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ne veulent pas écouter « le son doux et subtil » que le Seigneur leur fait habituellement entendre, alors, pour parler comme l'Écriture: «< il passe devant eux dans un vent grand et impétueux, qui fend les montagnes et brise les rochers. >>

De tous les événements de l'histoire il n'en est point où la conscience universelle des peuples signale l'intervention de la Divinité d'une manière plus unanime, que les révolutions des empires, la chute ou le relèvement des rois. Ces grandes mutations sont d'ordinaire accompagnées de circonstances si inattendues, que les plus aveugles mêmes y reconnaissent une éloquente prédication de la puissance de Dieu. Quand les trônes se brisent, s'affaissent et s'abîment, le trône immuable du roi dont le royaume ne peut être ébranlé s'élève avec majesté aux yeux des plus incrédules. C'est ce que l'on a pu voir au milieu des convulsions qui ont ébranlé et ébranlent encore les pouvoirs de l'Europe.

De tels événements se passèrent en Angleterre au milieu du dix-septième siècle. Ce siècle fut celui de la papauté. Cette puissance se relevait partout alors, sous la direction suprême du jésuitisme, des coups terribles que la Réformation lui avait portés. Elle avait un seul chef spirituel, ce qui donnait de l'unité à ses mouvements; et pour l'aider elle avait une puissance politique, l'Espagne, dévouée à ses intérêts, active, fanatique, toute prête à lui donner son tróne et un grand pouvoir'. Aussi la papauté récupérait-elle beaucoup de terrain

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perdu, en Allemagne, en France, en Belgique, en Espagne et en Italie.

Si Rome parvenait aussi à reconquérir l'Angleterre, sa cause était gagnée dans le monde, pensaiton, et son triomphe assuré ; les fruits de la Réformation étaient à jamais perdus, et la Grande-Bretagne et l'Europe, peuplées de nouveau de prêtres, de jésuites et de moines, tombaient partout aussi bas que la péninsule Ibérique est tombée.

Les terribles catastrophes qui ébranlèrent les Iles Britanniques, au milieu du dix-septième siècle, furent les résultats d'une lutte contre le moyen âge et la papauté. Ce furent les tremblements de terre d'un pays que des feux souterrains menaçaient d'embraser. Quand des bandits attaquent le voyageur celui-ci leur fait peut-être mordre la poussière; mais ce n'est pas sur lui que la responsabilité de ce sang repose. Il ne leur eût pas ôté la vie en temps ordinaire. Une guerre est une guerre, et réclame, hélas! du sang. Or, c'est une guerre, que la papauté et son compagnon le despotisme faisaient aux Iles Britanniques dans les jours de Louis XIV et des Stuarts.

De nos temps c'est par quelques docteurs que Rome s'efforce de rentrer en Angleterre, alors c'était par ses rois. Le malheur et le crime des Stuarts fut de se rallier au pape et de vouloir y rallier leur peuple. Charles Ier fut une victime de la papauté. C'est une cause qui perd les princes et les nations qui l'épousent. Les Stuarts et les Bourbons en sont les monuments à jamais mémorables.

Pour sauver l'Angleterre du danger qui la menaçait, des moyens terribles furent, il est vrai, employés; mais un mal si redoutable ne pouvait être détourné que par des remèdes énergiques. La royauté fut renversée, et pourtant la royauté avait et a encore les respects de ce peuple. Une république fut établie, et pourtant une république dans un si vaste empire est une grande énigme, si ce n'est un rêve insensé. L'épiscopat fut aboli, et néanmoins cette forme de l'Église est celle que cette nation préfère. Le sang, le sang des rois coula, et pourtant il ne faut pas même dire du mal du roi (Ecclés., X, 20). Mais toutes ces choses s'accomplissaient parce que la main et le conseil de Dieu avaient auparavant déterminé qu'elles devaient être faites (Actes, 4, 28), et ainsi se réalisait cet oracle : Je t'ai donné un roi dans ma colère, et je l'oterai dans ma fureur (Osée, XIII, 11).

Si l'Angleterre voulait aux jours actuels, comme le voulurent ses princes au dix-septième siècle, restaurer la papauté; si le nombre de ces ministres infidèles qui abjurent l'Évangile pour le pape se multipliait dans son sein; si cette démence superstitieuse gagnait les congrégations elles-mêmes; si les chefs de l'Église continuaient à dormir, et, loin de sauver leurs troupeaux, les poussaient habituellement vers le loup qui les dévore; si le gouvernement, non content d'accorder la liberté au jésuitisme, l'encourageait encore en dotant ses séminaires, en payant ses prêtres, en bâtissant ses églises et en nationalisant de nouveau dans la Grande-Bretagne la puissance de l'évêque romain, alors on verrait probable

ment en Angleterre des crises, différentes sans doute, mais non moins redoutables peut-être que celles qui ont épouvanté le dix-septième siècle. La terre tremblerait et s'ouvrirait encore pour vomir les feux dévorants. L'étude des temps remarquables où la première lutte eut lieu ne fut donc jamais si nécessaire.

En les parcourant nous faisons deux parts, les faits et les hommes. Il y a des faits qu'il faut absolument et franchement condamner; mais n'est-on pas allé trop loin en faisant porter à quelques hommes la responsabilité de ces événements terribles? Ne se présente-t-il pas quelquefois dans le cours des siècles des circonstances si propres à ébranler les esprits, que les hommes, éblouis, étourdis, aveuglés, ne peuvent plus reconnaître leur route et ne sont plus que les instruments du Dieu qui châtie et qui sauve?

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C'est la pensée que, en parlant de cette époque, exprime un grand historien, qui est en même temps un grand homme d'État : « Le jour était venu, dit « M. Guizot, où le bien et le mal, le salut et le péril se mêlent et se confondent si obscurément, que les plus fermes esprits, hors d'état de les dis«< cerner, ne sont plus que les instruments de la << Providence, qui châtie tour à tour les rois par les peuples et les peuples par les rois'. » Depuis que ces paroles ont été écrites, un nouvel exemple, sous les yeux mêmes de l'historien, est venu démontrer la vérité de sa sentence.

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I

Guizot, Histoire de la révolution d'Angleterre, tome Ier, page 278.

Pourquoi s'appliquerait-on à noircir le caractère de ceux que Dieu a employés comme ses ouvriers? Le respect pour des esprits qui demeurent sincères, alors même qu'ils se trompent, n'est-il pas ici de saison et même plus que partout ailleurs?

L'Angleterre dès les premières années du dixseptième siècle était sur une pente rapide, qu'elle semblait devoir inévitablement descendre et qui devait la replonger dans l'abîme de la papauté. Dans le sang des Stuarts il y avait le sang des Guises. Ce que les Bourbons accomplissaient en France, les Stuarts, leurs amis, leurs alliés, plus anciens qu'eux dans le fanatisme de Rome, se regardaient comme appelés à l'accomplir au delà de la Manche, et sur une plus grande échelle encore. Sans doute ces malheureux princes ne peuvent tous être mis sur le même rang; mais on trouve en eux une progression constante vers Rome. Charles [er (1625) est plus opposé à la parole de Dieu et plus amateur de tradition et de hiérarchie que ne l'avait été Jacques I" (1603). Charles II (1660) l'est plus que Charles I. Jacques II (1685) surpasse tous ses prédécesseurs. Cette progression a toute la rigueur d'une loi mathématique.

La révolution despotique entreprise par les deux derniers Stuarts se chargea pour ainsi dire de démontrer la nécessité de la révolution libérale qu'elle prétendait combattre. Elle montra clairement que ce n'était pas contre des fantômes que, de 1642 à 1660, s'était soulevé le peuple d'Angleterre. Charles II, que sa mère, Henriette-Marie, déclarait à Louis XIV avoir abjuré l'hérésie de son

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