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Lavée à plusieurs reprises, avee 80 grammes d'eau distillée, elle a fourni un liquide sale, inodore, acidule au goût, et rougissant fortement le papier bleu de tournesol. Ce liquide, après avoir été filtré, fut partagé en trois parties. La première, chauffée à siccité dans une capsule de porcelaine, a laissé un résidu noir, charbonneux, avec léger dégagement d'acide sulfu→ reux, reconnaissable à l'odeur. La seconde, après avoir été convenablement réduite par l'évaporation, a été introduite avec un globule de mercure dans un tube de verre, fermé par un bout; et, par l'action de la chaleur, elle a laissé dégager de l'acide sulfureux, rougissant le papier tournesol placé à la partie supérieure du tube. La troisième partie ; traitée par le chlorure de baryum, a fourni un précipité blane abondant, insoluble dans l'eau et dans l'acide azotique. Ce précipité, recueilli sur un filtre; puis desséché; a été mêlé exactement avec une suffisante quantité de charbon de bois, et chauffé au rouge pendant une demi-heure, dans un très-petić creuset de terre neuf: Après le refroidissement, la matière ayant été traitée par un peu d'eau distillée bouillante, le li quide filtré donna lieu à un dégagement abondant d'acide sulfhydrique par l'addition de quelques gouttes d'acide azo tique.

A l'exception des deux nouets, tous les linges mentionnés ci-dessus ayant fourni les mêmes résultats, nous avons ebnela qu'ils étaient tous plus ou moins imprégnés d'acide sulfurique libre.

EXAMEN DES PORTIONS DU CADAVKE.

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Examen anatomo-pathologique. Quoique l'enfant n'eût succombé qué depuis une huitaine de jours, toutes les pièces renfermées dans les différents bocaux exhalaient une odeur infecte de putréfaction, à l'exception toutefois de l'estomac qui était plongé dans de l'alcool faible.. Ni la langue, qui avait été

fendue dans toute sa longueur, ni le pharynx, ni l'ésophage, ne nous présentèrent aucune altération pathologique qui pût faire présumer qu'ils avaient été en contact avec un agent corrosif: on n'y remarquait aucune tache, aucune altération, aucune eschare, aucune coloration extraordinaire de la muqueuse..!

La portion d'estomac qui nous était remise pouvait équivaloir au tiers environ de cet organe et appartenait au petit cul-de-sac et à la grande courbure. Elle était comme ratatinée, ce qu'on pouvait également bien attribuer à l'alcool dans lequel elle se trouvait ou à l'action de quelque substance astringente avec laquelle elle aurait été en contact avant la mort. Sa muqueuse était d'un blanc rougeâtre, fortement adhérente, sans arborisations vasculaires; en un mot, elle offrait tous les caractères de l'état normal, à l'exception toutefois d'un endroit fort restreint du petit cul-de-sac où se voyaient deux espèces d'ulcérations presque contiguës; l'une ovale, dont la surface équivalait à celle d'une pièce de 1 fr., et l'autre ronde, ayant l'étendue d'une pièce de 25 cent.; du reste, toutes deux offraient la même apparence. Elles étaient rougeâtres, comme fongueuses; en les examinant à la loupe, on remarquait que la muqueuse y était en partie détruite; ce qui en restait était parsemé de parcelles flottantes qui adhéraient encore assez fortement au tissu sous-jacent; on les eût prises au premier abord pour des papilles muqueuses hypertrophiées.

La portion d'intestin grêle qui nous était adressée était longue d'environ six décimètres et paraissait appartenir au jejunum. Après l'avoir ouverte dans toute son étendue, nous l'avons examinée avec soin, et elle nous a paru dans l'état sain. Il en a été de même du gros intestin qui renfermait encore une assez grande, quantité d'excréments, de consistance moligd zi

Quant au cœur, aux poumons, au foie, etc., ils ne nous ont offert aucune trace de lésion appréciable dans l'état de putréfaction où ils se trouvaient déjà.

Examen chimique. Des papiers bleus de tournesol, d'une extrême sensibilité, ayant été mis en contact avec tous ces tissus, notamment avec la langue, l'ésophage et l'estomac, loin de rougir, tous ont au contraire acquis une teinte bleue plus intense.

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Nous avons alors lavé chacun de ces tissus séparément et à plusieurs reprises avec de l'eau distillée tiède, dans laquelle nous avons fini par les laisser macérer à une douce température, pendant une demi-heure environ, après quoi, ayant réuni toutes les eaux de lavage, nous les avons concentrées par la chaleur, puis filtrées; or, le liquide ne rougissait pas sensiblement le papier de tournesol, et ne donnait, par le chlorure de baryum, qu'un précipité très-peu abondant et tel qu'il s'en produit dans toutes les liqueurs animales traitées de même.

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Conclusions. Des faits qui précèdent, nous avons conclu: 1° qu'à l'exception des deux nouets, tous les linges désignés comme ayant servi à F.-H. Boullet, et renfermés séparément dans le même paquet, étaient fortement imprégnés d'acide sulfurique libre; 2° qu'aucune des parties du cadavre de ce même F.-H. Boullet, qui ont été soumises à notre examen, n'offrait de lésions suffisamment caractérisées pour faire présumer qu'elles avaient été en contact immédiat avec de l'acide sulfurique libre; 3° que les différents traitements auxquels. nous les avions soumises n'y avaient en effet décelé ni acide sulfurique à l'état de liberté, ni sulfates en proportion plus considérable qu'on n'en rencontre en agissant sur des chairs à l'état normal.

Notre rapport ayant été transmis à M. le procureur du roi de Saint-Mihiel, et ce magistrat ne trouvant pas nos conclu

sions satisfaisantes, provoqua une troisième expertise qui fut confiée à MM. A. Devergie, Barse et Lesueur, de Paris. A cet effet, il leur adressa le restant des pièces qui avaient servi à nós analyses, avec les procès-verbaux des deux premières expertises et le rapport des médecins appelés à donner leurs soins à l'enfant après l'ingestion du poison.

Ces nouveaux experts constatèrent, comme nous, la présence de l'acide sulfurique libre dans les linges, et son absence absolue dans les différentes parties du tube digestif, ce qui ne les empêcha pas de conclure que l'enfant avait succombé à un empoisonnement par cet acide; conclusions qu'ils basaient sur l'examen des pièces de la procédure.

En effet, il résultait du rapport dressé par les médecins qu'à leur arrivée près de l'enfant ils l'avaient trouvé à l'agonie, vomissant une liqueur acide, corrosive, qui avait produit au pourtour de la bouche, sur les joues, le cou, etc., des excoriations rougeâtres et profondes, et dont une partie, tombée sur les linges, y avait déterminé les taches reconnues par les diverses expertises comme provenant de l'acide sulfurique.

Appelé moi-même à l'audience, et après avoir pris connaissance de ces faits, je n'ai pas hésité à adopter en tout point les conclusions des experts de Paris, expliquant, du reste, la ré`serve que nous avions cru devoir mettre dans les conclusions de notre rapport par le manque absolu des documents propres à nous éclairer dans l'interprétation des faits que nous avions été à même de constater. L'accusé, qui était le père de la victime, fut condamné aux travaux forcés à perpétuité.

Cette observation chimico-légale m'a semblé intéressante sous plus d'un rapport. Elle démontre d'abord la nécessité qu'il y a de soumettre aux personnes chargées d'une contr'expertise, non-seulement le rapport des premiers experts, mais aussi toutes les pièces de la procédure propres à les éclairer.

Elle fait voir aussi combien il importe de ne soustraire, s'il est possible, à la contr'expertise aucune partie des organes à examiner; car si, dans le cas dont il s'agit, nous avions eu sous les yeux la portion de l'estomac qui était le siége de la perforation, il est probable que nos conclusions eussent été telles, qu'il n'aurait pas été besoin de recourir à une seconde expertise. Enfin, et c'est ici le fait le plus remarquable, elle démontre qu'un individu peut périr empoisonné par l'acide sulfurique à l'état de concentration, sans que les réactifs puissent déceler la présence de cè caustique dans les tissus qui en ont subi l'action immédiate. En pareil cas, il est donc prudent d'être très-circonspect dans les conclusions, et l'on s'exposerait à de graves erreurs si l'on déclarait qu'il n'y a point eu empoisonnement par l'acide sulfurique, par cela seul qu'on n'en a point rencontré de traces après la mort. Au surplus, déjà la science a enregistré un fait du même genre, et l'on a pu lire dans les Annales d'hygiène publique et de médecine légale (janvier 1845), une observation semblable publiée par MM. Chevallier et Ollivier (d'Angers).

Quant à savoir comment il arrive qu'un agent aussi énergi- ́ que, dont les moindres parcelles sont accusées si facilement par les réactifs, disparaisse ainsi complétement des organes avec lesquels il a été en contact; je ne pense pas qu'on puisse expliquer ce fait en admettant qu'il se combine chimiquement avec leur tissu, car cette combinaison n'a pas lieu après la mort, ainsi que l'ont démontré les expériences de M. Orfila. Ce qui est plus probable, c'est que le liquide toxique est enlevé par l'absorption urinale pendant la vie, et peut être aussi dans les premiers moments qui ont suivi la mort. Quoi qu'il en soit, ce serait là un sujet intéressant de recherches, et je regrette que mes occupations ne me permettent pas, pour le moment, de l'entreprendre. BLONDLOT.

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