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la circulaire anglaise du 3 janvier 1883, les Puissances se réservaient le droit de formuler d'autres propositions. C'est donc simplement un thème proposé à vos méditations, par lequel le Gouvernement français n'entend pas se lier lui-même et qui n'exclut ni les amendements ni les contrepropositions.

Peut-être serait-il difficile d'en aborder l'examen en réunion plénière. Nous proposons de renvoyer ce projet à une Sous-Commission composée d'un Délégué de chacune des Puissances signataires de la Déclaration de Londres. Cette Sous-Commission aurait pour mandat de préparer la rédaction d'un projet définitif, sur lequel nous statuerions en séance plénière; elle pourrait convoquer toutes les personnes dont les avis lui sembleraient utiles. · On laisserait à la Sous-Commission le soin de fixer ses réunions et de régler ses travaux. Je pense, d'ailleurs, que vous ne verriez point d'objection à vous en rapporter à votre Président pour convoquer la Commission plénière aussitôt qu'il verrait utilité à le faire.

« J'appelle la Commission à se prononcer sur les diverses propositions que je viens d'avoir l'honneur de lui soumettre. »

Les Délégués de Russie, d'Italie et d'Autriche-Hongrie réservent le droit de leur Gouvernement de désigner un deuxième représentant.

M. le Premier Délégué d'Angleterre croit devoir relever, dans le discours de M. le Président, le passage concernant l'étendue de la compétence de la Commission. Le Gouvernement britannique a donné pour instructions à ses Délégués de rester dans les limites tracées par la circulaire du 3 janvier 1883. Sir Julian Pauncefote ne pourrait, en conséquence, discuter des questions nouvelles non prévues dans cette circulaire."

M. Billot répond que le Gouvernement français est d'accord avec celui de Sa Majesté Britannique pour prendre ladite circulaire comme base des travaux de la Commission. Il rappelle toutefois que, d'après une dépêche de l'Ambassadeur de France, laquelle figure au dernier Livre jaune, Lord Granville a demandé lui-même à M. Waddington d'ajouter aux stipulations prévues en 1883 une clause relative au ravitaillement des navires de guerre dans toute l'étendue du canal de Suez. Se prévalant de ce désir, M. Waddington a demandé et il a été admis par Lord Granville que les Puissances auraient la faculté, aussi bien que l'Angleterre, de formuler d'autres propositions. Dans la pensée de M. le Président, les Délégués sont donc autorisés à formuler ses propositions à la condition qu'elles se rattachent aux dispositions insérées dans la circulaire anglaise de 1883 et qu'elles aient pour objet de les expliquer ou de les compléter.

Sir Julian Pauncefote fait observer qu'aussitôt après la publication du Livre jaune, Lord Granville a adressé une note à M. Waddington afin d'éviter les fausses interprétations qui pourraient résulter des termes de la dépêche à laquelle il vient d'être fait allusion. Il espère, d'ailleurs, après les explications fournies par M. Billot, qu'il ne se produira pas de divergences à cet égard entre les Délégués.

M. Barrère ajoute que, si l'on n'accordait pas une certaine latitude à la Commission pour ses études et ses délibérations, il serait difficile aux Délégués d'arriver à un résultat satisfaisant et qu'il eût été inutile de les

convoquer.

Cet échange d'idées ayant rencontré l'approbation générale, Messieurs les Délégués de France présentent à la Commission un projet de convention préparé par le Gouvernement de la République (Annexe n° 1).

M. le Premier Délégué d'Angleterre dépose également un projet rédigé au Foreign-Office (Annexe no 2), et basé sur les termes de la circulaire de Lord Granville.

Sur la proposition de M. le Président, la Commission désigne ceux de ses membres qui formeront la Sous-Commission proposée par lui. Ce sont :

Pour l'Allemagne M. de Derenthall;

Pour l'Autriche-Hongrie M. le Baron de Haan;

Pour la France: M. Barrère;

Pour la Grande-Bretagne Sir Julian Pauncefote;
Pour l'Italie: M. Ressman;

Pour la Russie: M. Hitrovo;

Pour la Turquie: Husny-Pacha.

Sur la proposition de M. Barrère, le Délégué de l'Egypte assistera également aux séances de la Sous-Commission avec voix consultative.

Husny-Pacha fait observer que, chaque Puissance étant représentée par un seul Délégué, c'est à titre exceptionnel que Fakhry-Pacha assistera aux délibérations de la Commission d'études.

Après avoir entendu Sir C. Rivers Wilson et M. Barrère, la réunion décide que la Sous-Commission pourra provoquer la convocation de la Commission plénière si des divergences graves sur des questions de principes se manifestent entre ses membres.

M. Asser demande comment travaillera la Sous-Commission. Tous les Délégués sont d'accord pour penser qu'elle doit être laissée maîtresse de fixer elle-même son ordre du jour.

Une discussion, à laquelle prennent part M. Billot, M. de Derenthall, M. Hitrovo et M. le Baron de Haan, s'engage sur la question du secret des délibérations. Il reste entendu que les délibérations demeureront secrètes, à moins que la Commission n'en décide autrement.

La Commission plénière se sépare, après avoir décidé que la SousCommission tiendra immédiatement sa première séance.

ANNEXE N° I

Projet de traité relatif à la liberté du passage par le canal de Suez, présenté à la Commission internationale par MM. les Délégués de la France.

Le Président de la République française,

Et.

voulant confirmer par un Acte conventionnel le régime sous lequel la navigation par le canal de Suez a été placée dès l'origine par les concessions de Son Altesse le Khédive et les firmans de Sa Majesté Impériale le Sultan, etc., etc.

Article premier. Les Hautes Parties contractantes s'engagent à ne porter aucune atteinte à la liberté du passage par le canal de Suez, en temps de guerre comme en temps de paix, et à faire ce qui dépendra d'Elles pour en assurer le respect.

La même garantie s'étend au canal d'eau douce qui devra être préservé de toute tentative d'obstruction.

Art 2. Les Hautes Parties contractantes s'engagent à n'élever aucune fortification sur le canal ou dans son voisinage, à n'occuper militairement aucun point en commandant l'accès, à ne rechercher aucun avantage territorial ou commercial, aucun privilège dans les arrangements qui pourront intervenir au sujet du canal de Suez.

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Art. 3. Les Hautes Parties contractantes ne maintiendront dans les eaux du canal aucun vaisseau de guerre. Elles pourront seulement faire stationner aux embouchures des bâtiments légers sous pavillon de guerre, dont le nombre ne devra pas excéder deux pour chaque Puissance.

Il est d'ailleurs entendu que cette disposition ne fera pas obstacle au transit des bâtiments de guerre, transit qui s'effectuera, comme celui de tous autres navires, conformément aux règlements en vigueur pour la navigation du canal. Art. 4. Une Commission, composée de Délégués des Puissances signataires de la Déclaration de Londres du 17 mars 1885, assistés des Commandants des stationnaires de ces mêmes Puissances, auxquels se réuniront un Délégué du Gouvernement ottoman et un Délégué du Gouvernement égyptien, sera chargée du service de la protection du canal; elle s'entendra avec la Compagnie de Suez pour assurer l'observation des règlements de navigation et de police; elle surveillera d'une manière générale l'application des clauses du présent Traité et saisira les Puissances des propositions qu'elle jugera propres à en assurer l'exécution.

Art. 5. En temps de guerre, le canal restera ouvert aux navires de guerre des belligérants. Les Hautes Parties contractantes s'engagent à n'exercer aucun acte d'hostilité dans le canal et dans les eaux territoriales d'Egypte, alors même que la Porte serait une des Puissances belligérantes. Les bâtiments de guerre des belligérants ne pourront y prendre ou y débarquer ni troupes ni munitions; ils devront, d'ailleurs, se conformer à toutes les prescriptions édictées par la Commission internationale.

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Art. 6. Les prescriptions des articles 3 et 5 ne feront pas obstacle aux dispositions que le Gouvernement égyptien, dans la limite des droits concédés par Sa Majesté Impériale le Sultan, jugera nécessaires pour assurer la défense du pays et faire respecter les dispositions du présent Traité. Dans le cas où le Gouvernement égyptien ne disposerait pas de moyens suffisants, il devra réclamer l'assistance de la Sublime Porte et des Puissances signataires de la Déclaration de Londres du 17 mars 1885.

Les Hautes Parties contractantes devront se concerter immédiatement pour arrêter d'un commun accord les mesures à prendre en vue de répondre à son appel. Art. 7. Toute Puissance, dont les navires de guerre causeront un dommage quelconque au canal, sera tenue de supporter les frais de la réparation immėdiate de ce dominage.

Art. 8. - Il n'est porté aucune atteinte aux droits souverains de Sa Majesté Impériale le Sultan et aux droits territoriaux de Son Altesse le Khédive, en dehors des obligations qui résultent expressément des clauses du présent Traité.

Art. 9. Les Hautes Parties contractantes s'engagent à porter la présente convention à la connaissance des Etats qui ne l'ont pas signée, en les invitant. a y accéder; le Protocole est, à cet effet, laissé ouvert.

ANNEXE N° II

Projet d'acte conventionnel relatif au libre usage du canal de Suez présenté à la Commission internationale par MM. les Délégués de la Grande-Bretagne.

I. Le canal maritime de Suez sera libre et ouvert à toujours, en temps de

guerre ainsi qu'en temps de paix, comme passage neutre, à tout navire, soit de commerce ou de guerre, traversant d'une mer à l'autre, sans aucune distinction de pavillon, moyennant le payement des droits et l'exécution des règlements en vigueur.

Par conséquent, le canal ne sera jamais assujetti à l'exercice du droit belligérant de blocus, et sa traversée d'une mer à l'autre, comme passage neutre, ne sera jamais entravée, quelles que soient les circonstances.

II. Il est interdit de débarquer des troupes ou des munitions de guerre dans le canal.

III. Il est interdit aux navires de guerre d'une Puissance belligérante de se livrer à aucun acte d'hostilité dans le canal, d'y faire entrer leurs prises ou d'y séjourner pendant plus de vingt-quatre heures, hors le cas de relâche forcée. En pareil cas, le navire sera tenu de quitter le plus tôt possible.

Les approches du canal, les ports qui en dépendent, ainsi que les eaux territoriales de l'Egypte, seront également à l'abri de tout fait de guerre.

IV. Est absolument interdit l'équipement des navires de guerre d'une Puissance belligérante dans le canal et les ports en dépendant.

Sont également interdits leurs ravitaillement et approvisionnement, sauf dans la limite « de leurs besoins nécessaires pour gagner le port le plus voisin. >>

V. Les dispositions des articles II, III et IV, n'auront aucune application aux opérations de guerre ou mesures de répression que nécessiteraient la défense de l'Egypte ou le maintien de l'ordre public.

VI. Aucune fortification ne sera élevée à une distance moindre de kilomètres du bord du canal.

VII. Les frais de réparation de tous dégâts faits ou occasionnés au canal par un navire de guerre seront à la charge du Gouvernement dont il ressort et seront remboursés dans le plus court délai.

VIII. Son Altesse le Khédive d'Egypte prendra toutes les mesures nécessaires, dans la limite de ses ressources, pour faire observer, s'il y a lieu, les conditions imposées par le présent Acte aux navires de guerre faisant usage du canal.

IX. Le présent Acte ne portera aucune atteinte aux droits de Son Altesse le Khedive en dehors des dispositions spéciales précipitées ci-dessus.

X. Les Puissances signataires s'engagent à porter le présent Acte à la connaissance des autres Puissances et s'emploieront à obtenir leur accession.

SOUS-COMMISSION DU CANAL DE SUEZ

Procès-verbal no 1. Séance du 30 mars 1885

Etaient présents,

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Pour l'Allemagne M. de Derenthall, Agent et Consul général d'Allemagne en Egypte;

Pour l'Autriche-Hongrie M. le Baron de Haan, Consul général d'Autriche-Hongrie à Constantinople;

Pour la France: M. Camille Barrère, Ministre Plénipotentiaire, chargé de l'Agence et Consulat général de France en Egypte;

Pour la Grande-Bretagne : Sir Julian Pauncefote, Sous-Secrétaire d'Etat permanent au Foreign-Office;

Pour l'Italie M. Ressman, Ministre Plénipotentiaire, faisant fonctions de Conseiller de l'Ambassade d'Italie à Paris;

Pour la Russie M. Hitrovo, Chambellan de S. M. l'Empereur de Russie, Agent et Consul général de Russie en Egypte;

Pour la Turquie Husny-Pacha, Général de brigade;

Pour l'Egypte Fakhry-Pacha, Délégué avec voix consultative.

La séance est ouverte à 2 heures.

Sir Julian Pauncefote propose à la Sous-Commission de déférer la présidence à M. Barrère. Le Délégué de France remercie la Sous-Commission de l'honneur qu'elle lui fait et lui propose de prendre comme Secrétaires MM. Francis Villiers et Soulange-Bodin, deuxièmes Secrétaires d'ambassade.

Le président demande à ses Collègues s'il n'y aurait pas lieu, avant de discuter en séance le projet de Traité français qui est basé principalement sur la circulaire de Lord Granville et le projet de Traité anglais qui serviront tous deux de bases aux travaux de la Sous-Commission, de consacrer quelques jours à l'étude de ces projets. Il est prêt, en ce qui le concerne, à discuter immédiatement, mais il se peut que ses honorables collègues désirent avoir le temps d'examiner les projets qui leur sont soumis. Il s'en remet sur ce point à l'appréciation de la Commission.

Sir Julian Pauncefote appelle l'attention de MM. les Délégués sur ce fait que le projet anglais ne contient rien de nouveau, étant basé sur la dépêche-circulaire de Lord Granville du 3 janvier 1883; c'est donc le projet français qui devra surtout fixer l'attention.

Les Délégués d'Allemagne, d'Autriche-Hongrie, d'Italie, de Russie, de Turquie et d'Egypte estiment que la semaine entière au moins leur est, nécessaire pour étudier les documents qui leur ont été remis.

Le Délégué Britannique pense que les Délégués des Puissances pourront, chaque fois qu'ils le jugeront utile, assister tous deux aux séances de la Sous-Commission.

Le Président, tout en partageant l'avis de Sir Julian Pauncefote, estime que c'est seulement à titre exceptionnel que les Délégués useront de cette faculté.

M. Barrère propose à la Sous-Commission d'entendre, à l'ouverture de chaque séance, la lecture du procès-verbal de la séance précédente. La Sous-Commission partage entièrement sur ce point l'avis du Président. La prochaine séance est fixée au lundi 6 avril.

SOUS-COMMISSION DU CANAL DE SUEZ

Procès-verbal no 2. Séance du 13 avril 1885

Le Président donne lecture des projets présentés par le Délégué de France et par le Délégué d'Angleterre, et les met en délibération.

Il propose de régler la procédure en prenant pour le texte de la discussion les divers articles du projet français, et en les rapportant aux articles anglais correspondants.

Sir Julian Pauncefote fait observer que cette manière de procéder ne serait pas en harmonie avec l'engagement diplomatique du 17 mars, dans lequel il est stipulé que la circulaire de Lord Granville servirait de base aux négociations ultérieures. Il s'agit aujourd'hui d'examiner si les deux projets en présence restent dans la limite de ladite circulaire; or il semble au Délégué britannique que ces deux projets sont inconciliables: le projet anglais, calqué sur la circulaire de Lord Granville, est fondé sur le principe de la non-intervention des Puissances à l'égard de la Puissance territoriale.

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