 12 septembre, le comte de Saint-Pol avait réuni dans la chambre du parlement le chancelier, plusieurs nobles capitaines et gens d'armes, le prevôt de Paris, le prevôt des marchands, d'autres conseillers et officiers du roi, des bourgeois et des habitans en grand nombre. Ils prêtèrent serment de lui obéir comme au lieutenant du roi de l'assister et de s'entendre avec lui pour la garde, la con

P

Heuterus.

Remy.

Monstrelet.

Lefebvre de Saint

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