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VINU

INTRODUCTION

L'histoire de la révolution française offre peu d'hommes d'une originalité aussi tranchée que Cambon; après Mirabeau, on en trouverait difficilement un dont le rôle ait été plus important. Il est surtout connu comme financier; mais jamais la connexité ne fut plus intime qu'à ce moment entre la politique et les finances: « aucune dépense ' n'a jamais été chère pour acheter la liberté. » Ces paroles de Cambon montrent qu'il ne séparait pas la politique des finances. Il a été un des ouvriers les plus actifs et les plus puissants de la transformation profonde, qu'ont alors subie en France les institutions et la fortune publique. Non seulement il a exercé sur la direction des finances une influence prépondérante; mais il est l'auteur de la séparation de l'église et de l'état; c'est lui qui, le 15 décembre 1792, a formulé quelques-uns des principes de la politique étrangère de la France révolutionnaire; il a été un des principaux organisateurs du gouvernement de la défense nationale, aux mois d'avril et de mai 1793. Pendant les années qui s'écoulent du mois d'octobre 1791 au mois d'avril 1795, il prit une part active à la plupart des grands débats politiques où le sort de la France fut en jeu.

Son rôle a été jusqu'ici plus souvent jugé qu'étudié: il a été l'objet d'appréciations diverses et contradictoires. Les historiens, depuis un siècle, se partagent en deux groupes; les uns admirent, les autres critiquent vivement l'homme et l'œuvre.

Les journalistes de la réaction thermidorienne n'ont pas ménagé Cambon; de nos jours, les écrivains financiers sont en général sévères pour lui. M. P. Leroy-Beaulieu le blâme indirectement, en parlant des trois premières assemblées

1. Mon., t. XIII, p. 516 : discours du 26 août 1792 à l'Assemblée législative.

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politiques de la révolution: «... la Convention', dit-il, exagérant encore les exagérations de la Constituante et de la Législative, considéra les assignats comme un moyen de se procurer gratuitement les sommes dont elle avait besoin. »

M. Ch. Gomel est très dédaigneux pour Cambon : «< il passait 2, bien à tort, dit-il, auprès de ses collègues, pour un grand financier. »>

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Pour M. R. Stourm 3, Cambon est un « esprit médiocre », mais cependant «< capable de très bien comprendre et de très bien exécuter, sinon de concevoir et d'imposer personnellement un programme; faible de caractère, malgré sa jactance méridionale. » M. Stourm reconnait d'ailleurs que les écrits de Cambon dénotent, « en divers passages, beaucoup de rectitude d'esprit. « Mais il ne comprend pas la gloire qui s'est attachée au grand livre de la dette publique. Il croit que «< << l'esprit financier des Jacobins consista exclusivement à épuiser à outrance le présent, en sacrifiant l'avenir. » Dans Cambon il ne voit « en somme qu'un Jacobin enrégimenté avec ses collègues. »

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M. Stourm réserve son admiration pour Gaudin, duc de Gaëte, qui fut ministre des finances du consulat et de l'empire et gouverneur de la Banque de France de 1820 à 1834; il dit de ce personnage qu'il était nécessaire que « l'autorité d'un chef' respecté dominât ses résolutions. Alors la gerbe de ses mérites s'épanouissait librement. »

Que la gerbe des mérites de Gaudin se soit épanouie librement sous la domination de Napoléon, soit mais Gaudin lui-même avait sur Cambon une opinion toute différente de celle de M. Stourm. Gaudin de 1792 à 1795, fut commissaire de la Trésorerie nationale, sous la haute direction de Cambon; à plusieurs reprises, il en parle avec éloge; en particulier, à propos du conflit qui s'éleva entre la Trésorerie et Dumou

1. Traité de la science des finances, 6me éd., 1899, 2 in-8°; t. II, p. 677, 678. 2. Histoire financière de la Législative et de la Convention, in-8°, Paris, 1902. Introd., p. v.

3. Les Finances de l'ancien régime et de la révolution, Paris, 1885, 2 vol. in-8°, p. 403 et suiv.

t. II,

4. Ib., p. 405.

5. Ib., p. 330.

6. Ib., p. 388.

7. Stourm, Les Finances du Consulat, Paris 1902, in-8; p. 20.

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