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M. Bebel, socialiste, nie qu'il y ait une relation entre les évènements de Belgique et la démocratie socialiste allemande. Il dit que la bourgeoisie belge a occasionné souvent, avec intention et préméditation, de semblables bains de sang. Il ajoute que le pouvoir gouvernemental lui-même les provoque.

(M. Bebel est rappelé à l'ordre à cause de cette déclaration.)

M. de Puttkamer s'attache à réfuter les assertions de M. Bebel et déclare que ce député est le plus dangereux de tous les agitateurs socialistes.

La discussion a continué dans la séance du 31 mars. M. de Bismarck a pris la parole. Les gouvernements confédérés, dit le chancelier, demandent la prolongation de la loi pour cinq ans, afin de donner une tranquillité durable aux populations, principalement dans les districts industriels. Ils sont convaincus de la nécessité de cette prolongation par les évènements qui se produisent dans les Etats voisins; le discours de M. Bebel, qui est sorti hier de sa modération habituelle, est un autre argument en faveur de cette prolongation. M. Bebel, non-seulement a approuvé les attentats des nihilistes russes, l'assassinat d'Alexandre II et des fonctionnaires fidèles à leur devoir, il a même déclaré que le régicide était permis et fait partie du droit de chacun. L'assassinat est donc inscrit dans le programme socialiste. Et on se demande s'il faut réprimer cette provocation au meurtre pendant cinq ans ou pendant deux ans? Le gouvernement, à la vérité, n'ajoute que peu d'importance à la durée de la prolongation, ce qu'il demande avant tout, c'est d'être armé contre le désordre. Si le Reichstag rejetait la loi, le gouvernement chercherait à se défendre par des mesures d'exception.

M. Bebel répond que, si le chancelier croit réellement que les socialistes prêchent l'assassinat, ce n'est pas la prolongation de la loi, mais son aggravation qu'il aurait dû demander. Expliquant les paroles qu'il a prononcées en 1881 après l'assassinat du tzar, l'orateur répète qu'il est resté sur le terrain de la théorie en faisant cette observation que le despotisme brutal conduit à des actes violents. Une situation semblable en Allemagne pourrait produire certai nement des résultats identiques, mais l'Allemagne, bien qu'on puisse se plaindre du despotisme du chancelier, est un Etat constitutionnel, avec la liberté de la presse et la liberté électorale. La classe ouvrière peut faire entendre sa voix au Reichstag. Le nihilisme n'est donc pas à craindre en Allemagne.

M. de Bismarck, très agité, se lève et dit : « Ilabemus confitentem reum! » Si une situation identique à celle de la Russie existait en Allemagne, vous vous croiriez autorisé à commettre un régicide. Il ne dépend done que de votre appréciation que le souverain soit menacé dans sa vie. Il y a donc des cas où l'assassinat est légitime à vos yeux. Est-il besoin d'ajouter autre chose pour justifier toutes les lois d'exception? Et cependant je ne demande ni à aggraver la loi contre les socialistes, ni à la transformer en loi définitive; mais, pour le salut de l'Etat et la sécurité de la Société, il est nécessaire qu'elle soit au moins prolongée pour un certain temps.

Après une nouvelle réplique de M. Bebel et quelques observations de M. Windthorst, le projet de loi tel qu'il a été amendé par M. Windthorst est repoussé; le projet du gouvernement portant prolongation pour cinq ans est également rejeté; enfin le projet avec un amendement de M. Hertling fixant à deux ans la prolongation est adopté par 173 voix contre 146.

Sociétés coloniales allemandes

La Commission du Reichstag chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'administration de la justice dans les territoires transocéaniques soumis au protectorat de l'Allemagne a reçu de M. Krauel, conseiller intime, commissaire

du Conseil fédéral, des renseignements intéressants sur la position légale des Sociétés coloniales allemandes, lesquelles sont au nombre de trois :

1o La Société de l'Afrique du Sud-Ouest. Elle a acheté les territoires acquis par M. Lüderitz, négociant, dans l'Afrique du Sud-Ouest et placés en 1884 sous le protectorat de l'empire d'Allemagne, et une ordonnance royale en date du 13 avril 1885 lui a accordé les droits d'une personne juridique en Prusse. Elle ne possède aucune lettre de protection, et elle ne jouit des droits de souveraineté que sur une petite partie de territoire; il s'agit plutôt d'une Société particulière à laquelle on a accordé, suivant les prescriptions légales, les droits d'une personne juridique en considération du but d'utilité publique que présente son entreprise. La surveillance sur cette Société est exercée par les ministres du commerce et de l'intérieur en Prusse.

2o La Société de l'Afrique orientale. Dans les lettres de protection délivrées à cette Société, il est dit : « Nous lui accordons l'autorisation d'exercer tous les droits, y compris la juridiction vis-à-vis des indigènes, des sujets de l'empire et des autres Etats s'établissant dans ses territoires pour y faire le commerce ou dans un autre but, découlant des traités qui nous ont été soumis, sous la surveillance de notre gouvernement et sous la réserve d'autres dispositions que nous pourrons prescrire pour compléter nos lettres de protection, à condition qu'elle reste une Société allemande et que les personnes chargées de la direction soient des sujets allemands. L'exercice des droits énoncés ci-dessus sera accordé aux mêmes conditions aux ayants ca ise de cette Société. » 3° La Compagnie de la Nouvelle-Guinée. - Les lettres de protection délivrées à cette Compagnie à la date du 17 mai 1885 lui attribuent « les droits de souveraineté, ainsi que le droit exclusif d'annexer au territoire du protectorat les pays sans maitres, d'en disposer et de conclure avec les indigènes des traités relatifs à des cessions de terrains, contre l'engagement pris par elle d'organiser un gouvernement, de le maintenir et de faire les frais d'une administration judiciaire suffisante; tout cela sous la surveillance de notre gouvernement, qui prendra les mesures nécessaires pour la souvegarde des droits de propriété acquis antérieurement en bonne forme et pour la protection des indigènes. La loi sur l'administration de la justice ainsi que la direction des rapports entre le territoire du protectorat et les gouvernements étrangers sont réservés à notre gouvernement. » Les lettres de protection n'ont été délivrées à la Compagnie que sous la condition qu'elle réglera dans le délai d'un an sa situation juridique conformément aux lois allemandes.

Jusqu'à présent les droits d'une personne juridique n'ont été attribués ni à la Société de l'Afrique orientale ni à la Compagnie de la Nouvelle-Guinée; mais cette dernière a déjà demandé qu'on lui accorde les droits de corporation d'après la loi prussienne. Actuellement il ne saurait être question, par suite du manque d'une loi d'empire sur cette matière, d'accorder ces mêmes droits au nom de l'empire. Tout ce qu'on peut faire, c'est d'attribuer à la Compagnie les droits de corporation, en vertu des prescriptions du Code civil prussien. Le chancelier sera probablement chargé de la surveillance de cette Société, cette mesure répondant le mieux au droit de suzeraineté acquis par l'empereur sur ce pays et à la rature même de l'entreprise.

ALSACE-LORRAINE

La Gazette officielle d'Alsace-Lorraine du 22 mars publie quelques renseignements sur les résultats du dernier recensement de la population, qui a eu lieu le 1er décembre 1885.

Le fait capital accusé par ce recensement est une diminution de la population. Le 1er décembre 1880, le chiffre total s'élevait à 1,566,670 âmes; le 1er décembre1885, il n'était plus que de 1,563,145 âmes. La diminution est donc de 0,22 0/0, soit 3,525 personnes. La basse Alsace a diminué de 13, la Lorraine de 3,801, tandis que la haute Alsace a augmenté de 289.

Dans les quatre principales villes d'Alsace-Lorraine, il y a augmentation de population. Strasbourg compte 112,019 habitants, soit 7,548 en plus qu'au dernier recensement; Mulhouse, 69,676 (+ 6,047); Metz, 53,928 (+ 797); Colmar, 26,524 (+418).

La Gazette officielle fait remarquer que l'excédent des naissances sur les décès, depuis le 1er décembre 1880 jusqu'au 1er décembre 1885, s'élève à environ 55,000 âmes, et que par conséquent, si l'immigration et l'émigration s'étaient compensées, la population totale, au lieu d'avoir diminué, aurait augmenté et s'élèverait non pas à 1,563,145 âmes, mais environ 1,620,000. La population ayant, au contraire, diminué de 3,525 âmes, il faut en conclure que l'émigration a été très forte.

BELGIQUE

Les troubles de Liège et de Charleroi.

du Gouvernement.

Communication

CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS (30 mars). — M. Beernaert, ministre des finances. Depuis notre dernière séance, de graves évènements se sont passés et le gouvernement croit devoir en entretenir la Chambre immédiatement.

Exploitant les difficultés d'une situation qui atteint toutes les classes de la société et qui est commune à toute l'Europe, quelques meneurs ont réussi à soulever un grand nombre d'ouvriers charbonniers et à provoquer les plus regrettables désordres.

C'est à Liége qu'ils se sont produits d'abord.

Vous connaissez, messieurs, les faits graves qui se sont passés dans cette ville, le 18 mars, et qui ont surpris les autorités locales. Ce jour-là et le lendemain, le service d'ordre a été accompli par la police, la garde civique et la gendarmerie. Mais des grèves ayant éclaté à Seraing et dans les communes environnantes et les grévistes prétendant faire cesser partout le travail en usant de violence, la troupe fut requise le 20 mars par le gouverneur de la province.

Elle se rendit aussitôt à cet appel et, dès le lendemain 21, la garnison de Liége reçut de nombreux renforts. Il en fut de même les jours suivants et toutes les localités importantes du bassin furent occupées militairement.

Cependant le désordre ne cessa pas immédiatement et à plusieurs reprises la troupe dut faire usage de ses armes. Deux ou trois personnes furent tuées, dont l'une par la balle d'un émeutier et il y eut d'assez nombreux blessés.

Depuis le 27 mars, aucun acte de violence n'a plus été signalé au gouvernement, et si la grève persiste encore dans quelques charbonnages, le travail a été repris dans beaucoup d'autres; dans les usines métallurgiques, il n'a, pour ainsi dire, pas été abandonné.

Les ouvriers se plaignent de l'insuffisance de leurs salaires et demandent en même temps la réduction des heures de travail. Sans doute leur position est digne du plus vif intérêt. Mais n'est-elle pas le résultat d'une situation exceptionnellement difficile et dont la durée dépasse toutes les prévisions?

Il s'agit surtout de l'industrie charbonnière. Eh bien, messieurs, voici quelques chiffres qui en résument la situation. Ils ne comprennent naturellement pas les résultats de 1885 qui n'ont pu être encore recueillis partout.

De 1876 à 1884, la moitié des charbonnages a donné un déficit de 73,471,000 francs. L'autre moitié a donné des bénéfices montant à 92,875,000 fr. Soit pour huit ans un excédent d'une vingtaine de millions comme rémunération de l'énorme capital engagé.

En 1884, le salaire moyen s'est abaissé de 3 fr. 35 c. à 3 fr. 5 c., salaire moyen de la journée de travail des hommes, des femmes et des enfants. Mais le prix de vente qui était de 10 fr. 17 c., est tombé à 9 fr. 53 la tonne. Ainsi 64 centimes de réduction, dont le salaire n'a supporté que la moitié, alors que d'autre part le prix de toutes choses n'a jamais été aussi bas.

Le produit des mines s'est réparti, en 1884, ainsi qu'il suit :

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Et si l'on avait distribué aux ouvriers toute la part du capital, celui-ci étant ainsi fourni gratuitement, il y aurait eu 20 fr. d'augmentation annuelle pour chaque ouvrier, soit 7 centimes de plus par jour de travail.

Ce chiffres ont assurément leur éloquence, mais je ne veux pas y insister aujourd'hui. Nous aurons sans doute l'occasion d'y revenir.

Tandis que la situation s'améliorait à Liége, des incidents beaucoup plus graves éclatèrent tout d'un coup à Charleroi.

Le 25, dans la matinée, on apprit que des ouvriers, qui s'étaient mis en grève la veille à Fleurus, avaient fait arrêter de force les travaux de plusieurs charbonnages, à Ransart et à Châtelineau.

Les choses s'étaient passées comme d'ordinaire en pareil cas. Les grévistes font irruption dans les établissements et ils font remonter le trait, en menaçant de couper les cordes.

Cette nouvelle grève ne semblait pas devoir prendre un caractère inquiétant, et aucune réquisition de troupes ne fut faite ce jour-là, ni par les autorités locales, ni par M. le procureur du roi.

Cependant, le même soir, le peloton de marche de la gendarmerie de la Flandre occidentale fut dirigé sur Charleroi, un escadron de cavalerie de la garnison de Tournai reçut ordre de s'y rendre également et M. le gouverneur du Hainaut prévint M. le bourgmestre de Charleroi qu'il n'attendait qu'un réquisitoire pour lui faire envoyer des renforts.

Le lendemain 26, dans la matinée, les désordres s'accentuèrent, et d'usine en usine, les grévistes faisaient cesser le travail, en usant de menaces et de violences.

Les troupes de la garnison de Charleroi, qui n'avaient encore été renforcées que par l'escadron de Tournai, furent requises par les bourgmestres de Châtelineau et de Couillet.

Le premier avait même réclamé leur concours, dès la veille, au soir. Le général commandant la province, sans même prendre les ordres de son chef, donnait à deux bataillons et à deux autres escadrons de la garnison de Tournai, l'ordre de se rendre à Charleroi.

Rien cependant n'annonçait encore en ce moment les graves excès auxquels une foule en délire devait se livrer bientôt.

Ce fut entre 2 et 3 heures que les grévistes en nombre considérable s'abattirent sur Jumet et Lodelinsart et, chose extraordinaire, ce furent les verreries qu'ils saccagèrent. Seule pour ainsi dire cette industrie se trouvait en ce moment dans des conditions de prospérité relative et les salaires des ouvriers y étaient rémunérateurs.

Eh bien ! en une heure, les plus beaux établissements de la contrée étaient mis à sac et bientôt on voyait les flammes dévorer l'usine et le château de M. Baudoux.

Des misérables enlevaient ainsi leur pain à toute une légion d'ouvriers; mais, là comme à Liége, à côté d'ouvriers égarés, il y avait la lie de la population et des repris de justice en grand nombre.

Ce fut là, messieurs, pour l'arrondissement de Charleroi une heure terrible, heure de véritable épouvante et telle fut aussi l'impression du pays tout entier. Mais la répression ne devait pas se faire attendre.

Dès 6 heures et demie du soir, les premiers renforts de troupes arrivaient; un peu plus tard, le général Vander Smissen était chargé de se rendre à Charleroi et 3 régiments d'infanterie et un régiment de cavalerie étaient dirigés sur cette ville de différents points du pays.

Toutes ces troupes furent rendues à destination avec une extrême rapidité.

Elles étaient à Charleroi avant la fin de la nuit, et le lendemain matin, elles étaient encore renforcées par deux bataillons de carabiniers.

Le 27 mars, de bonne heure, le général Vander Smissen avait ainsi à sa disposition 12 bataillons et 9 escadrons.

Et comme, dans le même temps, on exprimait des inquiétudes au sujet de la situation des bassins charbonniers du Centre et du Borinage, le gouvernement prenait les mesures nécessaires pour y envoyer également un corps de troupes important.

Le 28, dans la matinée, l'autorité militaire disposait à Mons de douze bataillons et de cinq escadrons et se trouvait ainsi en mesure de protéger la liberté du travail dans les deux bassins dont elle avait la garde.

Quelques journaux qui estiment devoir faire toujours et quand même de l'opposition, ont prétendu que les effectifs de ces différents corps étaient extrê mement réduits et ont attribué ce fait à des économies mal entendues. Il n'en est, messieurs, absolument rien, et mon honorable collègue de la guerre s'en est expliqué tout récemment au Sénat. Pendant l'année 1885, l'effectif des soldats sous les armes a dépassé le chiffre de toutes les années antérieures. Le dernier rapport décadaire, il date du 10 mars, constatait la présence de 44,750 hommes sous les armes. Cependant le gouvernement a cru devoir rappeler les classes de 1882 et de 1883. Cet ordre a été donné télégraphiquement le 27 dans la matinée. Dès aujourd'hui, il a reçu partout son exécution.

Telles sont, messieurs, les mesures militaires que le gouvernement a prises. Elles ont été promptement ordonnées et promptement exécutées, et le gouvernement se plaît à rendre un solennel hommage au bon esprit, au dévouement et à la modération dont la gendarmerie et l'armée ont fait preuve dans ces circonstances si profondément regrettables.

Ce n'est pas l'armée seulement qui a droit aux remerciements du pays, les Autorités judiciaires et les Autorités civiles ont fait preuve d'un égal dévouement. M. le gouverneur de Liège n'a cessé de parcourir les points menacés. Dès le 27, M. le gouverneur du Hainaut s'était rendu à Charleroi; il n'a pas quitté depuis le lieu du désordre.

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La garde civique, à Charleroi comme à Liège, a accompli sa pénible mission un dévouement que rien n'a pu lasser, et ceux qui la commandent, comme aussi les Autorités communales, ont été à la hauteur de leur pénible tâche.

Malgré le désarroi, malgré l'effroi bien légitime que des évènements aussi inattendus devaient amener au moins momentanément, la défense sociale s'est promptement organisée et de nombreux volontaires ont offert leur concours à l'autorité.

Les Administrations publiques ont également droit à la reconnaissance du pays. Les Administrations du chemin de fer et des télégraphes ont été une fois de plus à la hauteur de leur mission. Les nombreux transports de troupes dont je parlais tout à l'heure ont été effectués sans le moindre retard, sans le moindre accident, et cela sans que le service ordinaire en ait un seul instant souffert.

Aujourd'hui, messieurs, l'ordre se rétablit promptement à Charleroi, et déjà, dans beaucoup d'usines, le travail est repris. Dans d'autres, la reprise est annoncée. Et les ouvriers honnêtes, qui forment l'immense majorité de notre population laborieuse, échappent avec empressement à la pression que l'on exer çait sur eux.

Malheureusement ces résultats n'ont pu être obtenus sans que le sang ait coulé. A plusieurs reprises, la troupe attaquée, ou surprenant en flagrant délit des incendiaires et des pillards, a dû faire usage de ses armes.

Il y a eu des morts et des blessés. Nous n'en connaissons pas encore exactement le nombre.

Si graves, si déplorables qu'ils fussent, ces faits ont été notablement exagérés. Les bruits les plus sinistres circulaient, la presse s'empressait de les reproduire

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