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DES HOMMES.

SUITE DE LA DEUXIESME PARTIE.

BRANTOR. 11.

D'AUCUNES BELLES RODOMONTADES ESPAIGNOLLES.

A LA REYNE MARGUERITE.

MADAME,

Voici le livre d'aucunes Rodomontades et Rencontres espaignolles que de long temps je vous ay desdié, et promis dernierement lors que j'eus l'honneur de vous faire la reverance à Usson.

Je les ay toutes mises en leur langage, sans m'amuser à les traduire, autant par le commandement que m'en fistes, que par ce que vous en parlez et entendez la langue aussi bien que j'ai jamais veu la feu reyne d'Espaigne vostre sœur; car vostre gentil esprit comprend tout et n'ignore rien, comme despuis peu je l'ai encor mieux cogneu.

Ce fust esté aussy autant de superfluité pour vous, mais non pour d'autres personnes qui sont novices en ceste langue et leur fust esté un fort grand plaisir et commodité d'en faire une petite traduction; car telles en pensent parler et entendre bien la langue, qui s'y treuvent bien empressées. Aussy je n'ay faict ce livre pour elles, que pour vous.

Que s'il vous plaist, Madame, les vous faire lire, car vos beaux yeux ne sont digues de porter leur belle veue sur chose si basse, je croy que vous y prendrez quelque plaisir; car il y a de la seriosité et de la joyeuseté meslées ensemble. Vous priant, Madame, de n'en faire part à personne, ny les mettre en lumière; car si elles vous agréent, j'en seray très ayse, ne desirant plaire à d'autres qu'à vous: sinon

qu'y trouviez à redire, j'espere tant

de vostre bonté genereuse, que vous en couvrirez mes fautes, et en cacherez mon imperfection, en considerant qu'en pensant bien faire j'ay entrepris cet œuvre pour vous donner quelque plaisir.

Que si vous en trouvez aucun, j'en seray d'autant plus glorieux et hardy de vous presenter tous les autres, desquels je vous en ay monstré les suscriptions, qui sont les pieces entieres dont cestuy cy en est l'eschantillon; lequel je n'ay tant remply de son subject que je n'en aye faict une bonne reserve dans les autres livres, non seulement en ce qui touche les Espaignols, mais les braves François vos subjects, qui, en beaux exploits et bien dire, ont surmonté tousjours toutes les autres nations du monde.

Recevez donc, Madame, je vous supplie, ce livre qui vous est offert du meilleur de mon âme, ne pouvant mieux; et, comme dit l'Espaignol: reciba Vuestra Majestad lo que yo offresco, que es lo poco que puedo por lo mucho que deseo, y le place dar tal lustre que, cobierto del nombre y bondad de Sua Majestad, salga sin verguen a à sus pies 1.

Sur ce, Madame, je vous baise très humblement les mains, et vous supplie me tenir tousjours en qualité de vostre obeyssant subject, et très affectionné serviteur, BOURDEILLE.

1 Que Vostre Majesté reçoive ce que je lui offre. C'est peu en comparaison de ce que je desirerais; mais qu'il luy plaise d l'en rendre assez digne, en sorte que, couvert de son nom et de sa bonté, il se présente à elle avec plus de confiance.

RODOMONTADES ESPAIGNOLLES.

Les Rodomontades espaignolles certes elles | surpassent toutes les autres, de quelque nation que ce soit; d'autant qu'il faut confesser la nation espaignolle brave, bravasche et valeureuse, et fort prompte d'esprit, et de belles parolles profferées à l'improviste.

Je commanceray donc lors que le grand marquis de Pescayre, après la chasse des François hors de l'estat de Milan, eut bravement forcé et pris la ville de Gennes, qui tenoit pour les François. Il ne faut demander quelles rithesses il y avoit trouvées, et de combien l'arpée espaignolle s'en emplit; si bien que, quel

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que les malades en eussent chacun le leur pour ies porter; encor falloit-il qu'ils fussent visités par les medecins pour voir s'ils estoient vrayment malades, et qu'ils eussent tousjours sur eux leur patente pour faire foy, signée et de son capitaine et de son medecin.

Ce bandon faict, il y eut un capitaine nommé Vega, grenadin, el qual, con arrogancia y con gesto y palabras desbaratadas de enojo, en un corillo de soldados, commenzó, quasi razonando en publico y braveando: que si hallaba hombres semejantes á sí en animo y juicio, que trabajaria de modo que los soldados no tuviesen necessidad de aquella patente, los quales siendo debilitados por la sangre derramada en tantas batallas y victorias, merecian, por la honra de su valor, no solamente ser llevados á cavallo, mas en carros triumphales, á manera de los antiguos consules y emperadores romanos en sus glorias y triunfos1. Voyez quelle brave superbité!

Moy, estant un jour au Louvre, je vis entrer deux soldats espaignols, braves et bien en poinct, et de fort belle façon. Je cognus aussy tost qu'ils estoient Espaignols; et, d'autant que mon humeur a esté tousjours de les aymer, les practiquer et entretenir, comme certes parmy les gens de guerre il me semble n'estre point plus brave entretien que du soldat espaignol, car il triumphe de discourir de son art, je me mis à les accoster et à raisonner en espaignol; car j'ai veu que j'avois ceste langue aussi familliere que la mienne, et telles gens sont fort aises quand ils rencontrent un estranger qui parle leur langage. Je leur demandis dont ils venoient; ils me respondirent : De Flandes, serior. Y que nuevas? leur repliquay-je. -No otras,

1 Lequel, avec une arrogance militaire, et avec des gestes et des paroles toutes remplies de colere, commença à dire dans une assemblée de soldats, en parlant presque tout haut, et en menaçant: que s'il se trouvoit des hommes semblables à luy en courage et en jugement, il feroit en sorte que les soldats n'auroient aucun besoin de cette ordonnance; eux, qui estant affoiblis par le sang qu'ils avoient repandu en tant de battailles et de victoires, meritoient, pour l'honneur dû à leur valeur, non seulement d'estre portés par des chevaux, mais encar d'estre conduits dans des chars de triomphe, comme les anciens consuis et empereurs romains dans leurs jours de gloire et de triomphe.

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señor, me dirent-ils, sino quando somos par tido, ay seis dias, vinieron al principe de Parma mil y docientos hombres de armas de las viejas compañias de Napoles, las mas bravas de valor y de cavallos que salieron jamas del reyno, tan bien armados tan lucidos de oro y de plata, tan bien ataviados y emplumados de grandes y gentiles panachos, á manera de los antiguos soldados y legionarios romanos, á los quales se pueden igualar en todo: de modo que ahora la Flandes no ha que temer, pues que esta brava cavalleria esta juntada en nuestra infanteria española, que se puede decir la flor de todas las otras naciones, sin gastar (digo yo) la honra de los soldados franceses, que en verdad bravos son. Mas adonde son los soldados españoles, todos con razon deben callar, como Vuestra Merced, lo puede bien saber, puesque los habeis praticados y tratados, como yo lo conosco en su trage y hablar soldadesco 1.

Considerez, s'il vous plaist, où ces gens m'allerent faire et prendre leur comparaison ! Comme de vray, parmi ces belles antiquités de Rome, il n'y a rien encor de si beau à voir que ces braves legionnaires romains avec leurs habillemens de teste, tant couverts de plumes, les unes haussantes, les autres penchantes. Et si telle veue estoit agreable, elle estoit bien autant effroyable par la representation des horribles testes et grandes gueules de lions, et autres bestes espouvantables, qu'ils portoient naifves avec leurs peaux, ou faisoient engraver

1 De Flandres, monsieur. - Et quelles nouvelles ? leur repliquai-je. — Il n'y en a point d'autres, monsieur, me dirent-ils, sinon que, quand nous sommes partis, il y a six jours, il arriva au prince de Parme douze cens hommes des vieilles compagnies de Naples, les plus braves et les mieux montés qui sortirent jamais du royaume, si bien armés, si brillans d'or et d'argent, et si bien ornés et empanachés de grandes et belles plumes, à la maniere des anciens soldats et legionnaires romains, auxquels ils se peuvent egaler en toute maniere; de sorte qu'à present la Flandre ne peut plus tenir, puisque cette brave cavalerie est jointe avec notre infanterie espaignolle, qu'on peut appeler la fleur de toutes les autres nations, sans faire tort pourtant aux soldats françois, qui certainement sont braves; mais où sont les soldats espaignols, tous les autres doivent ceder avec raison, comme vous le pouvez bien savoir, puisque vous les avez vus et pratiqués, comine je le conno:s à votre maintien et à votre discours soldatesque.

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