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Individualité et personnalité ne sont pas termes qui se puissent donner, suivant nous, pour substituts l'un de l'autre. Nous postulons le libre arbitre; nous dirions volontiers: quelle volonté, telle personne; ce qui fait l'individualité nous apparaît comme étant, pour l'effort, un`ensemble de conditions ordonnées, subordonnées, et, sur ces conditions, la « personne » n'est pas sans exercer quelque action. Nous ne nions pas des variations nécessaires de l'individualité, nous admettons des variations contingentes et voulues.

Les auteurs du livre sont des physiologistes qui ne relèvent en rien de l'école de Maine de Biran, ils disent: personnalité, et ne regardent qu'à l'organisme, qu'au système nerveux, qu'aux sen

sations localisées ici ou là; ne discutons pas leur terminologie, entendons-la.

Dans la première moitié du volume, ils relatent leurs observations personnelles; le sujet de leurs études, V... Louis, tout comme Félida de qui a longuement parlé M. Ribot, n'est pas constamment le même individu, mettons la même personne. Survienne une crise, il redevient ce qu'il était avant une crise précédente : même caractère, mêmes désirs. Nouvelle crise, et les désirs, le caractère qu'il avait manifestés à une autre époque; qu'on provoque la paralysie du côté droit ou la paralysie du côté gauche, la contracture, et on le fait revivre à volonté sa quinzième ou sa vingtième année.

Dans la seconde moitié, d'autres observations déjà connues, puis des considérations quant aux éléments constitutifs de la personnalité, la discussion des vues de quelques auteurs, enfin un essai d'explication. Y a-t-il une ou deux mémoires? Ils invoquent la synergie dont ils avaient déjà parlé dans un autre ouvrage.

Les observations sont intéressantes.

F. G.

QUESTIONS POLITIQUES ET SOCIALES

La Marine et les Progrès modernes, par A. BOCHER, ancien officier de marine. Un vol. in-16. Paris, 1888. Paul Ollendorff.

En ce volume de petit format, qui ne compte pas plus de 118 pages, dont 32 d'annexes, un ancien officier de marine, M. A. Bocher, a su exposer d'une façon claire pour les profanes, autant

que succincte, l'historique de la marine moderne et son rôle en temps de guerre. On a généralement oublié de quel moment date la marine de combat actuelle. Le fait est intéressant à rappeler. La guerre de Crimée venait d'éclater. L'empereur Napoléon III fit mettre aussitôt sur chantier trois bateaux sur un modèle de son invention. Dans la flotte on en riait, on en avait plus peur encore.

Ces bateaux n'avaient aucune qualité nautique, ils ne pouvaient naviguer qu'à la condition d'être remorqués. Véritables « boîtes à savon »>, ils étaient considérés comme monstrueux par les marins. Mais ils étaient armés de seize pièces de gros calibre et une armure de tôle les rendait impénétrables aux boulets de l'époque. L'amirauté anglaise, sollicitée de s'associer à l'expérience des « batteries flottantes », n'osa refuser, mais montra tant de mauvaise volonté, que les batteries françaises prirent seules part au bombardement de Kinburn où leur action fut décisive. Le résultat fut désastreux pour les Russes et superbe pour les alliés, qui n'eurent que dixsept hommes tués ou blessés. Ce bateau difforme est le point de départ du vaisseau cuirassé d'aujourd'hui.

Quant au rôle de la marine en temps de guerre, M. Bocher cherche à démontrer qu'il serait très inférieur à celui qu'elle jouait autrefois, à raison même des progrès de l'armement et de sa formidable puissance de destruction. Et il communique sa conviction au lecteur. En outre, les marines militaires sont fort loin de répondre à l'opinion que l'on se fait de leur force, d'après le nombre des vaisseaux de guerre. Tout progrès dans l'armement et dans la vitesse, qui assure la supériorité d'un nouveau cuirassé sur ses prédécesseurs, enlève à ceux-ci toute valeur et les fait passer, à peu de chose près, à l'état de ferraille inutile. C'est surtout dans le relèvement de notre marine de commerce, dans le grand nombre de transports-croiseurs, dans la sécurité assurée de nos ports militaires que M. Bocher voit la force de résistance de notre marine de guerre. Mais nous nous arrêtons moins aux solutions proposées par l'auteur qu'à son talent d'exposition. Il suffit de lire son très modeste livre pour être parfaitement au courant de la question.

E. C.

Plaies d'Égypte les Anglais dans la vallée du Nil, par EUGÈNE CHESNEL. Un vol. in-18. Paris. Marpon et Flammarion; 1888.

Aux chapitres vII et suivants de l'Exode, la Bible annonce les « plaies » qui ravageront la terre des Pharaons, c'est-à-dire, par un jeu d'esprit de M. Chesnel, prédit l'occupation de l'Égypte par les Anglais, savoir: Changement des eaux en sang. Cette phrase, écrit l'auteur, vise évidemment le massacre de la garnison d'Alexandrie, la boucherie de Tel-el-Kébir, les hécatombes de soldats égyptiens au Soudan sous l'habile direction de l'état-major anglais. » Ce commentaire de la première des dix plaies suffit à montrer

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l'intention de M. Chesnel; nous n'irons pas plus loin. La neuvième est assez drôle pourtant : les Sauterelles. « Écoutez la voix du peuple, ditil, elle a depuis longtemps classé sous cette désignation les orthoptères écarlates qui sont venus s'engraisser dans la vallée du Nil », à cela près, pourtant, que les sauterelles, ou plutôt les criquets d'Égypte les mêmes que ceux de notre Algérie n'ont rien d'écarlate. Plaies d'Égypte est donc un réquisitoire violent contre l'Angleterre, trop violent même, car l'accent du livre donne à ce travail une allure de pamphlet qui met en méfiance le lecteur de sang-froid. Et puis, sommes-nous vraiment bienvenus à récriminer contre l'Angleterre, nous qui lui avons si bonnement abandonné le pays en prenant le contre-pied de notre politique séculaire, et qui avons joué en toute cette affaire le rôle vraiment peu glorieux de Raton à la fois et de PoncePilate? D'autre part, l'anglophobie de M. Chesnel imprime à son livre un mouvement passionné qui en rend la lecture facile et rajeunit la description des lieux et des choses. Je citerai en particulier le joli morceau (p. 117 et seq.) qui commence par ces mots : « Anes d'Égypte, ânes chéris, ânes gracieux, soumis et agiles, laissezmoi vous payer quelques lignes de souvenir... >>

E. C.

Précis d'économie politique, par PAUL LEROYBEAULIEU, membre de l'Institut, professeur d'économie politique au Collège de France. Un vol. in-16. Paris, Ch. Delagrave; 1888.

Préparant un ouvrage assez étendu, M. Paul Leroy-Beaulieu n'était guère disposé à accueillir la demande, qui lui était faite, de donner un court exposé des principes de l'économie politique; il a longtemps hésité, mais ne liront son traité en préparation, il le sait, que ceux-là qui, disciples ou adversaires, suivent ou aimeraient de suivre son cours du Collège de France, et il lui a paru bon, il le dit précisément, à un moment où se produit un tel débordement d'erreurs, de préjugés, de niaiseries même, de contribuer, pour sa part, à éclairer le grand public.

<< Puisqu'on a mis l'économie politique dans le programme des écoles, puisque plusieurs centaines de mille personnes en France, dans les assemblées, soit nationales, soit locales, dans les administrations diverses, prennent ou exécutent des décisions qui, suivant qu'elles sont bien ou mal inspirées, peuvent aider au progrès social ou l'entraver, ce n'est pas une tâche à mépriser que celle de mettre à la portée du plus grand nombre possible d'hommes les principes d'une science aussi essentielle et aussi généralement ignorée. »

Les divisions du Précis étaient tout indiquées; quatre parties: La production des richesses, leur répartition, leur circulation, leur consommation. Et l'auteur a complété son exposé en ajoutant trois chapitres sous ce titre général : l'État et les finances publiques, puis quelques pages de conclusion.

Ce qu'on peut reprocher à la foule dans les villes de notre Europe occidentale, ce n'est pas de mépriser la logique, elle n'est que trop logicienne; elle se plaît aux raisonnements, mais elle abstrait trop volontiers et elle généralise trop rapidement, mais elle se contente de dénombrements imparfaits et ne fait pas la part de l'accident! Comme la science lui est devenue une véritable religion, elle prise fort l'intelligence, mais l'intelligence qui acquiert des « connaissances »; tournure d'esprit, finesse d'esprit, indépendance de l'esprit, expressions qui ne sauraient rien lui dire, et qui, au reste, ne correspondent à rien de ce qu'elle pourrait reconnaître en ellemême si elle cherchait à s'analyser. Pour la volonté, qui fait surtout le caractère, la personne, elle ne devine ce que ce peut bien être. Elle connaît des passions, non pour soupçonner celles dont elle subit l'empire, mais pour en prêter de nombreuses, et les pires, à ceux qu'elle tient pour des adversaires, des ennemis, et elle se refuse néanmoins à tenir compte des passions humaines s'il s'agit de tracer un plan d'organisation politique et sociale. Or, des livres tels que ce précis seraient pour lui permettre de devenir autre qu'elle

n'est.

En ce précis les lois logiquement induites, et, précédant l'énoncé de ces lois, des considérations toutes capables de faire réfléchir. L'on sait le sens étrangement étroit donné par certaines écoles au mot : <«< travailleurs », et M. LeroyBeaulieu, abordant la question des agents de la production, de jeter incidemment cette phrase: « Le dédain du travail intellectuel semble avoir remplacé aujourd'hui, dans une classe de la population, le dédain que professait autrefois une autre classe pour le travail manuel. D'après cette nouvelle superstition, l'ouvrier qui ferait un violon serait producteur, et l'artiste qui jouerait de ce violon ne le serait pas; celui qui imprimerait un livre serait producteur, et l'auteur qui l'aurait écrite ne le serait pas. » Or, « deux sortes de travaux intellectuels surtout sont éminemment productifs; c'est d'abord le travail de découverte ou d'invention; c'est ensuite le travail d'administration ou de direction. » (Liv. I, ch. 1, p. 28.) Il peut y

avoir surabondance de rouages et des abus quant à cette seconde sorte de travaux intellectuels, mais les exploiteurs ne sont pas toujours ceux qu'on qualifie de ce nom. « Le commerce n'est productif que dans certaines conditions et dans une certaine mesure. On peut développer à l'excès le nombre des commerçants, de sorte que les rouages, devenus excessifs, peuvent gaspiller le temps et les efforts humains. Il n'est pas nécessaire de trouver tous les vingt mètres un boulanger, un boucher, un épicier, un débitant avec une spacieuse boutique, très ornementée. Il arrive que la concurrence excessive des petits commerçants, avec les frais généraux dont ils se grèvent, l'étroitesse de la clientèle de chacun, peut faire renchérir les objets, au lieu d'en diminuer le prix: ce qui se manifeste pour le pain et la viande à Paris. De même encore, ce nombre excessif de petits commerçants et d'intermédiaires peut développer les falsifications. C'est une considération qu'il ne faut pas oublier dans les querelles et les plaintes des boutiquiers contre les magasins ou les sociétés coopératives; ces deux dernières organisations interviennent légitimement pour empêcher le commerce de détail de devenir parasitaire.» (Même chapitre, p. 33.) On déclare la guerre au capital, et, dans le chapitre suivant, cette démonstration de cette vérité, pour nous banale, que le capital est comme l'enfant du travail et de l'épargne. « Dans les pays neufs », comme celui de Port-Breton, en Océanie, « pour que l'homme n'ait pas à déchoir de la civilisation dont jouit actuellement le genre humain, il faut que le capital, non seulement accompagne, mais même devance les émigrants; sinon, les nouveaux arrivants auraient à parcourir eux-mêmes toutes les phases écoulées des sociétés primitives, à subir les épreuves qu'ont dû supporter les premiers hommes dans leur absolu dénuement. » (Chap. vi, P. 54.)

Que de passages nous aimerions à transcrire! Dans ce seul premier livre, il y a ceux qui ont trait aux causes favorisant l'épargne, aux qualités de l'entrepreneur, du fabricant, aux avantages et désavantages de la division du travail, au rôle des machines, mais il faut nous borner. Il serait fort à souhaiter que le livre fût mis aux mains des élèves de nos écoles primaires supérieures. Et peut-être les pères, contre maîtres, simples ouvriers, ouvriraient-ils, quelque soir, ce précis de lecture plus saine assurément que ne l'est tel factum de MM. Malon et Dumay.

F. G.

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Bibliographies. ·

- Ouvrages signalés de l'étranger.

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Sommaire. CHRONIQUE BIBLIOGRAPHIQUE. BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES : Vente..
Catalogues. PUBLICATIONS NOUVELLES (Bibliographie du mois.
Publications annoncées ou en préparation, tant en France qu'en Europe.)
DIVERSES: Miscellanées. A TRAVERS JOURNAUX ET PÉRIODIQUES. NECROLOGIE des hommes de lettres et
de science récemment décédés.

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NOUVELLES LITTÉRAIRES

N

CHRONIQUE BIBLIOGRAPHIQUE

ous entrons dans notre dixième année. C'est peut-être le moment, pour les menues feuilles de cette gazette, sinon de se transformer, du moins de se rajeunir. Les frondaisons des ever-green mêmes ne sont pas persistantes à ce point.

L'homme absurbe est celui qui ne change jamais,

a dit quelqu'un dont les motifs de changement ne furent pas toujours avouables. N'en serait-il pas de même des revues, périodiques et journaux? Le respect m'interdit de parler cela s'entend de ces publications inamovibles et immutables, qui, étant nées à l'âge de cinquante ans ou plus, ne connaissent pas la crainte de vieillir, non plus que le besoin de conserver une jeunesse qu'elles n'eurent jamais. Lorsque mourront ces douairières meurt-on quand on vit ainsi? elles auront le même regard terne, le même visage effacé, la même voix blanche, le même geste sec et ankylosé qu'au jour de leur apparition dans le monde; car elles avaient dès lors cette physionomie spéciale des gens dont le peuple dit qu'ils « ne marquent pas ».

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Pour nous, à qui la coquetterie n'est pas défendue, nous nous défaisons cette année des langes et lisières qui, tout en ayant d'abord maintenu nos membres soutenu notre marche, ne peuvent plus que nuire à notre développement et nous entraver. Nous brisons les cadres rigides où s'entassait l'abondance des documents et des informations. En émondant l'ennuyeux -nous voulons dire l'inutile, nous faisons circuler l'air et, nous l'espérons, la vie. Les sè

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Le mois qui vient de s'écouler est le mois des confiseurs, en librairie comme en politique. Les bûches de Noël, les bonbons, jouets et bibelots d'étrennes s'alignent en rangs serrés à toutes les devantures, et les humbles, comme dit François Coppée, emplissent des files de baraques en bois blanc, où d'autres humbles peuvent acheter pour quatre ou cinq sous de bonbons à l'usage de leurs petits. Les éditeurs ne sauraient faire autrement que les marchands de nouveautés, les confectionneurs de pralines, les débitants d'articles de Paris et les camelots. Tout aux étrennes, et, par les étrennes, le plus possible voilà la de

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BIBL. MOD. - XI.

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vise et le souci. Les auteurs, dessinateurs, graveurs, illustrateurs, relieurs et doreurs emboîtent le pas, comme il convient à ceux qui ont un chef de file; et si l'éditeur gagne beaucoup d'argent, les autres se frottent les mains et, sincèrement, sont ravis.

Notre numéro de décembre consacre de nombreuses colonnes à la revue des livres d'étrennes produits par la librairie française. Nous n'avons point à y revenir. Mais la vie littéraire s'étaitelle, en ces derniers temps, tout entière concentrée là, et n'en trouverait-on pas ailleurs d'autres manifestations?

Sans parler à nouveau des grands ouvrages, des livres où l'homme de lettres et l'artiste se sont associés dans la poursuite du vrai ou du beau, et qui, livres d'étrennes par occasion, donnent un reflet de gloire aux étalages du jour de l'an sans leur emprunter aucun lustre, il est facile de voir que le courant de la vie intellectuelle reste en somme, et en dépit de l'agitation mercantile dont est remuće sa surface, exactement ce qu'il était.

Le théâtre nous en offre quelques témoignages frappants. Au milieu des revues de fin d'année, des féeries et autres exhibitions de jambes, d'aisselles et de maillots, nous venons d'assister à deux aventures purement littéraires, tentées par deux représentants illustres de deux écoles différentes, dont l'une nous apparaît comme surannée, et dont l'autre prétend, à tort ou à raison, inspirer et dominer les lettres au temps présent. Au romantique et au naturaliste les spectateurs des premières ont fait le même sort. La pièce de l'un ne va qu'à force de trucs usés; les personnages y sont des mousquetaires en redingote et en chapeau de soie. Celle de l'autre n'a pas de trucs du tout; les tableaux s'y succèdent sans lien et sans motif; les situations y sont violentes sans qu'on sache pourquoi, et les personnages y parlent un langage curieux par la recherche de sa grossièreté, mais qui ne les éclaire point en dedans et les laisse inexpliqués et inconnus. Tels sont, du moins, les blâmes généraux que formule la critique à l'appui du verdict rigoureux et quelque peu brutal des spectateurs. Nous ne prenons point parti; nous enregistrons.

M. Vacquerie, à qui tout le monde prédisait le succès, et sur qui le Parti national du 25 novembre, entre autres, faisait un article excitant signé Paul Belon, aurait pu, sans doute, maintenir quelque temps à la scène son drame Jalousie. Au lendemain de la chute, chacun s'efforçait de l'atténuer, et de mettre du baume sur les meurtrissures de l'auteur. M. Jules Lemaître prenait la peine, dans son feuilleton des Débats (10 dé

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cembre), d'analyser les éléments du talent dramatique de M. Vacquerie: il les trouvait identiques à ceux du talent de Corneille - pas davantage, et concluait : « Si c'est une mauvaise pièce que Jalousie, c'est donc la plus intéressante mauvaise pièce que j'aie entendue depuis longtemps. »> Tous ces adoucissements n'y ont rien fait, M. Vacquerie n'a pas voulu se prêter à plus de discussion, et il a écrit à M. Victor Koning, le directeur du Gymnase, une lettre également remarquable par la hauteur des sentiments et l'amertume de l'humeur :

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« Je vous demande de ne plus jouer ma pièce. Lorsqu'on a fait autrefois à Tragaldabas et aux Funérailles de l'honneur l'accueil qu'on a fait hier soir à Jalousie, j'étais jeune et je prenais ces choses avec insouciance et gaieté. Aujourd'hui, j'entends autrement ma dignité et il ne me convient pas de livrer aux ricanements une œuvre que j'ai méditée plus de temps qu'on n'en a mis à la juger.

« Vous m'obligerez donc en retirant immédiatement Jalousie de l'affiche. »>

M. de Goncourt prend avec plus d'æquanimité, plus de dédain apparent, l'accueil fait à Germinie Lacerteux, le soir de la première. Sa gloire et celle de son frère, dit-il, sont faites d'insuccès. Tout en présentant ses œuvres au théâtre, c'est-à-dire à tous, M. de Goncourt n'a jamais cru au suffrage universel en matière litté raire, la politique ne nous occupe pas ici. Il se refuse à admettre que tout le monde a plus d'esprit que Voltaire, et il est entouré de tant de disciples et d'admirateurs, qu'on n'aurait point à s'étonner qu'il pensât avoir, lui, de Goncourt, plus d'esprit que tout le monde. Il n'a pas de peine à en avoir plus, en tout cas, que le public hurlant et insultant de la première de Germinie Lacerteux. Ce public s'est montré d'une intolérance sauvage et qu'on ne croyait plus de notre temps. La presse a été unanime à le proclamer et à le regretter. Des critiques de talent comme Henry Bauer (Écho de Paris, 21 décembre), des poètes et des humouristes qui ne comptent pas parmi les fidèles de sa suite, comme M. Louis de Gramont (Intransigeant, 21 décembre), ne se font pas faute de signaler, dans l'obscurité et le décousu de la piece, des morceaux de force, des traits de vérité et de beauté. M. Léon BernardDerosné lui-même (Gil Blas, 21 décembre) n'y contredit pas, bien qu'il ne se montre guère plus tendre que le public pour les personnages de ce drame, doutant s'ils ont « un cœur, un caractère, quelque chose dans le ventre, » et les trouvant << de fameux rhétoriciens ». Il ajoute « Mais si, par aventure, ils prétendent se donner à vous

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