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puiser dans les dépôts et les arsenaux helléniques des ressources considérables pour l'exécution de leurs coupables entreprises. Le Gouvernement de S. M. le Roi entend-il sérieusement se disculper de la grave responsabilité qui lui en revient.

Tout le monde reconnaîtra que jamais la patience d'un gouvernement n'a été soumise à une plus affligeante épreuve. Nous avons fait le sacrifice de nos légitimes griefs dans l'unique but de rester fidèle jusqu'aux dernières limites du possible à notre politique de conciliation. Il est pourtant grandement temps de sortir d'une situation grosse des plus désastreuses complications, et ce n'est pas le bon vouloir du Gouvernement de S. M. I. le Sultan qui pourrait être mis en suspicion. Aussi, la S. Porte se demande-t-elle s'il faut à tout jamais renoncer à l'espoir de voir les hommes d'État qui dirigent le cabinet d'Athènes revenus enfin à de meilleurs sentiments pour comprendre et conjurer les dangers qui menacent les deux États.

Veuillez donc, Monsieur, faire une nouvelle tentative dans ce sens auprès du Gouvernement du Roi Georges et tâchez de le bien pénétrer de la pensée qui nous dicte cette démarche dans l'intérêt du maintien de l'ordre et de la paix. Nous n'avons d'autre désir, qu'on en soit persuadé, que de vivre en paix avec la Grèce et de préserver de toute atteinte nos relations amicales avec elle. Mais le Gouvernement hellénique répondra-t-il à ce sentiment, non par des paroles, mais par des faits qui nous donneraient des preuves de sa sollicitude pour conserver intactes nos relations? Au nom des intérêts mutuels des deux pays, au nom de l'humanité nous lui faisons cet appel. Mais s'il reste malheureusement aussi infructueux que nos efforts précédents, le Gouvernement de notre auguste Souverain donne, au moins, au monde par cette nouvelle et loyale démarche une occasion de plus de juger sur qui doit peser la responsabilité de l'attitude du Gouvernement hellénique vis-à-vis de son voisin.

Recevez, etc.

Signé: FUAD.

No 12. Fuad pacha, à Djémil pacha, à Paris, en date

de Constantinople, le 4 avril 1867.

Voir Archives, 1867, tome IV, page 1725.

N° 13. Fuad pacha à Photiadès bey, à Athènes.

Constantinople, le 24 avril 1867.

Monsieur, j'ai reçu le rapport responsif que vous avez bien voulu m'adresser le 3 avril, n° 2958/106, pour me rendre compte de votre entretien avec MM. Coumoudouros et Tricoupis sur l'attitude de la Grèce à l'égard de l'insurrection de Candie et des déprédations qui se commettent journellement sur les frontières de l'Empire par des bandes organisées et équipées sur le territoire hellénique.

Quelques jours après la réception de ce rapport, M. Déliyanni est venu m'entretenir d'ordre de son gouvernement, sur le même sujet, en me donnant lecture d'une dépêche qu'il avait reçue du Ministre des Affaires étrangères de Grèce et dont le contenu n'est que la répétition des mêmes arguments qui ont été mis en avant par les ministres helléniques à l'encontre de nos dernières représentations. Quoique le représentant de S. M. le Roi Georges ait déjà communiqué à Athènes les raisons majeures que je lui ai développées à l'appui de nos griefs, je n'en crois pas moins devoir vous en entretenir également à cette occasion. Mais je ne puis vous dissimuler d'abord la profonde répugnance que nous éprouvons de nous voir ainsi engagés dans une polémique oiseuse sur des faits qui, pour peu que nos voisins eussent voulu apprécier la franchise et la loyauté de nos représentations et la sincérité de nos sentiments à l'égard de la Grèce, n'auraient pu faire l'objet d'aucune discussion. Les ministres helléniques, tout en nous donnant toujours des assurances sur les dispositions amicales de leur gouvernement, cherchent à justifier leur ligne de conduite tant à l'égard de la Crète, qu'en ce qui concerne les frontières, en se basant sur les institutions du pays, qui, à ce qu'ils prétendent, accorderaient à tous sujets hellènes la liberté d'agir comme bon lui semblerait contre un individu ou un État étranger, sauf à la partie lésée de le poursuivre devant les tribunaux, ces mêmes institutions mettant le gouvernement dans l'impuissance d'agir administrativement contre lui. S'il est vrai que tout État n'a rien à voir dans les institutions d'un autre État indépendant, il n'est pas moins incontestable que nul pays n'est admis à faire prévaloir ses propres lois sur ce qu'on appelle le droit des gens, qui seul peut servir de règle commune aux rapports internationaux. Une telle doctrine ne tendrait à rien moins qu'à renverser de fond en comble tout le système de relations internationales universellement adopté. A ce point de vue, rien ne peut nous empêcher de promulguer telles lois qui accorderaient aux sujets ottomans la faculté d'user de représailles envers les Hellènes.

Mais venant à la question de savoir si effectivement les lois grecques refusent au Gouvernement le moyen de réprimer toutes ces tentatives d'agression, nous demanderons aux Ministres de S. M. le Roi Georges quelle application ils ont faite jusqu'ici de l'art. 127 du Code pénal hellénique qui punit de la peine de mort ceux qui, sans ordre ni autorisation du Gouvernement, enrôlent et recrutent en Grèce, euxmêmes ou par d'autres, des troupes ou des soldats, et ceux qui sciemment se laissent enrôler de cette manière pour une expédition; ainsi que de l'art. 136 du même Code, qui punit d'un emprisonnement de deux ans au moins ceux qui sans autorisation du Gouvernement enrôlent des sujets hellènes pour le service militaire d'une puissance étrangère.

Telle étant donc la législation grecque, comment les autorités du royaume pourraient-elles mettre à couvert leur responsabilité en présence de ce qui se trame journellement contre nous par les sujets hellènes aussi bien sur la ligne frontière que du côté de la Crète ?

Mais le Gouvernement hellénique trouve mieux de représenter à l'Europe nos Etats comme menacés par eux-mêmes d'une révolution générale et l'embarras que lui donne cette situation. Nous connaissons déjà par les journaux la circulaire que M. Tricoupis a adressée à cet égard à ses agents à l'étranger.

Je ne suis pas tenu, Monsieur, à démontrer à la Grèce l'état de la situation de notre Empire; mais d'un autre côté je ne puis laisser passer sous silence les accusations dirigées contre nous, par le Ministre des Affaires étrangères, de Grèce, et dont il fait le fond de sa politique. Franchement parlant, où nos voisins découvrent-ils les symptômes de cette catastrophe imminente qu'ils prédisent pour la Turquie? où sont ces armements dout ils parlent? Faut-il qu'ils aillent si loin pour se convaincre que les forces que nous avons dû réunir dans nos provinces limitrophes ont été placées exclusivement le long de la ligne frontière, et cela pour la garantir uniquement contre les tentatives des agresseurs hellènes, seule source de troubles pour ces contrées, tandis que rien n'a été changé à l'état normal de l'intérieur ?

Si nous avons dû faire une concentration de troupes dans les provinces limitrophes, ce n'est ni pour empêcher un soulèvement de nos populations, comme on le prétend, ni pour réaliser l'idée d'une agression contre la Grèce. La tranquillité parfaite qui règne dans ces provinces est une preuve éclatante pour l'une de ces assertions; quant à l'autre, elle n'a besoin d'autre argument que la conduite que nous avons tenue jusqu'à présent et qui témoigne assez de notre amour pour la paix.

Le Gouvernement hellénique ne nous a pas déclaré la guerre, mais

tous les Hellènes la déclarent, et le Gouvernement nous dit qu'il n'en est pas responsable. Est-ce là une position tenable? N'est-ce pas là plutôt, pour tout esprit impartial, une source de conflits fâcheux, et dépendra-t-il toujours de nous de les éviter? La responsabilité de ces conflits retombera tout entière sur le Gouvernement hellénique, et c'est de cette responsabilité que nous avons toujours parlé, n'ayant et ne voulant avoir aucune idée d'agression contre la Grèce, tandis qu'elle ne peut pas dissimuler ce qu'elle a contre nous.

Elle répond d'ailleurs à nos représentations amicales par des armements. Le dernier vote de la Chambre relativement à un emprunt le prouve suffisamment, et le but de ces préparatifs n'est un mystère pour personne.

D'ailleurs les projets nourris par nos voisins se dévoilent chaque jour par de nouveaux faits. Les deux récentes agressions commises encore ces derniers jours par les Hellènes sur nos frontières ont une gravité qu'il est à peine nécessaire de faire ressortir içi. Parmi les détails contenus dans les deux télégrammes ci-joints en copie de S. E. Edhem pacha relativement à ces incursions qui ont été heureusement repoussées, vous remarquerez, Monsieur, que plus de 200 soldats figuraient dans les rangs des malfaiteurs au nombre d'environ 1000, qui, commandés par le fameux brigand Gosto Zehlo, sont venus mettre à feu et à sang quelques-uns de nos villages.

Nous avons chargé nos autorités de faire une enquête sur l'identité des hommes qu'on a pris pour des soldats hellènes, et je reviendrai sur ce sujet, si le fait s'est passé d'une manière à convaincre le Gouvernement grec.

En présence de tels faits nous avons vraiment de la peine à vous expliquer que le Gouvernement hellénique se croit en droit de persister encore dans ses réclamations contre la présence des troupes irrégulières sur nos frontières.

Dans son entretien avec moi, M. Deliganni aussi est revenu sur le même objet, et il m'a demandé si la S. Porte entend suspendre l'exécution de la convention de 1865 relativement à la répression du brigandage?

Je lui ai répondu, et je vous le répète, Monsieur, que nous n'avons pas la moindre intention de cette nature; mais il faut que le Cabinet d'Athènes reconnaisse avec nous que tant que les autorités impériales de la ligne frontière se trouvent en butte à des tentatives d'agression journalières de la part des Hellènes, nous ne pouvons faire autrement que de mettre à l'œuvre tous nos moyens dans le seul but de préserver de toutes perturbations l'ordre public chez nous. En entretenant de nouveau M. Tricoupis dans le sens qui précède, vous pouvez lui déclarer franchement, que le Gouvernement impérial n'entend nulle

ment suspendre l'exécution de la convention de 1865, et qu'il n'a d'autre désir que de respecter scrupuleusement ses engagements avec la Grèce. Et puisque M. Tricoupis soutient que le même désir se trouve partagé par son Gouvernement, il me sera permis d'attendre des faits la confirmation de cette assurance, d'autant plus que, je regrette de le dire, toutes celles qui nous ont été prodiguées jusqu'ici ont été loin de se traduire en faits. Je dois ajouter aussi, Monsieur, qu'une fois que les autorités helléniques auront sérieusement remédié à la situation jusqu'ici intolérable de nos frontières, la S. Porte, loin d'y vouloir maintenir des troupes irrégulières, s'empressera d'abandonner les mesures extraordinaires de défense que les circonstances actuelles lui ont imposé la nécessité d'adopter.

Je vous prie de vous expliquer franchement une fois encore vis-àvis des Ministres de S. M. le Roi de Grèce, que si nous n'avons rien à demander de la Grèce, nous n'avons plus rien à lui donner, ce que nous avons fait jusqu'à présent et ce que nous devons faire dorénavant n'a et n'aura d'autre but que de nous préserver contre les actes, que rien ne peut nous montrer comme une marque de bon vouloir d'un pays voisin pour le maintien de ses rapports amicaux. Quant à nous, nous en avons donné jusqu'aujourd'hui assez de preuves, et à l'avenir nous devons régler notre conduite d'après celle du Gouvernement hellénique.

Agréez, etc.

:

Signé FUAD.

No 14. Fuad pacha aux Représentants de la Sublime Porte Paris, Vienne, Berlin, Saint-Pétersbourg et Florence, en date de Constantinople le 20 juin 1867.

Voir Archives, 1867, tome IV, page 1572.

ARCH.

DIPL. 1868 -III

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