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son ensemble et de séduire par ses éléments. Que de renseignements précieux, curieux, il exhume et met en lumière, 'sur l'instruction populaire et l'organisation des universités, sur l'art et la vie populaire, sur la vie et les travaux des agriculteurs! C'est une reconstitution précise de l'existence de ces temps, qui paraissent coup sur coup si lointains et si voisins, selon le parcours des idées.

Le premier volume prend l'état intellectuel de l'Allemagne au déclin du moyen âge, en 1472, nous mène presque vers l'an 1518, caractérisé par la propagation de la Bible entre les mains de tous; le second s'ouvre par le tableau des premières crises revolutionnaires qui précèdent la diète de Worms en 1521, il poursuit jusqu'après l'insurrection en Thuringe en 1525, et marque les premiers effets de la révolution sociale en Allemagne.

L'ouvrage est complété par des tables parfaitėment dressées des sources consultées, des noms géographiques, des personnages cités, de façon que dans ce monument, composé de six volumes de plus de cinq cents pages chacun, la recherche d'un détail même secondaire est facile. Ajoutons que le traducteur est d'une conscience scrupuleuse; et qu'au mérite de la fidélité au texte, il ou plutôt elle, car si j'ai bien compris une lettre de bénédiction du pape reproduite en tête, E. Paris est une dame joint celui d'un style agréable et vigoureux à la fois.

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P. Z.

Les Quinze premières années du règne de la reine Victoria. Souvenirs d'un témoin oculaire, extraits du journal de CHARLES C. F. GRÉVILLE, secrétaire du Conseil privé, traduits et annotés par Me Marie-Anne de Bovet. Paris, Firmin-Didot et Cie; 1889. Un vol. in-18.

La maison Didot vient d'ajouter à sa Collection de mémoires, rappelons en passant la « Bibliothèque des mémoires relatifs à l'histoire de France », qu'elle a publiés en vingt-huit volumes in-18, sous la direction de M. Barrière, la traduction d'un livre qui'a fait sensation de l'autre côté du détroit, les extraits du journal de Charles C. F. Gréville se rapportant aux quinze premières années du règne de la reine Victoria, c'est-à-dire allant de juillet 1837 à la mort de Wellington, en septembre 1852. La période est excessivement intéressante pour notre histoire nationale, comme on le voit les dix dernières années du règne de Louis-Philippe, la révolution. de février, la seconde république et l'élévation de Louis-Napoléon, voilà de quoi attirer le lec

teur français qui sait combien la politique anglaise était alors mêlée, ouvertement ou occultement, à tout ce qui se passait en France. Le journal de Charles Gréville a, lors de son apparition en Angleterre, été analysé et commenté par la presse du monde entier, et il est inutile d'y revenir ici. Il ne reste qu'à constater que Me MarieAnne de Bovet a rempli sa tâche de traducteur avec un talent remarquable, et que le livre mérite d'être accueilli comme un service rendu à tous ceux qui étudient l'Europe dans son histoire d'hier pour y démêler les lois de sa marche en avant et prévoir, autant que possible, ses destinées de demain.

B.-H. G.

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M. Paul Gaulot, qui a commencé par le roman et par le théâtre de société, poursuit par l'histoire. Après le Mariage de Jules Lavernat, l'Illustre Casaubon et le Chemin, que disait si bien Mile S. Reichemberg, il publie aujourd'hui Un Complot sous la Terreur, où il a compulsé à fond l'imprimé et l'inédit. Il est vrai que le sujet pourrait prêter au roman et au drame. Il s'agit de l'emprisonnement de Marie-Antoinette au Temple et des tentatives d'évasion qui eurent pour auteurs Toulan et le chevalier de Jarjayes, entre ces deux dates sanglantes : la mort du roi, le 21 janvier 1793, et celle de la reine, le 16 octobre. Elles échouèrent, l'on peut dire malheureusement pour la République, à laquelle leur succès aurait évité une cruauté inutile. MarieAntoinette, réfugiée à Vienne avec son fils et sa fille, n'eût pas été plus redoutable pour la Convention que Louis XVIII à Vérone ou à Blakenbourg. Tout au contraire, la loyauté légitime, représentée par un enfant sous la tutelle d'un régent ou d'une régente, peut-être attaquée ellemême par les ambitions d'un comte de Provence, d'un d'Orléans ou d'un Condé, eût été encore plus faible contre la Révolution qu'elle ne le fut dans les insurrections de la Vendée et du Midi. Quoi qu'il en soit, c'est là un épisode des plus curieux de l'histoire de la Révolution, et que M. Paul Gaulot a beaucoup éclairci, grâce à des billets inédits de Marie-Antoinette, dont il a eu communication, et à de nombreuses pièces provenant des Archives nationales, en particulier une série de lettres piquantes, familières, originales, figurant au dossier de Toulan.

Né à Grenoble, le 24 mars 1745, FrançoisAugustin-Renier Pelisson de Jarjayes, neveu du

lieutenant général de Bourcet, dont il fut l'aide de camp de 1769 à 1779, était colonel au début de la Révolution. Son mariage avec Émilie Quetpic de Laborde, une des douze premières femmes de chambre de la reine, l'avait introduit dans l'intimité de la famille royale. Se refusant à émigrer, il resta un des derniers serviteurs de la monarchie. En 1791, le roi l'avait nommé maréchal de camp, et peu après chargé d'une mission auprès du comte d'Artois, à Turin. Ce fut lui qui devint l'intermédiaire entre la reine et Barnave, rattaché à la cause royale. Il est aux côtés du roi au 10 août, et l'accompagne dans la loge du Logographe. Avant de se séparer de lui, Louis XVI lui donna l'ordre de ne pas quitter Paris. Il fut fidèle à la promesse qu'il fit alors, et n'épargna rien pour essayer de sauver plus tard la reine et ses enfants. François-Adrien Toulan avait eu de tout autres commencements. Né à Toulouse, en 1761, marié en 1787, il était venu, cette année même, s'établir libraire à Paris, aux environs du couvent des Feuillants, près les Tuileries. Ce fut lui qui, le 30 juin 1789, fit, au café de Foy, la motion d'aller délivrer les onze gardes françaises détenues à l'Abbaye, et qui se mit à la tête de la foule qui alla les délivrer. Nommé peu après président du district du Louvre; tour à tour employé au Bureau des biens des émigrés, fondateur d'une société pour la liquidation de ces biens, il figure au 10 août parmi les assaillants du palais des Tuileries; c'est ainsi qu'il fut élu, le 29 août, membre de la première commune de Paris, et devint, comme tel, commissaire pour serveiller les prisonniers du Temple. Personne n'avait alors une réputation mieux établie de civisme révolutionnaire. La vue des prisonniers en fit un de leurs plus habiles et dévoués défenseurs. Il paya ce dévouement de sa tête. Après avoir réussi d'abord à déjouer les recherches, s'être réfugié à Bordeaux, il fut arrêté le 25 mars 1794, ramené à Paris, jugé par le tribunal révolutionnaire, et exécuté le 30 juin, vingtsept jours avant le Neuf Thermidor, qui l'eût sauvé. Quant à M. de Jarjayes, réfugié à Turin, il rentra en France sous le Consulat, fut nommé lieutenant général par Louis XVIII, en 1815, et mourut le 11 septembre 1822. Sa femme, qui avait été emprisonnée, sous la Terreur, au couvent des Anglaises, lui survécut jusqu'au 23 juin 1837. Histoire du règne de Louis-Philippe, faisant suite à l'Histoire de la Restauration, par ERNEST HAMEL, t. 1er. Paris, Jouvet et Cie, 1889. Un vol. in-8°, orné de gravures sur acier. - Prix: 8 fr. Chose assez étrange pour un règne qui date de quarante et un ans près d'un demi-siècle

BIBL. MOD.

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XI.

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les histoires du règne de Louis-Philippe ne sont pas nombreuses. Celle de Louis Blanc, continuée pour les huit dernières années par Élias Régnault, écrite au cours même des événements, est plus éloquente qu'impartiale; celle de M. de Novion est restée inachevée. M. Thureau-Dangin, qui est entré il y a quelques années dans la lice, est loin encore d'avoir terminé son œuvre. M. Paul Perret, dont le récit est excellent, plein de science et de qualités littéraires, était le dernier venu. M. Ernest Hamel augmente aujourd'hui cette liste. Par ses idées, sa conduite, M. Hamel se rattache au parti qui a compté Louis Blanc parmiles siens. Mais son Histoire du règne de LouisPhilippe se distingue de celle de son devancier par une impartialité plus haute. Cette qualité n'est pas tout à fait celle que l'on semblait devoir attendre de l'historien, ou plutôt du panégyriste de Robespierre et de Saint-Just: aussi se remarque-t-elle d'autant plus dans sa nouvelle œuvre. Est-elle cependant absolue? On pourra le contester. Mais le débat durera longtemps, peut-être toujours. En montant sur le trône, le duc d'Orléans dut se résigner à être un sujet éternel de dispute pour la morale et pour l'histoire. En acceptant une couronne arrachée à son parent, qui avait été aussi son bienfaiteur, ce prince a pu dire, et les historiens pourront dire après lui, qu'il s'est sacrifié à la patrie, qu'il a préféré le salut public à lui-même. Malheureusement, c'est là un de ces sacrifices qui ne portent pas assez en euxmêmes le caractère du désintéressement pour supprimer tous les doutes. Les royalistes et les républicains ont eu ces doutes, et nous ne devons pas nous étonner que le livre de M. Ernest Hamel en porte la trace. Un des malheurs de LouisPhilippe fut aussi de n'être pas servi par des âmes assez hautes. Plus d'un de ses ministres auraient pu éviter de grandes fautes politiques en adoptant une conduite plus généreuse, plus magnanime. L'affaire de la duchesse de Berry fut menée avec une dureté singulière, que ne justifie pas la raison politique. Les hésitations du gouvernement dans l'œuvre de la conquête et de la colonisation de l'Algérie furent longtemps funestes à cette œuvre, qui sera la grande œuvre politique de la France au XIXe siècle. Il est vrai que la faute en fut plus encore aux Chambres qu'au Roi. L'on sait avec quelle parcimonie la majorité accordait les crédits nécessaires à nos soldats et à nos colons. Il ne dépendit pas d'elle que la France ne renonçât à cette colonie ou du moins ne conservât sur le sol algérien que deux ou trois ports, où bientôt nos compatriotes eussent été bloqués par les indigènes et réduits à végéter éternellement.

L'histoire de M. Ernest Hamel formera deux 14

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volumes. Le premier paru comprend sept années, et se termine au mariage du duc d'Orléans et à la prise de Constantine. Cette période fut l'époque difficile du gouvernement de Juillet; celle des émeutes sans cesse renaissantes, des attentats personnels contre le roi. Mais c'est celle aussi où le roi fut le plus populaire parmi cette bourgeoisie qui l'avait couronné et qui jusque-là se reconnaissait en lui. A partir de 1840 le gouvernement semble devenir plus facile pour Louis-Philippe. La rue n'est plus troublée par l'émeute: la majorité dans la Chambre est devenue plus nombreuse, plus compacte, et cependant c'est alors que se développent les causes qui devront aliéner à la monarchie de juillet cet esprit de la bourgeoisie qui lui avait été jusque là si favorable. Issu d'une révolution, Louis-Philippe était, par son principe, condamné à agir toujours dans le sens révolutionnaire; le jour où il s'arrêta résolument dans cette voie, fut le premier jour de sa décadence. Dans le premier volume de l'histoire de M. Ernest Hamel, la lutte est encore ardente, sanguinaire entre les républicains déçus de 1830 et le gouvernement: mais par cela même la bourgeoisie, qui se sent menacée par l'émeute, reste fidèle à celui-ci. Mais elle lui fera défection quand la question, ostensiblement du moins, ne se posera plus entre la royauté et la république, mais entre la royauté et la réforme. La bourgeoisie voulut alors la réforme, elle eut la république. Ce premier volume est plein d'enseignements, et l'œuvre de M. Ernest Hamel, bien que celle d'un républicain convaincu, permet d'apprécier ces sept années de règne à un point de vue plus général; c'est là un de ses principaux mérites.

E. A.

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Les enfants de madame de Montagu avaient déjà fait imprimer pour le cercle restreint de sa famille et de ses amis les Mémoires de cette femme remarquable à tant de titres. Le succès fut tel que dans une pensée de charité ils ont décidé de publier la présente édition. Ces souvenirs ne sont pas seulement édifiants par le spectacle des plus hautes vertus pratiquées par une nature pieuse et forte. Il s'y ajoute l'intérêt puissant des événements auxquels elle a été mêlée. Jeune encore en 1789, elle dut émigrer. Et ce qui nous arrête et nous attache, en ces pages, c'est qu'elles nous montrent un des aspects les moins connus de la Révolution: l'émigration et

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Défense de Dantzig, en 1813. Journal de siège, journal personnel et notes du général de division de Campredon, commandant le génie du 10 corps. Lettres diverses. Annotés et publiés par CHARLES AURIOL. Un vol. in-18, 312 pages et 2 cartes. Paris, librairie Plon, 1888.

Plus encore que les gens occupés à toujours lire, les personnes qui ne lisent jamais se plaignent volontiers du débordement sans arrêt de la continuelle avalanche de l'imprimé. Ce semblant de paradoxe est l'expression de la vérité même; en effet, tandis que les fidèles de la lecture font instinctivement leur choix, les profanes ne savent où se prendre dans ces masses confuses et troublantes de livres. Et voilà que, de nos jours, à l'inondation quotidienne des auteurs contemporains s'ajoute la non moins quotidienne réapparition, sous toute forme, des ouvrages d'autrefois. Le chiffre en est incalculable aussi, de ceux-là; car on peut dire de la littérature ce qu'un moraliste a dit de l'humanité, qu'elle comprend plus de morts que de vivants. Parmi ces revenants du livre, nous avouons notre faible pour les souvenirs des grandes guerres impériales, écrits par les acteurs eux-mêmes de l'Épopée, et, dans cet ordre, nous nous voyons servis à souhait, par cette publication des documents militaires du lieutenant général de Campredon. Les états de service de cet officier sont simplement admirables. La Défense de Dantzig en 1813 est une des plus nobles pages de cette fin du triomphe napoléonien, où le génie d'un homme unique dans l'histoire et l'enthousiaste énergie de ses braves eurent des éclats plus beaux encore, s'il est possible, que les rayons euxmêmes du soleil d'Austerlitz. Le héros dont l'illustre nom se lie à l'histoire de cette défense et la contient presque, n'est pas moins que ce général comte Rapp, une des grandes figures de la grande armée. Un trait émouvant est évoqué par le nom de ce fier et bon soldat. Lorsque parvint à Paris la nouvelle de la mort de Napoléon, dans l'hiver de 1821, Rapp la reçut, cette nouvelle,

sous les yeux, en la présence même de Louis XVIII, et malgré ses efforts pour se contenir, il fondit en larmes. La réponse du roi, dans cette occasion, lui fit plus d'honneur que l'exécution du maréchal Ney. Nous avons lu jadis un recueil de Mémoires attribués à Rapp. Napoléon nous y est rendu, pour la millième fois, dans les souvenirs d'un de ceux qui l'ont approché de plus près et que l'empereur a le plus aimés. Ces mémoires ne sont pas de la littérature; mais c'est de l'assez bonne matière première pour l'histoire. Après le désastre de 1812, le 10 corps de la grande armée opéra sa retraite de la Dwina sur Dantzig, ancienne et pittoresque ville de la province de Prusse, point stratégique et centre commercial déjà renommé il y a douze siècles, et disputé souvent entre les Danois, les Suédois et l'ordre Teutonique. Menacé par la marche des Russes,

Dantzig fut confié par Napoléon au général Rapp, dont l'empereur connaissait les talents, l'influence sur les troupes et le dévouement au drapeau. L'ouvrage du général de Campredon, l'un des héros de cette défense (« J'ai fort à me louer du général de Campredon », écrit Rapp à l'empereur), comprend cinq parties: avant le blocus; le blocus; l'armistice; le siège; la capitulation. Il ne fallut pas moins d'une année à l'ennemi vainqueur et ravitaillé pour venir à bout de la forteresse conquise et perdue par nous en moins de sept années. Cette défense est un des beaux épisodes de l'histoire militaire du siècle; mais à notre honneur seulement... car il débute par la défection, on peut dire par la trahison du général d'Yorck, chef du corps d'armée prussien, et s'achève par le manquement des Russes aux clauses les plus nettes de la capitulation. L. D.

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Iconographie bretonne, ou liste de portraits dessinés, gravés ou lithographiés de personnages nés en Bretagne ou appartenant à l'histoire de cette province, par le marquis DE GRANGES DE SURGÈRES, correspondant de la Société nationale des antiquaires de France. Tome deuxième et dernier. Rennes, J. Plihon et L. Hervé, et Paris, Alphonse Picard; 1889. Grand in-8° de vIII-376 pages, tiré à 400 exemplaires numérotés, dont 50 sur papier de Hollande. Prix: 20 francs et 40 francs.

Lors de la publication du premier volume, nous avons, l'an passé, parlé déjà de ce très intéressant ouvrage. Le voici terminé et son second tome confirme pleinement les impressions favorables que nous avaient suggérées le premier. M. le marquis de Surgères, dont la compétence en matière d'histoire de l'art et d'iconographic est attestée par diverses publications de grande valeur (telles que, par exemple, les Portraits de La Rochefoucauld, 1882, — les Portraits de Cha

rette, 1886, les Françaises du XVIIIe siècle, 1887, etc.), n'a rien négligé pour faire d'un simple catalogue de portraits, d'ailleurs fort luxueusement édité, une œuvre attrayante autant qu'instructive et utile. Souvent nous avons exprimé ici cette idée que la biographie propre. ment dite est inséparable de toute bibliographie sérieuse; cette opinion, dont de récents travaux ont démontré la justesse, est partagée par M. de Surgères qui en a étendu l'application à l'étude iconographique. Il faut constater, en effet, que s'il n'a point donné à son livre le sous-titre de Biographie bretonne, on ne peut méconnaître que cet excellent travail constitue le plus complet et le plus récent supplément à toutes les biographies générales de cette province.

L'Iconographie bretonne, fruit de plusieurs années de recherches patientes et assidues, est un bon livre, un livre consciencieux, un livre de bonne foi dans toute l'acception de ce terme; car tous les portraits qu'a décrits l'auteur, il les à vus, toutes les notices qu'il a rédigées, il les a

composées, non pas, comme on le fait trop souvent aujourd'hui, en s'inspirant des ouvrages déjà publiés, mais en remontant directement et scrupuleusement aux sources originales. Grâce au nombre et à l'importance de ces notices biographiques, inédites pour la plupart, ce livre ne s'adresse pas seulement aux amateurs de gravures, il intéresse aussi au plus haut point les curieux et les travailleurs de tout ordre.

Mieux qu'une longue description, les quelques chiffres qui suivent permettront de comprendre la valeur et d'apprécier l'utilité du bel ouvrage de M. de Surgères. On y trouve près de 1,200 noms de personnages nés en Bretagne ou appartenant à l'histoire de cette province, dont les portraits sont décrits et qui sont en même temps l'objet d'une notice biographique, sobre, concise, mais pleine de faits et d'indications toujours soigneusement contrôlés. On y trouve aussi la description d'environ 5,500 portraits; on y rencontre encore plus de 5,000 dates citées, 2,000 sources indiquées, près de 3,500 noms de lieux, un nombre presque égal de personnages divers, et près de 1,000 mesures de portraits « relevées exactement au millimètre ». Enfin la table des noms d'artistes, qui termine l'ouvrage, contient ellemême près de 2,000 noms, dont quelques-uns, très célèbres, sont répétés plus de cinquante fois dans le courant du livre.

Après des chiffres si « éloquents », suivant l'expression en vogue, il semble superflu d'insister sur l'attrait et les mérites de l'Iconographie bretonne; il est cependant un point qu'il convient de faire ressortir : ce ne sont point seulement de grands personnages princes ou grands seigneurs, prélats éminents ou guerriers célèbres, magistrats distingués ou brillants écrivains de tout ordre, belles dames ou saintes filles que M. de Surgères s'est attaché à réunir dans le cadre de son étude; il n'en a voulu exclure personne, il a voulu être complet autant qu'on peut le souhaiter en pareille matière, et les personnalités les plus humbles et les plus ignorées y ont été comprises et ont pris place au milieu des illustrations les plus connues.

Qui s'attendrait, par exemple, à rencontrer immédiatement après un glorieux soldat, tel que le maréchal de France Castelnau-Mauvissière, le nom d'un simple boucher, Jean Causeur, qui n'eut d'autre titre à la célébrité qu'une longévité peu ordinaire, et qui, né vers les derniers jours. du règne de Louis XIII, vécut assez pour voir l'aurore de celui de Louis XVI? Certes, cent trente années de vie obscure ne sont pas un grand titre de gloire; c'est toutefois un genre de célé

brité assez enviable et qui n'est pas à la portée de tout le monde.

Si le temps et l'espace le permettaient, il serait facile de glaner dans l'Iconographie bretonne maintes particularités curieuses ou piquantes; mais ce n'est point ici le lieu de se livrer à cette agréable enquête, et il vaut mieux laisser au lecteur le plaisir de faire lui-même de fort attrayantes découvertes, ne fût-ce, par exemple, qu'à l'article Boulanger (Georges-Ernest-Jean-Marie), le général fameux qui fait si grand bruit actuellement. Les amis du « brav' général » y apprendront avec joie que, depuis 1884 jusqu'à ce jour, on ne compte pas moins de trente-neuf portraits du héros, et dans ce chiffre ne sont comprises ni les photographies, ni les caricatures!

En résumé, l'œuvre de M. le marquis Granges de Surgères est excellente à tous égards, et on ne peut que regretter qu'elle soit tirée à trop peu d'exemplaires, eu égard au nombre de curieux, de gens de goût, de collectionneurs et d'érudits qu'elle intéresse également, quoique à des titres divers.

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Nous n'avons point à nous étendre longuement sur cette admirable publication, dont nous parlons pour la troisième fois et qui se poursuit avec une régularité du plus heureux augure. Bornons-nous, en confirmant tout le bien que nous en avons dit et qu'elle mérite à tous points de vue, à faire connaître son état actuel.

Les cinq premiers fascicules, formant les deux premiers tomes de l'ouvrage, renferment les lettres A à Ber et comprennent 1,858 articles; le sixième fascicule, qui vient de paraître, n'en contient pas loin de 400, soit en tout environ 2,200 articles. Si l'on considère que nous voici parvenus au huitième de l'œuvre, on voit que ce précieux répertoire ne renfermera guère moins. de 18,000 articles relatifs à autant de personnages originaires de Bretagne ou se rattachant à l'histoire de cette glorieuse province. Ce sera, assurément, le plus beau des travaux bio-bibliographiques entrepris en notre temps.

On est vraiment émerveillé, en parcourant les pages de cet inestimable inventaire, de la somme de labeur qu'il représente, et l'on peut se demander si un seul travailleur, fût-ce l'infatigable M. René Kerviler, même avec le concours de

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