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forment au texte un commentaire graphique perpétuel. Telle d'entre elles, celle qui représente un athlète en bronze, découvert en 1885, par exemple, donne l'impression très nette d'un chef-d'œuvre. Un index suffisamment analytique et complet montre d'un coup d'œil la masse d'informations précieuses contenues dans ce texte qu'on lit d'une haleine avec une curiosité toujours satisfaite et toujours éveillée.

Dans une intéressante préface, M. Rodolfo Lanciani nous apprend que, du 1er janvier 1872 au 31 décembre 1885, on a, pour l'assainissement, l'embellissement et l'agrandissement de Rome, remué deux cent soixante millions de pieds cubes de terre, et que, dans ceux de ces travaux dont la municipalité a eu la charge, c'est-à-dire le tiers environ, on a exhumé et emmagasiné au Capitole 705 amphores avec des inscriptions importantes; 2,360 lampes en terre cuite; 1,824 inscriptions gravées dans le marbre ou la pierre; 77 colonnes de marbre précieux; 313 fragments de colonne; 157 chapiteaux de marbre; 118 socles; 590 œuvres d'art en terre cuite; 405 œuvres d'art en bronze; 711 gemmes, pierres gravées et camées; 18 sarcophages de marbre; 152 bas-reliefs; 192 statues de marbre en bon état de conservation; 21 figures d'animaux en marbre; 266 bustes ou têtes; 54 tableaux en mosaïque polychrome; 47 objets en or; 39 en argent; 36,679 pièces de monnaie en or, argent ou bronze, sans compter un nombre presque incroyable d'objets moins importants en terre cuite, os, verre, émail, plomb, ivoire, fer, cuivre et stuc. Depuis 1876 jusqu'à la fin de 1887, l'auteur a trouvé et publié plus de mille inscriptions latines inconnues; c'est-à-dire qu'en dix ans le sol de Rome a fourni à la science épigraphique une contribution égale au quart de ce que les cinq siècles précédents ont donné.

C'est avec des éléments semblables que M. Rodolfo Lanciani a composé son livre. Mais il ne s'est pas contenté de les présenter pêle-mêle dans leur abondance et leur richesse. Il a su en faire un choix judicieux, les disposer avec art, les faire valoir les uns par les autres, en historien érudit, en esthète délicat, et en écrivain consommé.

B.-H. G.

La Rhétorique et son histoire par A.-Ed. CHAIGNET, recteur de l'académie de Poitiers, correspondant de l'Institut. Un vol. in-8°. Paris, F. Vieweg; 1888.

L'auteur le rappelle, la rhétorique n'est pas plus l'éloquence que la poétique n'est la poésie; toujours il faut distinguer entre les règles d'un

art et cet art même, autrement dit entre les moyens et la fin. Il est advenu, ajoute-t-il, que des critiques, et non des plus médiocres, -il les nomme, c'est Sainte-Beuve, c'est M. Taine, – nommons, nous, avec eux, M. Bourget, ont méconnu ce qu'il y a de profondément humain. dans les fins de l'art; ils n'ont plus voulu rechercher dans le discours, dans le drame, l'épopée, que la manifestation nécessaire de certains sentiments très individuels chez l'auteur, avec cette réserve expresse que l'individualité de quelque auteur que ce soit est toujours un produit de son milieu. Les littératures n'ont rien à voir avec l'esthétique, à moins, si l'on tient à conserver le mot, qu'on regarde la chose comme éminemment variable; il y a seulement une histoire des littératures, simple chapitre de l'histoire en général. Comment s'étonner après tant d'études psychologiques consacrées aux orateurs, dramaturges, poètes, romanciers, les phénomènes psychiques étant d'ailleurs considérés comme dépendant étroitement des phénomènes physiologiques, comment s'étonner, dit M. Chaignet, qu'on en soit venu à dédaigner des moyens de l'art, à mépriser la rhétorique? Et, de fait, l'enseignement de la rhétorique a disparu des programmes universitaires.

ils

Une réaction commence de se produire. MM. Brunetière, Faguet, Lemaître, se défendent d'essayer à pénétrer des états de conscience et d'inconscience, car beaucoup parlent de l'inconscient qu'ils prétendent démêler; estiment que la composition d'une œuvre littéraire est autre chose qu'une fonction, et que serait-elle cela, comme on le dit, c'est l'oeuvre et non le caractère de l'auteur, l'oeuvre toute seule qu'il convient d'analyser. M. Chaignet applaudit à cette réaction; il veut la servir; il tente de remettre en honneur l'étude des moyens oratoires quelque temps méprisée.

Au travail qu'il nous donne, nous ne ferons qu'un reproche, et le reproche ne sera pas pour lui déplaire: l'érudition tient beaucoup trop de place.

Il était bon, dans la partie historique, de rappeler tous les ouvrages grecs et latins consacrés à la rhétorique, bon encore d'insister sur ceux des Grecs, les maîtres en toutes choses, d'analyser, de discuter les théories oratoires de Platon et d'Aristote; nous admettons que ces mêmes théories pouvaient être invoquées opposées l'une à l'autre en ces chapitres-là également où l'auteur distingue entre la rhétorique et l'éloquence, où il traite des rapports de l'éloquence avec la dialectique et la topique, mais il devait s'abstenir de citer autant de textes, alors qu'il

parlait de l'invention, de la structure et de l'économie du discours.

Ce travail, si remarquable, plaira infiniment aux membres de l'Université; pour « l'honnête homme », ira-t-il jusqu'à ces maîtresses pages où M. Chaignet s'est montré psychologue autant qu'érudit, où il a étudié les passions, les mœurs, et présenté des théories du bonheur, de l'utile, des gouvernements? Et là encore, s'il y arrive, ne sera-t-il pas rebuté par des citations sans nombre? Or, c'est « l'honnête homme » surtout qu'il faut avoir avec soi.

Signalons à son attention la quatrième partie : Théorie du style. Elle est, celle-là, de lecture facile.

F. G.

Le Spiritisme à la cour du roi de Pologne. Étienne Batory en 1585, par ALEXANDRE KRAJSHAR. Cracovie, Gebethner et C, éditeurs; 1888.

Dans une époque où le spiritisme, devenu l'objet d'études aussi sérieuses que passionnées, séduit et occupe les esprits et les intelligences, un livre d'histoire, traitant d'une manière à la fois instructive et intéressante le sujet si palpitant des sciences occultes, est fait pour attirer la curiosité et l'attention générales.

M. Alexandre Kraushar, avocat à la cour d'appel de Varsovie, n'est pas un nouveau venu dans la littérature de l'histoire. Voué à l'étude sérieuse du xvi siècle, il a déjà publié quelques monographies fort appréciées par la critique polonaise, et son dernier ouvrage (Czary na dworze Batorego), fruit de recherches habiles et minutieuses, apporte des documents inédits et précieux relatifs aux dernières années du règne d'Étienne Batory (mort à Grodno en 1586).

C'est d'une touche savante et consciencieuse que l'auteur trace l'image du grand roi et caractérise à traits saillants son esprit cultivé, son courage et la noblesse de ses sentiments. Le récit nous représente dans la suite le monarque malade et découragé, tombant peu à peu dans le mysticisme et recevant à sa cour la visite de deux célèbres astrologues, mages et spirites, venus en 1585 d'Angleterre en Pologne pour exercer, sous les auspices de leur protecteur, Albert de Lasco, voyvode de Siradz (nonce de Pologne près Henri de Valois en 1572), leur art troublant et mystérieux.

Ces deux maîtres de la cabale étaient : Dr John Dee, mathématicien et astronome, distingué par la grande Élisabeth d'Angleterre et jouissant d'une haute réputation scientifique (professeur de la logique à Paris, sous François Ier), et son

associé Édouard Kelley, alchimiste (Figuier: l'Alchimie et les Alchimistes, p. 231 sq,), qui firent ensemble de longs voyages en Europe, s'occupant partout à évoquer les « esprits » et à prédire les événements futurs.

Mis en présence du roi Batory, retiré à Niepolomice, près de Cracovie, John Dee donna une séance spiritualiste dont il fit un récit détaillé dans un journal que Meric Casaubon, le célèbre philologue, publia à Londres en 1659.

C'est de ce document, écrit dans un mélange de latin et de vieux anglais, et qui est devenu pour le moment une rareté bibliographique (voir Brunet, Manuel de librarie, t. II, p. 462. S. Ceran de Bure, n. 330. Ebert, Lexicon. Ersch Gruber, t. II, p. 320. Beckenhout, Biogr. histor., t. I, p. 428. John Halliwell, Privat diary of Dr John Dee. Mémoire pour servir à l'histoire des hommes illustres, p. 345-349. Ce livre est fort rare, même en Angleterre), dont le titre est: A true and faithful Relation of what passed for many yeers between Dr John Dee a mathematician of great fame in Q. Eliz. and king James their Reignes and some spirits, etc.). M. Alexandre Kraushar a puisé le principal matériel de son œuvre; il a su profiter des notes du savant spirite pour en faire une étude historique d'une valeur incontestable.

La grande figure sympathique du roi Étienne Batory reçoit, sous la plume de l'écrivain, un puissant relief, et les deux astrologues, avec leur courte et passagère influence, illuminent cette page de l'histoire du xvi siècle d'un coloris bizarre et cabalistique. Le style du livre, concis et strictement historique, n'est pas dépourvu d'élégance.

N. R.

Journal des prisons de mon père, de ma mère et des miennes, par Mme la duchesse de DURAS, née Noailles. Se vend au profit des pauvres. Un vol. in-8°, 322 pages. Librairie Plon. Paris, 1888.

La liste serait innombrable des écrits de tout genre qui se rattachent à l'histoire et aux origines de la Révolution française, et la simple énumération de ces ouvrages, même leur biographie la plus sommaire, composerait à elle seule presque une bibliothèque. La liste menace de s'allonger encore chaque année, non seulement parce que la Révolution, loin d'avoir épuisé toutes ses conséquences, à ce que l'on nous prétend, ne fait à peine que commencer; mais aussi parce que, à nous en tenir aux faits accomplis, et les supposant définitifs, les disputes des hommes auront longtemps encore pour thème les causes

de ce formidable événement, ses acteurs principaux, ses phases diverses, enfin son action sur l'avenir et la moralité de notre nation, et, pourrait-on dire, de l'Europe. Tandis que les uns croient, avec une naïveté par trop systématique, qu'une impulsion si forte, avec ce caractère d'irrésistible aurait pu être enrayée par telle mesure légale ou telle attitude du roi, les autres reconnaissent en elle le boulet chargé de toute éternité, dont parle l'orateur funèbre de Turenne. Pour ceux-ci, la Révolution est un fait de nature connue et commune, un peu plus extraordinaire que d'autres du même genre, par son développement, sa durée et surtout par sa légende; pour ceux-là, c'est l'avènement sur la terre d'une religion la plus sacrée de toutes, et qui compte au moins les fanatiques les intolérants. Elle a légué aux Français la République, nom prestigieux qu'ils accentuent comme personne d'autre au monde ne le fait, nom qui les console de l'absence des réalités agréables que leur valaient d'autres régimes; nom qui les ferait se résigner aux pires despotismes et renoncer à tous les autres mots de la langue, fût-ce celui de France lui-même. En effet, on a vu quelquefois opposer le cri de vive l'une au cri de vive l'autre. Dans une pareille cohue d'idées et de parti pris, dans l'impossibilité de qualifier « cet enfer dans une idylle», de nier que le berceau de cette religion. de justice et d'amour eût pour nom la Terreur, et que de ces années d'épouvante ont découlé des faits dont profitent volontiers même leurs plus énergiques accusateurs, le philosophe recherche volontiers quel put être l'état d'âme des victimes d'un temps où tout Français vivant coudoyait l'échafaud. Quelqu'un a dit que, six années avant la Terreur, celui qui n'avait pas connu ces années-là « ignorait la douceur de vivre. » Qu'ont éprouvé les malheureux soudainement plongés de ce rêve édénique dans les prisons des Carmes, du Luxembourg et de la Conciergerie? Nombre de documents attestent que ces infortunés favoris de la fortune, les uns soutenus par la foi et leur courage naturel, les autres acceptant la fatalité, virent sans trembler venir la mort, « ébranlant de leur nom les longs corridors sombres ». En tête de ceux que leur noblesse d'âme et leurs fermes croyances gardèrent purs de toute faiblesse dans cette extrême adversité, il est juste de nommer l'auteur de ce journal, Mue la duchesse de Duras, née Noailles, fille du maréchal de ce nom, guillotiné, à près de quatre-vingts ans, avec sa femme. C'est lui qui disait « A dix-sept ans, je suis monté à l'assaut pour mon roi; à soixante et dix-neuf ans, je vais monter à l'échafaud pour mon Dieu. » Leur

fille, arrêtée avec eux le 23 août 1793, au chàteau de Mouchy-le-Châtel, passa dans les prisons de Beauvais et de Paris environ seize mois, et ne fut remise en liberté que le 19 octobre 1794. Son émouvant Journal ne sent pas du tout le métier et porte un grand air de candeur. Les curieux de l'ancien Paris visitent avec intérêt un couvent de la rue de Picpus dont le terrain abrite plus de treize cents victimes de l'échafaud de la place du Trône, et parmi elles la mère et les plus proches parentes de la duchesse de Duras, exécutées le 22 juillet 1794.

L. D.

La jeunesse du roi Charles-Albert: Prologue d'un règne, par le marquis COSTA DE BEAUREGARD. Un vol. in-8°. Paris, 1889. Librairie Plon.

Il y a près d'un demi-siècle que le roi Charles-Albert a trouvé-dans la mort le repos qui fut refusé à sa vie agitée, et les historiens, jusqu'à présent, n'ont pas réussi à dégager cette figure énigmatique du voile de mystère où il semble que s'enveloppât comme à plaisir le prince qui, au lendemain de Novare, disait : La mia vita fu un romanzo, io non sono stato conosciuto. « Ma vie fut un roman, je n'aurai pas été connu. » Il parle de lui-même au passé; son règne de dixhuit ans se terminait par cette glorieuse défaite de Novare, et bientôt il allait mourir à Oporto. Auparavant il détruit tout ce qu'il peut retrouver des exemplaires d'un livre curieux écrit par lui, Réflexions historiques, dont trois ou quatre exemplaires à peine lui ont survécu. Il voulait de même détruire sa correspondance: il n'y est point complètement parvenu. Or, c'est à l'aide d'une suite de lettres reproduites ici et d'une quantité considérable de documents contemporains attentivement consultés que M. le marquis Costa de Beauregard a tenté de déchiffrer l'énigme de se sphinx, de « cette conscience royale faite de rêve, de réalité, d'élan, de calcul, de remords, de présomption », de ce malade, de ce mys tique, dont « le regard sans cesse contredisait la parole, dont la parole démentait le sourire, dont le sourire déguisait la pensée. »

Finalement l'auteur considère ce malheureux prince comme le précurseur de la grande évolution accomplie par l'Italie depuis le commencement du siècle, prévue par Joseph de Maistre dès 1812, mais qui n'a pu se réaliser que par «< la conjonction inouïe d'un pape libéral et d'un roi révolutionnaire ». M. Costa de Beauregard a luimême coopéré activement, croyons-nous, à faire l'unité italienne; il y a pourtant quelque amertume dans cette phrase qui lui échappa quelque

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A l'occasion précisément du premier volume de cette publication, nous avons rendu justice à l'utilité d'un pareil inventaire, relativement à l'étude de notre histoire nationale, et en particulier (pour ce qui regarde le travail que nous annonçons) à la connaissance de certains dessous, · selon le terme à la mode, de la Révolution française. Cette Révolution sans égale, les nouveaux historiens paraissent la traiter avec plus de solidité et la considérer à travers moins de nuages que leurs devanciers. Les Girondins de Lamartine, parler d'autres livres aussi notoires, ramment taxés d'imposture, et l'ouvrage de Thiers, l'ouvrage national vanté par Sainte-Beuve, fait sourire les raffinés du document. Nous avons sommairement déjà montré quel fut le personnage de Barthélemy, et aussi l'importance et la curiosité de son rôle. Ce n'était pas un homme comme tous les autres, celui qui resta jusqu'au bout à son poste, durant les cinq années de bouleversement et d'agitation incomparables qui vont de 1792 à 1797Le nouveau volume de ces précieux papiers s'offre à nous sous la double garantie de M. Albert Sorel (lequel estime très haut la position prise par Barthélemy dans ces temps extraordinaires), et de M. Gaston de Rialle. La presque totalité de ce volume est remplie par les lettres écrites pendant ces sept mois, à M. Deforgues, ministre des affaires étrangères à cette époque. La sécheresse d'une correspondance officielle et toute de faits, n'est point ici un obstacle à de certaines indications en vingt mots, ou bien en trois lignes, qui valent une page d'histoire et un portrait; tel le bref document relatif au prince de Guéméné, « si connu par son inconduite et ses tromperies, vivant à Arau, au canton de Berne, des aumônes

du tiers et du quart ». Ce substantiel et instructif recueil traite de bien des sujets sans doute, et qu'il serait puéril de prétendre seulement rappeler, sans déconcerter le lecteur; mais il en est dans le nombre dont l'intérêt nous touche encore; par exemple : les pièces relatives aux affaires d'Allemagne et de Prusse, aux moyens de rompe la coalition, à la prise de Toulon, aux intrigues des émigrés et des ministres étrangers en Suisse, aux affaires militaires. Citons encore deux lettres du baron Grimm, une conversation de Dumouriez chez le comte Pukler, grandchambellan du duc de Wurtemberg, de curieux détails sur le personnel diplomatique du temps, le mouvement royaliste en Vendée, la mission de M. de Tintiniac à Londres, etc., etc.

Villars d'après sa correspondance et des documents inédits, par le marquis de Vogüé, de l'Institut. Avec portraits, gravures et cartes. Deux forts volumes in-8o, formant ensemble 860 pages. Paris, 1888; librairie Plon.

Si l'on s'avise de décerner aux grands faits de guerre comme une sorte de personne historique (et Victor Hugo semble nous y autoriser par l'exemple de vers superbes :

« Alors le groupe altier des batailles, Chalons, Tolbiac, la farouche, Arezzo, la cruelle..., etc., etc. la bataille de Denain nous apparaîtra comme une des grandes figures libératrices du foyer français. Assurément notre histoire offre des succès sans nombre et des revers sublimes autant que les plus belles victoires; mais Denain partage avec Bouvines le privilège de nous avoir apporté la consolation, le salut et l'enthousiasme au sein de mortels dangers, ou bien dans la crise suprême de désastres presque sans espoir. Aussi, le nom du vainqueur de Denain nous revient-il glorifié d'un éclat particulier, malgré les satires et les blâmes, les accusations même, prodigués à son orgueil et à son ambition. C'est le sort des hommes illustres d'être beaucoup insultés. Quelle que soit la part de justice que l'on attribue à ces reproches, le grand soldat a de quoi se présenter la tête haute devant l'avenir. Parmi les plus récentes études publiées sur ce nom cher à la France, nous avons surtout remarqué le charmant volume de M. Giraud : la Maréchale de Villars et son temps, où l'on trouve des pages tout à fait piquantes, sur l'intérieur de la jeune et brillante épouse du sexagénaire héros, et sur la jalousie, facile à comprendre, de l'amoureux vieillard. Sans nous arrêter ici davantage à l'anecdote du comte de Toulouse, ni à certaine

interpellation gauloise de bal masqué, saluons avec Voltaire, son admirateur, la belle et hautaine dame du château de Vaux. Signalons encore les chapitres consacrés à Villars dans les deux volumes de M. de Courcy, dont nous avons parlé dans ces colonnes. Aucun des deux précédents ouvrages ne saurait prétendre à égaler l'importance du grand travail que M. le marquis de Vogüé vient de publier sur ce glorieux Villars. Faute de place pour l'analyser ainsi qu'il convient, nous nous bornerons à l'annoncer comme un des plus précieux enrichissement que notre bibliothèque historique ait reçus dans ces dernières années. M. de Vogüé a été amené, en préparant, d'après le texte authentique, la publication des Mémoires de Villars pour la Société de l'histoire de France, à contrôler cette autobiographie (comme toutes ses pareilles, œuvre écrite après coup et « sous l'influence des dénouements connu »), par la correspondance, « bien autrement sincère ». Le dépôt de la guerre, les archives du ministère des affaires étrangères, la Bibliothèque nationale, les archives secrètes de la cour de Bavière à Munich, les archives impériales royales de la Cour, de l'État et de la Maison d'Autriche, les papiers de Villars et du duc d'Ormond, les mémoires militaires relatifs à la succession d'Espagne, telles sont les sources auxquelles a puisé l'auteur. Il nous montre successivement: Villars et l'électeur de Bavière; Villars et la succession d'Espagne; Villars et Mme de Maintenon; Villars et le prince Eugène. L'appendice qui clôt le second volume forme à lui seul un recueil de lettres et de pièces inédites de grand intérêt.

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Les cinq autres concernaient l'Autriche, la Suède, le Portugal et la Pologne. Deux volumes consacrés à ce dernier royaume attestent, dans les préoccupations politiques d'alors, une place qui n'est plus la même aujourd'hui. Deux noms célèbres de notre présente école historique, MM. A. Geffroy et Albert Sorel, nous recommandent particulièrement l'introduction et les notes des volumes qui intéressent l'Autriche et la Suède. Nul ne sera surpris de voir que l'éditeur se propose d'octroyer trois volumes au recueil des instructions données à nos ambassadeurs à Rome. Dans une substantielle introduction, M. Hanotaux, ancien collègue de MM. Girard de Rialle et Kaulek, c'est-à-dire un homme de la partie (et dont l'ouvrage s'offre à nous avec le double visa de MM. Camille Rousset et Hauréau), nous donne la raison, d'ailleurs obvious, comme disent les Anglais, de ce plus large développement matériel. Les fréquents changements de souverains sur le trône pontifical, provoquant l'envoi d'un ambassadeur spécial ou de nouvelles instructions à l'ambassadeur antérieurement accrédité; les instructions en cas de conclave; l'importance des affaires, où se mêlaient les relations politiques et l'administration ecclésiastique; enfin, la suite non interrompue de ces relations durant le siècle et demi qu'embrasse ce recueil, telle est la complète explication de ce travail. L'introduction est presque un livre à part, avec ce titre : Théorie du gallicanisme, revue en cinq chapitres des rapports de la mo narchie française avec le saint-père, depuis Charlemagne jusqu'à la menace d'un schisme sous Louis XIV. Le corps du recueil proprement dit nous rend les missions à Rome des personnages suivants : le cardinal d'Este, Hugues de Lionne, le président Colbert, le sieur d'Aubeville, le duc de Créqui, M. de Bourlemont, le duc de Chaulnes, César d'Estrées, évêque de Laon, le duc d'Estrées, le marquis de Lavardin. Ils ne figurent pas tous sous la même désignation dans le cours de ces quarante-trois années, 1654-1687. Le premier s'appelle protecteur des affaires de France auprès du Saint-Siège; les autres, ambassadeurs, auditeurs de rote et envoyé extraordinaire.

L. D.

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