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Le sujet qui sans la permission du Roi s'engagerait en temps de guerre au service d'une puissance étrangère n'étant pas en guerre avec le Danemark est passible de prison, ou, suivant la nature du cas, de travaux forcés jusqu'à l'année.

L'acte de recrutement est accompli depuis le moment où un individu est accepté pour le service étranger.

FRANCE N° 1.

Rapport de M. Treitt, conseiller de l'ambassade.

A l'honorable M. Julian Fane, ministre de S. M. B. à Paris.

Monsieur le Ministre,

Par votre lettre du 16 février 1867, vous avez bien voulu me demander quels sont les lois, règlements et autres moyens dont est armé le Gouvernement français pour empêcher en ses possessions les actes dont les belligérants pourraient se plaindre comme d'une violation des droits et devoirs de la neutralité.

Je m'empresse de vous répondre que les seuls textes applicables à la matière sont les articles 84 et 85 du Code Pénal, ainsi conçus :

« Art. 84. Quiconque aura, par des actions hostiles non approuvées par le Gouvernement, exposé l'État à une déclaration de guerre, sera puni du bannissement, et si la guerre s'en est suivie, de la déportation.

Art. 85. Quiconque aura par des actes non approuvés par le Gouvernement exposé des Français à éprouver des représailles, sera puni du bannissement. »

Vous voudrez bien remarquer que par la généralité de ces expressions, quiconque, actions hostiles; le législateur n'a pas voulu définir ce qu'il fallait entendre par actions hostiles, il en a laissé l'appréciation souveraine aux juges.

Il ne s'agit point dans les articles 84 et 85 du Code pénal, des machinations et manoeuvres au profit d'une puissance étrangère, et ayant pour objet de provoquer des hostilités. Ces machinations pratiquées dans une intention et un but criminels, rentrent dans les différentes espèces de trahison, lesquelles sont punies par les articles 76 à 83 du même Code. Les articles 84 et 85 s'appliquent aux simples cas d'imprudence, de témérité, de négligence; c'est moins l'intention que le fait matériel qui est puni. La loi ne voit que le résultat; ainsi :

«

La France a-t-elle été exposée à une déclaration de guerre, la guerre « a-t-elle été déclarée? Les Français ont-ils été exposés à des représailles? » Ces seules questions résolues affirmativement entraîneront l'application d'une des peines si sévères prononcées par la loi et en outre le payement de dommages-intérêts qui peuvent toujours être réclamés.

La gravité des circonstances le veut ainsi : même l'on avait proposé la peine de mort. Mais le législateur a pensé que la peine de la déportation suffisait pour exciter la prudence des citoyens dans leurs actes qui peuvent toucher à des belligérants (séance du Conseil d'État du 9 janvier 1810).

Il faut donc trois conditions pour qu'il y ait lieu à l'application des articles 84 et 85 du Code pénal:

1° Que l'action soit hostile.

2° Que l'action n'ait pas été approuvée par le Gouvernement.

3° Que la France ait été exposée à une déclaration de guerre ou des Français exposés à des représailles.

Je précise ces trois circonstances parce que c'est le pouvoir judiciaire seul qui est appelé à les résoudre et à décider de la culpabilité.

Si les juges décident que telle action n'est point une action hostile, et par conséquent non-violatrice de la neutralité, le Gouvernement devra respecter cette décision et pourra l'opposer au belligérant qui se plaindrait.

Si devant les juges l'accusé excipait d'une approbation, soit tacite, soit expresse par le Gouvernement, l'action incriminée ne pourrait plus être punie.

Enfin, si l'action hostile n'avait pas pour conséquence des représailles ou une éventualité de guerre, elle cesse d'être criminelle.

Comme on le voit ces articles dégagent beaucoup la responsabilité du Gouvernement vis-à-vis d'un belligérant. Ils ont pour but, comme l'a dit un illustre magistrat, de sauvegarder la moralité et la dignité nationale. Dans l'antiquité on livrait les coupables et on les abandonnait à la vengeance de la partie plaignante, aujourd'hui il n'en peut plus être ainsi, mais on a cherché des moyens pour donner satisfaction aux plaintes. C'est là que se trouve le principe des articles 84 et 85, car si ces articles n'existaient point on ne pourrait faire droit à de légitimes réclamations et il n'y aurait jamais que la guerre comme dernier argument.

Il n'y a que trois exemples marquants dans les annales de la jurisprudence de poursuites exercées en vertu des articles 84 et 85 du Code pénal.

En 1824 un capitaine français commandant un navire colombien avait enlevé un navire sarde et exposé les Français à des représailles.

En 1831 des individus habitant la frontière sont allés attaquer un poste des douanes sardes.

En 1834 des banquiers ont fait un emprunt et des fournitures d'équipement et de munitions au profit de Don Carlos engagé dans une guerre civile contre le Gouvernement espagnol.

Il ne faut pas s'étonner si ces cas sont si rares, les actes violateurs de la neutralité consistent généralement dans les livraisons d'engins et d'instruments de guerre. Or, en France, les poudres et les armes de guerre ne jouissent point de la liberté commerciale et industrielle du droit commun, ces deux objets sont sous la surveillance rigoureuse du Gouvernement, et il est fort difficile que l'on puisse armer des navires ou bien faire voyager ou effectuer des dépôts de poudre et d'armes de guerre sans que le Gouvernement ne soit averti et ne puisse les empêcher.

Il n'y a donc que les articles 84 et 85 qui puissent prévenir les violations de la neutralité; j'ai parcouru tout l'arsenal de nos lois ainsi que les auteurs qui ont traité de cette question; j'ai examiné les lois concernant les prises maritimes, la piraterie et la traite des nègres, je n'ai rien trouvé concernant votre question, laquelle n'a trait qu'au droit privatif français relatif aux violations de la neutralité sur le territoire de la France et qu'il ne faut pas confondre avec les règles générales ou du droit des gens concernant la neutralité.

A ce sujet il a été dit avec raison que souvent un fait grave d'hostilité n'amènera pas la guerre quand les deux pays seront en bonnes relations, mais que souvent aussi le fait le plus simple peut apporter les plus sérieuses complications quand il y a des sentiments hostiles d'une part ou d'autre.

C'est donc par le résultat des actions incriminées que l'on applique les articles 84 et 85; cela est contraire aux notions ordinaires du droit pénal, car on dit communément que l'intention seule constitue le crime.

D'autres nations ont des dispositions analogues dans leurs lois pénales, l'article 136 du Code prussien punit les nationaux qui exposent leur compatriotes à des représailles, et l'article 37 du Code du Brésil punit d'un emprisonnement d'une à douze années celui qui compromet la paix de l'État et expose les Brésiliens à des représailles en dehors des cas de trahison qui sont comme dans la loi française punis des peines les plus fortes.

Agréez, etc.

Paris, le 20 février 1867.

Signé TREITT.

A l'honorable M. Julian Fane, Ministre plénipotentiaire de S. M. B.

Monsieur le Ministre,

Conformément à votre lettre de hier soir je m'empresse de vous adresser le texte des lois visées dans la déclaration de neutralité du Gouvernement français du 10 juin 1861.

Je ne vous les avais point données dans mon avis du 20 février dernier, parce que, sauf l'ordonnance sur la marine de 1681, ils ne touchent pas directement les violations de la loi de neutralité; et puis je tenais à être court afin d'être lu et compris. Ce sont là les motifs qui m'ont déterminé à ne citer que les articles 84 et 85 du Code pénal dont les termes généraux comprennent tous les cas de violation de la neutralité.

Je n'avais pas à citer non plus la déclaration de neutralité du 10 juin 1861, le Gouvernement français à dù la notifier officieusement au Gouvernement de la Reine.

Quant aux faits relatifs à l'Olynde au Rapahannoch et autres corsaires du Sud, ces faits avaient été l'objet de communications assez nombreuses avec lord Cowley; la presse les avait d'ailleurs signalés et je pensais qu'ils étaient parfaitement connus au Foreign-Office.

Je vais faire des recherches pour savoir ce qui est advenu de chacun des corsaires signalés en France soit à l'état de construction seulement, soit à l'état naviguant et combattant ou pillant.

Dès que j'aurai pu recueillir mes renseignements, je m'empresserai de vous les transmettre; mais dès à présent je crois pouvoir vous dire que aucune de ces affaires de corsaires du Sud n'a été l'objet d'un débat retentissant et que toutes ont disparu de l'attention publique sans le moindre bruit.

La déclaration de neutralité de la France du 10 juin 1861 admet encore les corsaires pendant vingt-quatre heures dans les ports français. Plusieurs puissances neutres ont été plus loin; elles ont déclaré, dès l'année 1854, à l'occasion de la guerre de Crimée, qu'elles ne recevraient dans leurs ports les corsaires belligérants que dans le cas d'absolue nécessité 1.

1. Ordonnance du Sénat de Hambourg du 26 avril 1854, Ordonnance du Sénat de Lubeck du 28 avril 1854, de Lubeck la même date; du Gouvernement d'Oldenbourg du 20 avril 1854; du Roi de Suède 8 avril; du Danemark 20 avril; du Mecklenbourg 26 avril; du Hanovre 5 mai; des Deux-Siciles 17 mai; de Toscane 3 juin; de Belgique 25 avril; des fles Sandwich 17 juillet 1854.

Il y a là un progrès de la civilisation en attendant l'abolition uni

verselle de la course.

Agréez, etc.

Signé: TREITT.

FRANCE N° 2.

M. de Moustier, ministre des affaires étrangères, à M. Fane.

Monsieur,

Paris, le 26 février 1867.

Par votre lettre du 16 de ce mois, vous me priez de vous faire connaître les lois et les règlements qui existent en France au point de vue des actes que les belligérants peuvent considérer comme une violation des devoirs de la neutralité, la Commission nommée par la Reine pour l'examen des lois de neutralité désirant d'obtenir des informations à ce sujet.

Je m'empresse de répondre à cette communication.

A proprement parler, il n'y a pas de disposition dans la législation française qui marque d'une manière précise les limites de la neutralité à observer entre deux puissances étrangères qui sont en état de guerre, les questions de cette nature étant d'un caractère mixte et trouvant leur solution dans les principes généraux du droit international.

Il y a cependant dans le Code pénal français deux dispositions qu'on peut invoquer comme se référant à la neutralité : ce sont les articles 84 et 85 qui punissent les actes commis par des individus qui exposeraient l'État à une déclaration de guerre ou les Français à éprouver des représailles.

L'article 21 du Code Napoléon interdit aussi à tout Français de prendre du service à l'étranger sans autorisation.

A un point de vue plus spécial, on peut citer l'article 3 de la loi du 10 avril 1825 qui punit comme pirate le Français qui prend commission d'une puissance étrangère pour commander un navire armé en course;

L'article 67 du décret disciplinaire sur la Marine marchande du 24 mars 1852 qui interdit au marin français de prendre du service sans autorisation sur un navire étranger;

Certains paragraphes des articles 313, 314 et 315 du Code de justice militaire pour l'armée de mer relatifs à la désertion à l'étranger; L'ordonnance du 12 juillet 1847, et la loi du 14 juillet 1860 sur les armes de guerre.

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