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était gouverneur d'Ély. Le révérend M. Hitch y faisait le service de la cathédrale avec toutes les formes que l'archevêque de Cantorbery avait recommandées; le gouverneur Cromwell lui adressa la lettre

suivante :

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Au révérend M. Hitch, à Ely.

<< Monsieur Hitch,

Ély, 10 janvier 1643.

De peur que les soldats n'entreprennent d'une << manière inconvenante et tumultueuse la réforma<< tion de l'Église cathédrale, j'exige que vous suspendiez le service des choeurs, si peu édifiants et << si provocants; et je vous rends responsable de « tout désordre qui pourrait arriver si vous ne le « faites pas.

«

« Je vous recommande de catéchiser, de lire et << d'expliquer les Écritures au peuple; ne doutant << pas que le parlement, par le conseil de l'assem« blée des docteurs, ne vous donne des directions « ultérieures. Je désire aussi que vos sermons soient plus fréquents.

<< Votre ami affectionné,

« OLIVIER CROMWELL. >>

Ainsi Olivier recommande la catéchisation, la lecture, l'explication de l'Ecriture et des sermons plus fréquents; c'est là ce qu'il voudrait substituer au service des choeurs. C'est en effet par de tels moyens que l'on vivifie et que l'on édifie une

LE PROTECTEUR.

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Église; et la papauté elle-même y a recours (au moins quant aux catéchismes et aux sermons) quand elle se sent attaquée.

Mais le mal qu'il y avait dans cette mesure, c'est que cet ordre vint d'un général, d'un gouverneur; c'est qu'Olivier renvoyât aux directions du parle

ment.

C'est à cela en effet qu'on en était venu. Le protestantisme était devenu la loi du pays, par vote de la législature; et c'était comme loi qu'on l'imposait.

la

Or, une telle loi ne saurait produire la vie. La loi de Dieu même ne la produit pas, combien moins celle des hommes! Avez-vous reçu l'esprit par les œuvres de la loi, dit saint Paul, ou par prédication de la foi? (Galates, 3, 2). La main inhabile et rude du pouvoir civil, en se portant sur l'arbre de la foi, en fera tomber quelque belle fleur, en rompra quelque noble rameau; mais il ne lui donnera pas cette séve qui seule fait porter beaucoup de fruits (Jean, 15, 5). Il en est un seul qui la donne; c'est celui qui est le vrai cep et hors duquel nous ne pouvons rien produire.

Si même le pouvoir civil cherche à faire le bien, à établir des institutions vraiment évangéliques, l'esprit de parti s'en mêlera et excitera une opposition redoutable. Ce fut ce que Cromwell éprouva

souvent.

« J'aurais beaucoup à raconter, dit-il, si je vou<< lais énumérer les difficultés que nous eûmes « lorsque nous vînmes à établir des prédicateurs << dans le pays de Galles, ce que je désirais beaucoup

« pour ma part. Je ne saurais dire toutes les << souffrances que cette affaire suscita au pauvre << peuple de Dieu, épié par des hommes sembla<< ble à des loups dévorants, prêts à déchirer les « agneaux aussitôt qu'ils sont venus au monde. « Je ne me rappelle qu'avec douleur comment « le parlement foula aux pieds cette affaire, à << l'humiliation des honnêtes gens et à la gloire de << leurs adversaires dans toute cette république! »>

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L'essentiel pour une Église, après son union avec Christ, c'est sa position vis-à-vis du peuple chrétien, ses rapports intimes et constants avec les âmes, car le champ c'est le monde. Rien de plus fàcheux que si l'Église l'oublie, et si sa position visà-vis de l'État devient l'important pour elle. L'Église s'imaginera alors avoir rempli son devoir si elle maintient l'État dans une stricte orthodoxie. Mais qu'importe que le parlement soit le champion du protestantisme, si le vrai protestantisme, si la vie spirituelle et chrétienne ne se trouve plus parmi le peuple? Une Église pourra alors paraître de loin florissante, brillante. Mais celui qui a les sept Esprits de Dieu lui adressera cette parole: Tu as le bruit de vivre, et tu es mort! (Revel. 3, 1.)

Le sommaire de ce que nous venons de dire est ceci : Une Église nationale n'est en sûreté que quand, loin de se glorifier de son union avec l'État, elle ne se repose nullement sur les garanties que la constitution lui donne, et cherche uniquement sa vie et sa prospérité dans l'union avec son chef, dans la force que doivent développer en elle la parole et l'Esprit de Dieu, dans l'exercice

libre et énergique des forces intellectuelles, spirituelles et morales de chacun de ses membres et de toute la communauté.

Cette leçon est bonne pour les jours actuels.

Cromwell alla loin quant à la liberté religieuse, mais pas assez loin encore. Il eut tort en maintenant le patronage politique et le faisant simplement passer de l'épiscopat à l'indépendantisme. S'il eût laissé libres toutes les sectes, sans protection comme sans restriction, si l'épiscopat évangélique en particulier eût pu se mouvoir aisément, la religion se fût développée avec plus de simplicité et de largeur, et on eût probablement évité cette manière étroite et affectée, ce cant que les hommes du monde lui ont reproché, quelquefois peut-être avec raison. Le puritanisme eût exercé une influence vivifiante sur la religion épiscopale, et l'épiscopat une influence régulatrice sur le puri

tanisme.

Et pourtant, vu le temps où il vivait, Olivier fit à cet égard une œuvre immense. L'Angleterre devrait à cette heure lui élever un monument, — un arc de triomphe,

comme

AU FONDATEUR DE LA LIBERTÉ RELigieuse.

Nous déposons cette pensée devant ceux qui ont pris au sérieux la devise de Canning et l'ouvre de Cromwell.

CHAPITRE XI.

MORALITÉ, GLOIRE ET ANTIPAPISME DE L'ANGLETERRE.

L'État. Principe de vie. La gloire de l'Angleterre. - La cour de Cromwell. Sa décence et sa moralité. Triomphe de la Grande-Bretagne. Blake à Malaga. — Commerce. Protection aux lettres. Justice.

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Opposition

à l'Espagne. Antipapisme. - Ce que le triomphe des Stuarts eût amené. Nom de Cromwell. Le Lion de la tribu de Juda.

L'État fut pour Cromwell une institution divine, dont le maintien et le gouvernement appartiennent souverainement à Dieu. Il ne voulut point y voir, comme quelques-uns, une société purement humaine. Il ne crut pas que l'État reposât sur des faits simplement terrestres, tels que la conquête, les traités, les constitutions. Il reconnut l'influence de ces choses, mais pour lui planait au-dessus d'elles l'intervention de la Divinité.

Il alla trop loin dans quelques applications de ce principe. L'État est une institution contre le mal. Le prince est ministre de Dieu pour punir celui qui fait mal. A cet égard on pourrait croire que l'État et l'Église ont le même but, puisque Christ, le chef de l'Église, a paru aussi contre le mal, pour óter le péché du monde. Mais c'est dans des sphères forts distinctes que cette opposition au mal, qui caractérise également l'État et l'Église,

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