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laborieux érudits, tels que les Surgères, les Plihon, les Somnervogel et vingt autres, pourra mener bonne fin une œuvre de cette importance. Nous sommes heureux de pouvoir fixer les lecteurs à ce sujet. Il est bon de leur dire que, dès maintenant, tous les éléments de l'entreprise sont réunis et que l'auteur a pris ses mesures pour arriver, en temps voulu, au résultat définitif. Ce qui n'est point inutile de répéter encore, c'est que l'on ne saurait trop se hâter de souscrire à tout l'ouvrage.

Chaque fascicule est actuellement coté au prix de cinq francs, prix bien modique eu égard aux frais considérables qu'entraîne une publication de cette nature; mais ce prix ne tardera pas à être porté à huit francs; ce qui, sur l'ensemble de la publication, représente une majoration suffisante pour stimuler le zèle des retardataires.

Que nos lecteurs nous excusent de traiter, par exception, la question pécuniaire dans une Revue où l'on ne s'occupe du livre que pour en apprécier l'intérêt ou le charme; mais cette question est ici de quelque importance, bien qu'après tout un bon ouvrage ne soit jamais trop cher; et, à ce titre, la Bio-bibliographie bretonne est du nombre des œuvres qu'on n'a point à craindre d'avoir trop payées.

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Nunc exegi monumentum, aurait pu dire sans présomption M. Otto Lorenz en signant le bon à tirer de la dernière feuille de ce volume. C'est bien, en effet, un monument véritable qu'il a construit pièce à pièce, et son œuvre, qui a rendu et qui ne cessera de rendre d'inappréciables services, restera comme un des plus notables exemples de ce que peut l'amour ardent de la bibliographie, secondé par une volonté tenace et par un infatigable labeur.

Nous avons, à deux reprises, fait connaître dans cette Revue (années 1887 et 1888) le plan excellent et l'exécution remarquable de ce précieux ouvrage; nous en avons fait ressortir les nombreux mérites et l'utilité considérable; nous ne nous répéterons donc point aujourd'hui, si ce n'est pour redoubler de justes éloges et pour rappeler brièvement ce qu'est, dans son ensemble, l'œuvre magnifique de M. Otto Lorenz.

Le Catalogue général de la librairie française,

dans ses onze volumes (huit pour la biobibliographie, trois pour les tables), embrasse toute la production littéraire et scientifique, sous toutes les formes, de notre pays, depuis 1840 jusqu'en 1885 inclusivement. Autrement dit, c'est le répertoire complet de notre histoire littéraire et scientifique pendant près d'un demi-siècle, pendant la période la plus féconde et dans laquelle l'esprit français s'est manifesté avec le plus d'abondance et de variété. C'est aussi la continuation (mais combien supérieure!) des travaux des Quérard, des Louandre et des Bourquelot qui avaient, en dix-huit volumes (la France littéraire et la Littérature contemporaine), entrepris d'inventorier les productions du génie français depuis le commencement du XVIe siècle jusque vers le milieu du nôtre.

Grâce à M. Otto Lorenz, la tâche entreprise par ces consciencieux bibliographes n'est point, comme on pouvait le craindre, demeurée ininterrompue. C'est au mois de juillet 1861 qu'il conçut l'idée de recueillir leur laborieux héritage, et, pendant plus de vingt-sept années, il a consacré à cette belle œuvre le meilleur de son temps en lui subordonnant toute son existence. On ne peut songer, sans une sorte d'effroi, à la somme de travail que représente un tel travail, et l'on ne saurait évaluer, même approximativement, le chiffre des bulletins et fiches qu'il a dû rédiger de sa main par centaines de milliers.

On comprend que, parvenu au terme de la tâche qu'il s'est donnée et qu'il a su mener à si bonne fin, M. Otto Lorenz éprouve le besoin. sinon le désir du repos. C'est ce qu'il fait entendre dans le court avant propos de son dernier tome, sous ce mélancolique intitulé : P. P. C. « Je termine cet ouvrage, dit-il, et en même temps ma carrière de bibliographe. » Hélas! c'est grand dommage pour nous, car on peut craindre qu'il n'ait pas, comme les Quérard et les Louandre, l'heureuse chance de trouver un continuateur. Et s'il s'en présente un, sera-t-il aussi courageux et capable, aussi tenace, aussi dévoué à l'œuvre, et surtout aussi modeste et désintéressé que le fut et l'est toujours l'excellent auteur de cette incomparable production?

En attendant qu'il s'en trouve un, s'il en vient, ne peut-on espérer que M. Otto Lorenz, dont la belle activité ne s'est jamais ralentie, voudra bien comprendre un demi-siècle complet dans. son colossal ouvrage, et nous donner deux volumes encore embrassant le quinquennat (curieux à tant de points de vue!) qui s'étend entre 1886 et 1890? C'est le vœu que se permet d'exprimer un de ses plus humbles disciples et de ses plus reconnaissants admirateurs.

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Voici deux minces plaquettes qui ne peuvent manquer d'être bien accueillies par les collectionneurs et les curieux; mais il faut se hâter de les acquérir, car elles ne tarderont guère à devenir introuvables.

Dans la première, le savant M. Maurice Tourneux, qui nous prépare une merveilleuse Bibliographie de la Révolution française à Paris, raconte l'histoire du plus important ouvrage illustré de la période révolutionnaire. Les Tableaux historiques de la Révolution française tiennent, en effet, la première place parmi les publications de cette époque, tant par le nombre et la dimension des planches que par le nom et la valeur de ceux qui y ont collaboré, ou par le talent des écrivains qui les ont commentées. Ce célèbre ouvrage, qui compta quatre éditions successives, eut, suivant les circonstances, à subir maintes mutilations et force remaniements, et ces transformations ont été un piquant sujet d'étude pour l'érudit et spirituel bibliographe qui a débrouillé tout ce chaos.

Le titre de la seconde brochure en indique, du reste, l'objet; c'est une étude, qui n'est pas sans intérêt, sur l'iconographie de Danton; son principal attrait est de faire connaître un très beau portrait, jusqu'à présent ignoré, du fameux conventionnel, portrait datant de 1787 et finement reproduit par M. Tinayre, d'après « un camaïeu d'Hipolite» (sic).

PHIL. MIN.

Bibliographie générale des Gaules, par CH.-E. RUELLE. Libraire de la Société bibliographique.

Un journal disait dernièrement que, dans un petit nombre d'années, toute la somme des connaissances du passé serait nécessairement condensée dans un certain nombre de courts précis, secs et arides, ne contenant que des faits et des dates. Encore, pour arriver à quelque chose de pratique, faudra-t-il faire un choix sévère entre ces faits et ces dates.

L'esprit est, en effet, confondu devant l'amas des productions contemporaines venant s'ajouter

aux productions du passé, et augmentant chaque jour d'une vingtaine de volumes au moins la montagne des imprimés (sans parler des manuscrits inédits) qu'a produits, depuis quatre cents ans, l'invention de Gutenberg. On se prendrait à la maudire si des savants, courageux et désintéressés, ne nous apportaient pas quelques fils pour nous guider dans ce dédale. Encore les bibliographies elles-mêmes sont-elles légion, et M. Vallée, en publiant sa Bibliographie des bibliographies, est arrivé à un gros volume in-4° avec supplément.

Mais revenons à M. Ruelle et reprenons les mots de courage et de désintéressement que nous prononcions tout à l'heure. Du courage, certes il en faut. Ce ne sont point quelques mois, quelques années, c'est une vie entière qu'absorbent de pareils travaux. Tâche ingrate, car la gloire n'est pas au bout, et le profit encore moins. Mais le véritable savant trouve sa récompense dans la reconnaissance et l'estime de ceux qui savent apprécier le service rendu. Ces connaisseurs ne forment point une multitude, mais on peut dire ici que la qualité vaut la quantité. C'est un salon de bonne compagnie. M. Ruelle y trouvera des suffrages flatteurs et l'assurance qu'il a bien mérité de la science... et de la patrie, car ici c'est d'elle qu'il s'agit.

Notre pays est le plus riche du monde en souvenirs historiques. Sans hyperbole, on peut dire qu'il en contient à lui seul autant que le reste de l'Univers. Rome elle-même et son empire revivent mieux dans nos ruines de Gaule que dans celles de leur péninsule. Il fallait donc se borner dans un champ aussi vaste et, prenant les choses aux origines, gardant ainsi pour soi la besogne la plus ardue, M. Ruelle a limité son travail à la fin du v siècle. L'époque gallo-romaine est donc comprise dans son entier.

Bien entendu, tous les ouvrages publiés jusqu'en 1870 inclusivement sont contenus dans cette bibliographie, mais seulement ceux traitant de sujets antérieurs au vi° siècle. C'est l'alpha de notre histoire, la racine de la science.

Il nous est difficile d'indiquer complètement, sans entrer dans de trop longs détails, quel est l'ordre suivi. Les ouvrages sont d'abord classés par régions et inscrits par ordre alphabétique du nom d'auteur : cette seconde partie est un peu plus complète que la première; le nom de l'éditeur y est mentionné. Enfin, une table des matières, indiquant par exemple toutes les pages où il est question des amphithéâtres, complète un système qui rendra toutes les recherches faciles.

Nous répétant encore, nous disions que ces ouvrages n'entrent pas d'ordinaire dans la faveur

du grand public. Ici, cependant, il s'agit de la France, de la patrie chère à tous. Ceux qui l'aiment ne se comptent pas, et ceux qui en étudient

l'histoire sont innombrables pour leurs biblio thèques, la possession de ce livre est une nécessité et un devoir.

BEAUX-ARTS

Manuel d'Archéologie orientale (Chaldée, Assyrie, Perse, Syrie, Judée, Phénicie, Carthage), par ERNEST BABELON, bibliothécaire au département des médailles et antiques de la Bibliothèque nationale, Paris, maison Quantin. - Prix, broché: 3 fr. 50; cartonné, 4 fr. 5o.

Le domaine qu'embrasse le volume s'étend à toutes les civilisations de l'Orient antique, moins l'Égypte. Il expose l'histoire de l'art chez les Chaldéens, les Assyriens, les Perses avant Alexandre, les Héthéens de la Syrie et de la Cappadoce, les Juifs, les Phéniciens, les Carthaginois. Dans l'ancien monde oriental, il ne se manifeste réellement que deux courants artistiques: celui qui prend naissance en Egypte et celui qui vient de l'Assyrie. Le premier, M. Maspéro l'a étudié et particulièrement mis en lumière dans un des derniers volumes publiés dans la Bibliothèque de l'Enseignement des Beaux-Arts; le second fait l'objet du présent volume et vient se placer à côté de l'œuvre de M. Maspéro. Laissant de côté l'Égypte, M. Babelon étudie exclusivement le courant asiatique; il le prend à son berceau, à Babylone, le suit à Ninive et nous fait assister à ses progrès et à ses transformations pendant toute la durée de la monarchie chaldéo-assyrienne. Bientôt le courant déborde et franchit de tous les côtés les limites du bassin du Tigre et de l'Euphrate d'une part en Perse, il envahit les palais de Suse et de Persépolis où M. Babelon nous fait pénétrer à la suite de M. et Mme Dieulafoy dont il expose les brillantes découvertes; d'autre part, il se répand sur les populations araméennes de la Syrie, à Jérusalem et jusqu'au cœur de l'Asie Mineure. La description du temple de Jérusalem, détruit par Nabuchodonosor, reconstruit par Hérode, forme un intéressant chapitre où nous touchons du doigt, pour ainsi dire, le mélange et la pénétration réciproque de l'art égyptien et de l'art assyrien. Les monuments d'architecture ou de sculpture que nous ont laissés les Phéniciens et les Carthaginois nous révèlent de même un art hybride. C'est ce que l'on observe avec M. Babelon, non pas seulement dans

les monuments de la côte de Syrie où dominaient Tyr et Sidon, mais à Cypre, à Carthage, à Gadès en Espagne, et partout où les hardis navigateurs phéniciens avaient établi leurs comptoirs.

C'est donc avec un intérêt toujours grandissant qu'on suivra l'auteur de ce livre nous montrant l'art asiatique sous toutes ses formes: architecture, sculpture, peinture, céramique, bijouterie, glyptique, non seulement en Chaldée et en Assyrie, son pays d'origine où il s'épanouit à son aise, mais dans ses multiples ramifications chez les nations voisines où il se heurte à son rival et subit des interprétations étrangères jusqu'au jour où la Grèce recueille le flambeau des arts de la main défaillante de l'Orient.

Deux cent trente-cinq dessins, la plupart exécutés par un artiste d'un mérite éprouvé, M.Wallet, éclairent le texte de M. Babelon et contribuent à faire du présent volume un des plus achevés de la Bibliothèque de l'Enseignement des BeauxArts.

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La Bibliothèque de l'Enseignement des BeauxArts continue ses succès, sous l'active direction de M. Jules Comte. Le nouveau volume qui vient de paraître, la Sculpture antique, par M. P. Paris, embrasse la sculpture de l'Égypte et de l'Orient asiatique, de la Grèce et de l'Italie. C'est une étude des monuments les plus instructifs, les plus curieux ou les plus beaux qui nous sont parvenus; les œuvres que leur valeur scientifique ou artistique désignent avant toutes les autres à l'attention des archéologues ou à l'admiration des gens de goût sont classées, décrites et appréciées avec une sobre précision. Comme ce n'est point là un livre d'érudition, mais de vulgarisation, peu de place est faite aux

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Aux États-Unis. Notes de voyage, par F. FRÉDÉRIC MOREAU, avec un croquis de l'auteur. Un vol. in-18. Paris, E. Plon, Nourrit et Cie, 1888.

Le croquis de l'auteur sert de frontispice. Si c'est, comme il semble, un résumé plastique des impressions laissées par le voyage, ces impres sions sont singulièrement banales, vagues et de contours indécis. Le livre n'en est pas moins d'un véritable intérêt de lecture. Il ne faudrait pas, il est vrai, lui demander autre chose que ce qu'il promet. C'est le récit vif et rapide d'excursions, tantôt semblables à tout ce qu'on connaît, tantôt relevées d'imprévu et de curieux, à New York, à Boston, à Montréal, à Québec, à Chicago, à Santa-Fé, à San-Francisco, à Washington, chez les Mormons, et ailleurs. Le côté pratique des voyages, détails de chemins de fer, d'hôtel, d'omnibus, etc., est traité avec une franchise et une rondeur que j'apprécie tout particulièrement. A ce point de vue, le livre rendra bien des services aux voyageurs qui le consulteront.

B.-H. G.

Les deux missions Flatters, par HENRI BROSSELARD, ouvrage illustré de 50 gravures. Paris, Jouvet et Ci, 1889. Un vol. in-16. Prix : 2 fr. 25.

L'on se rappelle le tragique dénouement de cette mission Flatters dont, en 1881, tous les membres furent victimes de la perfidie et de la barbarie des Touareggs, et qui enrichit si douloureusement le martyrologe des explorateurs africains. Noms glorieux désormais que ceux du colonel Flatters et de ses compagnons, le capitaine Masson, le lieutenant de Dianous, les maréchaux de logis Dennery et Pobeguin, de MM. Beringer, Roche, Dr Guiard, Santin! mais qui réveilleront dans la mémoire de bien douloureux souvenirs. C'est à ces savants, à ces braves, que le capitaine Henri Brosselard vient d'élever un monument durable en faisant le récit fidèle de leur généreuse entreprise. M. Brosselard avait fait partie de la première mission (7 février3 juin 1881) qui comprenait également MM. Roche, Guiard et Beringer. Ce sont ainsi, en grande partie, des souvenirs personnels sur les personnes et sur les choses que nous donne l'auteur de ce livre, qui est poignant dans sa simplicité. Le but des deux expéditions était « de rechercher et d'étudier un tracé de chemin de fer qui devait partir de notre territoire algérien, et en particulier de Ouargla, son extrême station au sud, pour aller aboutir dans le Soudan, entre le Niger et le lac Tchad », en un mot, c'était d'ouvrir une voie commerciale entre l'Algérie et Tombouctou. Lieutenant-colonel du 72° de ligne, M. Flatters, par son énergie, sa connaissance de la langue et des mœurs arabes, était plus que personne apte

à remplir cette belle et périlleuse mission. La première expédition fut couronnée d'un plein succès: la reconnaissance du gassi de Molchanza et du cours de l'Oued-Igharghar, dont le sol uni, à fond rocheux, permettrait l'établissement d'une voie ferrée, sans aucuns travaux d'art préalable. Mais il s'agissait ensuite de pénétrer plus avant vers le sud, de reconnaître le pays. Ce fut là l'objet de la seconde mission (4 décembre 188128 avril 1882). Le colonel Flatters et les siens parviennent jusqu'au puits de Biv-el-Gharama, où ils campèrent le 16 février. C'est là que, trahis par leurs guides indigènes, qui les avaient emmenés assez loin du reste de leurs compagnons, Flatters, Masson, Beringer, Roche et Guiard, entourés subitement par trois ou quatre cents Touaregs, furent massacrés, les trois derniers par les guides eux-mêmes, le colonel Flatters et le capitaine Masson par l'ennemi auquel ils tuèrent six hommes avant de tomber. Le maréchal des logis Dennery, attiré par le bruit de la fusillade, périt également. Le lieutenant Dianous, qui commande maintenant au survivant, ordonne la retraite, harcelé toujours par les Touaregs; mais il est frappé mortellement et M. Santin disparaît dans un combat livré à dix kilomètres d'Amguid. Le maréchal des logis Pobeguin dirige seul alors la retraite et est massacré par ses propres troupes, réduites à des tirailleurs indigènes. Telle fut la fin de cette expédition des Français qui la composaient pas un seul ne revint à Ouargla, où aujourd'hui un petit monument commémoratif est élevé à leur mémoire. Indépendamment du récit détaillé de ces deux missions, le livre du capitaine Brosselard contient des pages intéressantes sur les résultats obtenus par les explorateurs, et sur l'avenir du projet qu'ils étaient chargés de préparer.

E. A.

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Il faut s'habituer au style de M. James Darmesteter; les premières pages de son livre étonnent et causent de la fatigue; mais l'habitude vient vite et vite on commence de goûter, au contraire, ces phrases au tour rapide et sans verbe parfois, ces façons d'exprimer, de traduire, avec une grande négligence apparemment, pensées et réflexions, sensations et sentiments les sentiments en semblent d'autant plus sincères, et les pensées, souvent profondes, jamais banales, en acquièrent d'autant plus de relief.

Car M. J. Darmesteter, qui est un philologue de grand savoir, est doué en même temps des

qualités qui font les poètes et les coloristes les plus distingués, et il est en même temps encore un observateur exercé et un penseur.

Chargé d'une mission par le ministère de l'instruction publique, M. Darmesteter est resté dans l'Inde de la fin de février 1886 aux premiers jours de février 1887. Sur ces douze mois, ou tout près, il en a passé trois à Bombay, sept dans les districts afghans ou semi-afghans de Péchawer et de Hazara, et les dernières semaines, il les a employés à parcourir les pays de Péchawer à Bombay et Calcutta. Sur les quatorze lettres qui composent son volume, deux, la première et la dernière, ont trait à l'Inde et aux Indiens, lea douze autres aux Afghans.

Dans toutes, des descriptions, mais elles sont peu nombreuses, et rapidement brossées ou même simplement esquissées d'un trait; c'est pour rendre l'impression ou figurer un cadre. L'homme, voilà qui intéresse l'auteur, l'homme avec les diverses manifestations de son activité, avec la littérature, la poésie, qui conservent le souvenir des grands événements, victoires et défaites, qui évoquent, rappellent des passions, des vengeances.

Trente pages de préface, puis la première lettre : deux études de ton différent et qui se complètent; M. Darmesteter juge et fait connaître l'état politique, moral et religieux des populations soumises à l'Angleterre. Et les fins jugements qu'il porte! Il est sceptique? Mais sans doute il n'admet pas qu'il puisse être une forme de gouvernement capable de convenir à quelque peuple que ce soit ; il est pessimiste? Assurément, n'admettant pas davantage que l'homme soit parfait sortant des mains de la nature, nous tenons, nous, à mérite et son scepticisme et son pessimisme. Il dit bien ce qu'ont fait et n'ont pas fait les Anglais pour les Indiens; il dit bien ce que pourraient et ne pourraient pas faire les Russes. Il parle des Asiatiques; combien de réflexions il émet à leur endroit que pourraient s'appliquer nombre d'Européens! La vie nationale ne fait pas défaut, mais l'esprit de gouvernement?

Dans les douze lettres suivantes, des études d'autant plus curieuses, celles-là, qu'elles ont pour objet, voulu ou non, la vie intellectuelle et morale de populations à peu près inconnues. Le lettré s'est fait réciter des poèmes, il les a recueillis, il nous en traduit quelques-uns; le psychologue a pénétré des consciences, pesé la valeur qu'ont pour les montagnards de l'Afghanistan les mots : honneur, respect, justice; il fait pour ainsi dire penser et sentir devant nous ceux des Afghans de qui il a réussi à gagner la confiance. Une peinture de Péchawer et des pages

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