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le stimulant le plus puissant, et lui doivent l'abondance de leur lait, le goût exquis de leur fromage (Quin et pecudes armentaque et jumenta sale maxime sollicitantur ad pastum; multo largiore lacte, multoque gratiore etiam in caseo doti).

A côté de ces généralités un peu vagues qui se rapportent à tous les bestiaux, nous voyons Virgile indiquer l'emploi du sel pour l'assaisonnement des fourrages donnés aux chèvres ; et Columelle, qui naquit sous le règne d'Auguste ou de Tibère, en parle pour la ration alimentaire des bœufs et des brebis.

Virgile s'exprime ainsi1 : « Si tu aimes mieux tirer du lait de tes troupeaux, va toi-même garnir leurs étables de cytise, de lotos et d'herbes parsemées de sel. Tes chèvres n'en auront que plus envie de boire; leurs mamelles se tendront davantage, et leur lait retiendra quelque peu de la secrète saveur du sel.

At, cui lactis amor, cytisum lotosque frequentes
Ipse manu salsasque ferat præsepibus herbas.
Hinc et amant fluvios magis, ac magis ubera tendunt,
Et salis occultum referent in lacte saporem. »

Columelle recommande l'usage du sel dans le but d'entretenir la bonne santé des bœufs. « Au surplus, dit-il, ces remèdes ne sont pas les seuls qui les maintiennent dans un état sain : il y a

(1) Géorgiques, liv. III, vers 394 et suiv.
(2) De re rustica, liv. VI, chap. 111.

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bien des gens qui mettent pour le même but du sel dans leurs fourrages (Neque hæc tantum remedia salubritatem faciunt. Multi et largo sale miscent pabula). » On avait si bien constaté, du temps de Columelle, le plaisir avide éprouvé par les animaux mangeant du sel qu'on se servait, d'après cet auteur, de préparations salées pour apprivoiser et dompter les bœufs. Ensuite, dit-il, on leur écartera les mâchoires pour leur tirer la langue de la gueule, et on leur frottera de sel tout le palais; après quoi on leur fourrera dans la gueule des boules de pâte d'une livre pesant, trempées dans de la graisse fondue, bien salée..... (Post hæc, diductis malis, educito linguam, totumque eorum palatum sale defricato, libralisque offas in præsalsa adipis liquamine in gulam demittito). » Palladius a répété cette recette dans son traité De re rustica, publié à la fin du quatrième siècle 2.

Le passage de Columelle relatif aux brebis est conçu dans ces termes3 : « Il n'y a pas cependant de fourrages, ni même de pacages, si agréables qu'ils puissent être, qui ne cessent à la longue de plaire aux brebis, à moins que le pâtre ne prévienne le dégoût qu'elles en prennent en leur donnant du sel. On met du sel

(1) De re rustica, liv. VI, chap. 2. (2) Liv. IV, chap. 12.

(3) Liv. VII, chap. 3.

dans des auges de bois pendant l'été, afin qu'elles aillent le lécher au retour de la pâture, et qu'il serve comme d'assaisonnement à leur fourrage, pour exciter en elles une ardeur égale tant pour boire que pour paitre (Nec tamen ulla sunt tam blanda pabula, aut etiam pascua, quorum gratia non exolescat usu continuo, nisi pecudum fastidio pastor occurrerit præbito sale, quod velut ad pabuli condimentum, per æstatem canalibus ligneis impositum, cum a pastu redierint oves, lambunt, atque eo sapore cupidinem bibendi pascendique concipiunt). " Palladius1 dit aussi qu'il faut provoquer l'appétit des brebis en saupoudrant de sel leur pâture et en en mêlant à leur breuvage. Salis tamen crebra conspersio vel pascuis mista vel canalibus frequenter oblata debet pecoris levare fastidium.

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Les idées que l'on a soutenues de nos jours sur l'utilité de l'emploi du sel en agriculture, pour l'entretien des bestiaux, remontent donc au moins à dix-huit siècles, et l'on doit certai nement s'étonner qu'après une si longue expérience elles aient pu être combattues.

(1) Liv. XII, chap. 13.

CHAPITRE XI.

Effets produits par l'emploi du sel
dans l'alimentation.

Il ne peut nous suffire d'avoir démontré la nécessité de la présence du chlorure de sodium dans les aliments de l'homme et des principaux animaux domestiques; il nous faut encore chercher à résoudre un problème plus difficile, celui de la proportion de sel qui doit se trouver dans la ration alimentaire pour la production de l'effet utile maximum. Dans cette détermination nous nous occuperons peu du prix de revient des résultats obtenus; la question du prix de revient, liée directement à la question de l'impôt, ne peut être traitée qu'accessoirement et comme annexe de celle de l'utilité.

Des expériences assez nombreuses ont été faites sur les effets du sel; en général elles ont consisté à comparer deux lots d'animaux sous le rapport du poids et des produits accessoires à la production de la chair, tels que lait, laine, etc., l'un des lots recevant du sel, et l'autre n'ayant que le sel naturel des aliments. De nouvelles expériences sont probablement entreprises dans ce moment, selon le programme proposé par la Société centrale d'agriculture, pour la distribution des prix fondés à la fin de

1847 par le ministre de l'agriculture. La Société centrale n'a pas pensé qu'il fût possible d'expérimenter, dans un délai de deux à trois ans, l'action du sel pour prévenir ou guérir certaines maladies, non plus que son influence sur la production du lait et de la laine; elle n'a appelé l'attention des agriculteurs que sur les moyens d'apprécier l'effet que peut produire le sel dans la conservation des forces musculaires, l'accroissement des jeunes animaux et l'engraissement des animaux adultes. Il nous semble qu'à ces questions il faut en joindre une relative à l'influence du sel sur l'acte de la génération et de la conservation des races, et une autre sur l'importance comparative de la mortalité chez les animaux qui sont soumis à un régime alimentaire salé et chez ceux qui ne prennent jamais de sel.

Nous essaierons de donner sur tous ces points l'état actuel de nos connaissances, en indiquant les faits acquis aussi bien que les desiderata de la science et de la pratique. Ce ne sont pas des opinions, plus ou moins fondées, émises par des savants ou par des praticiens plus ou moins illustres, que nous rapporterons. Les opinions personnelles sont respectables au point de vue politique; elles ne valent pas un fait au point de vue scientifique. Les faits prendront donc uniquement place dans le travail auquel nous allons nous livrer; à nos yeux, les faits qui,

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