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non-seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence.

Le premier de ces trois articles statue sur le droit de réclamer ce qui a été payé sans être dû. Or le contrat entre M. Arman et M. Bullock étant nul comme contraire à la loi française, il n'était rien du en vertu de ce contrat, et ce qui a été payé doit être restitué.

Quant aux deux autres articles, ils règlent le principe des dommages-intérêts dus par le fait ou l'imprudence des défendeurs.

Telle sera, dit-on, l'argumentation sur laquelle s'appuiera la demande du Président des États-Unis.

Mais jusqu'à présent le procès en est encore aux préliminaires. La loi française autorise les défendeurs à réclamer des demandeurs, quand ils sont étrangers, la caution judicatum solvi pour assurer le payement des frais du procès.

Devant le tribunal de première instance, MM. Arman et consorts ont demandé le dépôt de cent cinquante mille francs pour la caution judicatum solvi, à raison des frais du fisc et autres très-considérables que le procès occasionnera.

M. le Président a offert de déposer seulement cinq mille francs. Mais le tribunal a maintenu le chiffre demandé de cent cinquante mille francs.

M. le Président des États-Unis a interjeté appel de cette décision. La Cour impériale, jugeant en appel, a également maintenu les cent cinquante mille francs.

Maintenant M. le Président des États-Unis ne pourra donner suite à son procès qu'après avoir déposé cette somme dans une caisse publique. Ce procès ne sera guère plaidé avant trois mois.

Agréez, etc.

Paris, le 3 mars 1867.

Signé: TREITT.

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J'ai l'honneur d'adresser à Votre Seigneurie un nouveau rapport de M. Treitt au sujet du procès intenté par le Gouvernement des États-Unis, devant les tribunaux français, contre les personnes intéressées dans l'équipement de vaisseaux pour les États Confédérés. J'ai l'honneur d'être, etc.

A Lord Stanley.

Signé LYONS.

A Son Excellence lord Lyons, ambassadeur de S. M. B. à Paris.

Milord,

A la date du 20 février et 13 mars 1867, j'ai eu l'honneur de transmettre au Foreign Office les dispositions de la loi de France contre les violations de la neutralité, ainsi que des renseignements sur le sort de différents corsaires que les États du Sud avaient armés ou essayé d'armer pendant la guerre de la sécession en Amérique.

J'avais annoncé en même temps que les États-Unis devaient intenter un procès à plusieurs armateurs français pour les faire condamner, par les tribunaux de France, à restituer au Gouvernement de Washington tout l'argent que ces armateurs ont touché des agents du Sud, et, de plus, à lui payer des dommages-intérêts.

Ce procès est en ce moment pendant devant les tribunaux de première instance, à Paris, et il sera probablement plaidé dans le courant de l'année prochaine.

Je viens aujourd'hui mettre en relief les arguments sur lesquels les États-Unis basent leur action.

La demande se formule ainsi : « Dès le commencement des hosti«lités entre le Nord et le Sud, le Gouvernement français a affirmé sa « neutralité par une déclaration insérée au Moniteur du 10 juin 1861, « par laquelle déclaration il est interdit à tout Français de prendre << commission de l'une des deux parties pour armer des vaisseaux en « guerre, ou d'accepter des lettres de marque pour faire la course « maritime, ou de concourir, D'UNE MANIÈRE QUELCONQUE, à l'équipe« ment ou à l'armement d'un navire de guerre ou corsaire de l'une des « deux parties. »

Les contrevenants à ces défenses encourront les dispositions prévues par les lois, entre autres, les dispositions des articles sévères 84 et 85 du Code pénal français.

Une semblable déclaration avait été faite par l'Angleterre.

Néanmoins, les Confédérés du Sud trouvèrent, en Angleterre et en France, des gens très-empressés à violer les lois de leur patrie. Le Sud envoya, en Angleterre, les capitaines Maury et Bullock, sous la direction desquels furent armés et lancés sur les mers les corsaires l'Alabama et la Floride; mais le Gouvernement anglais, sur les énergiques réclamations des États-Unis, après avoir fait saisir l'Alexandra à Liverpool et le Pampero à Glasgow, finit par déclarer qu'il ne laisserait pas prendre la mer à deux béliers blindés qui se construisaient à Liverpool et fernia ainsi les chantiers et les arsenaux de la GrandeBretagne aux Confédérés. Ceux-ci alors s'adressèrent à la France. Ils

firent des traités avec M. Lucien Arman, grand constructeur à Bordeaux et membre du Corps Législatif.

Les États-Unis reprochent vivement à ce député d'avoir, dans les discussions du Corps Législatif, engagé le Gouvernement français à ne pas reconnaître le blocus des côtes du Sud et d'avoir ainsi voulu couvrir ses intérêts personnels du voile de l'intérêt politique et commercial de la France1.

En effet, M. Arman était, vers cette même époque, devenu le chef d'une association qui s'engageait à vendre au Sud des navires de guerre. Ces navires, disait-on, étaient destinés à établir une ligne régulière entre Shang-haï et San Francisco. Le contrat passé entre M. Arman et le capitaine Bullock est du 15 avril 1863. M. Arman s'engage à fournir, dans un délai de dix mois, deux navires; il est autorisé à confier la construction de deux autres navires à M. Voruz, également membre du Corps Législatif. Les deux premiers navires devaient être armés à Bordeaux; les deux autres à Nantes, ou plutôt à Saint-Nazaire.

M. Erlanger, banquier de M. Bullock, intervient au contrat pour en garantir en partie le payement.

Les États-Unis reprochent encore à M. Arman d'avoir, le 1er juin 1863, écrit une lettre au Ministre de la Marine pour lui demander l'autorisation d'armer ces navires et d'avoir sciemment trompé le Ministre en lui donnant l'assurance que ces navires étaient destinés aux mers de la Chine et du Pacifique, et d'avoir ainsi frauduleusement surpris l'autorisation gouvernementale, qu'il a, en effet obtenue le 6 juin 1863. Les États-Unis produisent tous les écrits à l'appui de leurs assertions; et toutes les circonstances, et toutes les conditions du contrat du 15 avril 1863 sont parfaitement établies par le texte du traité même et par la présentation des correspondances échangées entre les diverses parties engagées. De plus, par une lettre du 12 juin 1863, M. Arman proposait aux agents du Sud de se charger encore de la confection de six batteries canonnières blindées; il s'engageait aussi à obtenir les autorisations gouvernementales nécessaires pour l'armement de ces navires.

Tous ces faits avaient jusqu'alors échappé à l'attention du Gouvernement français, quand, en septembre 1863, M. Bigelow, consul américain à Paris, les signala à M. Dayton, ministre plénipotentiaire des États-Unis en France.

Celui-ci les fit connaître immédiatement au Gouvernement impérial, et demanda formellement à M. Drouyn de Lhuys que l'autorisation d'armer les navires, accordée à M. Arman par le Ministre de la Marine, lui fût retirée.

1. Discussion de l'Adresse, séance du 12 février 1863, Moniteur du 13.

Ces communications surprirent le Gouvernement français, ainsi qu'il résulte des dépêches de M. Dayton à M. Seward des 11 et 22 septembre 1863.

Il se fit un échange de correspondances entre le Ministre des Affaires étrangères et le Ministre de la Marine. Ce dernier déclare « qu'il ne pouvait que s'en rapporter à la déclaration de MM. Arman et Voruz «<et ne saurait être responsable des opérations illicites qui pourraient « être entreprises. »

Le Gouvernement français fit une enquête; MM. Arman et consorts nièrent énergiquement les faits dont l'évidence était cependant indiscutable, et, le 22 octobre 1863, M. Drouyn de Lhuys écrivait à M. Seward que MM. Arman et Voruz montraient une véritable indignation à l'endroit des charges qui pèsent sur eux.

Quoi qu'il en soit, le Ministre de la Marine notifia à MM. Arman et Voruz qu'il leur retirait l'autorisation qu'ils avaient obtenue pour armer les quatre navires en construction à Nantes et à Bordeaux.

Le retrait de l'autorisation ne semble pas avoir arrêté MM. Arman et consorts dans leurs opérations; les agents des États-Unis continuèrent leur étroite surveillance.

M. Arman, en février 1864, pendant la discussion de l'Adresse au Corps Législatif, proposa un amendement qui tendait à pousser le Gouvernement français hors des voies de la neutralité; mais cet amendement fut retiré par son auteur.

Dans une dépêche de M. Dayton à M. Seward du 14 février 1864, le Ministre américain à Paris regrette que cet amendement ait été retiré, car cela eût été une excellente occasion de mettre en lumière toutes les circonstances de l'histoire de la construction des corsaires à Nantes et à Bordeaux.

MM. Arman et consorts, pour dégager leur responsabilité, paraissent avoir affirmé au Ministre des Affaires étrangères de France que deux navires cuirassés avaient été vendus au Gouvernement danois; M. Drouyn de Lhuys le disait à M. Dayton le 4 février 1864.

M. Dayton prit des informations à Copenhague. La réponse du Gouvernement danois fut négative.

En avril 1864, pareille communication fut faite à M. Dayton par M. Drouyn de Lhuys, avec cette différence que cette fois les mêmes deux navires avaient été vendus à la Suède le 15 avril 1864; le Ministre des Affaires étrangères de Suède et Norvége démentait le fait dans une dépêche adressée au Ministre des États-Unis à Stockholm.

Enfin à la séance du 12 mai 18641, du Corps Législatif, l'orateur du Gouvernement donna les assurances les plus positives que les navires

1. Moniteur du 13 mai 1864.

de M. Arman ne sortiraient pas des ports français sans qu'il fût bien « démontré que leur destination n'affectait point les principes de neutralité que le Gouvernement français veut rigoureusement observer à l'égard des belligérants.

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En présence de ces allures si décidées du Gouvernement impérial, les deux navires de Bordeaux, l'Yeddo et l'Osaka, furent définitivement vendus et livrés à la Prusse en juin et juillet 1864.

Les deux navires construits à Nantes, le San-Francisco et le Shanghaï, donnèrent lieu à tout autant de surveillance, de correspondances que ceux de Bordeaux. Par suite des mesures prises par le Gouvernement impérial, les constructeurs nantais furent obligés de les vendre au Gouvernement péruvien, qui en prit livraison dans les premiers jours de 1865. M. Voruz assure avoir remboursé à M. Bullock toutes les sommes qu'il a reçues du Gouvernement péruvien pour prix de ces deux navires, et que ces sommes sont égales à celles qu'il avait lui-même touchées des agents du Sud; seulement un excédant de bénéfice a été partagé entre M. Voruz et M. Bullock.

Restaient encore deux béliers blindés avec éperons que M. Arman s'était engagé à construire par un deuxième contrat du 16 juillet 1863, par conséquent postérieur au contrat du 15 avril 1863. Ce sont là les deux navires qui avaient été déclarés comme vendus successivement au Danemark et à la Suède.

Voici leur histoire telle que la racontent les États-Unis:

L'un d'eux s'appelait le Sphinx. Le 31 mars 1864, un mandataire de M. Arman, M. Arnous-Rivière, signait un contrat de vente du Sphinx avec le Gouvernement danois. Le navire devait être livré le 10 juin 1864; mais il ne fut prêt que le 20 octobre, et le Gouvernement danois, sur le rapport de ses officiers, et aussi sur le rapport d'un arbitre du tribunal de commerce de Bordeaux, refusa définitivement de devenir acquéreur du Sphinx.

Mais M. Arman, sous prétexte qu'il voulait s'en rapporter à la générosité du Gouvernement danois pour le prix, obtint l'autorisation d'envoyer le Sphinx à Copenhague. Il le sortit ainsi du port de Bordeaux; le navire fut envoyé à Copenhague sous pavillon français, et reçut le nom de Stoer Kodder.

Mais le Gouvernement danois ne voulut point acheter (à aucun prix, paraît-il) le navire de M. Arman, et celui-ci dut șonger à le ramener en France. Comme le capitaine et l'équipage français avaient été congédiés à Copenhague à l'arrivée du navire, il fallut le pouvoir d'un équipage danois, et le même mandataire de M. Arman, M. ArnousRivière, obtint la faveur tout exceptionnelle de faire partir le navire sous pavillon danois, mais seulement pour le voyage de Copenhague

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