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passages du texte, que M. Labus diffère des opinions émises par M. Letronne, différences qui, toutefois, ne changent rien au sens général de ce texte, tel que le critique français l'a interprété. Le savant italien introduit le nom de Geta dans le texte qui est mutilé en cet endroit, par analogie avec d'autres inscriptions qui donnent des phrases semblables, où Septime Sévère, Caracalla, Geta et Julia Domna sont nommés dans le même ordre, et il interprète aussi les lettres SSI du milieu de la même ligue par le mot NOBILISSIMI, où M. Letronne avait reconnu les restes du mot PIISSIMI, et il a ainsi pour la ligne entière ET GETÆ NOBILISSIMI CÆSARIS, encore par analogie avec d'autres inscriptions de la même époque. Cette restitution semble donc fondée sur la véritable critique des monumens. Il en est de même des deux lettres M. K. qui suivent le nom de Julia Domna, et que M. Labus interprète, fondé sur les mêmes autorités, par MATRIS KASTRORVM, Il rapporte aussi l'époque de cette inscription à l'intervalle des années 198 à 209 de l'ère chrétienne, durant lequel Geta porta le titre de César, et comme le préfet romain nommé sur le monument a dû, selon M. Labus, exercer ses fonctions en Égypte entre 205 et 209, c'est dans ces limites qu'il renferme la date du monument.

M. Labus tire de ce résultat une considération qui ne serait pas sans résultats pour l'étude chronologique des monumens de l'Égypte, et la voici : Cette carrière de granit ayant été ouverte de 205 à 209, si la qualité et les caractères de ce granit étaient tellement spéciaux que l'on pût le distinguer de tous les autres granits de l'Égypte, il serait certain que les monumens de l'Égypte où il serait employé, devraient, par cela même, être attribués à des temps postérieurs à Septime Sévère. Mais la condition n'existe pas; les granits sont fort analogues dans leur composition, la même carrière en fournit de plusieurs nuances différentes et d'aggrégations qui ne sont pas absolument les mêmes: cette considération ne peut donc pas devenir un moyen de critique dans l'examen de l'antiquité relative des monumens,

L'inscription nomme le préfet sous l'administration duquel la nouvelle carrière fut exploitée : SVB. ATIANO. AQVILA. PRæfecto. ÆGypti. CVRAM. AGENTE. OPerum. DOMINICorum. AVRELio. HERACLIDA. DECurione. ALæ. I. MAVRORum.-M. Labus diffère de l'interprétation donnée de ce

passage par M. Letronne, en deux points: 1o. sur le préfet; 2o. sur la ponctuation générale de la phrase. Le savant français suppose que la syllabe sub a été omise au commencement du nom du préfet, par le graveur qui venait déjà de tracer la même syllabe comme préposition, et qu'en conséquence il faut lire Sub Subatiano Aquila. M. Labus observe à ce sujet : 1o. que ce nom Subatiano est inconnu à toute l'antiquité; 2°. que les noms des Atii et des Atiani y est très-fréquent, et il trouve du temps de Trajan le centurion Publius Atius Aquila, dont parle Pline le jeune, épit. X, 107 et 108. Par analogie encore, M. Labus lit ici Sub Atiano Aquila, præfecto Ægypti, et le nom de ce préfet est ainsi Atianus Aquila. C'est à lui que M. Letronne affecte la qualité de curam agente, qu'il sépare du reste de ce passage par une virgule, après laquelle il lit Operâ DOMINIci Coloni AURELii HERACLIDÆ, DEcurionis ALæ primæ MAUrorum. D'où il suit: 1°. Que le préfet de l'Égypte aurait été en même temps intendant des carrières; 2o. Qu'elles auraient été exploitées sous la surveillance d'Aurelius Héraclide, commandant d'un corps de cavalerie, et néanmoins simple colon de l'empereur. M. Labus n'admet pas le double titre accordé à Aquila par la ponctuation de M. Letronne, ni que le commandant Héraclide ne fût qu'un simple colon. Le texte de ce passage tel qu'il l'a rétabli, et tel qu'on le lit au commencement de ce paragraphe, est la conséquence de ses deux opinions contraires à celle de l'interprète français. Le texte même de l'inscription fournit cependant une objection à laquelle il est fâcheux que le savant italien n'ait pas eu égard le nom d'Héraclide est au génitif HERACLIDE, conséquemment en composition avec un autre mot, et M. Letronne en le faisant dépendre de opera s'est tenu à la fois et dans la rigueur du texte connu de l'inscription et dans la rigueur de la grammaire. Cette observation est donc en sa faveur; le doute entre deux opinions très-savamment développées de part et d'autre repose donc sur cet E final de ce nom. Bien des choses plus importantes pour l'histoire tiennent quelquefois à moins, et la véritable critique ne néglige pas ce que d'autres pourraient appeler des minuties: les savans qui la respectent ne peuvent cependant qu'à ces conditions prouver cette utile réserve dont l'oubli ou le dédain a si mal réussi, même à de très-habiles gens Ici, il faut attendre une nouvelle copie, très-exacte, très-authentique de l'inscrip

:

tion, pour se décider entre Milan et Paris. L'état actuel des choses témoigne en faveur du savant français, quoique les raisonnemens du savant italien reposent sur de bons principes; mais l'E de l'inscription est encore plus concluant.

La seconde partie de son ouvrage a un but historique d'une grande utilité : l'auteur s'y propose de retrouver, dans les auteurs et les monumens, la liste des préfets romains de l'Égypte depuis Auguste jusqu'au règne de Caracalla inclusivement. Ces résultats sont d'un haut intérêt pour les annales de cette contrée, durant la domination romaine. L'époque d'un préfet bien reconnue, donnera celle d'un monument où ce nom se trouvera sans autre indication chronologique. M. Letronne n'avait pas négligé ce point de critique dans ses Recherches sur l'Égypte grecque et romaine, d'après les inscriptions de cette contrée. La liste qu'il a dressée de ces magistrats en contient quinze, et M. Labus, en généralisant ce point de recherches critiques, a consulté à la fois les inscriptions de tous les lieux et les auteurs de toutes les époques. Il a composé ainsi un tableau de 37 préfets pour l'intervalle déjà énoncé, y compris deux anonymes mentionnés par quelques écrivains qui ne les nomment pas. Ce tableau est divisé par règnes; les noms des préfets sont rapportés à chaque règne, selon l'ordre de succession de ces magistrats, et l'époque de chacun d'eux est rapportée à une échelle chronologique selon l'année varronienne de Rome et l'ère chrétienne. M. Labus discute chaque nom et chaque époque avec une consciencieuse érudition; quelques conjectures se rencontrent par-ci par-là; mais ce travail nous a paru dans son ensemble digne de l'approbation du monde savant. D'autres travaux, dans ce même but, pourront y apporter quelques corrections; vraisemblablement aussi d'utiles additions; mais ils ne serviront qu'à compléter un ouvrage déjà très-utile. Pour concourir à ce but important, nous rappellerons ici deux élémens de ces recherches, qui ont été négligés par l'auteur de cette dissertation : 1o L'obélisque hieroglyphique de Bénévent a été élevé en l'honneur de l'empereur Domitien, dont il porte la légende (l'empereur César Domitien); et le nom propre de la personne qui a fait faire le monument et fait terminer ce bel ouvrage, nom qui se lit à la suite de la légende, est celui d'un Lucilius suivi d'un autre nom qui ne peut se lire que Lupus ou Rufus. Or, Suétone, comme le dit M. Labus, nomme un Métius Rufus

comme préfet de l'Égypte sous Domitien, et il résulte de l'obélisque et du passage de Suétone, ou que le Métius Rufus portait aussi le prénom de Lucilius, ou que le Métius de l'historien latin a pris dans son texte la place du véritable prénom Lucilius, et le plus sûr était pour M. Labus de désigner ce préfet dans son tableau sous le nom de Lucilius Métius Rufus; 2°. L'obélisque du cardinal Borgia a été élevé, en l'honneur d'un empereur dont le nom n'est pas connu, par un préfet nommé Sextus Africanus. On trouve dans le tableau de M. Labus un Caius Lælius Africanus, préfet de l'Égypte sous Domitien. Cet Africanus est le seul des préfets de sa liste qui porte ce surnom; ils'agit donc ici du même personnage qui aurait eu pour prénom Sextus, selon l'obélisque hiéroglyphique, et Caius Lælius, selon M. Labus. Mais celui-ci n'a tiré ces noms Caius et Lælius que d'une inscription latine en assez mauvais état, mêlée à deux autres sur le colosse de Memnon à Thèbes ; la seconde ligne porte CLETT AFRICANI PRAEF (VXOR), et c'est des lettres CLETT que M. Labus a fait C. LAEL (Caii Lælii Prefectiuxor). Il nous semble que le texte de l'obélisque et l'état des lettres de l'inscription latine, veulent qu'on lise SEXT. (Sexti, Sextus); c'est donc Sextus Africanus que M. Labus aurait dû inscrire dans son tableau, comme le nom du premier préfet en Égypte sous Domitien. Il résulte aussi de son travail que l'obélisque Borgia, dont on ne connaissait pas l'époque (le nom de l'empereur ayant disparu ainsi que sur l'obélisque Albani qui n'en est qu'une copie antique), ces deux monolithes doivent être attribués à Domitien. Le célèbre Zoëga avait conjecturalement rapporté ces deux obélisques aux rois égyptiens successeurs de Psammétichus, sans dire que l'obélisque Borgia était en quelque sorte un double de l'obélisque Albani. C'est de l'ouvrage de mon frère (Précis du système hieroglyphique, p. 43 à 48), que j'ai tiré les élémens des deux observations que je soumets aux lumières de M. Labus, et comme un témoignage de mon empressement à rendre hommage à l'utilité de ses recherches ; elles ne peuvent manquer d'exciter l'attention des savans qui, comme lui, s'appliquent à jeter quelques lumières de plus sur les points obscurs de l'histoire, par de doctes interprétations des monumens, et M. Labus a déjà fait ses preuves en ce genre. C'est une justice que l'on aime à lui rendre. C. F.

34. NOTICE DES MONUMENS EXPOSÉS DANS LE CABINET DES MÉDAILLES,

ANTIQUES, ET PIERres gravées de la BIBLIOTHEQUE DU ROI; suivie d'une description des objets les plus curieux que renferme cet établissement, de notes historiques sur sa fondation, ses accroissemens, etc.; par M. DUMERSAN; nouv. édit. augm. In-8°. 2 f. 2. Prix, 1 fr. Paris, 1825; Journé.

35. SUR UNE PATère antique en oR. Lettre du prince della Trebia, au professeur Scina. (Iride, giorn. di scienze, etc., per la Sicilia; n°. VII, p. 27.)

La patère en or, qui est le sujet de cette lettre, existe dans le cabinet du prince de la Trébia, et paraît être l'une des quatre patères de même métal, qui étaient autrefois dans le cabinet de Lucchesi, à Girgenti. Celle-ci a 8 pouces environ de diamètre. Son centre est relevé en bosse, et forme un disque de 2 pouces; la circonférence de ce disque est occupée par la figure de six bœufs ou taureaux marchant l'un à la suite de l'autre. Le baron de Riedesel, qui l'avait vue en 1767, pense que cette patère avait servi au culte de Cérès plutôt qu'à celui du dieu égyptien Apis. Le prince de la Trébia se prononce, au contraire, pour cette dernière opinion, vu les anciens rapports entre la Sicile et l'Egypte, et se fondant particulièrement sur ce que le boeuf Apis devait avoir sur le côté droit une tache qui approchait de la forme du croissant de la lune. On voit en effet la figure de ce croissant, tracée par des points dans l'intérieur du disque qui est au centre de cette patère. Cette question archæologique ne saarait être décidée en pleine connaissance de cause; les figures de taureaux peuvent n'être là qu'un simple ornement; il est vrai qu'un système, d'après lequel l'antiquité aurait été toute symbo lique, jusque dans ses ustensiles les plus vulgaires, plaît à bea¤coup d'esprits prévenus, et que quelques savans n'épargnent pas leur érudition pour accréditer cette manière assez commode de tout expliquer; mais ce qu'il y a de certain, c'est que le travail de la patère n'est pas égyptien, et que le style se rapporte en tout à celui des plus anciens monumens de l'Italie et de la Sicile. Ce serait donc à l'ancien culte de ces contrées qu'il faudrait raisonnablement l'attribuer. C. F.

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