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pour cinq subsides. Le bill reçoit son assentiment solennel, et les subsides sont votés. Mais le tyran n'est pas plus tôt laissé à lui-même qu'il revient à toutes les mesures arbitraires dont il avait juré l'abandon, et qu'il viole toutes les clauses de l'acte même pour lequel il avait reçu de l'argent.

<< Pendant plus de dix ans la nation voit les droits qui lui appartenaient à double titre, comme un patrimoine immémorial et par une acquisition récente, foulés aux pieds par le roi perfide qui les avait reconnus. A la fin, les circonstances obligent Charles à convoquer un autre parlement : une chance nouvelle s'offre à nos-pères. Devrontils la rejeter comme ils ont fait de la première? Seront-ils de nouveau dupés par le roi le veut? Avanceront-ils de nouveau leur argent sur des gages auxquels on a si souvent forfait? Déposeront-ils au pied du trône une seconde pétition des droits? Prodigueront-ils follement le subside demandé, en recevant en échange quelque nouvelle et vaine cérémonie? Et puis se retireront-ils, jusqu'à ce qu'après dix années nouvelles de fraude et d'oppression, leur prince ait encore besoin d'un nouveau subside et les paye avec un nouveau parjure? Ils devaient choisir. Il fallait ou qu'ils se fiassent à un tyran ou qu'ils le domptassent. Selon nous, ce fut un choix sage et noble que le leur.

« Les avocats de Charles, comme ceux d'autres malfaiteurs, contre lesquels on produit des preuves accablantes, déclinent en général toute controverse sur les faits, et se contentent d'en appeler à son caractère. Il avait tant de vertus privées!

Est-ce que Jacques II n'en avait pas? Et que sont, après tout, les vertus attribuées à Charles? Un zèle religieux, pas plus sincère que celui de son fils, et tout aussi étroit et aussi imbécile; et quelquesunes des bienséances domestiques ordinaires, que la moitié des pierres tumulaires de l'Angleterre attribuent à ceux qu'elles recouvrent. Bon père! bon époux! Belle apologie vraiment pour quinze années de persécution, de tyrannie, de mensonge.

« Nous l'accusons d'avoir violé le serment prêté lors de son couronnement; et l'on nous apprend qu'il a gardé le vœu de son mariage! Nous lui reprochons d'avoir livré son peuple aux vengeances impitoyables de prélats à la tête la plus chaude et au cœur le plus dur; et on le justifie en disant qu'il prenait son petit garçon sur ses genoux et le baisait! Nous le blâmons pour avoir violé la pétition des droits, après avoir promis de l'observer; et l'on nous informe qu'il avait coutume d'entendre ses prières à six heures du matin! C'est à des considérations de cette nature, à son habit à la Van-Dyck, à sa belle figure, à sa barbe pointue, que Charles Ier est redevable, nous n'en doutons pas, de la popularité dont il jouit parmi les hommes de notre temps.

« Pour nous, nous l'avouons, nous ne pouvons comprendre cette phrase commune: un bon homme, mais un mauvais roi. C'est comme si l'on nous disait un bon homme, mais un père dénaturé; un bon homme, mais un ami perfide. Quand nous estimons le caractère d'un individu, nous ne pouvons manquer de prendre en consi

dération sa conduite dans les plus importantes de toutes les relations humaines. Et si nous le trouvons là égoïste, cruel, trompeur, nous prendrons la liberté de l'appeler un méchant homme, en dépit de sa sobriété à table et de sa régularité à la chapelle.

<< Nous désapprouvons l'exécution de Charles, non parce que, selon la constitution, le roi n'est pas responsable, car nous savons que toutes les maximes de ce genre, quelque excellentes qu'elles soient, ont leurs exceptions; non parce que nous sentons pour son caractère un intérêt particulier, car nous croyons que c'est avec une parfaite justice que sa sentence le nomme « un tyran, un << traître, un meurtrier, un ennemi public; » mais parce que nous sommes convaincu que cette mesure fut nuisible à la cause de la liberté.

<< Une seule chose pouvait rendre Charles dangereux, c'était une mort violente. Sa tyrannie ne put détruire l'esprit élevé du peuple de l'Angleterre, ses armes ne purent le soumettre, ses artifices ne purent le tromper; mais son humiliation et son exécution excitèrent une compassion généreuse. Un homme qui meurt sur l'échafaud pour un crime politique meurt presque toujours bien. Des milliers de regards sont fixés sur lui. Ses ennemis et ses admirateurs sont également attentifs à la manière dont il se conduira. La moindre inflexion de sa voix, le moindre changement de couleur doit passer à la postérité. Il lui est impossible d'échapper au supplice. Toute prière serait inutile. On a vu souvent alors l'orgueil et le dé

sespoir armer les âmes les plus faibles de la force que cette heure réclame. Charles mourut avec patience et avec courage; non sans doute avec plus de patience et de courage que ses propres juges, qui souffrirent même la torture avant que d'être mis à mort, ou que Vane, qui avait toujours été regardé comme un homme timide. Néanmoins la conduite du roi durant son procès et son exécution fit une impression prodigieuse. Ses sujets commencèrent à porter autant d'amour à sa mémoire qu'ils avaient eu de haine pour sa personne; et l'appréciation que la postérité a faite de son caractère a été tirée de sa mort plutôt que de sa vie.

« Nous condamnons la mort de Charles; mais nous ne la considérons en aucune manière comme un acte qui attache quelque signe d'infamie aux noms de ceux qui y ont participé. Cet acte fut le mouvement imprudent et injuste d'un violent esprit de parti; mais il ne fut point une mesure perfide et cruelle. On y trouve tous les caractères qui distinguent de crimes bas et malintentionnés les erreurs d'esprits intrépides et magnanimes'. »

Ainsi parlent à cette heure en Angleterre les hommes les plus éminents dans la double sphère de la politique et de la littérature. Avant de quitter ce sujet, nous avons cru devoir faire entendre leur voix. Maintenant nous laissons chacun juger pour lui-même, et nous avançons.

I

Macaulay, Critical and historical Essays, vol. I, pag. 23 à 38, 176 à 187. Voir aussi la Revue d'Edimbourg.

CHAPITRE VI.

IRLANDE.

Saint-Barthélemy d'Irlande. - Cruautés romaines.- Un prétre. Chirurgie ou boucherie. Cromwell nommé. Sa pénétration et sa sagesse conciliante. — Lord Broghil. – Départ de l'armée.- Plan de Cromwell. - Théocratie.— Assaut de Drogheda. Wexford. · Ross. — Paix et prospérité. Bonté de Cromwell envers ses ennemis. Son encyclique aux prélats romains. Premiers temps du mariage de Richard. Cause des souffrances de l'Irlande.

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Les catholiques romains, nous l'avons vu, s'étaient soulevés en Irlande, et avaient cruellement massacré, les uns disent cinquante, les autres cent, les autres deux cent mille protestants: c'est la Saint-Barthélemy hibernienne. Les catholiques d'Irlande n'avaient pourtant pas alors raison de se plaindre; Charles Ier avait eu soin d'eux. Ils avaient leurs archevêques, leurs évêques, leurs grands vicaires et surtout des jésuites en très-grand nombre. Ce fut dans un tel état de choses que, s'enveloppant du plus complet mystère, comme les nègres aux Antilles quand ils méditent un complot pour massacrer les blancs, les Irlandais formèrent le dessein non-seulement d'effacer de leur pays toutes les traces de la nation anglaise et du protestantisme, mais encore de passer en Angleterre, de s'en rendre maître avec le secours de l'Espagne

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