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naient incapables d'engraisser avec un pareil régime. I paraît bien prouvé que, sous l'influence du sel, de mauvais fourrages produisent dans l'alimentation un effet qui rehausse leurs qualités. Cela résulte notamment de la troisième expérience de M. Turck', où du trèfle de mauvaise qualité a donné lieu, grâce au sel, à un accroissement de poids comparable à celui obtenu des meilleurs fourrages. Le même résultat est rendu également manifeste par l'expérience exécutée par M. Husson 2 sur les brebis nourries avec du mauvais foin d'Auvilley, expérience dans laquelle les brebis qui n'ont pas reçu de sel ont diminué de poids, tandis que les autres ont trouvé dans le sel un excitant tel qu'elles ont pu continuer à s'engraisser. Nous savons d'ailleurs par un cultivateur de Sarralbe (Moselle) qu'en 1846 plusieurs de ses confrères du canton se sont servis, pour la nourriture de leurs porcs, de pommes de terre fortement atteintes de la maladie de l'année; il est arrivé que les porcs dont la nourriture était salée ont été bien conservés, qu'ils ont même profité, tandis que ceux nourris sans sel ont dépéri.

Tous ces faits s'accordent pour mettre en évidence ce principe, vrai pour la physiologie de l'homme aussi bien que pour celle des animaux, que la nourriture doit être d'autant

(1) Voir précédemment, p. 375.

(2) Voir précédemment, p. 389 et suiv.

plus salée qu'elle est de plus mauvaise qualité. Toutefois, il est évident que l'emploi le plus judicieux que l'on puisse faire du sel n'est pas de mettre à profit l'appétence des animaux pour cette substance, afin de les engager à accepter des fourrages avariés. L'avarie des fourrages peut causer des désastres que rien ne saurait réparer, et il est bien préférable de se servir du sel pour empêcher les fourrages de se détériorer, comme on s'en sert dans la salaison des viandes ou des poissons pour empêcher leur putréfaction, comme on s'en sert aussi dans la fabrication du tabac pour empêcher qu'il s'y développe une fermentation putride. Cet emploi rationnel du chlorure de sodium a été reconnu produire d'excellents effets par plusieurs agronomes, notamment par M. Schattenmann1 qui s'est exprimé en ces termes : « Il arrive fréquemment, dans les grandes exploitations agricoles, que les fourrages qui sont engrangés en grands tas moisissent ou rougissent par suite de la fermentation qui s'y développe. Réfléchissant aux causes de cette fermentation et aux moyens de la modérer, j'ai fait répandre à la main sur le fourrage, au moment du déchargement, 200 grammes de sel commun par quintal métrique de fourrage. L'emploi de cette substance utile au bétail a parfaitement réussi, car depuis 15

(1) Nécessité d'une réduction de l'impót du sel, brochure de M. Demesmay, p. 32.

ans que je l'applique à des masses de fourrages, je n'y ai pas trouvé trace d'altération. Je suis maintenant sans inquiétude lorsque, par un temps pluvieux, je rentre quelques voitures de fourrages humides, parce qu'une longue expérience m'a prouvé que le sel neutralise les effets nuisibles de l'humidité. »

XII.-Emploi du sel pour la domestication
des animaux.

Nous avons déjà cité l'usage que dans les premiers siècles de l'ère chrétienne on faisait, au rapport de Columelle, de préparations salées pour apprivoiser et dompter les bœufs. L'un des adversaires les plus énergiques de l'emploi général du sel en agriculture convient en ces termes de l'utilité que peut présenter le chlorure de sodium pour cet objet : « Parmi les moyens employés par l'homme pour réduire les animaux en domesticité, dit M. Baudement2; l'un des plus puissants est de flatter leur goût en leur procurant des aliments que la nature ne leur fournit pas ou ne leur fournit qu'avec mesure. L'homme excite ainsi en eux une reconnaissance proportionnée à leur appétence, il développe même d'une manière artificielle

(1) Voir précédemment, p. 351.

(2) Journal d'Agriculture pratique, 2a série, ì. VI, p. 123.

des besoins nouveaux que lui seul pourra désormais satisfaire. C'est dans ce but que les anciens ont dû d'abord employer le sel comme moyen de captation, trouvant ainsi le double avantage de contenter le goût des animaux qu'ils voulaient soumettre et de le contenter à bon marché. C'est ainsi qu'on en use encore en Amérique, au rapport de M. Roulin, pour attirer les grands troupeaux vers les lieux où on veut les visiter.... Par l'emploi du sel, l'homme pourra encore aujourd'hui imposer à ses animaux des habitudes nouvelles, les rappeler à la docilité, les provoquer à la stabulation. »

Nous évitons toujours dans les sciences de nous appuyer sur des opinions personnelles, nous pensons que les faits seuls sont démonstratifs. Cependant, en cette occasion, nous avons pu dévier de nos principes, car M. Baudement ayant un parti pris contre l'emploi agricole du sel, l'aveu qu'il fait ici de son utilité pour la domestication des animaux est une preuve de l'évidence incontestable de cette utilité.

XIII. Mode d'emploi du sel dans l'alimentation des bestiaux.

Comment doit-on employer le sel que l'on destine à la ration alimentaire des bestiaux? C'est une question diversement résolue, mais qui n'a, selon nous, d'importance que dans les localités

où cette substance est rare et d'un prix élevé. "Il faut suspendre dans les étables, lit-on dans les recettes hygiéniques du Dictionnaire économique de de La Marre1, un sac dans lequel il y ait du sel. Quand les bêtes y auront goûté, elles ne manqueront pas d'aller le lécher toutes les unes après les autres en entrant, leur instinct leur en marquant l'utilité. Il n'en faudra pas plus de 7 ou 8 livres par an: ce qui n'est pas une grande dépense dans le pays même où le sel est le plus cher; d'ailleurs, on perdra bien davantage si la mortalité se met dans le troupeau.»

Faire lécher le sel aux bestiaux, telle est aussi la recommandation que fait aux agriculteurs un homme de génie qui, quoique placé sur un trône, ne s'en occupait pas moins avec une vive sollicitude de toutes les questions pratiques; pendant une tournée qu'il fit en 1779 dans un district de ses États, Frédéric-le-Grand eut avec un M. Fromme, bailli de Fehrbellin (Brandenburg), la conversation suivante:

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« LE ROI. Il n'y a pas de maladies épizootiques dans votre canton?

"FROMME. Non sire.

« LE ROI. Y en a-t-il eu?

« FROMME. Oui, sire.

(1) T. I, p. 291, col. 2, 1767.

(2) Histoire de Frédéric-le-Grand, par M. Camille Paganel, 2e édition, t. II, p. 218.

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